12 janv. 2011

IL N’EST PAS TRÈS POPULAIRE D’AFFIRMER L’IRRÉDUCTIBILITÉ DE L’INCERTITUDE

Au secours, il ne sait pas !

Lundi, j'ai mis en ligne la courte vidéo tournée lors de ma conférence faite le 18 décembre 2010 auprès du Conseil Général de l'Eure. Dans cette vidéo, j'insiste notamment sur le fait que l'incertitude est irréductible, et que le rôle du management n'est donc pas de lutter contre elle, mais de prendre appui sur elle.

Sur ma proposition, cette vidéo a aussi été reprise sur le site AgoraVox TV. Ceci a permis d'amplifier sa diffusion et aussi de recueillir des réactions d'un public plus vaste, et moins sensible à mes propos sur l'incertitude. Le site permet à ceux qui visionnent un article ou une vidéo d'indiquer s'ils sont d'accord ou pas avec les propos tenus.
Quels ont été les avis sur ma vidéo ? Le résultat est net et clair : les ¾ ont été négatifs ! Je ne suis pas surpris : une fois de plus, il n'est pas très populaire d'affirmer l'irréductibilité de l'incertitude. Pour la plupart des gens, tout responsable qui dit ne pas pouvoir prévoir, est un menteur ou un incapable…

C'est d'ailleurs ce que dit Henri Atlan dans son dernier livre, La philosophie dans l'éprouvette, livre dont j'ai donné un patchwork, hier : « Peu d'experts ont le courage d'annoncer qu'ils ne peuvent pas répondre à la demande même en probabilité. Ils cèdent le plus souvent à la tentation de donner tout de même une réponse, soit pour rassurer, soit pour mettre en garde. »

Il est plus que temps de faire la pédagogie de l'incertitude !

11 janv. 2011

« LE NOMBRE D’ATTRACTEURS POSSIBLES VERS LESQUELS LE SYSTÈME PEUT CONVERGER EST BEAUCOUP PLUS PETIT QUE LE NOMBRE DE MODÈLES ET DE CHEMINS POUR Y ARRIVER »

Quand biologie, philosophie et incertitude s'emmêlent…

Patchwork tiré du nouveau livre d'Henri Atlan (*), La philosophie dans l'éprouvette.

Vie, auto-organisation, redondance
« Détournant une phrase de Schrödinger dans son fameux livre Qu'est ce que la vie ? selon laquelle la vie se nourrit d'ordre, Heinz von Foerster avait déclaré : « la vie a aussi du désordre au menu ». »
« Je me suis rendu compte qu'on peut rendre compte de ce genre de phénomène de façon formelle en mettant en évidence le rôle du hasard et d'une redondance initiale dans la création d'information. Ainsi des phénomènes classiquement considérés comme source de désorganisation et de mort sont apparus comme parties intégrantes de processus caractéristiques du vivant. »
«  Aujourd'hui, on s'aperçoit que les réactions chimiques dont on croyait qu'elles étaient les plus déterministes s'effectuent avec une part non négligeable d'aléatoire qui joue un rôle important dans la création de la diversité développementale. »

Sous-détermination des modèles et incapacité à prévoir
« Au contraire, la difficulté vient de ce que nous disposons de trop de bons modèles sans que les observations disponibles permettent de décider si l'un est meilleur que les autres, et idéalement de les éliminer tous sauf un. Or ces modèles reposent sur des hypothèses différentes et conduisent à des prédictions différentes sur de nouvelles observations futures éventuelles. C'est ce que j'avais alors appelé la « sous-détermination des modèles par les observations ».
« Quand on a affaire à un système complexe naturel sur lequel on ne peut pas expérimenter, comme c'est le cas par exemple en géologie, en volcanologie et en climatologie, une énorme sous-détermination des modèles par les observations est inévitable. Ceci doit rendre très prudent dans l'interprétation des rapports avec la réalité de ces modèles pourtant bons et validés par les observations disponibles ; et réservé sur la croyance à accorder aux prédictions d'évolutions futures qui en sont déduites. En outre, cette sous-détermination est souvent intrinsèque au système étudié et pas seulement une insuffisance de la modélisation. C'est ce que l'on observe parfois en biologie quand il existe une grande redondance fonctionnelle »
« Tout cela doit inciter à la prudence. Il ne suffit pas d'avoir trouvé le bon modèle qui explique ce que l'on observe pour conclure que ce modèle est vrai, et pour croire que les extrapolations qu'on pourra faire à partir de lui pour l'avenir sont forcément exactes. »

Sous-détermination et convergence
« Le fait de parvenir assez rapidement à la même conclusion est un aspect positif de la sous-détermination des modèles par les observations qui devient ici la sous-détermination des motivations par les conclusions. Ceci peut s'appliquer de manière intuitive : plus on a affaire à une question particulière et plus le nombre de réponses possibles se réduit. À la limite, il n'y a que deux ou trois possibilités : oui, non, ou à certaines conditions. En revanche, le nombre de raisonnements possibles pour y parvenir est beaucoup plus important, chacun d'eux dépendant d'un ensemble différent d'axiomes, de principes, de croyances, de visions du monde. Autrement dit, comme j'ai pu l'observer en construisant des modèles de réseaux immunitaires, le nombre d'attracteurs possibles vers lesquels le système peut converger est beaucoup plus petit que le nombre de modèles et de chemins pour y arriver. »

Expertise et incertitude
« Il faut reconnaître que l'expertise scientifique en situation d'incertitude est difficile. Peu d'experts ont le courage d'annoncer qu'ils ne peuvent pas répondre à la demande même en probabilité. Ils cèdent le plus souvent à la tentation de donner tout de même une réponse, soit pour rassurer, soit pour mettre en garde. »
« Plutôt que de tenter de prévenir des risques globaux incertains par des mesures globales à l'efficacité tout aussi incertaine, mieux vaut résoudre les problèmes localement en corrigeant ce qui peut l'être et en s'adaptant à ce qui ne peut pas être évité à court terme, par des mesures d'urbanisation et éventuellement de déplacements de population si c'est nécessaire. Plutôt que « sauver la planète », sauver les populations dénutries et sans eau potable. »
« Lorsque (les experts scientifiques) se trouvent dans une situation d'incertitude, ils recourent alors aux statistiques ou aux modèles, c'est-à-dire à une forme de demi-mensonge sans trop insister sur les interprétations critiques des résultats. »

(*) Voir aussi « Ciel, Dieu me parle », le florilège que j'avais tiré de son livre « A tort et à raison »

10 janv. 2011

7 janv. 2011

TROIS FORMES DE SOUHAITS EN CHANSON

_____ Éditorial du vendredi _______________________________________________________________





6 janv. 2011

ON FAIT SON ANNÉE COMME ON LA VIT

Bonne année à tous !

Voilà donc arrivé le moment de vœux de bonne année. Je ne veux évidemment pas déroger à cette tradition bien établie et sympathique puisqu'elle consiste à souhaiter le meilleur à ceux que l'on connaît et avec qui on est contact.
Mais que veut dire : souhaiter le meilleur ?

Il s'agit souvent de vœux de bonne santé. Dans ce cas, pas de soucis : effectivement, nous sommes d'abord des enveloppes physiques et notre cerveau – et donc ce qui supporte notre pensée et notre identité –, est un viscère. Aussi la santé est-elle un pré-requis à tout le reste. Mens sana in corpore sano, comme l'a dit un de nos romains ancêtres…

Mais pour le reste… Comment définir ce qui est meilleur, et comment le souhaiter à l'avance ? Tout est tellement aléatoire, incertain et personnel. Toute rupture, même douloureuse et subie, peut être à l'origine d'un nouveau départ. Tout succès apparent peut être l'occasion d'un endormissement et de la perte d'autres vraies opportunités.
Je crois vraiment que l'on réussit son année si l'on la construit jour après jour en saisissant ce qui se présente et en sachant aussi s'arrêter régulièrement pour prendre du recul. Un proverbe dit « on fait son lit comme on se couche ». En le paraphrasant, je dirais : « on fait son année comme on le vit. »

Ceci ayant été précisé, bonne année à tous les lecteurs de ce blog !

5 janv. 2011

NOUS AVONS BESOIN DE “TOY TRAINS”


BEST OF 2010 (publié les 20 et 21 octobre)

Pourquoi ne pas promouvoir le voyage arrêté ?

Dans les contreforts de l'Himalaya, dans les derniers kilomètres arrivant à Darjeeling, un train pousse à l'extrême la lenteur, puisque sa vitesse moyenne est inférieure à dix kilomètres par heure. Mais qu'importe ! Il n'est pas vraiment là pour permettre de se déplacer, mais simplement pour venir souligner la route sinueuse et les paysages escarpés. Pour ceux qui veulent aller plus vite, il y a les jeeps. Mais parler de vitesse même dans ce cas serait abusif, car, vu l'état de la route et la difficulté de procéder au moindre croisement, la vitesse moyenne est de vingt kilomètres par heure. Cette lente approche vers Darjeeling est une saine préparation à ce pays des brumes et du flou. Lent et progressif atterrissage.

Alors quitte à aller lentement, autant prendre le train ! Tiré par une locomotive à vapeur, il rappelle des images vues dans de vieux films. Sensation d'être au cœur d'une reconstitution historique. Ce train est appelé « Toy train », le train jouet. Je trouve cette appellation injuste et pour tout dire irrespectueuse de ce train qui fait ce qui peut et qui, finalement fait ce que l'on attend d'un train : il nous déplace ! Il est vrai qu'il ressemble à ces trains Märklin qui ont bercé mon enfance, mais pourquoi l'afficher ainsi ? Il pourrait se vexer, alors à quoi bon.

Ce train circule au milieu des voitures, des boutiques, des maisons, de la vie. Un anti-TGV sur tous les points ! Pas de barrières qui l'entourent, un confort plus que relatif, des arrêts fréquents pour remettre de l'eau dans la machine, la possibilité en côte de descendre du train et de remonter sans difficulté… Le TGV n'a pas à faire son fier, j'aimerais bien voir ce qu'il serait capable de faire sur les pentes raides qui vont à Darjeeling !

Comme les voitures, le train klaxonne, ou plutôt siffle, pour annoncer son passage et écarter ceux qui se trouvent sur sa voie, humains, animaux ou voitures. Car le train ne va pas s'arrêter, alors tout le monde se pousse. Dommage qu'il n'y ait pas de vaches dans ce coin, car j'aurais aimé voir qui allait gagner : le train allait-il arriver à faire se déplacer les flegmatiques vaches indiennes qui, se sachant sacrées, n'ont aucune raison de se faire du souci pour leur survie ? Pourquoi bouger ?

- Voir ci-dessous le film que j'ai pris sur le « Toy Train » -




Assis dans le train, je ne pense plus au déplacement – peut-on encore parler de déplacement à cette vitesse ? – et me laisse glisser dans une douce paresse. Je repense à cette chanson de Bénabar dans laquelle une jeune femme fait tout ce qu'elle peut pour arriver en retard. Elle cherche le moyen de déplacement le plus lent, espère manquer sa correspondance, choisit l'itinéraire le plus long. Comme je la comprends. Moi aussi, assis dans ce train, pris par la magie du train, la lenteur de ce paysage qui ne défile pas, mais glisse doucement, absorbé par les brumes de Darjeeling qui absorbent tout progressivement, je m'endors doucement

Prendre ce train, c'est aussi un peu comme lire Proust : une délicieuse sensation de surplace, d'approfondissement de la compréhension, de capacité à zoomer dans les détails du paysage comme Proust zoome à l'intérieur des situations.

Moi qui aime me sentir me déplacer pour avoir le temps de me préparer, je suis comblé ! J'aurais tellement ralenti que je vais avoir le plus grand mal à repartir de Darjeeling. Pourquoi aller ailleurs ? Pourquoi bouger ? Pourquoi voyager ?

Je suis loin de celui que j'étais dix ans plus tôt. Alors habitué à vivre professionnellement dans et entre les avions – le temps passé dans les avions était alors quasiment le seul disponible à la réflexion –, j'étais venu en Inde pour changer de millénaire : deux jours à Bombay, deux jours à Goa, puis à nouveau 2 jours à Bombay, six jours en tout en Inde. A un ami qui m'avait fait remarqué que c'était court, j'avais alors répondu : « mais j'ai passé deux nuits de suite au même endroit, où est le problème ? ».

Assis dans le « toy train », je suis conscient d'être arrivé à un autre extrême, mais est-ce vraiment un extrême ? Est-ce qu'en courant, en zappant, on est efficace ? Comme j'ai souvent eu l'occasion de le dire ou de l'écrire, s'il suffisait de courir pour être efficace, toutes les entreprises le seraient, car je ne vois que des gens qui y courent…

Pourtant quand survient une catastrophe comme le nuage de cendres islandais, ces mêmes dirigeants, si pressés, si indispensables, se retrouvent bloqués à l'autre du bout du monde et se rendent compte que le système continue à fonctionner sans eux. Forts de ce repos forcés, ils ont eu du temps libre devant eux…

Nous devrions promouvoir un peu partout des « toy trains », des espaces où le temps et le mouvement s'arrêteraient pour permettre à tout un chacun à réfléchir à ce qu'il fait.

4 janv. 2011

IL EST MOINS DANGEREUX D’INVENTER UN LION QUE D’EN MANQUER UN


BEST OF 2010 (publié le 7 septembre)

Nous avons été sélectionnés pour notre capacité à nous inventer des ennemis

Dans sa conférence diffuse par TED (voir ci-dessous), Michael Shermer parle de notre propension à construire des causalités artificielles.
Il commence en disant : « Croire est notre état naturel, notre option par défaut… L'incrédulité, le scepticisme, la science ne sont pas naturels. C'est plus difficile, plus inconfortable de ne pas croire. » D'où cela vient-il ? De nos origines animales.
Ainsi qu'il l'explique, quand on est dans la jungle, il vaut mieux se tromper en prenant le bruit du vent pour celui de la marche du lion que l'inverse : dans le premier cas, on a seulement fait une erreur de jugement et on n'en ressort qu'un peu plus stressé, mais toujours vivant ; dans le deuxième cas, on n'aura aucune chance de s'améliorer, car on sera devenu le déjeuner du lion. Il fait donc l'hypothèse que l'évolution a renforcé les individus qui attribuaient des causes à tout ce qu'ils percevaient.

D'où notre tendance à chercher constamment ce qui est caché derrière ce que l'on voit ou entend, ce qu'il appelle notre « pattern-seeking brain process ».
Au besoin, non seulement nous « inventons » des liens, des configurations, mais nous leur prêtons des intentions : d'abord le bruit que nous entendons, n'est pas le fruit du hasard, ensuite il devient provoqué par quelque chose qui poursuit un but, celui de nous attaquer. Nous passons ainsi de la création de liens artificiels à l'invention de buts et de finalités.
Et, plus notre survie sera en jeu, la situation incertaine, notre sensation de contrôle faible, plus nous inventerons des menaces qui rodent et rampent autour de nous.
A méditer…



3 janv. 2011

« AYEZ LE COURAGE DE SUIVRE VOTRE CŒUR ET VOTRE INTUITION »


BEST OF 2010 (publié le 6 septembre)

Quand Steve Jobs parle de son adoption, de son échec à 30 ans et de la mort…

Le 12 juin 2005, Steve Jobs est intervenu lors de la remise des diplômes de l'Université de Stanford (voir la vidéo ci-dessous). En quinze minutes, il explique comment trois épisodes clés de sa vie ont construit l'homme qu'il est. Ces moments sont éminemment personnels. En voici le résumé :
- « Vous ne pouvez pas relier des événements à l'avance, vous ne le pouvez qu'en regardant en arrière »(1) : Dans la première, il raconte qu'il a été adopté, car sa mère biologique voulait qu'il puisse suivre des études universitaires, et qu'elle savait n'en avoir jamais les moyens. Des années plus tard, il fut effectivement admis à l'Université, mais ne put finalement faire face aux coûts de la scolarité que pendant six mois. Il a alors quitté le parcours officiel pour ne suivre que les cours qui lui plaisaient vraiment. C'est ainsi qu'il s'est intéressé à l'art de la calligraphie. Dix ans plus tard, c'est ce qui lui permit de donner naissance au design d'Apple et à sa typographie.
- « La seule façon de faire du bon travail est d'aimer de ce que l'on fait »(2) : Dans la deuxième, il explique comment il a été licencié de l'entreprise qu'il avait créée, Apple. A trente ans, il a dû se remettre en question et supporter la perte de ce qu'il avait construit. Après un moment de doute, il a compris que, même rejeté, il aimait toujours ce qu'il avait fait et qu'il devait recommencer de nouvelles aventures. Sont ainsi nés Pixar et Next. Pixar a révolutionné le monde des dessins animés, et Next a finalement été rachetée et sa technologie est au cœur aujourd'hui d'Apple.
-  « Si ce jour était le dernier jour de ma vie, est-ce que je voudrais faire ce que j'ai prévu de faire aujourd'hui ? »(3) : Dans la troisième, il dit que l'arrivée possible de la mort a toujours conduit ses choix. Face à la mort, on comprend que l'on n'a rien à perdre. Il y a un an, il a appris qu'il avait un cancer du pancréas et qu'il n'avait plus que quelques mois à vivre. Finalement il s'est avéré qu'il avait une des rares formes de ce cancer susceptible d'être traité, et le voilà donc aujourd'hui guéri.
Il termine en disant aux étudiants que, reprenant une devise qu'il avait toujours suivie, de « rester affamé et stupide »(3) !
Au-delà de la richesse et la profondeur des propos tenus, ce qui me frappe est leur sincérité et la capacité de Steve Jobs à parler vrai : il parle simplement de lui-même, montrant qu'il n'y a pas deux Steve Jobs, l'un qui dirige Apple, l'autre qui est un homme privé. Il est un et unique, et c'est sa force.
Imaginerait-on un dirigeant français être capable de tels accents de sincérité et de se mettre ainsi en jeu aussi personnellement ? Et un homme politique ?

(1) "You can't connect the dots looking forwards, you can only connect them looking backwards."
(2) "The only way to do great work is to love what you do"
(3) "If the day was the last day of my life, would I want to do what I am about to do today?"
(4) "Stay hungry, stay foolish"

31 déc. 2010

“WHY MUSIC? BECAUSE WE LOVE MUSIC”


BEST OF 2010 (publié le 6 juillet)


Les mers sont des besoins fondamentaux de l'humanité et du monde

« Une mer est un besoin fondamental et stable qui, quels que soient les aléas, va structurer le fonctionnement de notre société à long terme, orienter les évolutions, et attirer vers lui les courants. Cela peut être un des éléments constitutifs de notre écosystème social, comme la beauté, la communication, les loisirs, le déplacement, l'alimentation, la sexualité… Ou encore un des composants indispensables au fonctionnement des processus comme la gestion des gaz, les déchets, l'énergie. (…)
Quand vous demandez à L'Oréal de définir sa stratégie, il va répondre la beauté de la femme, et plus récemment celle de l'homme. Il a précisé sa mer en ne s'intéressant pas à toute la beauté, mais à celle qui a trait à la peau, au cheveu et au parfum. Il mobilise ainsi trois de nos cinq sens : la vue, le toucher et l'odorat.
De même Nestlé avec la nutrition et la santé (mer aussi visée par Danone), Saint-Gobain avec l'habitat, Total avec l'énergie ou Air Liquide avec la gestion des gaz. »(1)

Quand Steve Jobs lance le 23 octobre 2001 l'iPod, il ne sort pas de grandes statistiques, ni ne fait de prévisions détaillées.
Que dit-il ?
- La musique est une mer : « C'est une part de la vie de chacun », « Ce n'est pas un marché spéculatif »,
- On peut améliorer l'accès à cette mer : « Personne n'a encore trouvé la recette pour la musique numérique »,
- Apple a trouvé des réponses multiples : « Toute votre bibliothèque musicale tient dans votre poche », « Ultraportable », « Dix heures d'autonomie »,
- Apple est légitime : « Les gens font confiance à Apple », « Nous aimons la musique », « iMac, iBook, iPod », « Apple design »



(1) Extraits des Mers de l'incertitude p.109-110

30 déc. 2010

IL Y A UNE DISSOCIATION ENTRE LE TEMPS HUMAIN ET LE TEMPS DE L’INFORMATIQUE


BEST OF 2010 (publié le 14 avril)

Le temps n'a pas de vitesse

En 2008, Stéphane Paoli a réalisé un documentaire centré sur le philosophe français, Paul Virilio. Ce film intitulé « Penser la Vitesse » est une réflexion riche sur le temps (diffusé sur Arte et disponible sur Arte Vidéo).

En voici, un patchwork :
« Un original, une œuvre d'art intègre de la durée. Avec un clic de souris, on peut copier tout en numérique et l'envoyer au monde entier. (…) Il faut faire de sa vie un original, c'est-à-dire une œuvre d'art. » (Joël de Rosnay)
« Le temps n'a pas de vitesse. (…) Ceci sous-entendrait que le temps se déplace par rapport à lui-même. (…) Ce qui accélère, c'est ce qui se passe dans le temps et pas le temps lui-même. » (Etienne Klein, physicien CEA)

« La vitesse, c'est la violence suprême. Avec une main, on peut caresser ou gifler. » (Paul Virilio)
« Le monde virtuel, c'est le sixième continent. C'est un substitut à la patrie. C'est une colonie de substitution. » (Paul Virilio)   
« On a une synchronisation des émotions, une mondialisation des affects en temps réel. (…) Une communauté d'émotions remplace les communautés d'intérêts. » (Paul Virilio)
« On est au bord du monde la totalité. Il va falloir gérer le tragique de la situation. (…) Le 20ème siècle m'apparait vraiment obsolète. (…) C'est tragique, mais pas triste. » (Paul Virilio et Enki Bilal)
« Un optimiste, c'est un homme qui voit une chance derrière chaque calamité. » (Winston Churchill)

« Avec l'informatique, on est passé à la nanoseconde, la picoseconde. Ce sont des temps plus rapides que le temps humain. (…) Il y a une dissociation entre la perception et la vitesse des échanges : c'est très aliénant. » (Jeremy Rifkin, Foundation on Economic Trends),
« Plus la vitesse s'accroît, plus l'impatience aussi. On a de moins en moins d'attention et de concentration, on zappe, car on est distrait par la quantité de l'information permanente, le bruit. (…) Notre cerveau n'est pas multitâche. (…) Nous sommes moins concentrés, moins attentifs, moins introspectifs, moins prospectifs, toutes qualités nécessaires pour affronter ce monde complexe. » (Jeremy Rifkin)
« On ne peut pas s'ajuster à la vitesse et à la densité des échanges. On prend des drogues pour essayer de se réadapter (car la drogue accélère ou ralentit notre référentiel temporel). Il y a un décalage entre la temporalité personnelle et celle de la société. » (Jeremy Rifkin)
« Dieu est si efficace qu'il peut exiger quelque chose, et que ça arrive sans aucune durée, sans que le temps s'écoule. Instantanément. (…) Le niveau suprême d'efficacité, c'est optimiser le rendement dans un laps de temps si court qu'il n'y a plus de durée. (…) Ainsi on est constamment en vie. » (Jeremy Rifkin)

29 déc. 2010

UN DIRIGEANT NE DOIT PAS ÊTRE UN SHOW MAN, MAIS UN “CHAUX-MAN”

BEST OF 2010 (publié les 27, 28 et 29 mars)

"CHAUX" TIME

Nous vivons de plus en plus dans un monde de l'immédiateté et de l'apparence :
  • Comme j'ai déjà eu l'occasion de l'écrire à de multiples reprises, nous vivons de plus en plus dans l'instant et nous avons un rapport maladif avec le temps. Nous avons peur de perdre du temps, alors que le temps est une des rares choses que l'on ne peut pas perdre (voir « Non, vous ne perdez jamais du temps ! »)
  • Parallèlement, nous ne prenons plus le temps (eh oui, le temps est là à nouveau…) de réfléchir et de comprendre. Du coup, nous en restons aux apparences et à la surface des phénomènes. Nous ne sommes même plus victimes des modes, nous vivons au travers d'elles et grâce à elles.
Notre société devient ainsi un grand amplificateur des rumeurs, des opinions et des « on dit ». Mais comme nous sommes une société évoluée et sophistiquée, nous nous méfions des idées qui ne sont pas ni « scientifiquement » prouvées, ni « technologiquement » portées.

Mais si un modèle mathématique nous démontre que tel phénomène est en train de se produire, ou même risque de se produire…
Mais si Internet véhicule vers nous la nouvelle nouvelle, l'information brute sans intermédiaire ou le scoop venant de nulle part…
Alors tout le système média-politique s'emballe… et chacun d'entre nous le relaye sans problème.

Auparavant nous ne nous levions que pour faire des holàs dans des stades ; aujourd'hui le monde entier fait des holàs numériques.
Sans réfléchir, nous passons collectivement d'un tsunami thaïlandais à des cendres islandaises, d'une crise des subprimes au dernier incident amoureux de David Beckham. Nous nous émouvons d'un réchauffement climatique potentiellement à venir, tout en laissant mourir de faim ou du sida une partie de l'Afrique…



Je suis assis sur la terrasse de ma maison perdue dans la campagne provençale quand je tape ces lignes. Et j'ai dans les mains encore les traces de cette chaux que je viens d'appliquer au mur Est de mon hangar. « Chaux » time…
 
Je viens de passer une bonne partie de l'après-midi à reprendre à la chaux le mur Est du hangar de ma maison en Provence. En fait, j'ai commencé cela depuis quelques jours.
J'aime cette activité où l'on travaille à la fois sur l'apparence des choses – si le mélange de sables a été judicieusement fait, le mortier à la chaux se fond en une aquarelle qui vient souligner le contour des pierres –, et sur la solidité du mur – la chaux est d'abord là pour maintenir les pierres en place et les lier entre elles.
C'est aussi une matière naturelle que l'on mélange avec du sable et de l'eau. Du choix des sables dépendra l'apparence : comme un peintre joue de la palette de ses couleurs, je vais jouer de celle de mes sables. Plus ou moins fin, avec ou sans des particules colorées, jaune, blanc ou gris…
Ensuite la mise en œuvre d'un mortier à la chaux ne peut pas être accélérée, il faut en respecter les rythmes et les caprices.

D'abord l'application du mortier. A coups de truelle, on vient garnir les pierres de mortier. Au besoin, de ci de là, on met une pierre si le mur est trop dégarni. Puis environ une heure après, toujours avec la truelle, on écrase le mortier pour renforcer son adhérence et on enlève ce qui est en excès. On se sert aussi de ses doigts – un conseil : n'oubliez pas de porter des gants en caoutchouc si vous ne voulez pas voir votre peau disparaître au fur et à mesure que le mur se reconstruit. Un peu après – la durée n'est pas fixe. Elle est fonction de l'épaisseur de mortier mis et de la température extérieure. Il va falloir prendre le temps d'observer… –, avec une brosse métallique, on enlève tout le mortier qui recouvre les pierres et on creuse entre les pierres.

Rejointer un mur à la chaux est donc bien une activité qui joue sur l'apparence, mais qui sait dépasser l'immédiateté.

Un « chaux » time qui n'est plus un show-time.

J'ai comme l'impression que l'on devrait proposer des stages de mortier à la chaux à bon nombre de nos concitoyens…


Bizarrement, je ressens de plus en plus ce travail à la chaux comme une métaphore pertinente pour approcher ce que doit être le rôle d'un dirigeant.

Lui aussi, il doit se préoccuper de trouver le bon liant, celui qui va venir assurer les bonnes liaisons, celui qui va donner force et cohésion à l'ensemble. Ce liant doit venir se fondre avec ce qui préexistait. Des mois ou des années plus tard, il doit être encore là, mais invisible, noyé dans la masse. Ce liant doit aussi laisser respirer, il ne doit pas constituer une chape de plomb, mais, comme la chaux sait laisser l'humidité, l'action du dirigeant doit fluidifier les échanges et non pas les contraindre. Un liant souple, perméable, naturel…

Lui aussi, il est confronté au rythme et au bon enchaînement des gestes. Au début de l'action, un maximum de fluidité est nécessaire, mais pas trop non plus : comme le mortier à la chaux, il doit avoir cette consistance pâteuse, mi-fluide mi-solide, qui va se glisser là où il faut. Puis il va falloir suivre le durcissement du mortier, l'effet des actions. Venir appuyer un peu là, enlever ce qui est en trop… Enfin, quand les choses seront en place, mais pas encore tout à fait figées, venir faire un dernier lissage.

Le métier d'un dirigeant n'est surtout pas de faire du spectacle, cela ne doit pas être un show-man… mais je le vois bien être un « chaux-man ».


 

28 déc. 2010

LA VIE N’APPORTE JAMAIS CE QUE L’ON CHERCHE

BEST OF 2010 (publié le 1er mars)

Télescopage entre Tetro et le Prophète ou quand Coppola répond à Audiard…

Deux jeunes hommes, sortis depuis peu du monde de l'adolescence, poussent une porte qui fera que leur vie ne sera plus jamais la même.

L'un la pousse volontairement : Bennie, échappé du domicile paternel, tout habillé du blanc de son uniforme de marin, pénétrant dans l'appartement de son frère. Ce frère, nettement plus âgé que lui, l'a abandonné brutalement, sans un mot, sans une explication, le laissant désemparé. Il le retrouve ici à Buenos Aires, au milieu des jeux du théâtre et de la musique. Est là aussi celle qui a recueilli son frère et peu à peu aider à se reconstruire.

L'autre la pousse involontairement : Malik, condamné à six ans de prison, habillé d'un jogging gris, propulsé dans un univers qu'il n'a pas choisi et qui lui est étranger. Muré dans son incapacité à lire ou écrire, il n'est que le jouet des événements et la victime de ceux qui, tout puissants, règnent. Il n'a d'autre choix que de se plier à cette loi, et de devenir une sorte de bonne du chef de clan corse.


Petit à petit, Bennie va se rapprocher de ce frère qui cherche à le garder à distance. Il était venu pour fuir son père et retrouver son frère. Entremêlé dans les fils de son passé, prisonnier d'une histoire qui est bien la sienne, mais à laquelle il ne peut rien, le voilà qui finira par trouver ce qu'il n'aurait jamais pouvoir imaginer trouver. Celui qui était son père au début en sera pour une deuxième mort…

Petit à petit, Malik va faire son chemin, décryptant instinctivement les règles de ce monde qui n'était pas le sien. Se fondant dans le paysage, retournant à son profit ce que les autres prennent pour sa faiblesse, le voilà qui finira par devenir le caïd. Celui qui était son protecteur au début sera sa victime.

Drôle de parallélisme entre deux résurrections : l'une en forme de rédemption, l'autre de damnation. L'un croyait savoir ce qu'il cherchait, l'autre ne cherchait rien. L'un perd définitivement le frère qu'il voulait pour y gagner un père auquel il ne croyait plus, l'autre s'insère dans la société au moment où celle-ci a voulu l'enfermer. Les deux en viennent à tuer leur père d'origine. Et à chaque fois, la vie vient apporter des réponses à des questions que l'on ne se posait pas…
PS : Sur le film Tetro, allez lire l'excellent texte de Paule Orsoni : "Garde le fil qui te lie à ton âme"

27 déc. 2010

« IL N'Y AURA PAS DE KRACH EN 2008 »


BEST OF 2010 (publié les 15 et 16 février)

Quand on affirme tout et son contraire…

Il est bon de parcourir les archives des journaux. C'est ce que je viens de faire en regardant ce qui a été écrit dans le Monde depuis début 2004 sur la croissance mondiale et la crise des subprimes. Chacun pourra en faire son commentaire personnel…

1er janvier 2004 : Les 3 scénarios d'une croissance retrouvée
« L'optimisme est de retour. Après la stagnation (en France) et même la récession (en Allemagne), du moins dans la première moitié de 2003, la nouvelle année s'ouvre sous le signe de la reprise. Les indices sont flatteurs : le rebond est réel et même fort. L'économie mondiale, tirée par les États-Unis et l'Asie, repart rapidement. Toutefois il subsiste partout un malaise et de nombreuses interrogations persistent sur le moyen terme »

5 octobre 2004 : La spéculation a gagné l'ensemble des États-Unis
« Pour autant, les risques de voir soudain la bulle éclater sont très faibles. Le logement, contrairement aux actions, est un bien indispensable. »

11 janvier 2005 : Les trois points noirs de l'économie mondiale
« Avec un taux de près de 3 % attendu pour la zone de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), de près de 4 %pour l'ensemble de la planète, les perspectives de croissance pour l'année 2005 n'ont, a priori, pas de quoi inquiéter. (…) Une envolée des taux risquerait notamment de provoquer un effondrement du marché de l'immobilier, dont beaucoup d'experts affirment qu'il est, dans de nombreux pays occidentaux, en proie à un phénomène de bulle spéculative.

5 mai 2005 : Consacrée à la consommation et à l'immobilier, la dette des ménages américains atteint 1,2 fois leur revenu annuel
« M. d'Arvisenet se montre plutôt rassurant : « L'essentiel de l'endettement est de nature hypothécaire et principalement consenti sur la base de taux fixes, ce qui protège les ménages dès à présent endettés. Le comportement récent des défauts n'est dès lors pas pour étonner.»

30 août 2005 : Les banques centrales jugent que la flambée du crédit et des prix de l'immobilier n'est pas soutenable
« La flambée actuelle des prix de l'immobilier n'est-elle pas plus inquiétante et dangereuse, sur le plan économique, que l'envolée des cours pétroliers ? C'est ce que pense le président de la Réserve fédérale américaine (Fed), Alan Greenspan. (…)Cette baisse de la valeur patrimoniale des ménages pourrait « faire fléchir la consommation », a averti M. Greenspan, qui a constaté que les estimations sur l'ampleur de ce phénomène sont très variables. Les excès du marché de l'immobilier seront-ils corrigés en douceur ou au contraire de façon brutale, avec le risque, dans ce cas, d'ajustements douloureux sur les revenus, la production et l'emploi ? »

31 janvier 2006 : Une économie américaine puissante mais fragilisée
« L'autre menace est la bulle immobilière. L'économie américaine a surmonté les chocs successifs depuis 2000 car les Américains ont continué de dépenser. (…) Alan Greenspan lui-même estime que les consommateurs sont devenus trop dépendants des crédits qu'ils obtiennent en mettant leurs logements en garantie. Entre un quart et un tiers des prêts accordés engageant les logements financent les dépenses personnelles. »

13 avril 2006 : Le FMI redoute l'impact économique de la hausse des taux
« Une hausse des taux pèserait aussi sur le service de la dette des personnes ayant emprunté pour acquérir leur maison. (…) Une faible culture financière, alliée à une forte prise de risques, est politiquement un cocktail explosif. »

14 mai 2007 : La croissance est de retour
« Il y a ceux qui ont la "baraka" et les autres. Jacques Chirac avait inauguré son quinquennat, en 2002, avec un retournement conjoncturel à l'origine d'une forte poussée du chômage et d'une très nette détérioration des finances publiques. Nicolas Sarkozy bénéficie d'une conjoncture autrement plus favorable. (…) "Les contraintes pesant sur l'économie française vont se lever, analyse Eric Heyer, l'un des directeurs adjoints de l'Observatoire des conjonctures économiques (OFCE). (…) Tout est donc en place pour qu'il y ait une croissance plus soutenue". (…) Même un ralentissement plus marqué de la croissance américaine, que pourrait provoquer un éclatement de la bulle immobilière aux États-Unis, ne devrait pas changer la donne en France, estime l'OFCE, compte tenu du découplage des cycles économiques européen et américain. »

19 juillet 2007 : A New York, l'indice Dow Jones a brièvement franchi les 14 000 points
« Pour certains analystes, les boursiers ne se sont pas focalisés sur la crise des crédits immobiliers, car elle ne présente a priori pas de risque systémique. « Une grande partie des prêts ont été reconditionnés par les banques sous forme d'instruments financiers qui, eux-mêmes, ont été mis dans d'autres actifs financiers. Le risque a, de ce fait, été atomisé et disséminé et nous ne pensons pas qu'il puisse présenter un caractère systémique.», explique Benoît Hubaud, responsable de la recherche sur les marchés de taux et de change à la Société générale. »

13 août 2007 : « Les banques risquent un mauvais troisième trimestre » (Les Échos)
« La crise des crédits immobiliers à risque est une vraie crise. Mais ce n'est pas une crise du crédit. (…) Par un effet de contagion lié au saupoudrage des crédits « subprime » dans les produits structurés (titrisation ou dérivés), les investisseurs ont arrêté, depuis deux semaines environ, d'acheter ces produits, adossés ou non à du « subprime ». (…) Nous sommes persuadés que la valeur fondamentale des actifs est supérieure à leur valeur de marché actuelle. » (Christian de Boissieu, Président du conseil d'analyse économique, et Patrick Artus, Directeur de la recherche et des études de NATIXIS)

17 août 2007 : Crise des "subprimes" : le point de vue de deux économistes
Augustin Landier : « Dans les semaines à venir, on va enfin savoir quelles sont les banques et les institutions financières qui sont touchées et à quel point elles le sont. (…) C'est un moment "darwinien" : les banques qui ont eu des politiques de gestion du risque trop laxistes vont le payer très cher, des institutions prestigieuses vont perdre leur crédibilité (comme par exemple la société de courtage Bear Stearns), et seront peut-être absorbées par d'autres. C'est de la "création destructrice". »

29 août 2007 : Dans le sillage de Wall Street, les Bourses mondiales plongent à nouveau
« L'ampleur exacte de la crise des crédits immobiliers à risques, dits "subprime", reste encore à évaluer et toute nouvelle négative a un impact fort sur les places boursières. »

10 septembre 2007 : Crise financière : la BRI souligne le risque de contagion à l'économie réelle aux États-Unis
« Il y a un risque de contagion à l'économie réelle aux États-Unis de la crise du "subprime", a estimé, lundi 10 septembre en début d'après-midi, Jean-Claude Trichet, le porte-parole du groupe du G10 et gouverneur de la Banque centrale européenne (BCE), à l'issue de la réunion bimestrielle de la Banque des règlements internationaux (BRI). »

11 septembre 2007 : La crise financière ne devrait pas avoir de conséquences importantes en Europe
Jean-Paul Fitoussi : « Je ne crois pas que l'Europe soit touchée en tant que telle. (…) Donc en dehors de quelques évolutions trimestrielles heurtées, la crise ne devrait pas avoir de conséquences importantes en Europe. (…) Il n'y a pas de raison que la crise ait un impact sur le consommateur médian. »

2 novembre 2007 : Les bons chiffres de l'emploi aux États-Unis apaisent les craintes de récession
« La récession tant annoncée aux États-Unis ne semble pas pour tout de suite, même si la crise immobilière reste une inconnue déterminante pour l'avenir de la première économie mondiale. »

6 novembre 2007 : Christian de Boissieu :"Malgré la crise financière, la croissance mondiale peut tenir le coup"
« Mais il me semble que la croissance mondiale peut tenir le coup. (…) Je pense que la croissance mondiale peut résister entre 4 % et 5 % pour l'an prochain, grâce à la croissance des pays émergents et au rôle des banques centrales. L'autre scénario, qui n'est pas le mien, est celui d'une récession américaine. (…) L'effet de cette crise me paraît modéré en Europe. (…) La crise aura une conséquence sur l'Europe à travers son impact sur le change. »

7 décembre 2007 : « Le ralentissement n'est pas tragique », selon l'OCDE
« La croissance des pays de l'Organisation ne devrait pas être trop touchée par la hausse des matières premières et la crise des « subprimes ». Le ralentissement de l'économie mondiale sera à son maximum au premier trimestre 2008. Selon les perspectives semestrielles publiées jeudi 6 décembre par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la croissance du produit intérieur brut (PIB) de ses pays membres passera de 2 % au dernier trimestre 2007 à 1,9 % au premier trimestre 2008, avant d'amorcer une remontée pour atteindre 2,5 % au premier trimestre 2009. »

2 janvier 2008 : David Naud, économiste à la Deutsche Bank « Il n'y aura pas de krach en 2008 »
« Avec les interventions des banques centrales, mi-2008, la crise et les désordres du marché monétaires devraient finalement s'estomper. (…) Aux États-Unis, l'embellie arrivera certainement mi-2008. En Europe la reprise prendra sans doute quelques mois de plus. En tout cas, il n'aura pas de krach cette année ! »

9 avril 2008 : L'économie américaine va connaître une "légère récession" en 2008, selon le FMI
« "L'économie américaine connaîtra une légère récession en 2008, en raison des effets de synergie entre les cycles de l'immobilier et des marchés financiers, avant de ne se redresser que progressivement en 2009", affirme le Fonds dans ses perspectives économiques mondiales. Le produit intérieur brut (PIB) américain devrait ainsi croître de seulement 0,5 % en 2008 et de 0,6 % en 2009, ce qui représente une révision à la baisse de 1 point et 1,2 point respectivement par rapport aux prévisions de janvier. »

25 juin 2008 : Crise bancaire : pour Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, "il n'y a pas de deuxième vague"
« Il n'y a pas de deuxième vague : les pertes supplémentaires qu'annoncent les banques sont la conséquence mécanique de l'évolution des marchés. On est dans un cycle normal de provisionnement des risques, sans danger cette fois de contagion à d'autres secteurs du crédit bancaire. (…) L'exercice de transparence sera achevé d'ici au 30 juin, en France et dans tous les pays du G7. »

7 septembre 2008 : Freddie Mac et Fannie Mae mis sous tutelle gouvernementale
Le président de la Réserve fédérale américaine, Ben Bernanke, a affiché un soutien sans détour au plan de reprise. "Ces étapes nécessaires vont aider à renforcer le marché américain de l'immobilier et à promouvoir de la stabilité sur nos marchés financiers".

16 septembre 2008 : La faillite de Lehman Brothers ébranle le système financier mondial
« Il s'agit d'un événement qui se produit une fois tous les cinquante ans, probablement une fois par siècle. Il n'y a aucun doute, je n'ai jamais rien vu de pareil (...) », a commenté Alan Greenspan, l'ancien président de la Réserve fédérale américaine (Fed), face à l'aggravation de la crise financière née aux États-Unis à l'été 2007.


 


 

24 déc. 2010

23 déc. 2010

« LA VÉRITÉ, C’EST QUE J’AVAIS UNE IDÉE, UNE IDÉE PAS FAMEUSE »

Comment Air Liquide est-il né ?

Le 8 novembre 1902, à Paris, Paul Delorme et Georges Claude, avec vingt-deux autres actionnaires créent, la Société Air Liquide pour l'Étude et l'Exploitation des Procédés Georges Claude. L'histoire d'Air Liquide commence.
Voilà ce que, quelques années plus tard, en a dit Georges Claude :
« La vérité, c'est que j'avais une idée, une idée pas fameuse, mais qui a eu quand même d'utiles conséquences, comme il arrive parfois aux plus mauvaises idées. Je voyais mon invention de l'acétylène dissous, à peine éclose, péricliter pour différentes raisons, dont l'une était le prix alors élevé du carbure de calcium. J'eus alors la pensée qu'on pourrait peut-être réduire ce prix en substituant à l'électricité, pour la production des hautes températures nécessaires à la fabrication de ce produit, la simple combustion du charbon par l'oxygène si l'oxygène lui-même pouvait être produit à bas prix.
Bien que cette conception soit restée stérile jusqu'ici et qu'on fabrique toujours le carbure par l'électricité, c'est donc cette conception tout de même – et on aura raison d'appeler cela de la chance – qui m'a amené à l'oxygène pour sauver l'acétylène dissous, avec cette chance supplémentaire et inouïe que c'est quand même cet oxygène qui l'a sauvé en lui donnant le débouché, que je ne pouvais prévoir, du soudage et du coupage. Et ainsi l'acétylène dissous est devenu le gros client de L'Air Liquide, dont il a, à son tour, assuré le succès.
Ce n'est pas tout : s'il est certain que c'est par l'acétylène que j'ai été amené à l'air liquide, il est non moins certain que l'air liquide à son tour m'a conduit à l'extraction des gaz rares, puis à l'extraction de l'hydrogène des gaz de fours à coke et à la synthèse de l'ammoniac par les hyperpressions. »(1)

No comment…

 
(1) Source « Les cents ans d'Air Liquide »

22 déc. 2010

POURQUOI AVONS-NOUS BESOIN D’EN APPELER À DES AUTORITÉS QUI NOUS DÉPASSENT ?

Nous sommes libres et responsables

Si l'on croît que le monde est régi par des logiques implacables et écrites à l'avance, on n'a plus d'autres choix que, soit de se résigner – à quoi bon entreprendre puisque tout a été écrit et décidé à l'avance ? -, soit d'en appeler à une force immanente capable, elle, de changer la logique du monde – à un Dieu qui serait le maître d'œuvre de ce monde que nous subissons, à des chefs cachés mais tout puissants qui manipulent la société.

Comme on a du mal à se résigner, on opte en général pour la deuxième solution et l'on imagine des Deus ex machina derrière tout ce qui se passe, en bien comme en mal. En caricaturant – mais si peu…–, cela donne le florilège suivant :
« Si les hommes existent, c'est qu'un Dieu l'a voulu et nous a créés. »
« Si le mal existe, c'est que les hommes ont commis, il y a très longtemps, un péché terrible, et qu'un Dieu les a punis. »
« Je ne sais pas pourquoi ceci arrive, mais eux, ils savent. Simplement, ils ne veulent pas me le dire. »
« Puisqu'ils sont à la tête des États ou des entreprises, ils savent pourquoi les choses adviennent, connaissent les conséquences de leurs actions, et décident en connaissance de cause. »

A l'inverse, si l'on croît que le monde est régi par un jeu complexe de lois contradictoires et que, du coup, l'évolution est imprévisible et est le résultat des actions locales et contingentes, on a tous les choix possibles, y compris de se sentir responsable de ce que l'on fait et décide, et ce sans avoir à en appeler à des autorités qui nous dépassent.
Cela donne alors le florilège suivant :
« Je suis né par hasard et personne n'attend rien de moi. Je suis donc libre. »
« Quand je serai mort, je n'existerai que dans la mémoire de ceux qui me survivront et par la trace de ce que j'aurai fait. Raison de plus pour agir de façon responsable. »
« Puisque rien n'est déterminé de façon fatale, comment pourrais-je accepter l'inacceptable sans agir contre ? »
« Personne n'est capable de savoir ce qui va se passer, ni les conséquences exactes de ce qu'il entreprend. C'est rassurant, car sinon, la vie pourrait être mise dans un système informatique. »

21 déc. 2010

VIVE L’ÉMERGENCE, VIVE LA DÉRIVE… ET VIVE L’INCERTITUDE !

Nous ne sommes pas prisonniers de forces qui nous dépassent

Il ne nous est pas facile d'admettre cette notion d'émergence que j'évoquais hier dans l'extrait issu de mon dernier livre. Nous restons marqués par une vision « matérialiste » qui nous a persuadé que le monde existait indépendamment de nous, et qu'il évoluait « naturellement » vers le meilleur (vison darwinienne de l'évolution).
Eh bien non ! Le monde fait comme il peut et évolue cahin-caha de possible en possible. Il dérive, il tâtonne, il expérimente, il bricole.
Pourquoi tel événement s'est-il produit ? Simplement parce qu'il s'est produit… et non pas parce qu'il devait se produire. A tout instant, le champ des possibles est si vaste, que l'on peut le considérer comme infini.
Et voilà bien la meilleure garantie de nos libertés individuelles.
Si le monde évoluait de façon inexorable vers un « monde meilleur », nous n'aurions aucune marge de manœuvre, aucun espace dans lequel exprimer notre créativité. Nous serions prisonniers de forces qui nous dépassent, nous ne serions que les pions d'une évolution qui nous domine.
C'est parce que le moteur du monde est le désordre, l'incertitude et le tâtonnement que nous avons la possibilité d'entreprendre et de peser sur le cours des choses.
Alors vive l'émergence, vive la dérive… et vive l'incertitude !

20 déc. 2010

LE MONDE ÉMERGE AVEC NOUS

Nous sommes tous acteurs

Aucun objet n'a de sens ni de finalité en soi, le sens et la finalité émergent dans et par la relation avec ce qui l'environne : l'objet reste le même, mais le sens de l'objet et sa fonction sont dépendants de ce qui se trouve face à lui et de l'interaction entre les deux. De ce point de vue, on peut dire que le réel n'existe pas a priori, mais émerge de l'interaction avec ce qui est là.
La mécanique quantique et la relativité ont mis l'accent sur l'interdépendance entre ce que l'on observe et celui qui l'observe. C'est la même idée que l'on retrouve ici.

Telle est la logique de l'émergence : la réalité n'existe pas en tant que telle, elle n'est pas un absolu immuable mais naît de l'interaction entre l'observé et l'observateur. En reprenant la terminologie de Varela, elle « enacte ».
Il ne s'agit plus seulement de co-évolution, mais bien de co-dépendance instantanée : chacun donne un sens à l'autre, chacun est dépendant continûment de l'autre. On arrive ainsi à un triptyque : co-organisation, co-dépendance, co-évolution.

Finalement, la notion même d'environnement se dissout(1), aucune frontière n'étant ni stable, ni étanche : Edgar Morin parle de système auto-éco-organisateur dans lequel le système auto-organisateur « ne peut pas se suffire à lui-même, ne peut pas s'achever, se clore, s'auto-suffire. »(2)

(Sur même thème, voir aussi mon article : « Radar ou Jeu : Et si la réponse dépendait de l'observateur »)

(1) « Oubliez donc le mot environnement, usité en ces matières. Il suppose que nous autres hommes siégeons au centre d'un système de choses qui gravitent autour de nous, nombrils de l'univers, maîtres et possesseurs de la nature. » (Michel Serres, Le Contrat naturel, p.60)
(2) Edgar Morin, Introduction à la pensée complexe, p.46


Extrait des Mers de l'incertitude

17 déc. 2010

LE TEMPS EN CHANSONS

_____ Éditorial du vendredi ________________________________________________________________