1 déc. 2021

LA MAGIE DES TRUFFES

 Être intensément attentif

Chercher des truffes, c'est participer à un spectacle de prestidigitation. 

Au départ, il n'y a rien, juste des chênes, de la terre et quelques plantes éparses. 

Et puis quelques secondes après, grâce à l'odorat du chien et au talent de son maître, les truffes sont là. Comme un lapin sorti du chapeau !

Je pourrais marcher pendant des heures au milieu des chênes truffiers, même à quatre pattes, je n'en trouverais pas une. Et pourtant elles sont bien là, cachées dans le sol, à quelques centimètres de moi. 

Pour le chien, c'est facile, évident. Il détecte l'odeur, arrive à la repérer parmi le bruit ambiant et fonce sur la truffe. Quelques coups de pattes et il s'arrête.

La truffe n'attend que d'être révélée… par le bon passeur : celui qui sait repérer ses effluves et les distinguer des autres, celui qui sera aussi assez patient pour attendre le bon moment. Trop tôt : la truffe n'est pas mûre et ne sent pas, donc impossible de la trouver. Trop tard : elle aura pourri et sera sans intérêt. 

Trouver des truffes est une affaire d'attention, mais pas celle de l'attention superficielle de l'humain en train de marcher au milieu des arbres, il faut celle, intense, du chien qui se déplace lentement, le nez (sa truffe !) soit au ras du sol, soit aux aguets du moindre effluve porté par le vent.

Comme le disait Henri Poincaré : « Ce que le vrai physicien seul sait voir, c'est le lien qui unit plusieurs faits dont l'analogie est profonde, mais cachée »1   

Extrait de mon livre "Les mers de l'incertitude : Diriger en lâchant prise"

(1) Henri Poincaré, Sciences et méthodes, p.22

ÊTRE


Ouvrir les yeux, 
Entrapercevoir ce qui m’entoure, 
Embrasser la peau qui m’accompagne, 
Pleurer celle qui est partie. 
 
Regarder le temps passé, 
Habiter le monde qui est là, 
Me vivre au présent, 
Me constater existant.
 
Ressentir l’évidence de mon incarnation, 
Sans connaître, ni chercher 
Le pourquoi du quelque chose 
Que je suis.

© Robert Branche 

(Photographie prise dans le nord du Québec)

29 nov. 2021

LE COURAGE DES OISEAUX

Si seulement, tu avais le courage des oiseaux qui chantent dans le vent glacé, 
Si seulement, tu osais, immobile et stoïque,
Ne rien attendre, ne rien espérer,
Juste résister et persister. 

Alors, ton regard tourné vers le futur,
 
Tu pourrais, tranquillement et posément,
Ne pas faillir, ne pas oublier,
Être là, intensément présent. 
 
Mais comme une feuille ballottée par le vent, 
Tu ne sais que voler et bouger,
Tu oublies le pourquoi et le comment,
Tu te retrouves là où tu ne voulais pas. 
Aussi, sans futur ni passé, 
Tu pleures tes illusions perdues,
Tu cries après un Dieu absent.
Ah, si seulement tu avais eu le courage des oiseaux qui chantent dans le vent glacé.

27 nov. 2021

DÉPASSEMENT


Ce que j’ai pensé ou rêvé,
Ce que j’ai aimé ou haï,
Ce que j’ai touché ou manqué,
L’oublier pour imaginer ma vie,
Et habiter le champ des possibles. 
 
Ne rien perdre de ce qui n’a pas eu lieu,
Ne rien abandonner,
Ne pas faire de concessions,
Ni à ce qui n’est pas ici, ni à ce qui l’est,
Ne renoncer ni à mes rêves, ni à mes actes.
Dualité du latent et du présent,
Du pas encore et du déjà là.
Tension de l’entre-deux.

© Robert Branche 

(Photographie prise dans le nord du Québec) 

25 nov. 2021

PAR HASARD ET POUR RIEN

Nouveau livre à venir…

Début 2022, je publierai un nouveau livre.
J’aurai l’occasion dans quelques semaines de vous en dire plus… 
D’ici-là, je vais diffuser très régulièrement des poèmes que j’ai écrits ces dernières années, et dont bon nombre résonnent avec lui. Le premier qui se trouve ci-dessous porte le même titre que mon livre à venir … et ce n’est pas une coïncidence !



PAR HASARD ET POUR RIEN
 
Il est des cris dans la nuit
Qui sont des cris impossibles. 
Il est des cris dans la nuit
Qui sont des cris inutiles.
Car au matin, il faudra bien,
Sans raison ni évidente, ni valable,
Se lever pour poursuivre le chemin de sa vie. 
Un jour, parfois, on comprend, 
Se questionner ne sert à rien,
Et il ne sert à rien de vivre.
Personne n’a jamais décidé,
Voulu, ni attendu celui que l’on est,
Construit au hasard, chocs des rencontres,
Là, juste parce que c’est advenu.

Alors fort de cette incertitude totale,

Vide de sa propre existence,

On peut enfin,

Sans pression, sans attente,

Se lever le matin

Et poursuivre son chemin.

Par hasard et pour rien.

© Robert Branche

28 sept. 2021

CIEL, SELON ZEMMOUR, NOUS PERDRIONS NOTRE VIRILITÉ !

Un "Worst of" du livre "Le Suicide français"

Pour se faire une idée de la conception de la virilité d’Éric Zemmour, un retour aux sources avec un "Worst of" de son livre "Le Suicide français" publié en 2014

"C’est parce que l’homme est physiquement plus fort qu’il part chasser tandis que la femme reste dans la grotte à conserver le précieux feu ; mais son image de chasseur renforce à ses propres yeux, et à ceux de sa femme et de ses enfants, sa virilité. (…) C’est le fameux « Sois un homme, mon fils », renforce tes qualités viriles, contiens ta part féminine, pour devenir un véritable homme et qu’ainsi, avec la femme qui aura de même soigné sa féminité, vous puissiez vous attirer et pérenniser l’espèce."

"La contractualisation du mariage de deux êtres égaux méconnaît la subtilité des rapports entre les hommes et les femmes. Le besoin des hommes de dominer – au moins formellement – pour se rassurer sexuellement. Le besoin des femmes d’admirer pour se donner sans honte. Aujourd’hui encore, les femmes épousent des hommes plus diplômés et pour la plupart mieux rémunérés qu’elles."

"L’institutrice rêve d’épouser le prof agrégé, l’infirmière le médecin, la secrétaire le patron. La réciproque est rare, sans doute parce que l’homme est atteint de l’angoisse de la castration face à une femme d’un statut social supérieur."

"La Libération de 1945 reposait (…) sur la reprise en main des femmes (dont le symbole extrême et cruel fut les tondues) qui avaient abandonné sans vergogne le vaincu dévirilisé pour s’abandonner dans les bras du vainqueur, allemand puis américain."

"(De Gaulle) avait lui-même sapé son œuvre de rétablissement en laissant les femmes, avec la fameuse loi Neuwirth autorisant la pilule en 1967, s’emparer du « feu sacré » de la procréation, comme l’avait aussitôt compris la sociologue féministe Évelyne Sullerot."

"La libido virile, reposant sur la brutale pulsion et la mise à distance, goguenarde ou farouche, par le caractère ou par l’argent, du monde des sentiments, fut criminalisée. On déclara la guerre à une sexualité masculine faite de violence et de domination. On confondit les violences faites aux femmes – qui relèvent du Code pénal – et les complexités de la vie intime."

"La méthode des militants homosexuels est mise au point et ne changera plus : elle repose sur le rejet de l’autorité, assimilée au fascisme, et une stratégie permanente de victimisation pour susciter la compassion comme la haine du prétendu oppresseur « homophobe »."

"La rencontre entre l’homosexualité et le capitalisme est le non-dit des années 1970. Entre un mouvement gay qui arbore un drapeau arc-en-ciel et un capitalisme qui découvre les joies et les profits de l’internationalisme, il y a un commun mépris des frontières et des limites."

16 mars 2020

BON NOMBRE DE NOS ENTREPRISES ONT ÉTÉ RENDUES CASSANTES ET INCAPABLES À FAIRE FACE À L’IMPRÉVU

Trop de productivité a conduit à la disparition des réserves et à l’anorexie économique
Dans le tsunami économique déclenché par le coronavirus, les entreprises qui ont gardé de la souplesse et des réserves, seront mieux à même de résister. 
Celles qui ont fait de l’optimisation financière leur seul credo se sont rendues fragiles et "cassantes", incapables de faire face à l’inattendu, car tellement ajustées à leur vision du présent et du futur...
Ce que j’ai écrit dans mon livre "Les Radeaux de feu" à ce sujet est totalement d'actualité  :
« Faut-il encore que ceux qui sont sur le terrain aient les moyens d’agir et de faire face à ce qui n’a été ni prévu, ni planifié. Ceci suppose des réserves disponibles. Redonnons à nouveau la parole aux militaires. Selon le Général Vincent Desportes, sans réserves, toute bataille est perdue : « Quand un chef n’a plus de réserves, il a perdu la bataille (…) Pour affaiblir l’adversaire, le plus efficace est d’attaquer ses réserves, car ce sont la source de sa puissance ». Il complète dans son livre, Décider dans l’incertitude : « Pour Churchill, l’engagement de la réserve représente même la responsabilité majeure du chef ; cette décision prise, ce dernier ne peut plus guère influer sur l’événement : c’est dans l’utilisation et la préservation de leurs réserves que les grands chefs ont généralement fait preuve d’excellence ; après tout, une fois que la dernière réserve a été engagée, leur rôle est achevé … L'événement peut être confié au courage et aux soldats. »
Et un peu plus loin, il prolonge en interpellant les dirigeants d’entreprises : « La question des réserves financières renvoie plus largement à celle de la logistique et des principes de « flux tendus » ou du « juste à temps ». (…) On connaît les effets désastreux produits par les aléas (les grèves en particulier) sur des entreprises ayant abusé de ces principes pour diminuer leurs coûts de revient. »
On ne saurait mieux dire. Ceci rejoint ce que j’appelle le risque de l’anorexie : de plan de productivité en plan de productivité, d’une application sommaire du lean management à la recherche de la rentabilité immédiate, on rend les entreprises de plus en plus ajustées à ce que l’on croît juste, et on les rend cassantes. J'ai parfois l'impression que, comme pour les mannequins qui meublent les magazines de mode, on fait l'éloge de la maigreur excessive : il n'y a qu'un pas du lean management à l'« anorexic management » !
En effet, comment procède-t-on pour améliorer la productivité ? On met en regard les actions de l’entreprise – présentes et projetées –, avec les résultats obtenus. Pour ce faire, on dispose d’une grille qui précise ce qui crée de la valeur, et hiérarchise ce qui est fait en fonction de la contribution à cette création de valeur. Mais cette grille, par construction, ne tient pas compte de ce que l’on ne connaît pas, et est directement issue de la vision actuelle et historique de la situation. On va ainsi considérer comme non productif tout ce qui ne peut pas être relié à un bénéfice connu.
Conséquemment, on supprime tout ce qui est jugé inutile : si jamais la vision actuelle est fausse ou incomplète, il n’y a plus aucune réserve disponible susceptible d’être mobilisée. Or une chose est sûre, c’est que c’est le cas ! Donc si l’on se réfère à la théorie militaire, l’entreprise a déjà perdu la bataille… Elle est fragilisée et cassera faute de souplesse. Elle est rigide comme le verre.
Certes, être plus léger, c’est aussi consommer moins de ressources et être plus mobile : je ne fais pas l’éloge de l’obésité, mais celle de l’importance de réserves.
Pour préciser mon propos, je pose quelques questions « simples » :
- Un coureur de marathon a-t-il la moindre chance d'arriver au bout de la course, s'il part sans aucune réserve ? N'a-t-il pas pris la peine de manger des sucres lents qu'il a stockés préalablement dans son organisme ? La mise en œuvre d'un plan d'action pour une entreprise relève-t-elle d’une action de courte durée ou s'apparente-t-elle à un marathon ?
- Un ensemble d'engrenages peut-il fonctionner sans présence d'un corps gras et d'un minimum de jeu ? Si l'on réduit toutes les marges de manœuvre et on assèche tous les mécanismes, l’entreprise ne va-t-elle pas se gripper ?
- Y a-t-il du vivant sans flou, ni réserve ? Est-ce qu'une cellule vivante pourrait s'adapter à des changements de son environnement, si elle était parfaitement adaptée à son environnement actuel ? Si un être vivant était exactement ajusté à sa situation présente, que se passerait-t-il quand cette dernière change ?
Je pourrais prolonger cette liste… »

13 mars 2020

LE TSUNAMI ECONOMIQUE DU CORONAVIRUS

Les conséquences de l’incertitude globale – extraits des "Radeaux de feu"
Les effets du Coronavirus déferlent sur l’économie mondiale. Son origine vient de la ville de Wuhan, une ville dont la plupart d’entre nous ne connaissait même pas le nom… et en quelques semaines nous voilà tous emportés par un tsunami dont la puissance ne cesse de s’accroître.
Me revient en écho ce que j’ai écrit, il y a presque 10 ans, dans mon livre "Les Radeaux de feu" :
« Chacun se sent pris, comme emporté, par les vagues de l’incertitude. L’imprévu déferle sans cesse, et les prévisions sont balayées, les unes après les autres. L’horizon du court terme se rapproche, et bien peu de responsables économiques se risqueraient à s’engager trop en avant.
Que se passe-t-il ? Pourquoi, alors que l’incertitude est là depuis toujours, et bien avant l’apparition de l’homme, le monde nous semble-t-il devenu brutalement incertain ? (…) C’est parce que l’incertitude a depuis lors changé de nature : elle n’est plus locale et contenue, elle est devenue globale et permanente.
Il y a dix ou vingt ans, nous n’étions, chacun de nous, soumis qu’à l’incertitude de ce qui était autour de nous, à portée de notre vue et notre toucher. Nous savions que nous pouvions subir le décès imprévu d’un de nos proches, que le ticket de loterie que nous venions d’acheter pouvait être gagnant ou pas, qu’un client pouvait nous faire défaut, qu’une machine pouvait brutalement se casser, qu’il était imprudent d’affirmer qu’il ferait beau demain, etc.
Par contre, ce qui se passait dans le lointain, dans une autre ville, un autre pays, un autre continent, cela ne nous concernait pas. Nous pouvions regarder serein les informations, sans nous sentir impliqués, car cela n’avait pas de conséquences directes sur notre vie quotidienne, sur notre famille, sur notre emploi, sur notre entreprise, sur notre pays. Et si jamais des conséquences étaient possibles, puisque la vitesse de propagation des effets était suffisamment lente, nous avions le temps de mettre en place les actions correctives nécessaires.
Aussi, ce qui était lointain n’était pas incertain pour nous : il était prévisible, parce que distant. Le monde était partitionné, cloisonné, et nous en avions l’habitude. Nous étions protégés des incertitudes des autres. (…)
Trois phénomènes majeurs ont changé la donne :
- La croissance de la population humaine s’est brutalement accélérée : en moins de quarante ans, nous venons de passer de quatre milliards d’hommes à sept milliards, alors que nous n’étions qu’un milliard, il y a deux cents ans, et deux cent cinquante millions, il y a mille ans. Demain, en 2050, nous serons probablement neuf milliards. Nous sommes de plus en plus voisins, les uns des autres.
- L’impact de chacun de nous est démultiplié par tous les outils mis à notre disposition : avant, nos outils ne prolongeaient nos bras que de la longueur d’un morceau de bois – un marteau, une pelle, une pioche… Maintenant grâce aux « objets-monde », il suffit de quelques hommes pour agir sur le monde tout entier. Nous sommes pris dans les mailles de l’effet de nos propres actes, et de ceux des autres : il y a de plus en plus une interaction dynamique entre l’objet sur lequel nous agissons et nous-mêmes. Témoins les débats actuels sur le climat et le réchauffement de la Terre, l’eau, la pollution, l’énergie…
- Avec le déferlement des technologies de l’information, la partition du monde a volé en éclat : grâce à l’informatique, aux télécommunications et à l’internet tout se propage instantanément, et nous sommes directement et immédiatement exposés à toutes les incertitudes. S’appuyant sur ces réseaux, les entreprises ont globalisé leurs modalités d’actions, et bon nombre de produits sont le résultat d’un processus de fabrication faisant intervenir plusieurs pays, et souvent plusieurs continents.
Dès lors, le nuage de cendres d’un volcan islandais ou la chute d’un opérateur financier déferlent comme les vagues d’un tsunami bien réel : la planète vibre de façon quasi synchrone, et il est illusoire de se croire protégé par ce qui nous entoure. Aucune ligne Maginot ne peut résister aux déferlantes continues. Nous voilà tous soumis à l’incertitude globale, et le monde devient progressivement une grande toile réticulée qui nous prend dans ses filets : comme la toile d’une araignée vibre à la moindre proie qui se prend dans ses mailles, nous résonnons au moindre aléa.
Pour être plus clair, je vais prendre une image simple : imaginez que vous jouez aux dés et que, si jamais vous faites quinze fois de suite un « six », vous perdez tout ce que vous avez. Si vous êtes seul à jouer, vous pouvez être détendu, car la probabilité de la catastrophe est négligeable : vous n’avez qu’une chance sur 615 de perdre, soit une chance sur quatre-cent-soixante-dix milliards. Si maintenant c’est l’ensemble de l’humanité qui joue, c’est-à-dire les sept milliards de joueurs, et qu’il suffise que l’un quelconque fasse cette séquence pour que vous perdiez tout, c’est une tout autre histoire, car vous avez maintenant une chance sur soixante-sept de tout perdre. Vous allez devenir très nerveux. C’est exactement ce qui se passe depuis peu : chacun de nous est soumis au jeu de tous les autres. »