En Inde, les vaches sont sacrées, et elles le savent.
Depuis le temps que cela dure, elles se sont rendues compte de leur toute puissance. Est-ce que cela se transmet entre vaches indiennes génétiquement ? Y-a-t-il un chromosome H qui leur inocule cette supériorité tranquille ? Que se passerait-il si une cousine vache occidentale arrivait au bord du Gange ? Comprendrait-elle immédiatement que tout a changé pour elle ? Par imitation ? Par transmission entre vaches ?
Je ne sais pas…
Ce qui est sûr, c'est que les vaches indiennes trônent au milieu des rues et des routes.
Quand elles se déplacent, elles nous toisent d'un œil méprisant, ou pire ne semblent même pas nous vous voir. Nous n'existons pas pour elles, pauvres humains que nous sommes. A nous de nous pousser donc, contents déjà de ne pas être renversés ou poursuivis…
Pour les vélos et les voitures, c'est pareil. La vache est reine, au reste du monde de s'adapter. Notons que cette adaptation est plus sportive de nuit, car la vache ne dispose d'aucun feu de signalisation. Ceci devrait inciter les conducteurs indiens à limiter leur vitesse de nuit. Ce n'est évidemment pas ce qu'ils font, sinon où serait le plaisir de conduire de nuit ? Et les vaches restent stoïques. Sont-elles conscientes du danger ? Le méprisent-elles ? Sont-elles suffisamment sûres de leur caractère divin pour ne pas s'affoler du phare d'un engin mécanisé ?
Or, l'été dernier, alors que je vivais respectueusement depuis près de 3 semaines au milieu de ces vaches indiennes, à ma grande stupéfaction, j'ai assisté à un bouleversement de l'ordre des valeurs : j'ai vu un groupe de vaches sacrées quitter la partie centrale de la chaussée pour laisser passer un camion ! Incroyable !
Comment interpréter cet événement aberrant ? Y-a-t-il dans l'histoire des vaches, une série criminelle où des hordes de camions irrespectueux ont assassiné des vaches ? Est-ce que, le soir à la veillée, les veaux se racontent pour se faire peur des histoires de camions fous qui les écrasent ? Les Indiens, au volant d'un camion, ont-ils une telle poussée d'adrénaline et un retour de testostérone qui les dopent et les poussent à affirmer leur virilité par rapport à ces vaches ? Une forme de catharsis païenne ? Une vengeance contre des millions d'humiliations quotidiennes accumulées ?
Je ne sais pas…
Toujours est-il que les vaches se sont poussées… Depuis je ne suis plus le même, et bon nombre de mes certitudes se sont ébranlées…
Je vous sens sceptiques. A juste titre, vous ne me croyez pas. Si vous êtes un lecteur régulier de mon blog, vous savez qu'il faut distinguer les faits des opinions (voir ma série d'articles sur ce thème), et vous vous demandez quels sont-ils. Les faits, je les ai.
Regardez :
- La vidéo où l'on voit l'attitude normale des vaches qui ignorent, avec superbe, le trafic qui passe comme il peut sur le côté :
- Les photos : sur celle du haut, on voit les vaches occupant paisiblement toute la route ; sur celle du bas, les mêmes vaches en train de se pousser pour laisser passer le camion. A noter la présence d'un scooter opportuniste qui va profiter aussi de la brèche : comme toujours, la nature humaine amène des faibles à chercher la protection des puissants...
Vous voulez savoir où exactement ? A Udaipur, dans le sud du Rajasthan. Convaincus ?
Je sais, c'est dur à accepter – je suis passé par là –, mais vous verrez, vous allez vous y faire. C'est le début le plus difficile. Sensation de vertige, de perte de repère…
Un peu comme quand j'ai vu Georges Bush éviter une paire de chaussures (voir «Quand le Président des États-Unis tire parti de ses processus inconscients »).
Normalement, quand le Président des États-Unis se déplace en Irak, ce sont les Irakiens qui s'écartent. Et là, non, c'est lui qui a dû bouger la tête. On marche sur la tête. Si, au moins, ceci était un happening sponsorisé par Nike, Adidas ou Reebok, je comprendrais, on serait dans l'ordre du normal. Mais non, c'était vraiment une initiative d'un Irakien. Comment cela est-ce possible ? Où va-t-on ?
Je ne sais pas…
Des vaches sacrées qui ne sont plus respectées et qui prennent peur à la vue d'un camion. Un Président de la première puissance mondiale qui recule devant une paire de baskets… Effondrement des repères. Quand on nous dit qu'il y a une crise, en voilà des exemples concrets.
Je ne sais plus, et pour tout dire (ou plutôt écrire), je suis un peu perdu …
Heureusement, quand je rentre chez moi, chez nous, tout va bien.
Quand un membre du gouvernement se déplace, les motards et les sirènes sont toujours là, et le peuple, respectueux, se pousse, conscient que son temps à lui, petit peuple, est moins important, et que voir passer le cortège est déjà une satisfaction en soi. Rappelez la chanson de Boris Vian « On n'est pas là pour se faire engueuler »…
Quand le Président s'octroie l'essentiel des chaînes TV à une heure de grande écoute, ce même peuple est là devant son poste, se sent moins petit d'être considéré et fait place à la parole salvatrice. Rassuré le lendemain, il fait face avec légèreté et confiance à ses difficultés.
Un simple regret, ou plutôt une douce amère nostalgie : celle de Louis XIV et de ses fastes, qui donnaient plus d'élégance à tout cela. Il est vrai que, le temps d'un dîner, François Mitterrand avait renoué avec ces traditions malheureusement oubliées.
Gageons que Nicolas Sarkozy aura l'intelligence prochaine de comprendre qu'il est temps de quitter l'Élysée pour repartir à Versailles.
Le plus tôt sera le mieux. Il y a urgence...
2 commentaires:
Et comment que je vous crois. L'Inde reste fidèle à elle-même. Castes & co. Ce qui est vache, c'est la fin. Mais je suppose que c'était étudié pour...!!!
L'Enfoiré
Ah bon il y aurait une "vacherie" à la fin ?
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