Messieurs les députés, ce vendredi 13, je me suis levé avec un goût amer dans la bouche, non pas par superstition lié au vendredi 13, mais parce que vous avez failli publiquement à la première responsabilité qui est la vôtre.
Vendredi matin 13 février, La Matinale de Canal Plus a fait un « micro-trottoir » à l'Assemblée Nationale sur « Comment sauver nos emplois sans être accusé de protectionnisme ».
Quasi-unanimité dans les réponses :
Benoist Apparu (UMP) : « En période un tout petit peu compliquée, on peut peut-être, si ce n'est déroger aux règles, au moins les mettre entre parenthèses quelques temps. »
Alain Vidalies (PS) : « Ou ils n'ont rien compris à la crise, ou ils sont enfermés dans un dogmatisme idéologique. »
Lionel Luca (UMP) : « Il faut le faire sans le dire… Il faut faire comme les Américains : ils nous ont mis 300 % sur le roquefort et la planète tourne toujours. »
Claude Goasquen (UMP) : « On a besoin de défendre les intérêts de notre industrialisation, de nos usines. »
Donc si je résume, ce que j'ai compris : comme c'est la crise, il ne faut pas respecter les règles, ce avec quelques variantes (la mise entre parenthèses, la « pendaison » promise à ceux qui veulent les appliquer, le braconnage, l'appel vibrant au patriotisme).
Bravo Messieurs les députés pour nous proposer le retour à la jungle, au chacun pour soi.
Précisons mon propos. À titre personnel, je pense que le développement d'une politique protectionniste est dangereuse et contreproductive (voir « Arrêtons de faire un déni de grossesse… »), mais, bien sûr, tout le monde – y compris des députés– ont le droit de penser le contraire. Simplement, ceci ne doit pas se faire en ne respectant plus les règles en place, mais en les modifiant ou en en instituant d'autres.
Je suis probablement « enfermé dans un dogmatisme idéologique », mais j'ai dans l'idée que les règles sont précisément faites pour arbitrer les confits et aider à gérer les situations difficiles, qu'elles sont la marque d'un progrès dans l'évolution des hommes et de la volonté collective à dépasser la loi du plus fort.
Abandonner les règles, c'est retourner dans la jungle. Être député et proposer de ne pas les respecter, c'est faillir à sa mission.
Les journalistes de la Matinale n'ont rien dit, ont diffusé ce reportage en semblant même adhérer à ces propos. Ne voient-ils pas que, en cautionnant cet abandon de règles et cette lâcheté face aux difficultés actuelles, ils font fi des longues années qui ont contribué à construire un état de droit ?
Comment une majorité de ces députés – et ce de tous les bords politiques – peuvent-ils en être arrivés là ? Ont-ils oublié quel était leur rôle ? Sont-ils à ce point perdus face à la crise, que, faute de repères, ils en soient arrivés à cette extrémité ? Veulent-ils avoir des vacances prolongées, en ayant pris conscience qu'il ne sert à rien de voter des lois que plus personne n'applique ?
Alors, qu'ils ne s'étonnent pas si les jeunes de banlieues ne croient plus à leur chance de s'en sortir en respectant notre société, si des salariés s'emparent d'outils de production par méfiance vis-à-vis des dirigeants et propriétaires, si les prisons se vident parce que les juges mettent les lois entre parenthèses.
Prenons garde à ce que le « meilleur choix » pour chacun ne devienne pas de « mettre les règles entre parenthèses » comme le propose Benoist Apparu, ou de « faire sans le dire » à la méthode Goasquen.
Il est des vendredi 13 qui sont fidèles à la superstition qui leur est attachée : ce vendredi 13 février 2009 aura vu l'Assemblée Nationale française prôner le retour à la loi de la jungle…
4 commentaires:
Le protectionnisme est-il vraiment la loi de la jungle, ou au contraire n'est-ce pas la dérégulation qui amène naturellement à la loi du plus fort sans contrainte ? En l'occurrence est ce que la règle imposée jusqu'alors n'était pas justement l'absence de règle ?
Beaucoup de pays africains se plaignent aujourd'hui des préconisations du FMI : libéralisez vos économies... Ils considèrent que ça revient à mettre un poids plume et un poids lourd sur le même ring. Les paysans africains ne font pas le poid face à notre industrie agroalimentaire, ils se retrouvent dans des bidonvilles aux alentours des mégapoles africaines. Puis le prix des denrées monte avec la spéculation mais le pays ne peut plus faire face, faute d'agriculteurs... Le protectionnisme aurait pu permettre de protéger ces économie plus faibles des fluctuations boursières et prévenir certaines famines...
Alors le protectionnisme, est-ce un retour en arrière, ou au contraire la prise de conscience de certaines aberrations idéologiques ?
Pour l'existence de règles internationales, oui, il faut qu'il y en ait c'est indéniable.
Mais si la seule règle c'est l'absence de règle... à mon avis on va droit dans le mur.
Non je me suis mal exprimé : le protectionnisme n'est pas la loi de la jungle (je pense que ce n'est pas la bonne solution, mais c'est un autre sujet !) : la loi de la jungle, c'est si il n'y a aucune loi, ni règle.
Je suis "choqué" (c'est un euphémisme) d'avoir entendu et vu des députés en appeler au non-respect des règles.
Si ils pensent que les règles ne sont pas bonnes qu'ils les changent : c'est leur rôle et leur responsabilité.
Là c'est jouer à l'apprenti- sorcier.
Nous sommes dans une période dangereuse. De tels propos peuvent légitimer bien des excès.
Donc si on est en faveur du protectionnisme, changeons les règles actuelles.
Et oui faisons comme les US et nous irons un tout petit mieux. Sérieusement vous ne découvrez pas le pb quand même ou alors vous m'inquiétez. Cependant je ne vous fais pas un procès en cruchitude comme dirait l'illuminé de Montmirail/
non évidemment je ne découvre pas (j'ai été ce que l'on appelle haut fonctionnaire dans les années 80 et ai participé à pas mal de réunions interministériels et de contacts avec des élus)... mais là quand même j'ai été "surpris" et aussi de l'absence de tout commentaire venant des journalistes de la Matinale...
Il est important de garder une capacité à "s'indigner"
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