4 févr. 2010

ON CHOISIT SA MER POUR LA VIE

Une stratégie qui coule de source

Paradoxalement, dans le monde de l'incertitude, on choisit sa mer pour la vie… toute la vie. La mer n'est pas un objectif que l'on se fixe pour les cinq ou dix à venir, c'est un horizon, situé à l'infini, qui va guider et apporter du sens aux actions de l'entreprise aujourd'hui et demain : L'Oréal vise la beauté depuis le début 70, Air Liquide s'intéresse au gaz depuis plus de cent ans, et Google n'envisage pas de se centrer sur un autre thème que l'information.

Pourquoi une telle stabilité ?
D'abord parce qu'elle est possible. Une mer est un attracteur stable dans le chaos du monde, un besoin fondamental et stable qui, quels que soient les aléas, va structurer le fonctionnement de notre société à long terme, orienter les évolutions, et attirer vers lui les courants. C'est un des éléments constitutifs de notre écosystème social. Des exemples ? La beauté, la communication, les loisirs, le déplacement, l'alimentation, la sexualité, l'énergie, un composant de la matière… Plus le rattachement sera direct, plus l'attraction sera forte et stable, plus la mer profonde et vaste. Donc les mers sont et seront toujours là. Si elles venaient à disparaître, ce ne seraient plus des mers.
Ensuite parce que, comme un fleuve se renforce au fur et à mesure qu'il progresse, une entreprise ne peut pas changer de mer sans « repartir de zéro ». Au début, une entreprise n'a qu'une intuition de la mer qui lui convient et de comment elle peut contribuer à apporter des solutions nouvelles facilitant l'accès à cette mer. C'est petit à petit qu'elle va développer une compréhension fine, créer des offres de mieux en mieux adaptées, créer des réseaux multiples, développer des savoir-faire internes…

Enfin parce que c'est cette mer qui donne le sens à l'action collective et soude les équipes internes. Changer de mer, ce n'est pas seulement changer de stratégie, c'est changer d'identité. Changer de mer, c'est risquer de ne pas être compris et suivi, de voir éventuellement même éclater l'entreprise. En fait, changer de mer, c'est changer l'entreprise : quand BSN est passée du verre à l'alimentation et la santé, elle est devenue Danone, qui n'est pas la transformation de BSN, mais une nouvelle entreprise.

Aussi ne choisit-on pas sa mer sur un coup de tête : cela doit être le résultat d'un processus long et approfondi. Souvent ce choix a été fait dès la naissance de l'entreprise et s'est trouvé progressivement confirmée par le renforcement de l'entreprise. Dans ce cas, on a choisi sa mer comme l'eau d'un fleuve : la source a imposé la mer.

7 commentaires:

DMF49 a dit…

Le lien depuis Oomark indique'On choisit sa mère pour la vie'...

Robert Branche a dit…

et oui... de la mère à la mer

Le Blog de Paule Orsoni a dit…

On ne choisit pas sa famille dit l'adage populaire..En revanche ce qu'il y a de commun entre mer et mère c'est la re-(s)source..et je reviens sur l'idée qu'il s'agit bien de revenir au point fixe,originaire.Que choisir entre Héraclite et Parménide?Je ne conais pas grand-chose à l'entreprise ...pourvu qu'on y fasse un peu de Philosophie...

Robert Branche a dit…

Il y a effectivement comme un écho entre le choix de la mer que l'on peut faire, et celui de sa mère que l'on ne peut choisir (un ami a d'ailleurs écrit par erreur "on choisit sa mère pour la vie" comme lien vers mon article). La mère d'une entreprise est là d'où elle vient et comment elle est né. Il faut réconcilier cette origine avec le futur qu'elle vise.
Quant à la philosophie, je crois que l'on s'est longtemps trompé en la cantonnant aux lettres et en ne faisant pas le lien avec le monde des entreprises : penser que le management des entreprises relève d'abord des chiffres, des règles de trois et des tableurs excel est non seulement stupide, mais dangereux.
Il y a plus à apprendre de la philosophie que des mathématiques...

Le Blog de Paule Orsoni a dit…

Il me semble fort que sur ce dernier point vous ayez raison..Que pensez-vous de La Barbarie de Michel Henry?Amicalement...(je connais s'écrit ainsi?sourire
)

Robert Branche a dit…

Je n'ai pas lu ce livre : à partir de ce que je viens de lire le concernant, cela me paraît très en phase avec ce que je pense : appliquer les mathématiques à des champs relevant de la vie conduit le plus souvent à des erreurs profondes (c'est un des points que j'aborde dans mon prochain livre).
Je viens du coup de commander ce livre pour le lire...

Le Blog de Paule Orsoni a dit…

Vous avez bien fait.Grosso modo il s'agit de mesurer les conséquences de la mathématisation du réel à l'exclusion de la représentation poétique du monde et des relations humaines ,par conséquent.Vous me direz ce que vous en pensez...