Perdu dans les alvéoles de la Bibliothèque de Babel
Que veut dire qu’un état est possible ? Est-ce à dire qu’il va se réaliser
? Non, cela indique seulement qu’il est susceptible de l’être, qu’il n’est pas
impossible. Ni plus, ni moins.
Faisons un détour par la Bibliothèque de Babel1, une nouvelle
de Jorge Borges. Cette bibliothèque contient tous les livres susceptibles
d’être écrits, dans le passé comme dans le futur. Comment est-ce possible ?
Simple et lumineux : les livres qui la composent, regroupent toutes les
combinaisons imaginables entre les lettres. Il y a donc une quasi infinité de
livres, sur une quasi infinité d’étagères, dans une quasi infinité d’alvéoles.
Les bibliothécaires s’y promènent, prenant en main, de temps en temps, un livre
et s’extasiant quand ils tombent sur une phrase qui a un sens. Car bien sûr
dans cet océan des possibles, il y a d’abord des combinaisons qui n’ont aucun
sens.
Dans la nouvelle, l’un d’eux disserte sur l’idée qu’il pourrait y avoir
un chemin, une façon de trouver les livres comprenant au moins des paragraphes
porteurs de significations. Mais c’est évidemment impossibles : face à l’infini
des possibles, il est impossible de trouver le chemin du réel, c’est-à-dire du
sens. Et pourtant comme l’a écrit Borges : « Il suffit qu’un livre soit concevable pour qu’il existe. Ce qui est
impossible est seul exclu. (…) Cette inutile et prolixe épître que j’écris
existe déjà dans l’un des trente volumes des cinq étagères de l’un des innombrables
hexagones – et sa réfutation aussi ».
Ainsi va notre Univers qui agrandit sans cesse sa bibliothèque de Babel,
et nous perd dans les méandres de ce qui n’existera jamais.
(1) Fictions, Folio 1957
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