15 févr. 2012

AU SECOURS, UN PAPILLON VIENT DE BATTRE DES AILES !

Arrêtons la fable des signaux faibles !
(Extrait des Mers de l’incertitude)
Tout part des analyses faites dans les mathématiques du chaos, analyses qui montrent qu’une faible modification des conditions initiales peut provoquer une modification très sensible à terme. Pour imager ceci, on a donc dit que, pour la météo, le simple battement d’aile d’un papillon peut modifier la météo à l’autre bout du globe, voire même provoquer un cyclone.
Mais il ne s’agissait que d’une métaphore, pas d’une réalité : personne n’a dit qu’un battement d’aile de papillon allait provoquer un cyclone.
Car, dans le monde réel, il n’y a pas qu’un seul papillon susceptible de battre des ailes, il y en a des millions et qui peuvent le faire de partout et à tout moment. Et il n’y a pas que les papillons, il y a tous les autres insectes, toutes les plantes, toute la vie…
Donc une infinité de perturbations qui se produisent constamment. En conséquence, il est impossible de relier le battement d’aile d’un seul papillon avec un cyclone : comment pourrait-on isoler cela de tout ce qui se passe entre les deux ?
Ainsi je n’ai jamais entendu une quelconque météorologue, même ceux qui officient à la télévision ou à la radio, dire : « Attention, nous venons d’apprendre que tel papillon a battu des ailes à Marbella. N’allez pas dans six mois à Phuket, car un cyclone va s’y produire. » Personne ne dit une telle absurdité.
En stratégie d’entreprises, parfois oui ! Cela s’appelle la théorie des signaux faibles et s’inspire directement du battement d’ailes de papillon.
Bon nombre d’entreprises, avec l’appui de consultants spécialisés, cherchent à repérer des papillons qui ont décidé de battre des ailes différemment et en tire des conclusions sur la transformation de leurs marchés.
Or, oui, il est vrai que, comme pour la météo, une faible modification dans la situation actuelle peut provoquer une transformation à terme, mais cette transformation est imprévisible et aléatoire : trop de papillons, trop de battements, trop d’incertitudes.
Car, comment le repérer le bon papillon, celui dont le battement d’aile sera fatal ? Vous avez devant vous la planète entière avec des papillons de partout, où est le bon ?
Alors je propose une grande économie collective : arrêtons de passer son temps à chasser les papillons de signaux faibles, et préoccupons-nous un peu plus des vraies ruptures, et des cygnes noirs, ces événements improbables, mais à effet disruptif !

2 commentaires:

Unknown a dit…

Tout a fait d'accord que souvent les dirigeants s'attachent a detecter des signaux faibles ce qui les empeche de considerer des changements massifs possibles. Cet effet tunnel qui oublie les consequences des modes communs, en particulier, est nefaste.
Cependant, les "cygnes noirs" proviennent bien du caractere complexe du systeme, represente par l'image du papillon. Il est inutile de faire la chasse aux papillons mais mieux vaut etre au courant qu'un systeme complexe a des reactions qui suivent une distribution aleatoire "a longue queue", ou des evenements rares mais massifs dominent les changements du systeme sur le long terme.

Yann a dit…

Étonnement la vulgarisation du terme "effet papillon" lui donne souvent un sens opposé à ce qu'il signifie.

Peut être à cause de la forme de son attracteur étrange E. Lorentz l'a baptisé "effet papillon".

Il voulait exprimer comme vous l'expliquez très bien dans votre article l'impossibilité de prévoir l'évolution d'un système "chaotique" a cause de la sensibilité extrême aux conditions initiales.

Alors que pour "le grand public" il devient bien souvent déterministe "le battement d'aile entraîne un cyclone". On retrouve le démon de Laplace, un comble!

La vulgarisation est un art difficile surtout quand on veut exprimer des réalités complexes souvent anti-intuitives.