23 févr. 2012

LE PLUS SOUVENT, UN DIRIGEANT NE SAIT PAS POURQUOI IL DÉCIDE

Le double vertige du dirigeant - Le management par émergence (2)
Donc un Dirigeant ne décide pas, ou rarement… ou plus exactement, l’essentiel des décisions sont prises dans son entreprise sans lui, et sans qu’il le sache…
Dans mon article d’hier, je finissais sur l’interrogation suivante : Et si l'émergence était aussi au cœur du management dans l’incertitude ?
Avant d’aller plus avant, sur cette idée, arrêtons-nous un plus longtemps sur la décision, et sur pourquoi elle échappe quasiment inévitablement à tout processus conscient et rationnel.
Pour cela, je vais citer un passage de mon livre, Les Mers de l’incertitude, passage qui s’intitulait « Comment se prennent les décisions dans les entreprises ? » :
« Dans une entreprise, le processus de la prise de décisions est complexe et implique :
  • La mémoire collective : à l’instar de l’individu, une entreprise a une mémoire faite des habitudes et des souvenirs, positifs comme négatifs, qui va influencer les choix. Sans s’en rendre compte, elle va écarter une solution parce qu’elle rappelle un échec passé ou parce qu’elle ne correspond à aucune des habitudes acquises, et, à l’inverse, en favoriser une qui est en phase avec sa culture ( …).
  • La multiplicité des intervenants : interviennent toute une série d’acteurs, cachés ou visibles, qui peuvent peser sur le choix des options, ainsi que tous leurs processus inconscients individuels. C’est de cet ensemble d’influences qu’émergent les quelques options sur lesquelles portera la décision consciente.
  • Les tris cachés : La Direction ne tranche que sur les options qui lui sont présentées. Or, le fait de passer du quasi infini des possibles à souvent seulement trois scenarios est un choix majeur. D’où viennent-ils ? Des décisions implicites ou explicites prises par toutes les personnes impliquées en amont.
  • La partialité de la grille de choix : Pour choisir, on s’appuie souvent sur une grille qui va hiérarchiser les scenarios. Derrière l’apparente rationalité de la méthode, le choix des critères mis dans la grille et leur pondération sont affaires de conviction et d’intuition.
De toute façon, comme avait l’habitude de dire un dirigeant d’un grand groupe international : « Si deux options semblent crédibles, pourquoi perdre son temps à choisir, autant tirer au sort. On pourra ainsi arrêter de perdre son temps à des discussions sans fin et ne créant aucune valeur. » »
Double vertige donc :
  • Un vertige « vers le bas », vers l’intérieur de l’entreprise, dans tous ces lieux, ces bureaux, ces réunions, ces coups de téléphone où des décisions sont prises quotidiennement : l’entreprise comme tout organisme vivant échange continûment avec son environnement, respire, et avance.
  • Un vertige « en soi » où tout dirigeant doit se rendre compte de l’irrationalité de ses propres choix : comme tout homme ou toute femme, il n’est conscient que de la surface de ses propres motivations, et les raisonnements qu’il construit le sont le plus souvent a posteriori, pour expliquer ou justifier une décision déjà prise.
Double vertige qui correspond à une double émergence, dans l'entreprise et en soi.
Décidément, se poser la question de l’émergence est donc centrale…  
(à suivre)

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