22 mars 2012

VOIR LE MONDE AU TRAVERS DES CRIS QUE L’ON ÉMET

Nous ne comprenons pas le monde tel qu’il est, mais tel que nous le percevons
Difficile d’imaginer comme notre compréhension du monde est dépendante de nos perceptions, et comme, sans que nous en rendions compte, nous le comprenons pas d’abord tel qu’il est, mais tel que nous le voyons.
Pour essayer d’approcher cette réalité, Jean-Claude Ameisen, dans son émission du 18 février dernier de Sur les Épaules de Darwin, nous incite à voir le monde au travers des perceptions d’une chauve-souris.
Nous avons l’habitude de lire l’univers au travers de notre vue, et du rebond des ondes lumineuses. Ainsi nous projetons notre regard, et saisissons la quantité de lumière renvoyée par ce qui nous entoure, ainsi que les fréquences correspondantes.
La chauve-souris, elle, projette des cris, et est sensible au rebond des sons. Comment se sentir voler dans un noir absolu, guidé seulement par l’écho de ses propres cris ? Comme si un aveugle, pour se déplacer, criait sans cesse, et percevait la forme, la matière et la distance des choses par les déformations des sons qui lui reviendraient en retour.
J’aime la poésie de cette invitation à voir le monde comme une chauve-souris. Tentative impossible bien sûr, mais qui peut nous aider à percevoir notre propre subjectivité…
Plus étonnant, la nature a su s’adapter pour guider les chauve-souris, quand cela peut être nécessaire : ainsi certaines fleurs d’une vigne d’Amérique du Sud, quand elles sont mûres et prêtes à libérer leur pollen, ont une pétale supplémentaire qui se dresse, un sorte d’antenne satellite, un miroir sonore qui renvoie les ultrasons dans la direction où ils ont été émis. Grâce à cela, les chauve-souris les localisent très facilement et pollénisent… Merveille de la coévolution.
Autre promenade dans les méandres des ruelles inconnues de notre monde. Certains animaux voient dans l’ultra-violet. Pour cela, ils ont quatre pigments rétiniens : trois comme nous et un de plus dans l’ultraviolet. Ainsi certains oiseaux qui nous semblent avoir un plumage triste, sont perçus par leurs congénères comme une explosion de couleurs, car c’est dans l’ultraviolet que leur génie créatif s’exprime. C’est un peu comme si nous passions devant une porte qui serait invisible à nos yeux, mais perceptible à ceux de nos voisins. Magie de ces objets cachés ou révélés…
Par exemple aussi deux fleurs qui nous paraissent d’un rouge identique, ne le sont pas pour des abeilles ou des colibris, car elles ne reflètent pas l’ultraviolet de la même façon…
J’essaie de garder cela en tête quand je marche dans les entreprises pour essayer de comprendre ce qui s’y passe. Ma perception  n’est que relative. Peut-être suis-je en train d’ignorer une porte qui m’est invisible, ou d’être attiré par des couleurs perceptibles de moi seul. Qui sait ?

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