Le monde animal bouge, collabore… et communique
(6) : De la réponse automatique à la communication volontaire
Joëlle Proust dans
son livre « Les animaux pensent-ils ? », nous emmène sur le
chemin de la représentation et du langage.
Premier stade,
celui de la réponse automatique, ce qu’elle appelle « Bien faire sans rien
savoir ». Il en est ainsi du thermostat qui, tout en ne comprenant pas ce
que peut vouloir dire le concept de température, sans même en fait la mesure,
peut réagir à un changement de température, grâce un dispositif physique dont
les modifications covarient avec l’environnement.
Au deuxième stade,
émerge un premier degré d’extraction de l’information, la
« protoreprésentation ». Qu’est-ce que cela caractérise ? Un état neuronal qui, à la fois, sait lire
une modification donnée du monde extérieur et agit en fonction de cette
information acquise. On peut résumer cet état par la création d’un
couple : je perçois, donc j’agis. Ce sont des conditionnements associatifs
comme celui du retrait de la tête et du pied dans la coquille pour l’escargot. Autre
exemple plus sophistiqué de ce même état : la capacité de l’araignée de
réagir à une vibration de la toile. Dans ce cas, elle n’a pas mémorisé un seul
type de vibration, mais tout un ensemble, ce qui va lui permettre de moduler sa
réaction et de « comprendre » qui a été pris dans sa toile.
Caractéristique donc de l’action face aux protoreprésentations : l’unité
de temps et de lieu. On agit ici et maintenant. L’information n’est pas
extraite, elle est simplement un déclencheur.
Le troisième stade
est celui de la représentation. Quelle est la différence entre une
protoreprésentation et une représentation ? Une protoreprésentation est
liée à une situation donnée, elle est « immergée » dans ce
cadre : l’araignée ne sait pas lire une vibration indépendamment de sa
toile. A l’inverse, une représentation n’est pas liée à une situation donnée,
elle est la capacité de renvoyer à un objet ou un événement donné
indépendamment de ce qui apporte l’information : un animal devient capable
de lire les régularités du monde, c’est-à-dire de repérer des constantes. Il
pourra alors acquérir la capacité de répondre à ces régularités, et améliorer
l’efficacité de ses réponses à des situations données. Il pourra aussi agir de
façon différée, manipulant ainsi mentalement des représentations.
Comment maintenant
aborder la question du langage ? Joëlle Proust identifie trois types de
support :
1. Les
indices : un indice est une information portée par un animal, et qui n’a
pas la possibilité de le faire disparaître. L’apparition des plumages nuptiaux
de la frégate est ainsi un indice qui informe les mâles qu’elle est disponible
à l’accouplement.
2. Les traces ou
les signes : bien que pouvant être effacés par l’émetteur, ils ne sont pas
non plus contrôlés par eux ; ce sont donc des sources involontaires
d’informations. Il en est ainsi par exemple des traces de pas, ou encore d’une
transpiration exprimant une nervosité.
3. Les
signaux : il s’agit là d’un processus ritualisé et volontaire de diffusion
d’une information. La danse des abeilles leur permet ainsi d’indiquer l’intérêt
de ce qu’elles ont trouvé, et dans quelle direction, cela se trouve.
Est-ce que les
signaux forment un langage ? Par nécessairement. Il faut encore qu’une
grammaire existe et que le sens naisse de la combinaison des signaux. On ne
peut pas donc dire que les abeilles se parlent,
même si elles communiquent entre elles.
Les fourmis
peuvent-elles discuter entre elles des doigts qu’elles rencontrent ? Allez donc leur demander !
(à suivre)
(1) Voir les
extraits que j’avais mis en ligne dans un article intitulé « Un chimpanzé peut-il, non seulement voir, mais penser qu’il voit quelque chose ? »
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