Savons-nous décider consciemment dans la complexité ? (Neurosciences 7)
A-t-on besoin
d’être conscient pour effectuer une décision rationnelle ?
Clarifions d’abord
les mots.
Celui de conscience
l’a déjà été : un processus est dit
conscient si je peux rapporter comment et sur quelles bases j’ai agi.
Remarquons tout de suite que cela limite considérablement le champ de la
conscience. Par exemple êtes-vous sûr de parler français consciemment ?
Pouvez-vous expliciter ce que vous avez dû faire pour formuler correctement un
son ? Pas vraiment, non ?
Choix rationnel,
maintenant. Une décision est dite rationnelle, du moins telle que la définit
Stanislas Dehaene, quand elle permet d’atteindre effectivement les buts fixés.
Ceci suppose donc que l’on se trouve dans une situation où les buts poursuivis
sont connus, et où ensuite on peut mesurer s’ils ont été effectivement ou non
atteints. Cette situation est loin d’être la situation générale, mais c’est
celle sur laquelle vont porter les expériences analysées.
Dans une telle
situation, les tests menées aboutissent à une idée provocante : plus la
décision est complexe, moins la délibération consciente est utile.
Quels ont été ces
tests ?
On a par exemple
demandé à des personnes de choisir entre plusieurs voitures, soit
instinctivement, c’est-à-dire en se laissant guider par leurs processus non
conscients, soit après avoir mûrement réfléchi. Comme on leur avait aussi
demandé quels étaient les attributs qui, pour eux, étaient importants et
construisaient leur préférence, on a pu mesurer in fine si la voiture choisie
était bien celle qui effectivement était la meilleure pour eux.
Quel fut le
résultat ?
Si le nombre
d’attributs était limité à 4, la décision consciente était meilleure. Mais si le
nombre d’attributs était de 12, c’est-à-dire si la décision était vraiment
complexe, c’était le choix instinctif, celui fondé sur une évaluation non
consciente, qui était le meilleur.
Ce type de test a
été fait dans d’autres situations et a conduit aux mêmes résultats.
Troublant
non ? Comment peut-il se faire que, plus la situation est complexe, moins
notre réflexion consciente soit efficace ?
(à suivre)
6 commentaires:
Oui, c'est la theorie de Blink de Malcolm Gladwell.
Maintenant, je suis persuade que l'analogie des reseaux de neurones est importante: la qualite de la solution depend des donnees sur lesquelles l'entrainement a ete fait. Donc mauvaises experiences => mauvaises decisions. Ca ne simplifie pas la vie, mais cela explique des spirales negatives ou positives ;-)
Rien ne remplace un bon systeme de regles explicites et validees. On peut alors prendre des decisions en un centieme de seconde avec autant de parametres que l'on veut!
Tout cela suscite quelques interrogations sur l'intérêt de choisir nos dirigeants et autres "SMT members" dans les "grandes écoles" françaises!
Oui et non... car rien ne dit que tous les processus non conscients se valent et l'on réussit probablement les concours largement à cause de l'efficacité de ses processus non conscients.
Ainsi en choisissant des dirigeants en fonction de leur résultats à des examens, on a aussi choisi les non conscients efficaces !
A titre personnel, j'ai toujours été excellent en maths, et en ayant la "sensation" d'abord du résultat et du chemin, et je devais ensuite le trouver...
Loin de moi l'idée de remettre en question la performance de nos diplômés de GE à réussir leurs examens, je pensais plutôt au formatage GE, et au fait qu'en privilégiant les profils ayant reçu une formation GE, on passe à côté de candidats qu'une expérience multiple et variée peut avoir rendus tout aussi efficaces dans la prise de décisions complexes!
Là je vous rejoins tout à fait. Je milite d'ailleurs personnellement pour l'histoire comme matière centrale pour tous ceux qui se destinent au management, car elle apprend la complexité et la relativité des interprétations
Si on peut rapprocher décision inconsciente et décision intuitive, alors cela ne me surprend pas. J'ai l'habitude de dire que l'intuition est le fruit de l'expérience. Et qu'il vaut mieux suivre ses intuitions que de ne pas prendre des décisions. Par contre, j'ai pris l'habitude aussi d'analyser mes intuitions, ou de faire analyser leurs intuitions par mes collaborateurs. Finalement, en revenant à la discussion, cela permet de retrouver le rationnel derrière la décision, "sans réflexion", inconsciente. Une de mes collaboratrices utiliserait un autre terme : bon sens. Elle considère d'ailleurs ce critère, le bon sens, comme la valeurs principale recherchée, au delà des compétences techniques, quand elle recrute. Elle n'est pas ingénieur, donc encore moins de GE.
Donc si on peut admettre que certains qui ont fait les GE ont surement des intuitions qui les aident à résoudre les problèmes plus rapidement, il en existe qui n'ont pas fait les grandes écoles.
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