Je ne sais plus, mais je sais que je savais… (Neurosciences 12)
Stanislas Dehaene commence son
cours 2011 sur l’introspection et la métacognition, aussi sous-titré, les
mécanismes de la connaissance du soi, par deux citations :
-
La première est d’André
Gide : « Je m'échappe sans cesse et ne comprends pas
bien, lorsque je me regarde agir, que celui que je vois agir soit le même que
celui qui regarde, et qui s’étonne, et doute qu’il puisse être acteur et
contemplateur à la fois. »
(1)
- La seconde de Vladimir
Nabokov : « Être conscient d’être conscient d’être… Si je
sais non seulement que je suis, mais également que je sais que je le sais,
alors j’appartiens à l’espèce humaine. Tout le reste en découle. » (2)
Comment fonctionnent ces boucles
rétroactives de la connaissance sur soi-même, comment sommes-nous conscients
d’être conscients ? Comment pouvons-nous avoir une représentation de
nous-mêmes ? Tels sont les questions auxquelles il va s’atteler dans ce
cours.
S’il est une partie des cours de
Stanislas Dehaene qui interpelle fortement le mode de management des
entreprises, c’est bien celle-là. En effet les problématiques de l’évaluation
et du pilotage sont évidemment clés dans les entreprises. Comme vous allez le
voir dans les articles à venir, les analyses et les études de Stanislas Dehaene
apportent des éclairages très
intéressants…
Il commence par une double
remarque :
- Souvent nous ne pouvons pas nous
souvenir d‘une réponse, mais nous savons que nous la connaissons ; nous
disons alors que nous l’avons sur le bout de la langue. Mais comment diable
savons que nous savons, alors que nous ne savons pas ? Étrange, non ?
Aurions-nous une capacité d’autoévaluation de ce qui est accessible quelque
part en nous, et que nous ne retrouvons plus. Un peu comme si nous étions face
à une armoire fermée, dans laquelle se trouve ce que l’on cherche, mais dont
nous aurions perdu la clé…
-
Si on me demande « Avez-vous
déjà dansé avec telle actrice célèbre, par exemple Fanny Ardant ? », je
vais répondre très facilement, car je sais que si j‘avais déjà dansé avec elle,
je m’en souviendrais. Si maintenant, on me demande « Avez-vous déjà dansé
avec une personne dont le prénom commençait par "Fa" », je vais être moins
affirmatif, car je sais que je pourrais avoir oublié…
Au travers de ces deux exemples,
on perçoit que non seulement nous avons un certain niveau de connaissance, mais
aussi un degré de confiance sur ce niveau de connaissance : quand nous ne
savons pas, nous savons que nous pourrions ; quand nous pensons savoir,
nous avons une opinion sur la solidité de ce savoir.
Ce dernier point est majeur pour fiabiliser
les processus de décision dans les entreprises : combien d’erreurs n’ont-elles
pas été faites sur la base de croyances qui se sont révélées fausses !
Serait-il possible de se servir des travaux des neurosciences pour lutter
contre ce risque ?
(à suivre)
(1) Les faux-monnayeurs,
Le journal d’Édouard
(2) Strong
Opinions
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire