Nous avons une idée sur ce que nous n’avons
pas vu (Neurosciences 16)
Quels sont donc les liens entre
métacognition et conscience ?
Stanislas Dehaene commence avec
cette question apparemment étrange : la métacognition est-elle possible en
l’absence de conscience, ou, formulé autrement, pourrions-nous avoir accès à
des informations sur nous-mêmes, sans que cet accès soit automatiquement
conscient ? Ou encore pourrions-nous avoir un avis sans que nous le
sachions, sans que nous nous en rendions compte ?
Eh bien, la réponse est
oui !
Avant de donner les réponses
apportées, reprécisons ce qu’est le jugement de confiance : c’est notre
capacité à évaluer la confiance que nous accordons à nos réponses.
Expérimentalement, il est possible de mesurer les deux éléments : quelle
est la performance intrinsèque de nos réponses (est-ce que nous nous trompons)
et de notre jugement de confiance (est-ce que nous nous évaluons correctement).
Les différentes études menées ont
montré que ce jugement de confiance était une compétence en soi, c’est-à-dire que
nous pouvions être capable d’avoir une évaluation correcte de notre
performance, tout en nous trompant régulièrement.
Ainsi, dans des cas où des sujets
disent n’avoir rien vu (cas de stimuli masqués), le jugement de confiance peut
être meilleur que le hasard : on pourrait ainsi évaluer consciemment ce
que l’on n’a perçu que de façon non-consciente. Si, au lieu de masquer les
stimuli, on utilise des techniques de distraction attentionnelle pour rendre
invisible les stimuli, la corrélation entre confiance et performance devient
même correcte.
Stanislas Dehaene en conclut qu’une estimation élémentaire de l’incertitude
accompagne chaque jugement perceptif, même inconscient. Il se pourrait que
chaque aire cérébrale code à la fois le stimulus le plus probable qui
explique les entrées sensorielles, ou la réponse la plus probable ou la plus
renforcée dans ces circonstances, mais également l’incertitude associée à cette
estimation, et peut-être même toute la distribution de probabilité associée
Ainsi
même si nous n’exprimons qu’un seul résultat – celui qui nous pensons et disons
avoir vu –, nous avons mémorisé toute une série de données qui nous permet
d’avoir un avis sur le résultat donné. (1)
C’est
ce qui expliquerait que nous puissions avoir un assez bon jugement sur notre
propre degré d’erreur.
Au vu
de ces éléments, nous devrions donc, dans les entreprises, demander à chacun,
et singulièrement aux experts, un avis sur la fiabilité de ce qu’il avance. Si
cela était fait brutalement, ce serait très probablement vécu comme une mise en
accusation, voire une remise en cause des expertises. Or il n’en est
rien : c’est bien d’une compétence indépendante qu’il s’agit.
Faisons
donc de la pédagogie dans les entreprises, expliquons que chacun a deux
compétences – ce qu’il sait, et la confiance qu’il a sur ce qu’il sait –,
et mettons en commun les deux. Nous devrions échanger non seulement sur nos
connaissances, mais aussi sur nos degrés de confiance en ce que nous savons. La
performance globale en sera nettement améliorée…
(à suivre)
(1) Ce
point sera repris longuement dans le cours 2012 sur lequel je viendrai plus
tard
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