Même de façon limitée, nous pouvons
apprendre à mieux savoir (Neurosciences 15)
Si notre capacité métacognitive
n’est pas une illusion, elle est à tout le moins très limitée, et beaucoup plus
que nous le pensons souvent.
Non sans humour, à l’appui de son
propos, Stanislas Dehaene reprend les propos tenus par Donald Rumsfeld, le 12
février 20002, concernant les armes de destruction massive soi-disant présentes
en Irak : « As we know, there
are known knowns; there are things we know we know. We also know there are
known unknowns; that is to say we know there are some things we do not know.
But there are also unknown unknowns -- the ones we don't know we don't know. »
Une pensée digne du clair-obscur inventé par les peintres du XVIIème
siècle !
Plus sérieusement, il insiste sur
nos illusions métacognitives, singulièrement lorsque nous pensons approcher de
la solution, ou lorsque nous pensons avoir suffisamment étudié une question.
Rien de moins vrai : la seule chose qui soit vraiment régulière…est le
fait que nous nous trompons !
Mais si l’erreur est constante,
elle n’est pas totale : notre métacognition n’est pas totalement fausse.
Il y a bien un lien entre sensation de savoir, et l’existence de ce savoir,
mais un lien faible. Le problème est que cette corrélation nous conduit le plus
souvent à surestimer nos compétences – nous savons moins que nous le croyons
–, et à parfois sous-estimer l’exactitude
de nos intuitions – nous sentons mieux que nous le croyons.
Y a-t-il un moyen d’améliorer ces
résultats ?
Oui d’abord en prenant son temps
avant de porter notre jugement. Comme quoi, l’expression « tourner sa
langue sept fois dans sa bouche avant de répondre » était fondée !
Oui surtout en se
testant systématiquement et en faisant porter son effort d’apprentissage sur les
items non-retenus.
Ce deuxième point
amène à souligner l’importance de la métacognition pour l’éducation et
l’auto-éducation. Ainsi la représentation, par l'élève, des connaissances qu'il
possède et de la façon dont il peut les améliorer est considéré, par certains pédagogues,
comme un élément essentiel de l’éducation :
- Comment as-tu
fait pour comprendre?
- Qu’est-ce que tu
ne sais pas? Comment peux-tu trouver l’information pertinente?
- Comment peux-tu
faire pour apprendre mieux?
Rôle essentiel donc de
l’expérimentation sur nous-mêmes. Que l’on pourrait aussi utilement utiliser
davantage dans les entreprises : ne devrait-on pas développer tous les
boucles d’apprentissage et d’expérimentation ? Ne devrait-on plus se
méfier des connaissances théoriques et universitaires ?
Retour à
l’introspection : même très limitée, elle est réelle. Aussi d’où vient
notre sentiment de savoir ?
- La
familiarité : Il semble que nous sommes capables d’évaluer la familiarité
d’un problème, c’est-à-dire sa proximité par rapport à ce qui existe dans notre
mémoire. Ceci est vrai non seulement pour problèmes déjà traités, mais aussi
pour des problèmes nouveaux, qui ressemblent aux anciens. Rien ne nous dit que
nous allons trouver rapidement la solution, mais nous avons la conviction que
c’est possible.
- Les
fragments : Autre source, celle de l’accès à des informations partielles,
car la présence de fragments de souvenirs peut conduire au sentiment de savoir,
avec le risque que ces fragments ne soient en fait pas appropriés, et qu’alors
le sentiment de savoir soit erroné.
Finalement notre
capacité d’introspection est liée à cette évaluation de la mémoire –
familiarité du problème et accès à des fragments – et à ce qui se trouve
présentement dans notre espace de travail global.
Malheureusement
ceci reste doublement limité, car notre espace de travail est lent et sériel,
et surtout parce qu’il n’a pas accès aux traitements non-conscients. Notre
introspection ne sait pas plonger dans l’iceberg de nos connaissances. Pour
reprendre la terminologie développée par Jung, elle ne porte que sur le
« moi », et pas sur le « soi »…
Mais est-ce si vrai
et qu'en est-il des liens entre métacognition et conscience ?
(à suivre)
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