Si toutes les balles
sont rondes, le fait d’être rond a un lien avec le fait de s’appeler une balle
(Neurosciences 21)
Reprise de mon blog
après ces quelques semaines de best of avec l’approfondissement du cours 2012
de Stanislas Dehaene sur le cerveau statisticien.
J’avais terminé
lors de mon article du 19 juillet par un résumé des conclusions que Stanislas
Dehaene en avait tiré, et singulièrement par le fait que notre cerveau
construisait continûment une vision du futur probable et comparaît ce qu’il
observait à cette vision préalable. (voir Nous
ne percevrions le présent que comme écart par rapport à nos prévisions).
Revenons donc
maintenant plus en détail sur les différents points.
D’abord, deux
premiers commentaires essentiels dans cette analyse du cerveau
statisticien :
-
La méthode de
calcul suivie par notre cerveau l’amène à privilégier les solutions les plus
simples : dès qu’il identifie un modèle explicatif qui correspond aux
données observées, et rien d’autre, il le privilégie. Ainsi, il prend le
contre-pied du proverbe Shadok, « Pourquoi faire simple quand on peut
faire compliqué », et reprend un principe de raisonnement énoncé depuis
l’Antiquité : « Une pluralité ne doit pas être posée sans nécessité », ou
encore « Les entités ne doivent pas être multipliées au delà du nécessaire ».
Nous sommes ainsi programmés pour aller vers la simplicité.
-
Notre
cerveau ne sait pas s’en tenir aux faits observés : il ne peut pas
s’empêcher de tirer des conclusions et des inférences, même quand il n’a pas
assez de données. Voilà la justification scientifique de notre tendance
naturelle à confondre corrélation et causalité, et toujours induire à partir de
rien.
Mais, comment notre cerveau peut-il induire à partir de presque
rien ?
Essentiellement parce qu’il ne se contente pas de tirer des conclusions à
partir de ce qu’il observe, mais parce qu’il mobilise des règles apprises dans
le passé : il est capable de transférer des règles et donc de progresser
ainsi rapidement.
Par exemple, si l’on tire une boule bleue d’une urne, on ne peut rien en
conclure dans l’absolu pour les tirages suivants. Mais si l’on a appris, par
l’expérience, que les urnes ne contiennent toujours que des objets identiques,
et de même couleur, on saura que les tirages suivants seront aussi des boules
bleues.
C’est ce type de transfert d’expérience qui permet l’apprentissage du
langage :
-
Étape
1 : un enfant est face à une ensemble de cinq objets, trois sortes de
balles et deux sortes de tasses. Il apprend alors que trois s’appellent des
balles et deux des tasses.
-
Étape
2 : il constate que les formes des balles et des tasses sont différentes,
mais que toutes les tasses ont la même forme, ainsi que les tasses.
-
Étape
3 : il en conclut qu’à chaque nom, correspond une forme spécifique. Les
« choses » ont une forme donnée qui les caractérise.
-
Étape
4 : il transfère ce savoir acquis à d’autres noms, et comprend qu’une
girafe est un animal qui a une forme de girafe, qu’un crayon la forme d’un
crayon, etc.
C’est le principe du méta-apprentissage : nous apprenons à apprendre ;
chaque progrès nous transforme et facilite l’acquisition future.
Les Shadoks ne sont d’ailleurs pas en reste, et quand ils affirment que
la notion de passoire est indépendante de celle de trou, ils énoncent une
métarègle.
Cette capacité essentielle à tout apprentissage est directement liée au
fait que notre cerveau est capable d’appliquer des inférences bayésiennes.
C’est ce qui lui permet d’inférer les métarègles, et de les généraliser
ensuite.
Mais bien sûr, ceci n’est pas sans inconvénient, car cela ne nous
prédispose pas à l’inconnu et à la nouveauté : nous aurons toujours
tendance à la lire, en y appliquant les vraisemblances et les règles issues de
notre passé…
(à suivre)
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