Promenade en terres indiennes (6)
Dans le
Nord de la Thaïlande, la moindre habitation est tissée de vert, et le macadam
dévoré de toutes parts. Dès qu’une route n’est plus entretenue, elle devient
aussitôt la proie du végétal, puissant et dominant. Nous, les humains, n’y
sommes que des invités tolérés et encombrants. Nos constructions sont
provisoires, la nature est définitive. Quand les pluies s’abattent, l’eau monte
de partout et emporte tout ce qui se trouve à sa portée. Quand le soleil brûle,
il apporte aux bambous la force de se hisser vers le ciel, en soulevant tout ce
qui entrave leur croissance.
Rien à
voir avec nos campagnes policées et dressées. En Europe, les arbres
grandissent, lentement et respectueusement, là où nous les avons plantés, et
uniquement là. Ils sont apprivoisés comme les animaux qui peuplent nos villes
et nos jardins. Nos maisons passent au travers des siècles, nos routes marquent
au fer rouge les paysages. Nous avons l’impression d’avoir domestiqué le monde,
et d’en être le centre. Pas étonnant que nous employions le mot d’environnement
: le monde non humain nous environne, et s’agenouille devant nous les
tout-puissants. De temps en temps, il se manifeste au travers d’une chute de
neige ou d’une tempête un peu plus fortes, mais cela ne dure pas, et tout
rentre vite dans l’ordre. Nous ne connaissons ni les pluies diluviennes de la
mousson, ni les cyclones qui balayent tout en quelques minutes.
Je
retrouve à Calcutta la même puissance, mais urbaine, animale et humaine. Comme
si les hommes face à la violence de la nature avaient dû se mettre au diapason.
Nous sommes ici dans une jungle urbaine. L’énergie est omniprésente, jaillit de
partout, bouleverse et mange tout. Regarde la façade de cet immeuble, des
arbres poussent à partir du quatrième étage. Descend ton regard et vois le flot
ininterrompu des voitures et de la marée jaune. Sur les trottoirs, c’en est une
humaine.
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