A la découverte de « Thinking, Fast and Slow » de Daniel Kahneman
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Nous avons un problème avec le
hasard et l’incertitude, nous cherchons constamment des explications à ce qui
n’en a pas et nous surestimons l’impact que nous ou d’autres ont pu avoir sur
les événements.
Daniel Kahneman présente de
nombreuses illustrations à l’appui de ce travers.
Par
exemple, « nous ne nous attendons
pas à ce qu'un processus aléatoire aboutisse à de la régularité, et quand nous
repérons ce qui semble être une règle, nous nous empressons de rejeter l'idée
qu'en fait, le processus est bel et bien aléatoire. »
Ceci
m’a rappelé notre réaction quand, de façon inattendue, nous rencontrons
quelqu’un que nous connaissons. La plupart d’entre nous sont étonnés d’une
telle coïncidence, d’aucuns parlent du destin, quand certains vont même jusqu’à
invoquer une « grand organisateur ». Or ce qui serait surprenant, ce
serait que nous ne rencontrions jamais quelqu’un que nous connaissons, là ce
serait un événement hautement improbable : il est en effet normal et
quasiment certain de rencontrer quelqu’un que l’on connaît, mais sans savoir
quand, ni où, ni qui… Par contre prévoir à l’avance qui, où et quand, là ce serait affaire
de divination !
Autre
exemple, issu cette fois du sport : « La main magique n'existe pas dans le basket professionnel, que ce soit
en cours de jeu ou en lancers francs. Bien sûr, certains joueurs sont plus
précis que d'autres, mais la séquence de tirs ratés et réussis satisfait tous
les tests du hasard. La main magique n'est vraiment qu'une vue de l'esprit, les
spectateurs étant toujours trop prompts à vouloir déceler ordre et causalité au
cœur du hasard. La main magique est une formidable illusion cognitive,
particulièrement répandue. »
Difficile
d’accepter que le succès dans un tir est d’abord dû au hasard, et secondairement
à la qualité du joueur. Et pourtant il suffit de regarder un match de football
pour voir que bien peu de tirs sont réussis, ou, dans une compétition de golf,
toutes les balles ne suivent pas les trajectoires voulues…
Et
l’importance de la chance et de l’aléa s’applique aussi au monde de
l’entreprise. Ainsi comme l’écrit Daniel Kahneman, « Si le succès relatif d'entreprises semblables était déterminé
entièrement par des facteurs que le PDG ne contrôle pas (appelons-les la
chance, si vous voulez), vous vous apercevriez que dans 50 % des cas, la
société la plus forte serait dirigée par un PDG moins efficace. Une estimation
très généreuse de la corrélation entre la réussite d'une entreprise et la
qualité de son PDG pourrait atteindre 0,3 – soit une intersection de 30 % entre
les deux mesures. (…) Avec une corrélation de 0,3, vous croiserez le meilleur
PDG aux commandes de la meilleure entreprise dans 60 % des paires – une
amélioration de seulement 10 % par rapport à une estimation au jugé. (…) Ne
vous y trompez pas : améliorer les chances de succès en les faisant passer de 1
pour 1 à 3 contre 2 est un avantage incontestable, tant sur le champ de course
que dans les affaires. Mais du point de vue de la plupart des auteurs
spécialisés dans le monde de l'entreprise, un PDG qui a si peu de contrôle sur
les résultats n'aurait rien de très impressionnant même si son entreprise se
portait bien. Il est difficile d'imaginer les gens faire la queue dans les
kiosques pour acheter un livre qui décrirait avec enthousiasme les pratiques de
dirigeants qui, en moyenne, font à peine mieux que la chance seule. »
Troublant
non d’apprendre que le succès est d’abord une affaire de chance ?
Cela
fait écho à cette histoire fameuse dans la culture chinoise, où un grand
général apprend qu’il a gagné des batailles d’abord parce qu’il était à la tête
de la meilleure armée, et secondairement à cause de ses propres décisions. Écho
aussi à Léon Tolstoï qui, dans Guerre et Paix, montre comment la campagne de
Russie de Napoléon Bonaparte fut essentiellement le fruit du hasard (1)
…
Un
autre biais toujours lié à notre refus du hasard est notre incompréhension de
la régression à la moyenne…
(à suivre)
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