Comment articuler stabilité à long terme et action au quotidien, et quel est le rôle de la Direction générale, quand tout bouge tout le temps ?
Dernièrement, j’ai évoqué pourquoi toute décision est faussée, et conclu que, au mieux le ou les décideurs étaient identifiés, mais que leur connaissance de la situation était toujours imparfaite, que les conséquences réelles de toute décision étaient largement inconnues, et que tout dirigeant doit savoir que ses processus inconscients sous-tendent largement ses choix. Comment alors diriger et comment fonder ses décisions, sans se fonder uniquement au hasard et à la chance ?
Première remarque de bon sens, puisque toute décision est faussée, moins on décide, mieux on se porte, et moins on a de chances de se tromper. Ainsi je crois que diriger efficacement n’est pas d’abord de décider, mais de permettre à l’entreprise de décider, ou plus exactement puisque l’entreprise n’est que l’expression des hommes qui la composent, et des systèmes qui les organisent, faire en sorte que le mode de management, le choix des hommes et les systèmes en place conduisent à une émergence efficace (voir le management par émergence).
Certes, mais il n’en reste pas moins que, même si diriger ce n’est pas quotidiennement décider, c’est aussi décider, et notamment fixer la stratégie de l’entreprise. Alors, comment faire ?
Voilà donc bien un thème qui reste l’apanage du dirigeant : fixer la stratégie. Personne ne conteste que ce soit de sa responsabilité, et tout le monde s’attend à ce qu’il la décide.
Aucun doute là-dessus… quoique s’est développée ces dernières années la mode de la stratégie participative : un processus stratégique devrait impliquer un maximum de personnes, et émerger d’un travail collectif. C’est devenu tellement une mode, que c’est presque un lieu commun, voire un dogme pour bon nombre. Oser imaginer que la stratégie serait le fruit de quelques-uns perdus dans les moquettes d’un siège lointain serait donc un crime de lèse-majesté contre le bon sens communément partagé.
Et bien, au risque de me retrouver cloué au pilori par les spécialistes de tous bords, j’en suis arrivé à penser le contraire.
Pourquoi ?
Commençons par définir les mots que l’on emploie, cela ne fait jamais de mal. Que veut dire "stratégie" ? Je constate qu’il est employé quotidiennement, ce sans que l’on se rende compte combien il peut être ambigu, et générateur de contre-sens.
Pour certains, vu l’incertitude qui règne, dès que l’on dépasse le court terme, c’est-à-dire l’horizon du budget, la stratégie commencerait. On aurait ainsi la juxtaposition entre des actions immédiates et une stratégie, qui, dès lors, se trouverait fluctuer au hasard des évolutions et des humeurs. N’est-ce pas alors la négation même de la stratégie ?
D’autres parlent d’un marketing stratégique qui viendrait s’intercaler entre le marketing et la stratégie. Pour cela, il requalifie le marketing, de marketing opérationnel. Est-ce à dire que le marketing stratégique ne le serait plus ? Quel est aussi le sens respectif de la stratégie et du marketing stratégique ? Personnellement, je n’y ai toujours vu surtout qu’une immense confusion, et un manque de clarté.
Enfin pour beaucoup, la stratégie est, comme je l’indiquais ci-dessus, ce sur quoi la collectivité des dirigeants, ce en associant le plus grand nombre, est d’accord. L’hypothèse implicite est que l’élargissement de la participation conduirait à un enrichissement de la stratégie et à une meilleure mise en œuvre ensuite. Mais comment penser que, vu l’incertitude qui se diffuse et la complexité des analyses à synthétiser, le cap va émerger d’un tel élargissement ? Et pourquoi les compétences requises pour réussir à élaborer une stratégie seraient celles requises pour manager au plan opérationnel ?
Les grands gagnants de cette expansion de processus stratégiques complexes, et de plus permanents et sans cesse renouvelés et enrichis sont les cabinets de conseil qui y voient un eldorado sans fin. Mais je doute que ce soit celui de leurs clients…
La mer ou la métastratégie, ce point fixe choisi pour la vie
Qu’est-ce donc que la stratégie, et comment la définir en la reliant aux activités de l’entreprise ?
Pour ce faire, je crois qu’il est indispensable de penser en fonction des différents horizons qui se présentent à l’entreprise. J’en distingue personnellement quatre.
D’abord le plus lointain, celui qui fixe l’objectif à très long terme, ce point fixe que doit choisir une entreprise et s’y tenir : c’est ce que j’appelle "la mer", ce futur qui attire la course des fleuves. C’est souvent ce qui est appelé la vision, mais je lui préfère le mot de stratégie, voire de métastratégie, car je crains que d’aucuns pensent qu’une "vision" est théorique et utopique.
Bien au contraire, même si cet objectif n’est jamais atteint, c’est lui qui doit orienter l’ensemble des actes de l’entreprise. Ainsi L’Oréal n’en a jamais fini de viser la beauté, Danone et Nestlé la nutrition et la santé, ou Saint-Gobain l’habitat.
Je rappelle que cette métastratégie est choisie pour la vie, car, comme je l’écrivais dans les Mers de l’Incertitude :
"C’est possible : une mer est un attracteur stable dans le chaos du monde, un besoin fondamental et stable qui, quels que soient les aléas, sera toujours là. Les problèmes sont toujours multiples et leur résolution est une tâche sans fin.
"C’est possible : une mer est un attracteur stable dans le chaos du monde, un besoin fondamental et stable qui, quels que soient les aléas, sera toujours là. Les problèmes sont toujours multiples et leur résolution est une tâche sans fin.
C’est nécessaire : comme un fleuve se renforce au fur et à mesure qu’il progresse, une entreprise ne peut pas changer de mer sans repartir de zéro. Au début, une entreprise n’a qu’une intuition de la mer, c’est petit à petit qu’elle va développer une compréhension fine, créer des offres de mieux en mieux adaptées, développer des savoir-faire internes…
C’est l’identité même de l’entreprise : c’est la mer qui donne le sens à l’action collective et soude les équipes internes. Changer de mer, ce n’est pas seulement changer de stratégie, c’est changer d’identité. Changer de mer, c’est risquer de ne pas être compris et suivi, de voir éventuellement même éclater l’entreprise".
Mais comment s’articule cette métastratégie, avec le quotidien de l’entreprise ?
Les chemins qui mènent à la mer
Une fois qu’une entreprise a choisi sa mer, sa métastratégie, sa vision comme certains l’appellent, comment la relier au quotidien de l’entreprise ? En effet, si les actions immédiates mises en œuvre ne sont pas en cohérence avec cette métastratégie, si rien n’est fait pour se rapprocher de sa mer, ne serait-ce que de quelques mètres, elle restera une vision théorique et fictive : pour qu’une métastratégie en soit une, encore faut-il qu’elle se concrétise dans le quotidien !
Une deuxième étape est nécessaire, et qui elle aussi relève de la stratégie, mais qui est moins stable que la vision : quels sont les chemins que, compte tenu de ses ressources actuelles et de la situation concurrentielle, se fixe l’entreprise pour avancer vers sa mer, chemins qui doivent être les plus résilients possible, c’est-à-dire les moins susceptibles d’être remis en cause ?
Premier niveau de traduction et d’explicitation : L’Oréal a décidé de s’intéresser non pas à la beauté en général, mais à la beauté au travers des cheveux, de la peau et du parfum. Concernant la peau, il a été considéré que seuls les produits de soin en faisaient partie, excluant tout ce qui est savon (1). Ceci permet de définir toutes les familles de produit auxquelles il faut s’intéresser : shampooing, laque, gel, cosmétique, maquillage, parfums…
Deuxième niveau de traduction : L’Oréal a décidé d’être présent dans tous les circuits de distribution : grand public (hypermarchés, supermarchés, magasins populaires, grands magasins), coiffeurs, pharmacie, parfumerie, vente à distance…
Troisième niveau de traduction : ceci se fera au travers de marques mondiales, dont chacune devrait porter une promesse spécifique, et être cohérente avec le circuit de distribution où on la trouve.
Ces deux choix sont bien stratégiques, car ils engagent le futur de l’entreprise et structurent ses actes. Idéalement, ils n’ont pas à être remis en cause, mais rien n’est figé : L’Oréal peut revoir les produits auxquels l’entreprise s’intéresse, et les circuits de distribution évoluent.
Quant au portefeuille de marques, il évolue au fur et à mesure du développement de L’Oréal : au départ deux marques phares, L’Oréal et Lancôme ; aujourd’hui, la liste est longue, avec en plus Garnier, Vichy, Biotherm, et bien d’autres (voir la photo ci-jointe). Mais cette liste de marques relève déjà largement du troisième niveau.
Nous voilà donc passés d’une métastratégie stable et qui fixe définitivement le cap, à une traduction en des termes beaucoup plus concrets.
Une remarque sur ces chemins : plus ils seront nombreux et indépendants les uns des autres, plus la stratégie sera globalement résiliente aux aléas.
Reste maintenant à passer aux actions concrètes à mener dans l’entreprise, notamment ces marques et leurs produits réels.
Les actes stratégiques dessinent les chemins qui vont à la mer
En poursuivant l’exemple de L’Oréal, voilà donc l’entreprise dotée non plus seulement d’une métastratégie, cette mer qu’elle vise, mais d’une stratégie qui précise les familles de produits auxquelles elle s’intéresse, et la volonté de disposer d’un portefeuille de marques mondiales couvrant tous les circuits de distribution, et spécialisées dans un circuit donné.
On arrive alors au troisième niveau, celui des actes stratégiques, ceux qui vont effectivement chercher à rendre concrète la stratégie : quelles sont les marques que L’Oréal veut lancer et entretenir ? Pour chacune, quels sont sa promesse, son circuit de distribution, et la famille de produits qu’elle recouvre ?
Autant les deux premiers niveaux sont extrêmement stables, autant ce troisième est dynamique et évolutif :
- Le positionnement d’une marque est figé dans ses grandes lignes, notamment quant au circuit de distribution et au niveau de prix, mais il évolue dynamiquement en fonction de la situation concurrentielle, ainsi que des autres marques se développant au sein du groupe L’Oréal. Ainsi, l’acquisition d’une nouvelle marque peut amener à lui rattacher une marque existante, comme cela a été le cas avec Gemey suite à l’acquisition de Maybelline.
- Le positionnement d’une marque est figé dans ses grandes lignes, notamment quant au circuit de distribution et au niveau de prix, mais il évolue dynamiquement en fonction de la situation concurrentielle, ainsi que des autres marques se développant au sein du groupe L’Oréal. Ainsi, l’acquisition d’une nouvelle marque peut amener à lui rattacher une marque existante, comme cela a été le cas avec Gemey suite à l’acquisition de Maybelline.
- Les familles de produits inclus dans une marque sont susceptibles de changer, essentiellement par ajout : ainsi la marque L’Oréal comprend une ligne cosmétique seulement depuis le début des années 80, et une ligne de gels coiffants depuis le milieu des années 80.
- Au sein d’une famille de produits, les produits effectivement présents changent beaucoup plus fortement : par exemple les produits coiffants de L’Oréal sont regroupés sous la marque ombrelle Studio Line, et sont en perpétuelle évolution.
Mais avec cette dernière remarque, on passe au quatrième niveau, celui qui ne relève plus de la stratégie, mais de la mise en œuvre de celle-ci : une fois décidé le lancement ou l’élargissement d’une marque, comment faire en sorte que tel ou tel produit soit effectivement accessible au client, et ce dans les meilleures conditions concurrentielles ?
Résumons où nous en sommes :
- 1er niveau : l’entreprise a choisi la mer qu’elle vise, sa métastratégie, ce point fixe qui guide durablement ses efforts. Dans le cas de L’Oréal, cette métastratégie est la beauté.
- 2e niveau : elle a défini les chemins qu’elle veut suivre pour atteindre cette métastratégie. L’Oréal a précisé qu’elle s’intéresse à la peau (cosmétique et maquillage), le parfum et les cheveux, en étant présente dans tous les canaux de distribution, ce au travers de marques mondiales, dédiées à un canal donné. Cette stratégie n’a pas vocation à évoluer, sauf événement majeur (2).
- 3e niveau : elle a précisé comment traduire ces chemins en actes stratégiques précis, c’est-à-dire comment transformer ces chemins théoriques en actes concrets. L’Oréal a défini la liste de ses marques, en indiquant pour chacune son positionnement, son canal, et les familles de produits qui la composent. Ce portefeuille évolue dynamiquement, ainsi que les familles de produits présents, ce en fonction de l’avancée de l’entreprise et du contexte concurrentiel.
Reste maintenant à mettre en œuvre effectivement ces actions stratégiques, et à développer des produits jusqu’à les amener jusqu’aux clients : quelles sont les actions exactes à réaliser au cours de l’année en cours et des années suivantes en terme de fabrication, de commercialisation, de conception ? Tel est le rôle du 4e niveau.
Ainsi au sein du L’Oréal, pour chaque marque, les produits à développer et commercialiser sont précisés, par exemple : combien de shampooings, avec combien de références, et en réalisant tout ce qui est nécessaire pour que chaque shampooing soit effectivement accessible aux clients : film publicitaire, packaging, formule, prix, référencement dans la distribution… Ce quatrième niveau est sans cesse remis en cause et adapté : les produits existants sont revisités pour s’assurer que leur positionnement reste valable, les films publicitaires sont modernisés, des promotions et des animations ont lieu… En parallèle, sont mis en place les processus industriels assurant l’élaboration des produits au meilleur coût.
On a donc de la sorte un emboîtement en poupées russes, une fois de plus des matriochkas : des actions immédiates qui réalisent des produits, emboîtées dans des marques qu’elles contribuent à construire, elles-mêmes donnant naissance à l’expansion mondiale de l’entreprise dans les marchés qu’elle a choisis, ceci la rapprochant chaque jour un peu plus de sa mer, et donnant corps et réalité à sa métastratégie.
Telle est ma réponse à comment articuler stratégie et actions quotidiennes. Cette réponse étant donnée, je vais pouvoir revenir au rôle du dirigeant, et de ce sur quoi doit porter sa décision.
Choisir la mer et les chemins d'accès relève de la Direction générale
Dès le début de cet article, j’indiquais que la stratégie était l’apanage du dirigeant, et que c’était bien là le champ privilégié où il devait exercer son pouvoir, et surtout son talent de décideur. Mais il fallait d’abord avoir précisé ce que j’entendais par stratégie. C’est chose faite avec les 4 niveaux :
- La métastratégie qui fixe le cap, la mer que vise le fleuve : la beauté pour L’Oréal, la nutrition et la santé pour Nestlé, l’habitat pour Saint-Gobain…
- Les chemins stratégiques qui définissent comment l’on va se rapprocher de cette mer : les produits pour la peau, les cheveux et les parfums, portés dans des marques mondiales couvrant tous les circuits de distribution pour L’Oréal.
- Les actes stratégiques qui précisent comment on avance sur ces chemins : le portefeuille de marques avec pour chacune son positionnement, toujours pour L’Oréal.
- Les actions opérationnelles qui concrétisent les actes stratégiques : les produits effectivement lancés.
Ma conviction est que le rôle majeur, et en fait unique, de la Direction générale est de se centrer sur les deux premiers niveaux qui sont ceux qui définissent le cadre stratégique stable de l’entreprise : la métastratégie et les chemins stratégiques.
En effet d’abord ce sont eux qui engagent le long terme de l’entreprise et sont l’ossature et le ciment de tout le reste. Se tromper sur eux, c’est tout l’édifice qui s’effondre : viser une mer qui n’en est pas une, soit parce qu’elle n’est pas réellement un besoin stable et durable, soit parce qu’elle est inaccessible et incompatible avec ce qu’est l’entreprise, et tous les efforts seront vains. Choisir des chemins qui seront des impasses ou qui ne rapprocheront pas de la mer visée, et rien ne sera construit, les ressources seront dilapidées.
Ensuite, les trouver est un art difficile et complexe qui allie une qualité de visionnaire – être capable de s’abstraire des bruits ambiants et des idées reçues pour penser à partir du futur pour percevoir les points fixes, et imaginer ce qui n’existe pas encore –, et de réalisme – savoir s’assurer que cette vision n’est pas un rêve inaccessible, et qu’elle est compatible avec ce que peut faire l’entreprise –. Ce travail doit être mené par un noyau extrêmement restreint, et aux compétences adaptées à ces difficultés.
Enfin, ce choix n’est pas à faire souvent, au contraire : on choisit sa métastratégie et les chemins pour toujours… ou presque. Une fois le choix fait, ce n’est plus que d’inflexions et d’enrichissements qu’il s’agit. Aussi si la Direction générale doit avoir toujours en tête ces deux premiers niveaux de la stratégie, cela ne va pas mobiliser beaucoup de son temps… une fois qu’ils auront été définis.
L’action quotidienne de la Direction générale sera surtout alors de s’assurer de la bonne compréhension par tous de ces choix, et de valider tout ce qui émerge à partir de là, c’est-à-dire ce qui se passe pour les niveaux 3 et 4.
Avoir une Direction générale qui décide de la stratégie, ce n'est pas limiter la liberté... bien au contraire !
Donc décider la métastratégie et les chemins stratégiques relève de la Direction générale, et inutile de chercher à associer beaucoup de monde autour d’elle, car ce serait une perte de temps et une dilution de l’efficacité : on ne peut pas fixer le cap en étant une multitude à réfléchir. Ceci ne veut évidemment pas dire que la Direction générale doit être coupée de son entreprise. Surtout pas ! Elle doit être nourrie par elle, et, si possible, y avoir grandi pour la connaître de l’intérieur.
Mon expérience m’a montré que ce qu’attendent ceux qui composent l’entreprise, ce n’est pas d’être associé à la décision de ces objectifs ultimes, mais que ces choix soient faits, qu’ils soient clairs, et que chacun sente que la Direction générale est unie et convaincue de leur bien-fondé.
Mais alors qu’en est-il du 3e niveau, celui des actes stratégiques, ne relève-t-il pas lui aussi de la Direction générale ?
Non, car dans les grandes entreprises, c’est-à-dire celles qui opèrent mondialement et sont composés de filiales et divisions multiples, c’est la responsabilité des patrons d’unités : c’est à eux de réfléchir, à partir de ce qu’ils connaissent de leur division, filiale ou groupe de filiales, comment traduire la stratégie globale en stratégie locale, ce que j’appelle actes stratégiques.
Revenons une fois de plus sur le cas de L’Oréal : vu le nombre de marques et de pays, comment la Direction générale pourrait décider de la stratégie de chaque marque ? Cela n’aurait aucun sens, serait dangereux et contre-productif. Non, son rôle est de s’assurer que chaque patron de marque ou de pays a convenablement compris la stratégie globale, puis de challenger leurs propositions pour les obliger à approfondir leurs réflexions. La Direction générale se mue en une forme de coach stratégique qui explique, forme, soutient, conteste… et in fine, valide ou non. Alors la stratégie des marques émergera des situations réelles, venant en quelque sorte à la rencontre de la pensée théorique de la Direction générale qui avait, elle, imaginé la stratégie globale.
Quant au 4e niveau, c’est celui des opérations. Et ne nous trompons pas, il est riche et difficile.
Je me souviens encore de ce matin de printemps 2006 où le Directeur général de la filiale dans laquelle je me trouvais est venu, accompagné du Directeur marketing, me dire : "Robert, nous avons décidé de lancer un nouveau shampooing au sein de la filiale. Il doit être positionné autour de la vitalité. À vous de jouer !"
Je ne me suis pas senti frustré de ne pas avoir participé à la décision de lancer un tel shampooing, car comment aurais-je pu apporter quoi que ce soit, moi qui n’étais qu’un chef de groupe marketing débutant.
Je ne suis pas non plus senti bridé, car il me fallait traduire cette idée en réalité : trouver la marque, la formule, le packaging, le niveau de prix, la communication… Le champ était vaste et passionnant, et j’avais quasiment carte blanche et le soutien du groupe pour le faire. Bien sûr chacun élément a été validé, chaque option a été discutée, mais c’est bien moi qui proposais.
Cette expérience reste, aujourd’hui encore, un de mes meilleurs souvenirs…
(1) Notons toutefois que les savons douche liquides, compte tenu de leur adhérence avec les shampooings, n’ont pas été écartés.
(2) Une inflexion a été donnée à partir des années 80, avec l’adjonction de la notion de marque ombrelle qui, au sein d’une marque, regroupe une famille de produits. Ainsi les produits coiffants de la marque L’Oréal sont tous fédérés sous la marque ombrelle Studio Line, les shampooings sous celle d’Elsève. Ceci permet de consolider les investissements publicitaires, et assurer une stabilité de la marque ombrelle, alors que les produits qui la composent changent rapidement.
(Articles parus sur le Cercle Les Echos le 25 février 2013, et sur mon blog
(Articles parus sur le Cercle Les Echos le 25 février 2013, et sur mon blog
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