La France périphérique (3)
Avant d’en venir aux conclusions politiques que tire Christophe Guilluy, arrêtons-nous un instant sur son analyse de ce qui est considéré comme une donnée de notre monde : le développement de la mobilité.
D’abord qu’en est-il des migrations internationales ?
« Les migrations internationales ne concernent qu’environ 3 % de la population mondiale, soit une partie infime des habitants de la planète. En réalité, quand elles ont lieu, l’essentiel des mobilités humaines sont des migrations internes aux États. Dans tous les cas, l’immense majorité des habitants du monde vivent dans le pays où ils sont nés. (…) On l’oublie souvent : l’immigration est d’abord un arrachement, plus rarement un choix. (…) Une enquête de Sciences Po(1) montre que le taux d’expatriation ne touche que 0,004 % des non-diplômés contre 2,1 % des titulaires d’un doctorat, soit 52 fois plus. La part des jeunes ingénieurs travaillant à l’étranger est passée de 14,6 % à 19 %. »
Ainsi à nouveau, déconnexion entre la France des métropoles et celle de la périphérie. Mais tout ceci doit être en train de changer puisque la France est sillonnée de TGV. Sauf que qui trouve-t-on dans les TGV ?
« L’économiste Julien Milanesi observe par exemple que depuis la mise en service d’un train roulant à 300 km/ h plutôt qu’à 160 km/ h ou 200 km/h, la SNCF attire toujours plus de catégories supérieures. Le train est devenu un moyen de transport socialement marqué. Plébiscitée par les élites, l’hypermobilité est le fait des classes supérieures, une mobilité financée pour partie par… les catégories modestes. Les coûts des infrastructures ferroviaires, routières et aériennes sont en effet pour partie assumés par des financements publics ; des budgets pharaoniques auxquels contribue donc la majorité, surtout pour le confort, in fine, d’une minorité. »
Aussi la mobilité qui est l’apanage des métropoles est creuse davantage la fracture :
« Les métropoles mondialisées et gentrifiées resteront celles des mobilités (par le haut pour les catégories supérieures et par le bas pour les catégories populaires immigrées), tandis que la France périphérique verra peu à peu émerger une France des sédentaires contraintes par le contexte économique, social et foncier. »
« La volonté d’éviter les quartiers et plus largement les territoires des grandes villes où se concentre l’immigration participe à la sédentarisation des populations dans des territoires économiquement peu dynamiques. »
(à suivre)
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