30 mai 2018

TROP DE CHANGEMENTS NE MÈNE NULLE PART !

La vraie performance vient de la stabilité

Depuis longtemps, la mode est au changement : une entreprise performante serait une entreprise réactive, capable de se reconfigurer souvent et rapidement. Cela est devenu un des discours récurrents des livres de management et des cabinets de conseil. 
Et aujourd'hui le mot à la mode est l'agilité : une entreprise performante serait une entreprise agile. Avec l'idée que l'agilité est la capacité à se reconfigurer continûment et dynamiquement.
Peut-être... mais est-ce si vrai ?
Je note que la succession rapide de changements et le développement d'un mouvement perpétuel et constant sont dangereux, ce pour trois raisons :
  • La pénibilité du changement et l’importance des dégâts collatéraux : 
Nous avons tous besoin de repères fixes, et apprécions la stabilité : le rythme naturel des évolutions voulues à titre privé se fait sur des cycles longs, largement supérieur à la dizaine d’années. Bouleverser souvent une organisation vient heurter ceci. Par exemple, elle détruit constamment les réseaux informels relationnels qui sont essentiels à la performance d’une organisation.
Autre point noir : tout changement, même s’il est accepté et conçu comme légitime, nécessite un temps d’appropriation, temps pendant lequel rien ne fonctionne de façon optimale. On parle communément de « trouver ses marques ». Aussi changer souvent, c’est dégrader souvent la performance.
  • Le temps nécessaire à la mise en œuvre d’une stratégie : 
Il ne suffit pas de dire pour être compris, de mettre en place des formations pour que les équipes le soient, ou de dessiner de nouveaux organigrammes pour que les organisations se transforment. Dans une grande entreprise présente sur de multiples géographies et métiers, la mise en œuvre d’un changement réel devra se diffuser dans un réseau complexe et capillaire. 
Mon expérience m’a montré qu’un changement réel allait nécessiter trois à cinq ans, avant que l’entreprise soit réellement et profondément transformée, c’est-à-dire que ses clients et fournisseurs s’en rendent compte. Aussi si l’on change souvent, on croît changer, mais on ne change jamais. Pour me faire comprendre, j’aime à utiliser le métaphore de l’équipe de direction qui court sans cesse, croyant que le reste de l’entreprise suit, alors que, sans s’en rendre compte, elle tourne en rond sur un stade, le reste de l’entreprise restant immobile et les regardant repasser régulièrement au même endroit (voir  « Courir en rond sur un stade ne fait pas vraiment avancer un sujet ! »)
  • L’importance de points fixes pour construire la performance 
La mondialisation des activités et la vitesse de propagation des innovations locales viennent contredire sans cesse les plans faits la veille. Toute entreprise est aujourd’hui sujette à des tentations incessantes de diversification, voire de remise en cause profonde de son métier. Symétriquement, elle peut se sentir constamment menacée par des idées nouvelles ou des concurrents inconnus la veille. Aussi si l’on se focalise sur ce qui bouge et qui est nouveau autour de soi, on est vite emporté par ce tourbillon. 
La création de valeur, comme je l’ai développé dans mes livres "Les Mers de l’incertitude" et "Les Radeaux de feu", est au contraire dans la recherche de points fixes, de « mers » qui, les attirant durablement, permettent aux fleuves de grandir et se renforcer (voir notamment « Réfléchir à partir du futur pour se diriger dans l’incertitude »).

Il faut donc affirmer que :  
  • La performance est dans la constance et la permanence, qui, seules, peuvent permettre de construire mondialement un avantage concurrentiel durable et réel.
  • Un changement ne doit être mis en oeuvre que quand il est nécessaire, et surtout ne pas devenir un mode permanent de management.
  • L'agilité a pour but de contribuer à la stabilité, comme les méandres d'un fleuve lui permettent de s'adapter au terrain et aux aléas climatiques, sans changer de destination.

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