Quand la clé est dans le prénom…
Retour sur Gran Torino. 24 heures après, il est toujours présent, étonnamment rémanent… La puissance du creux et du vide.
Souvenir de la lecture du Traité de l'efficacité de François Jullien : « On façonne l'argile pour faire un vase, mais c'est là où il n'y a rien qu'il exerce la fonction du vase : grâce à ce vide intérieur, le vase peut contenir... De là, vient sa capacité d'effet... Le vide est tout simplement ce qui permet le passage de l'effet. »
Au cours d'une soirée, Thao – le jeune asiatique – est assis, dans un coin, loin des autres, comme exclus. Le reste des jeunes sont attablés et s'amusent ensemble. Au cœur de ce groupe, une jeune fille. Seul Clint voit qu'elle regarde sans cesse Thao, qui, lui, n'a rien vu, inconscient de la puissance d'attraction de sa passivité et de son creux.
Cette faiblesse de Thao est le creux qui va permettre à Clint Eastwood de se révéler. Et au lieu finalement de lui apprendre la puissance de la force, Clint Eastwood va lui faire prendre conscience de la puissance de sa propre faiblesse, et lui, symétriquement, finira par faire de sa mort prochaine et annoncée – sa faiblesse ultime – la force qui va tout dénouer.
La transformation va être accompagnée par un prêtre : au moment de mourir, la femme de Clint lui a fait promettre de confesser son mari. Têtu, il fait face à la forteresse fermée de Clint et va contribuer à l'ouvrir.
En fait tout est dit dans le prénom de l'adolescent : il est le tao, la voie, ce chemin qu'il faut trouver… Thao est le tao.
Est-ce un signe volontaire de Clint Eastwood ? Oui probablement, d'autant plus que pendant presque tout le film, il va déformer son prénom, le transformant pour l'appeler « taré », et ce n'est qu'à la fin qu'il l'appellera Thao, quand, précisément il aura trouvé son chemin.