Se confronter pour rester connecté au réel
« Un mardi 17 heures à Pékin, j'étais dans un taxi avec mon ami chinois Hai. Pour une fois, la circulation était plutôt fluide et le taxi se déplaçait rapidement sur l'avenue. Brutalement il tourna à droite, et le vélo qui se trouvait à côté manqua de nous percuter.
– Il est fou, ce chauffeur de taxi, m'exclamais-je ! Il pourrait regarder avant de tourner : il a failli renverser le vélo.
– Mais non, il n'est pas fou, me répondit Hai. Pourquoi dis-tu cela ? »
Je le regardais interloqué, ne comprenant pas pourquoi il n'était pas scandalisé comme moi par la brutalité de la conduite du taxi.
– Le vélo n'a qu'à faire attention, prolongea-t-il. Il sait bien que c'est lui le plus faible, et qu'en cas d'accident, c'est le taxi qui gagnera. »
Choc culturel : pour nous, occidentaux, c'est au fort de faire attention ; dans la culture chinoise, c'est au faible, et, s'il lui arrive quelque chose, c'est d'abord un « mauvais faible », c'est-à-dire quelqu'un qui n'est suffisamment conscient de sa situation réelle. Cela n'empêchera pas de l'aider ensuite s'il en a besoin…
Qui a raison, qui a tort ? Personne. Ce n'est pas une question de raison ou de tort, c'est simplement une différence culturelle : la Chine est un continent qui s'est construit et a vécu des millénaires quasiment sans interactions avec le dehors. Elle a donc une histoire propre, une culture propre, des références propres. Le fait qu'elles soient différentes ne les rend pas moins respectables… comme les nôtres : ni plus, ni moins. Il n'y a pas de raisons morales à privilégier a priori un point de vue ou l'autre : en Chine, le faible ne se sent pas plus opprimé ou moins respecté que chez nous.
Si l'on ne connaît pas cette différence culturelle, on ne pourra pas comprendre correctement ce qui se passe en Chine : toutes nos interprétations seront fausses. Symétriquement, si les Chinois n'intègrent pas de leur côté cette différence, ils ne peuvent pas nous comprendre.
Un peu plus tard, toujours à Pékin, je suis assis devant la télévision et essaie de suivre au travers des images ce qui est raconté. La quasi-totalité des émissions sont sous-titrées en idéogrammes chinois et je ne vois pas pourquoi : quel est l'intérêt de sous-titrer, ce d'autant qu'il y a beaucoup plus qu'une centaine de langues en Chine ? Je pose donc la question à Hai.
« Oui, nous avons bien plus d'une centaine de langues. Mais si à l'oral elles sont toutes différentes, elles s'écrivent presque toutes de la même façon, me dit-il. »
Quelle information ! Imaginez un instant l'Europe si nous parlions toujours des langues différentes mais si elles étaient identiques à l'écrit. D'un coup, je comprends mieux comment la Chine a pu mettre en place un système centralisé et hiérarchique couvrant l'ensemble du pays. Je perçois aussi immédiatement pourquoi l'écriture y occupe à ce point un rôle majeur : la calligraphie s'est développée comme un art, parce que c'était d'abord une nécessité. Chez nous, l'écrit est d'abord le moyen d'archiver et de sécuriser une information ; chez eux, c'est d'abord le moyen de communiquer tous ensemble.
La méconnaissance de cette donnée avait faussé mes raisonnements jusqu'à présent : je ne pouvais pas bâtir des interprétations exactes, car je n'étais pas suffisamment connecté au réel, une donnée essentielle me manquant. D'une certaine façon, j'étais un « malade mental » : mon cerveau me trompait…
L'entreprise, elle aussi, agit à partir des interprétations qu'elle construit, interprétations qui doivent être constamment reliées au réel, c'est-à-dire à ce qui se passe à l'intérieur et autour d'elle. Dans le cas contraire, elles vont dériver et une « maladie mentale » va s'installer : comme le patient héminégligent, l'entreprise va nier que cette main soit la sienne et construire un homme à trois bras et trois mains.

Si une telle déconnexion se produit, c'est souvent parce que, par peur du conflit ou par arrogance, l'évitement domine : peur de dire à son supérieur hiérarchique que les objectifs fixés ne seront pas atteints, incapacité à voir les signaux montrant le retournement d'un marché, difficulté à accepter un point de vue divergent, déficit de communication entre les activités opérationnelles et le siège…
Rester connecté au réel, c'est savoir se confronter à l'intérieur de l'entreprise et avec le dehors. »
________________________________ (EXTRAIT DU LIVRE NEUROMANAGEMENT)





Nous croyons voir, mais en fait, c'est faux : nous ne percevons pas directement les informations transmises par le nerf optique ; elles n'arrivent à notre système conscient – le seul dont, par définition, nous sommes conscients ! – que traitées par notre cerveau, et ce sans que nous nous en rendions compte, c'est-à-dire inconsciemment.
Ensuite, toujours à partir de notre expérience passée, des propositions d'action seront élaborées : si c'est un lion qui est train de s'approcher, une action de fuite est proposée spontanément ; si c'est un gâteau, l'envie de manger sera amorcée…
Comme pour un individu, c'est une source d'enrichissement et d'efficacité : déclenchement automatique d'actions si nécessaire, mobilisation de l'expérience pour analyser la situation et proposer des actions…

Je suis inquiet, et ce depuis un passage au BHV.
« On est près voire plus de 60 millions mais on ne voit que soi. Alors que c'est dans le regard de l'autre finalement qu'on devient soi.
On est près voire plus de 60 millions mais on ne voit pas soi. Notre identité est dans les yeux de l'autre comme dans un miroir on se voit.
Au moment où un souffle de pessimisme se répand un peu partout – et singulièrement en France -, il est bon de recevoir un peu d'air frais dans la figure.
On peut aussi l'entendre comme une invitation, dans les temps troublés que nous vivons, à la mobilisation et à l'engagement. Bon nombre des attitudes et des propos tenus dans « Harvey Milk » pourrait utilement inspiré des discours contemporains.
Je marchais depuis un moment à la recherche de ce restaurant. D'après les indications sur le plan, j'aurais dû y être depuis plusieurs minutes. J'avais dû me tromper en route. J'aperçus une personne qui avait l'air du coin.
On retrouve là aussi les réflexions sur les systèmes biologiques ou vivants versus des systèmes mécaniques, et le principe d'auto-organisation.


Suivant mes réflexions, je me demandais comment arriver à décerner un prix de meilleur fromage de tête, une forme d'anti-César ou anti-Oscar (tout dépend si l'on veut donner un côté hexagonal à ce prix ou pas…). Les candidats sont faciles à identifier : économistes, politologues, hommes politiques, experts, éditorialistes de tous poils, tous ceux qui peuplent notre univers médiatique.
J'en étais là de mes réflexions, quand, en marchant rue de Rennes à Paris, j'ai aperçu la devanture de mon charcutier préféré, Vérot, et y ai lu qu'il était le « champion de France du Fromage de Tête ». Étant lyonnais d'origine, je sais que la charcuterie est un moment important de vérité, et, comme Vérot a été précisément formé à Lyon, je suis rentré confiant dans son magasin : il était le champion de France, il allait enfin pouvoir tout m'expliquer.