Quand Michel Serres apporte son regard sur la crise (patchwork tiré du « Temps des crises »)
ET SI UN PLAN DE RELANCE NE RAMENAIT QU'À LA SITUATION INITIALE, C'EST-À-DIRE À LA VEILLE DE LA CRISE SUIVANTE ?
« Ou il s'agit vraiment d'une crise et il en peut y avoir de reprise car, équivalente à une répétition, celle-ci nous précipiterait, de nouveau, en cycle, je viens de le dire, vers une situation critique au moins analogue, ou, pis encore, vers un état instable et chaotique, plus ou moins long. »
POURQUOI LA CRISE EST GLOBALE :
Les six « événements » :
- Agriculture : « Bien qu'elle continue à se nourrir d'elle, l'humanité occidentale quitta donc, ici au moins, la terre. Or elle y travaillait depuis les années qui suivirent le néolithique. (…) Elle finit une ère qui débuta voici dix mille ans. (…) Tout devient politique, du grec polis, la ville. »
- Transports : « La mobilité des personnes a crû mille fois entre 1800 et aujourd'hui. »
- Santé : « Le pathologique était normal, au moins par sa fréquence ; par la suite, la santé devint la norme. »
- Démographie : « Le nombre des humains passa de deux milliards à six et bientôt sept, le plus souvent serrés en gigantesques mégapoles. »
- Connexions (Internet et technologies de l'information) : « Le connectif remplace le collectif… Nous n'habitons plus le même espace. »
- Conflits : « (concernant la deuxième guerre mondiale), Il s'agit, en effet, du premier conflit où, selon les experts, les humains réussirent à tuer plus de leurs semblables que ne le firent les microbes et les bactéries. »
« En quelques décennies se transformèrent radicalement : le rapport au monde et à la nature, les corps, leur souffrance, l'environnement, la mobilité des humains et des choses, l'espérance de vie, la décision de faire naître et, parfois, de mourir, la démographie mondiale, l'habitat dans l'espace, la nature du lien dans les collectivités, le savoir et la puissance… (…) Ici, les changements arrêtent ou finissent des périodes aussi longues que celle qui nous sépare du néolithique, voire de notre propre émergence, soit des dizaines de milliers ou même des millions d'années. »
« L'écart entre ce réel nouvellement advenu et des organisations instituées à une époque où l'humanité vivait autrement, cet écart n'a cessé de croître pendant les cinquante dernières années. »
NOUS DÉPENDONS DU MONDE AUTANT QU'IL DÉPEND DE NOUS
« Voici l'infinitude des humains face à la finitude du monde. (…) Nous pensions, courageux, que toute notre histoire consistait à lutter sans cesse contre une force toujours plus haute et profonde que la nôtre. (…) Qu'il s'agisse de l'agriculture et du nouveau rapport à la nature, des transports et de la mobilité des choses et des hommes, de la santé publique, de l'espérance de vie et de la croissance démographique, de l'espace, de cette nouvelle maison des voisinages construites par les nouvelles technologies, des armes de destruction massive et du terrorisme, reste que le monde forme, en effet, aujourd'hui, l'asymptote commune, la référence globale de tous les processus. Asymptote commune, certes, mais connue aussi, puisque nous commençons à savoir évaluer ses sommes et capacités globales. Tout allait vers lui, vers ce que l'on croyait son infinité, mais viendra désormais de lui, barrière finie. »
« Lors de l'antiquité, les sagesses distinguaient les choses qui dépendaient de nous de celles qui n'ne dépendaient pas. (…) Lors de l'âge moderne, de plus en plus de choses dépendirent de nous. (…) Au temps contemporain : nous dépendons enfin des choses qui dépendent de nous. »
« Ladite mondialisation me paraît aujourd'hui au moins autant le résultat de l'activité du Monde que des nôtres. »
DES SORTIES DE CRISE ?
« La hiérarchie, c'est le vol. (…) La liberté, c'est l'accès. »
« Quant à Homo, il détient l'intelligence. Il n'a cessé d'en utiliser la puissance, mais le plus souvent pour dominer, passer en premier, devenir le plus fort, écraser toutes choses et tous humains sur son passage, gagner. (…) (L'intelligence) doit muter, au plus vite et sous risque gravissime, de la volonté de puissance au partage, de la guerre à la paix, de la Haine à l'Amour. »
1 déc. 2009
30 nov. 2009
« L'IMMATURITÉ DE L'HUMANITÉ À S'ACCOMPLIR ELLE-MÊME »
Comment sortir de la crise ?
Pierre Gounod, dans « L'hypothèse générale de la prospective anthropolitique » reprend un extrait d'un texte d'Edgar Morin sur la Société-monde (Éthique) :
« Où en sommes-nous dans l'ère planétaire ? Ma thèse est que la globalisation de la fin du XXe siècle a créé les infrastructures communicationnelles, techniques et économiques d'une société-monde ; Internet peut être considéré comme l'ébauche d'un réseau neurocérébral semi-artificiel d'une sociétémonde2. Mais l'économie libérale, qui en a engendré les infrastructures, rend impossible la formation d'une telle société, puisqu'elle inhibe la constitution d'un système juridique, d'une gouvernance et d'une conscience commune. Or la société-monde, pour émerger, a besoin d'un droit et d'instances planétaires qui seraient en mesure d'affronter les problèmes vitaux de l'humanité ; elle a besoin au minimum d'une réforme de l'ONU, avec pour horizon une confédération des nations et la démocratisation de la planète. Elle a besoin, répétons-le, d'une politique de la civilisation et d'une politique de l'humanité qui se substitueraient à la politique de développement. Elle a besoin, à la fois comme préalable et comme effet, que s'inscrive et s'approfondisse dans la psyché de chacun une conscience, à la fois éthique et politique, d'appartenance à une même Terre-Patrie.
On ne saurait se masquer les obstacles énormes qui s'opposent à l'apparition d'une société-monde. La progression unificatrice de la globalisation suscite des résistances nationales, ethniques, religieuses qui produisent une balkanisation accrue de la planète, et l'élimination de ces résistances supposerait, dans les conditions actuelles, une domination implacable.
Il y a surtout l'immaturité des États-nations, des esprits, des consciences, c'est-à-dire fondamentalement l'immaturité de l'humanité à s'accomplir elle-même.
C'est dire, du même coup, que si elle réussissait à se forger, c'est une société-monde barbare qui se forgerait. Elle n'abolirait pas d'elle-même les exploitations, les dominations, les dénis, les inégalités. Toutefois, elle surmonterait la souveraineté absolue des États nationaux et permettrait le contrôle du quadrimoteur science/ technique / économie / profit dont la course incontrôlée nous conduit à l'abîme.
Nous sommes en face d'une contradiction : la société-monde est un préalable pour sortir de la crise de l'humanité, mais la réforme de l'humanité est un préalable pour arriver à une société-monde qui puisse sortir de l'âge de fer planétaire. »
No comment…
Pierre Gounod, dans « L'hypothèse générale de la prospective anthropolitique » reprend un extrait d'un texte d'Edgar Morin sur la Société-monde (Éthique) :
« Où en sommes-nous dans l'ère planétaire ? Ma thèse est que la globalisation de la fin du XXe siècle a créé les infrastructures communicationnelles, techniques et économiques d'une société-monde ; Internet peut être considéré comme l'ébauche d'un réseau neurocérébral semi-artificiel d'une sociétémonde2. Mais l'économie libérale, qui en a engendré les infrastructures, rend impossible la formation d'une telle société, puisqu'elle inhibe la constitution d'un système juridique, d'une gouvernance et d'une conscience commune. Or la société-monde, pour émerger, a besoin d'un droit et d'instances planétaires qui seraient en mesure d'affronter les problèmes vitaux de l'humanité ; elle a besoin au minimum d'une réforme de l'ONU, avec pour horizon une confédération des nations et la démocratisation de la planète. Elle a besoin, répétons-le, d'une politique de la civilisation et d'une politique de l'humanité qui se substitueraient à la politique de développement. Elle a besoin, à la fois comme préalable et comme effet, que s'inscrive et s'approfondisse dans la psyché de chacun une conscience, à la fois éthique et politique, d'appartenance à une même Terre-Patrie.
On ne saurait se masquer les obstacles énormes qui s'opposent à l'apparition d'une société-monde. La progression unificatrice de la globalisation suscite des résistances nationales, ethniques, religieuses qui produisent une balkanisation accrue de la planète, et l'élimination de ces résistances supposerait, dans les conditions actuelles, une domination implacable.
Il y a surtout l'immaturité des États-nations, des esprits, des consciences, c'est-à-dire fondamentalement l'immaturité de l'humanité à s'accomplir elle-même.
C'est dire, du même coup, que si elle réussissait à se forger, c'est une société-monde barbare qui se forgerait. Elle n'abolirait pas d'elle-même les exploitations, les dominations, les dénis, les inégalités. Toutefois, elle surmonterait la souveraineté absolue des États nationaux et permettrait le contrôle du quadrimoteur science/ technique / économie / profit dont la course incontrôlée nous conduit à l'abîme.
Nous sommes en face d'une contradiction : la société-monde est un préalable pour sortir de la crise de l'humanité, mais la réforme de l'humanité est un préalable pour arriver à une société-monde qui puisse sortir de l'âge de fer planétaire. »
No comment…
27 nov. 2009
RAPT OU LE POUVOIR CONTESTÉ
Le roi est nu
Le fonctionnement des économies développées supposent tout un enchevêtrement de prestations successives pour arriver à les faire fonctionner. Nous ne voyons que la partie immergée de l'iceberg : qui pense à tout ce qui a dû être mobilisé pour qu'un fruit ou un légume arrivent jusqu'à l'étal du marchand où nous allons les acheter ? Qui est vraiment conscient du nombre d'acteurs multiples qui interviennent pour qu'une voiture puisse effectivement rouler ? A quoi servirait cette voiture si les routes n'existaient pas ? Comment pourrait-on construire des routes ou des immeubles, s'il n'y avait pas des carrières extrayant les bons agrégats ? Qui sait que, sans ces agrégats, nos villes s'effondreraient ?
Oui les rouages essentiels sont le plus souvent cachés et ignorés. Oui, nos sociétés reposent sur ces « inconscients » qui sous-entendent nos performances quotidiennes. Si jamais, nous les ignorons, si, pour une raison ou une autre, ils viennent à se gripper, plus rien ne fonctionne.
Ces icebergs ne concernent pas que les fonctionnements matériels, mais aussi toutes les organisations et processus immatériels. Le pouvoir ne peut s'exercer que s'il est reconnu et accepté.
Les dirigeants, qu'ils soient à la tête d'organisations politiques ou d'entreprises privées, vivent parfois dans l'illusion de maîtriser les choses et peuvent avoir une vision exagérée de leur pouvoir réel.
Le film Rapt de Lucas Belvaux, inspiré de l'affaire du baron Empain, apporte un éclairage sur la fragilité du pouvoir : même la détention d'une part significative du capital n'est rien si l'on n'est plus perçu comme légitime et compétent. Avant le rapt, Stanislas Graff se croyait tout puissant, invulnérable et « au-dessus des lois ».
Durant le rapt, son absence et la révélation des parties cachées de sa vie amènent à une décomposition de la confiance qui l'entourait et à une recomposition des réseaux de pouvoir. Après le rapt, il se retrouvera dépouillé de cette puissance qu'il croyait posséder.
Sévère, mais salutaire rappel à la réalité…
Le fonctionnement des économies développées supposent tout un enchevêtrement de prestations successives pour arriver à les faire fonctionner. Nous ne voyons que la partie immergée de l'iceberg : qui pense à tout ce qui a dû être mobilisé pour qu'un fruit ou un légume arrivent jusqu'à l'étal du marchand où nous allons les acheter ? Qui est vraiment conscient du nombre d'acteurs multiples qui interviennent pour qu'une voiture puisse effectivement rouler ? A quoi servirait cette voiture si les routes n'existaient pas ? Comment pourrait-on construire des routes ou des immeubles, s'il n'y avait pas des carrières extrayant les bons agrégats ? Qui sait que, sans ces agrégats, nos villes s'effondreraient ?
Oui les rouages essentiels sont le plus souvent cachés et ignorés. Oui, nos sociétés reposent sur ces « inconscients » qui sous-entendent nos performances quotidiennes. Si jamais, nous les ignorons, si, pour une raison ou une autre, ils viennent à se gripper, plus rien ne fonctionne.
Ces icebergs ne concernent pas que les fonctionnements matériels, mais aussi toutes les organisations et processus immatériels. Le pouvoir ne peut s'exercer que s'il est reconnu et accepté.
Les dirigeants, qu'ils soient à la tête d'organisations politiques ou d'entreprises privées, vivent parfois dans l'illusion de maîtriser les choses et peuvent avoir une vision exagérée de leur pouvoir réel.
Le film Rapt de Lucas Belvaux, inspiré de l'affaire du baron Empain, apporte un éclairage sur la fragilité du pouvoir : même la détention d'une part significative du capital n'est rien si l'on n'est plus perçu comme légitime et compétent. Avant le rapt, Stanislas Graff se croyait tout puissant, invulnérable et « au-dessus des lois ».
Durant le rapt, son absence et la révélation des parties cachées de sa vie amènent à une décomposition de la confiance qui l'entourait et à une recomposition des réseaux de pouvoir. Après le rapt, il se retrouvera dépouillé de cette puissance qu'il croyait posséder.
Sévère, mais salutaire rappel à la réalité…
26 nov. 2009
ATTENTION À NE PAS TOMBER DANS UN TROU NOIR
Les trous noirs mangent de l'information
Depuis que je suis en âge de m'intéresser à la physique, les trous noirs m'ont toujours fasciné. Probablement d'abord à cause du nom : il évoque justement cet espace obscur au fonds du placard, celui qui avait hanté mes nuits d'enfants. Ensuite parce que cet idée d'une sorte d'aspirateur géant qui avale tout ce qui passe à proximité, matière comme lumière, est saisissante. Tout autre monstre n'est qu'un gentil doudou à côté d'un trou noir !
Mais ce n'est pas la seule conséquence de ces trous noirs : ils ne se contentent pas d'absorber de la matière, ils « mangeraient de l'information » et contribueraient à rendre le monde encore moins prévisible ! En effet, quand ils absorbent des particules, ils font aussi disparaître les fonctions d'onde associées. Or, « pour prédire entièrement le futur, il faut connaître entièrement toutes les fonctions d'onde d'aujourd'hui… Cette question conduit donc directement à se demander si les trous noirs n'imprègnent pas l'évolution de notre Univers d'une suite fortuite d'événements, encore plus fondamentale. »
Si même les trous noirs jouent à fausser nos prévisions…
Mais il n'y a pas que les trous noirs auxquels il faudra faire attention lors de votre prochain voyage dans l'espace : l'espace est déformé par tous les objets qui s'y trouvent, et ces masses ne se contentent pas de courber l'espace, mais elles déforment aussi le temps.
Une question au passage : la structure du temps peut-elle se déchirer, puis se réparer ? Selon la théorie des cordes, oui. Mais cette théorie est largement contestée…
Enfin, si l'on fait un saut dans l'ultra-petit, le temps peut aussi jouer des tours : ainsi deux particules peuvent être tellement « sœurs jumelles » que, même séparées, elles continuent à se transmettre instantanément toute information. Comment font-elles ? Où est le truc ?
Depuis que je suis en âge de m'intéresser à la physique, les trous noirs m'ont toujours fasciné. Probablement d'abord à cause du nom : il évoque justement cet espace obscur au fonds du placard, celui qui avait hanté mes nuits d'enfants. Ensuite parce que cet idée d'une sorte d'aspirateur géant qui avale tout ce qui passe à proximité, matière comme lumière, est saisissante. Tout autre monstre n'est qu'un gentil doudou à côté d'un trou noir !
Mais ce n'est pas la seule conséquence de ces trous noirs : ils ne se contentent pas d'absorber de la matière, ils « mangeraient de l'information » et contribueraient à rendre le monde encore moins prévisible ! En effet, quand ils absorbent des particules, ils font aussi disparaître les fonctions d'onde associées. Or, « pour prédire entièrement le futur, il faut connaître entièrement toutes les fonctions d'onde d'aujourd'hui… Cette question conduit donc directement à se demander si les trous noirs n'imprègnent pas l'évolution de notre Univers d'une suite fortuite d'événements, encore plus fondamentale. »
Si même les trous noirs jouent à fausser nos prévisions…
Mais il n'y a pas que les trous noirs auxquels il faudra faire attention lors de votre prochain voyage dans l'espace : l'espace est déformé par tous les objets qui s'y trouvent, et ces masses ne se contentent pas de courber l'espace, mais elles déforment aussi le temps.
Une question au passage : la structure du temps peut-elle se déchirer, puis se réparer ? Selon la théorie des cordes, oui. Mais cette théorie est largement contestée…
Enfin, si l'on fait un saut dans l'ultra-petit, le temps peut aussi jouer des tours : ainsi deux particules peuvent être tellement « sœurs jumelles » que, même séparées, elles continuent à se transmettre instantanément toute information. Comment font-elles ? Où est le truc ?
25 nov. 2009
LE PRINCIPE D’INCERTITUDE VA JUSQUE DANS NOTRE CERVEAU
Ciel mes neurones font de la mécanique quantique !
Rappelons d'abord le fameux principe d'incertitude d'Heisenberg : je ne peux pas connaître à la fois précisément la vitesse et la position d'une particule élémentaire. Mieux je connaitrai sa position, moins je connaitrai sa vitesse. Et réciproquement. Donc si je sais où elle est, je ne sais pas où elle va. Si je sais dans quelle direction elle se dirige, je ne sais pas où elle se trouve.
Pour faire comprendre ce principe, il y a un exemple simple : si vous voulez savoir très précisément où se trouve la particule, vous allez devoir l'éclairer fortement pour la localiser. La quantité de lumière sera telle qu'elle viendra modifier le niveau d'énergie de la particule, et donc vous ne pourrez pas connaître quelle était sa vitesse.
Une des conséquences amusantes de ce principe est que, si vous cherchez à confiner les particules dans des boites très petites, elles vont se déchainer : elles ne supportent pas que l'on sache où elles sont !
Autre conséquence plus troublante de la mécanique quantique : il y aurait comme une sorte de communication instantanée à distance entre les particules. Ce paradoxe, dit paradoxe EPR, viendrait contredire la sacrosainte loi de la vitesse de la lumière comme vitesse limite. Il est mis en évidence suite à la séparation de deux particules initialement en interaction : toute modification constatée sur l'une se transmet instantanément à l'autre, comme si l'information voyageait instantanément. Rappelez-vous les deux images de poisson : tout changement observé sur un poisson était immédiatement et simultanément constaté sur l'autre, et pour cause, puisque c'était le même poisson. Sommes-nous devant le même type de réalité arrière cachée ?
Tout ceci me rappelle ces tours de magie, au cours desquels on est émerveillé par ce qui se passe et qui contredit les lois de la nature : un chapeau ne peut pas contenir à la fois une dizaine de lapins, trois couples de colombes, la moitié du rayon de foulards d'un magasin de quartier. Il y a un truc, forcément. Où est le truc, cette fois ?
Mais comme cela ne concerne que des particules extrêmement petites, nous n'avons pas de raison de nous faire des nœuds au cerveau. Dans la vie quotidienne, rien de tout cela ne s'applique : je n'ai à me préoccuper que des faisceaux de particules, pas d'une particule en particulier. Mes neurones peuvent se reposer tranquillement.
Mais au fait, mes neurones justement, comment communiquent-ils entre eux ?
Le point de contact est appelé synapse et la transmission est de nature chimique : un neurone émet au niveau de la synapse des molécules, des neurotransmetteurs. Ceux-ci sont réceptionnés par l'autre neurone et ils provoquent telle ou telle réaction en fonction du neurotransmetteur émis. C'est grâce à ce mécanisme que circule l'information entre neurones. Tout le fonctionnement de notre cerveau repose là-dessus : activité consciente et inconsciente, mémoire, interprétation, émotion, sentiment, décision. Sans neurotransmetteurs, rien. Cette émission de neurotransmetteurs s'appelle une exocytose. Joli nom, non ? Cette exocytose suppose l'ouverture de petites vésicules qui contiennent les molécules à émettre. Jusque là, rien de bien troublant. Oui, mais ces vésicules sont tellement petites, les quantités émises tellement faibles, que l'on se trouve dans les ordres de grandeur où il faut appliquer la mécanique quantique : dès que l'on analyse la transmission synaptique, on doit passer à une approche probabiliste.
Ainsi derrière chacune de nos émotions, chacun de nos réflexes, chacune de nos pensées, il y a un peu du principe d'incertitude.
A partir de cette information, on peut jouer au jeu du « cerveau quantique » :
- Nos pensées sont partout et nulle part à la fois : il est impossible de les localiser et de savoir où elles vont. Si je sais à quoi je pense, je ne sais pas où cela va me conduire. Si je sais où cela va me conduire, je ne sais pas pourquoi.
- Chacune de nos pensées est intraçable : on ne peut connaître que le flux global des pensées et non pas les suivre, une par une.
- Tout confinement conduit à l'agitation : toute tentative d'enfermer un raisonnement dans un cadre étroit provoquera un bouillonnement de la pensée qui permettra au sujet de s'échapper,
- …
Quelle pagaille en perspective…
Rappelons d'abord le fameux principe d'incertitude d'Heisenberg : je ne peux pas connaître à la fois précisément la vitesse et la position d'une particule élémentaire. Mieux je connaitrai sa position, moins je connaitrai sa vitesse. Et réciproquement. Donc si je sais où elle est, je ne sais pas où elle va. Si je sais dans quelle direction elle se dirige, je ne sais pas où elle se trouve.
Pour faire comprendre ce principe, il y a un exemple simple : si vous voulez savoir très précisément où se trouve la particule, vous allez devoir l'éclairer fortement pour la localiser. La quantité de lumière sera telle qu'elle viendra modifier le niveau d'énergie de la particule, et donc vous ne pourrez pas connaître quelle était sa vitesse.
Une des conséquences amusantes de ce principe est que, si vous cherchez à confiner les particules dans des boites très petites, elles vont se déchainer : elles ne supportent pas que l'on sache où elles sont !
Autre conséquence plus troublante de la mécanique quantique : il y aurait comme une sorte de communication instantanée à distance entre les particules. Ce paradoxe, dit paradoxe EPR, viendrait contredire la sacrosainte loi de la vitesse de la lumière comme vitesse limite. Il est mis en évidence suite à la séparation de deux particules initialement en interaction : toute modification constatée sur l'une se transmet instantanément à l'autre, comme si l'information voyageait instantanément. Rappelez-vous les deux images de poisson : tout changement observé sur un poisson était immédiatement et simultanément constaté sur l'autre, et pour cause, puisque c'était le même poisson. Sommes-nous devant le même type de réalité arrière cachée ?
Tout ceci me rappelle ces tours de magie, au cours desquels on est émerveillé par ce qui se passe et qui contredit les lois de la nature : un chapeau ne peut pas contenir à la fois une dizaine de lapins, trois couples de colombes, la moitié du rayon de foulards d'un magasin de quartier. Il y a un truc, forcément. Où est le truc, cette fois ?
Mais comme cela ne concerne que des particules extrêmement petites, nous n'avons pas de raison de nous faire des nœuds au cerveau. Dans la vie quotidienne, rien de tout cela ne s'applique : je n'ai à me préoccuper que des faisceaux de particules, pas d'une particule en particulier. Mes neurones peuvent se reposer tranquillement.
Mais au fait, mes neurones justement, comment communiquent-ils entre eux ?
Le point de contact est appelé synapse et la transmission est de nature chimique : un neurone émet au niveau de la synapse des molécules, des neurotransmetteurs. Ceux-ci sont réceptionnés par l'autre neurone et ils provoquent telle ou telle réaction en fonction du neurotransmetteur émis. C'est grâce à ce mécanisme que circule l'information entre neurones. Tout le fonctionnement de notre cerveau repose là-dessus : activité consciente et inconsciente, mémoire, interprétation, émotion, sentiment, décision. Sans neurotransmetteurs, rien. Cette émission de neurotransmetteurs s'appelle une exocytose. Joli nom, non ? Cette exocytose suppose l'ouverture de petites vésicules qui contiennent les molécules à émettre. Jusque là, rien de bien troublant. Oui, mais ces vésicules sont tellement petites, les quantités émises tellement faibles, que l'on se trouve dans les ordres de grandeur où il faut appliquer la mécanique quantique : dès que l'on analyse la transmission synaptique, on doit passer à une approche probabiliste.
Ainsi derrière chacune de nos émotions, chacun de nos réflexes, chacune de nos pensées, il y a un peu du principe d'incertitude.
A partir de cette information, on peut jouer au jeu du « cerveau quantique » :
- Nos pensées sont partout et nulle part à la fois : il est impossible de les localiser et de savoir où elles vont. Si je sais à quoi je pense, je ne sais pas où cela va me conduire. Si je sais où cela va me conduire, je ne sais pas pourquoi.
- Chacune de nos pensées est intraçable : on ne peut connaître que le flux global des pensées et non pas les suivre, une par une.
- Tout confinement conduit à l'agitation : toute tentative d'enfermer un raisonnement dans un cadre étroit provoquera un bouillonnement de la pensée qui permettra au sujet de s'échapper,
- …
Quelle pagaille en perspective…
24 nov. 2009
COMMENT SAVOIR LE SENS DE CE QUE L’ON REGARDE ?
Nous n'avons pas la possibilité de passer derrière l'écran
Vous avez devant vous deux listes de résultats provenant de deux caméras distinctes. Vous savez que l'une des caméras mesure la position et que l'autre analyse la couleur. Le premier listing se compose de la suite suivante : « gauche », « gauche », « droite », « gauche », « gauche », « droite »,… Le second est : « rouge », « blanc », « rouge », « rouge », « blanc », « rouge »,…
Avec ces informations, vous savez donc que l'objet vu par la camera 1 est soit à gauche, soit à droite, et que celui vu par la caméra 2 est soit rouge, soit blanc. Vous ne pouvez rien déduire de plus.
Or c'était le même objet qui était vu par les deux caméras : il s'agissait d'une boule soit blanche, soit rouge qui passait aléatoirement à gauche ou à droite.
Cette expérience décrite par Michel Bitbol (« Mécanique quantique, une introduction philosophique ») pose très simplement la question suivante : comment pouvons-nous savoir quand on peut ou non unifier des contextes, c'est-à-dire affirmer que telle et telle observations proviennent en fait du même objet ?
Autre exemple : mettez un poisson dans un aquarium, filmez-le par deux objectifs et projetez les deux images sur deux écrans dans une salle voisine. Tous les spectateurs vont voir deux poissons exactement synchrones. Tout ce qui se passe pour l'un se répercute immédiatement sur l'autre. Tout le monde risque d'être tenté de penser que c'est le même poisson filmé sous deux angles différents. Mais comment en être sûr si l'on reste dans la salle sans avoir accès à l'aquarium.
Prenez maintenant un cylindre. Comment le définir ? Un moyen simple est le suivant : si, en coupant un objet selon un plan, vous obtenez un rectangle, et qu'en le coupant selon le plan perpendiculaire, vous obtenez un cercle, c'est un cylindre. Maintenant si vous avez devant vous un rectangle et un cercle, et que vous savez seulement que chacun est le résultat d'une coupe faite sur un objet, vous ne pouvez rien conclure sur l'objet lui-même : rien ne vous dit que les deux coupes viennent du même objet et que ces deux coupes sont orthogonales.
Dans la vie quotidienne, nous sommes constamment devant ce dilemme : est-ce que les différentes informations qui m'arrivent simultanément proviennent oui ou non du même objet ? Comment puis-je être certain que ce que je vois et ce que j'entends proviennent de la même source ?
Parfois, nous avons la possibilité de « passer derrière l'écran » et de nous assurer que, oui, c'est bien le même objet et que, donc, nous avons le droit de réunir les informations. Mais souvent, ce n'est pas possible : nous qui ne lisons le monde qu'à partir de ce que nous voyons, comme savoir ce qui se passe vraiment ? Peut-on réunir des données et considérer qu'elles décrivent des aspects différents de la même réalité ? Ou à l'inverse, ce sont des données qui correspondent à des réalités disjointes ? Comment savoir ?
La réponse est malheureusement assez claire : on ne sait pas. Nous n'avons accès qu'aux apparences et nous n'avons pas accès à la « chose en soi ». Déstabilisant, non ?
Vous avez devant vous deux listes de résultats provenant de deux caméras distinctes. Vous savez que l'une des caméras mesure la position et que l'autre analyse la couleur. Le premier listing se compose de la suite suivante : « gauche », « gauche », « droite », « gauche », « gauche », « droite »,… Le second est : « rouge », « blanc », « rouge », « rouge », « blanc », « rouge »,…
Avec ces informations, vous savez donc que l'objet vu par la camera 1 est soit à gauche, soit à droite, et que celui vu par la caméra 2 est soit rouge, soit blanc. Vous ne pouvez rien déduire de plus.
Or c'était le même objet qui était vu par les deux caméras : il s'agissait d'une boule soit blanche, soit rouge qui passait aléatoirement à gauche ou à droite.
Cette expérience décrite par Michel Bitbol (« Mécanique quantique, une introduction philosophique ») pose très simplement la question suivante : comment pouvons-nous savoir quand on peut ou non unifier des contextes, c'est-à-dire affirmer que telle et telle observations proviennent en fait du même objet ?
Autre exemple : mettez un poisson dans un aquarium, filmez-le par deux objectifs et projetez les deux images sur deux écrans dans une salle voisine. Tous les spectateurs vont voir deux poissons exactement synchrones. Tout ce qui se passe pour l'un se répercute immédiatement sur l'autre. Tout le monde risque d'être tenté de penser que c'est le même poisson filmé sous deux angles différents. Mais comment en être sûr si l'on reste dans la salle sans avoir accès à l'aquarium.
Prenez maintenant un cylindre. Comment le définir ? Un moyen simple est le suivant : si, en coupant un objet selon un plan, vous obtenez un rectangle, et qu'en le coupant selon le plan perpendiculaire, vous obtenez un cercle, c'est un cylindre. Maintenant si vous avez devant vous un rectangle et un cercle, et que vous savez seulement que chacun est le résultat d'une coupe faite sur un objet, vous ne pouvez rien conclure sur l'objet lui-même : rien ne vous dit que les deux coupes viennent du même objet et que ces deux coupes sont orthogonales.
Dans la vie quotidienne, nous sommes constamment devant ce dilemme : est-ce que les différentes informations qui m'arrivent simultanément proviennent oui ou non du même objet ? Comment puis-je être certain que ce que je vois et ce que j'entends proviennent de la même source ?
Parfois, nous avons la possibilité de « passer derrière l'écran » et de nous assurer que, oui, c'est bien le même objet et que, donc, nous avons le droit de réunir les informations. Mais souvent, ce n'est pas possible : nous qui ne lisons le monde qu'à partir de ce que nous voyons, comme savoir ce qui se passe vraiment ? Peut-on réunir des données et considérer qu'elles décrivent des aspects différents de la même réalité ? Ou à l'inverse, ce sont des données qui correspondent à des réalités disjointes ? Comment savoir ?
La réponse est malheureusement assez claire : on ne sait pas. Nous n'avons accès qu'aux apparences et nous n'avons pas accès à la « chose en soi ». Déstabilisant, non ?
23 nov. 2009
LA CRISE DE LA VITICULTURE EST TERMINÉE
Ne laissons plus les viticulteurs brûler de l'argent en plein airCe jeudi, je suis passé dans l'Ile de la Cité et ai fait un arrêt aux Marchés aux fleurs. Mon regard sautait sans beaucoup d'attention d'une plante à l'autre, quand il s'arrêta sur un cep de vigne et son prix : 375 €.
Le cep n'avait rien d'exceptionnel (voir la photo ci-jointe prise ce même jour), juste un cep comme on peut en voir en abondance dans toutes les régions viticoles.
J'eus alors un éclair : voilà la solution à la crise viticole. Tous les viticulteurs sont riches comme Crésus sans le savoir. Il faut simplement qu'ils arrêtent cette attitude stupide et rétrograde qui consiste à brûler les ceps de vigne après les avoir arrachés. Non, il faut soigneusement les retirer du sol, les loger précautionneusement dans des pots – pas de souci, un pot en plastique fera l'affaire –, puis les mettre dans un camion et venir les vendre aux Parisiens qui en seront ébahis de plaisir.
Vu le nombre de ceps de vigne qu'il y a par hectare, leurs fortunes sont faites. Il est même probablement plus rentable de venir revendre les ceps de vigne que de produire des grands crus.
Quand je pense à tous ces ceps qui brûlent au bord des champs, c'est un peu comme Serge Gainsbourg qui avait brûlé un billet de 500 F au cours d'une émission TV.
Que les viticulteurs se rassurent donc, la crise est derrière eux !
Le cep n'avait rien d'exceptionnel (voir la photo ci-jointe prise ce même jour), juste un cep comme on peut en voir en abondance dans toutes les régions viticoles.
J'eus alors un éclair : voilà la solution à la crise viticole. Tous les viticulteurs sont riches comme Crésus sans le savoir. Il faut simplement qu'ils arrêtent cette attitude stupide et rétrograde qui consiste à brûler les ceps de vigne après les avoir arrachés. Non, il faut soigneusement les retirer du sol, les loger précautionneusement dans des pots – pas de souci, un pot en plastique fera l'affaire –, puis les mettre dans un camion et venir les vendre aux Parisiens qui en seront ébahis de plaisir.
Vu le nombre de ceps de vigne qu'il y a par hectare, leurs fortunes sont faites. Il est même probablement plus rentable de venir revendre les ceps de vigne que de produire des grands crus.
Quand je pense à tous ces ceps qui brûlent au bord des champs, c'est un peu comme Serge Gainsbourg qui avait brûlé un billet de 500 F au cours d'une émission TV.
Que les viticulteurs se rassurent donc, la crise est derrière eux !
20 nov. 2009
« LA VÉRITÉ, C'EST QUE J'AVAIS UNE IDÉE, UNE IDÉE PAS FAMEUSE… »
Comment est né Air Liquide
« La vérité, c'est que j'avais une idée, une idée pas fameuse, mais qui a eu quand même d'utiles conséquences, comme il arrive parfois aux plus mauvaises idées. Je voyais mon invention de l'acétylène dissous, à peine éclose, péricliter pour différentes raisons, dont l'une était le prix alors élevé du carbure de calcium. J'eus alors la pensée qu'on pourrait peut-être réduire ce prix en substituant à l'électricité, pour la production des hautes températures nécessaires à la fabrication de ce produit, la simple combustion du charbon par l'oxygène si l'oxygène lui-même pouvait être produit à bas prix.
Bien que cette conception soit restée stérile jusqu'ici et qu'on fabrique toujours le carbure par l'électricité, c'est donc cette conception tout de même - et on aura raison d'appeler cela de la chance - qui m'a amené à l'oxygène pour sauver l'acétylène dissous, avec cette chance supplémentaire et inouïe que c'est quand même cet oxygène qui l'a sauvé en lui donnant le débouché, que je ne pouvais prévoir, du soudage et du coupage, Et ainsi l'acétylène dissous est devenu le gros client de L'Air Liquide, dont il a, à son tour, assuré le succès.
Ce n'est pas tout: s'il est certain que c'est par l'acétylène que j'ai été amené à l'air liquide, il est non moins certain que l'air liquide à son tour m'a conduit à l'extraction des gaz rares, puis à j'extraction de l'hydrogène des gaz de fours à coke et à la synthèse de l'ammoniac par les hyperpressions.»
Ainsi s'exprimait Georges Claude dont les inventions sont à l'origine, au début du 20ème siècle, de la création d'Air Liquide. Pour qu'Air Liquide se crée, il avait fallu en plus que ces idées rencontrent des hommes comme Paul Delorme, puis Frédéric Gallier prêts à prendre des risques.
Bel exemple de modestie à méditer par tous ceux qui se croient capables de prévoir…
« La vérité, c'est que j'avais une idée, une idée pas fameuse, mais qui a eu quand même d'utiles conséquences, comme il arrive parfois aux plus mauvaises idées. Je voyais mon invention de l'acétylène dissous, à peine éclose, péricliter pour différentes raisons, dont l'une était le prix alors élevé du carbure de calcium. J'eus alors la pensée qu'on pourrait peut-être réduire ce prix en substituant à l'électricité, pour la production des hautes températures nécessaires à la fabrication de ce produit, la simple combustion du charbon par l'oxygène si l'oxygène lui-même pouvait être produit à bas prix.
Bien que cette conception soit restée stérile jusqu'ici et qu'on fabrique toujours le carbure par l'électricité, c'est donc cette conception tout de même - et on aura raison d'appeler cela de la chance - qui m'a amené à l'oxygène pour sauver l'acétylène dissous, avec cette chance supplémentaire et inouïe que c'est quand même cet oxygène qui l'a sauvé en lui donnant le débouché, que je ne pouvais prévoir, du soudage et du coupage, Et ainsi l'acétylène dissous est devenu le gros client de L'Air Liquide, dont il a, à son tour, assuré le succès.
Ce n'est pas tout: s'il est certain que c'est par l'acétylène que j'ai été amené à l'air liquide, il est non moins certain que l'air liquide à son tour m'a conduit à l'extraction des gaz rares, puis à j'extraction de l'hydrogène des gaz de fours à coke et à la synthèse de l'ammoniac par les hyperpressions.»
Ainsi s'exprimait Georges Claude dont les inventions sont à l'origine, au début du 20ème siècle, de la création d'Air Liquide. Pour qu'Air Liquide se crée, il avait fallu en plus que ces idées rencontrent des hommes comme Paul Delorme, puis Frédéric Gallier prêts à prendre des risques.
Bel exemple de modestie à méditer par tous ceux qui se croient capables de prévoir…
19 nov. 2009
IMAGINER LE FUTUR ET ACCOMPAGNER LA MISE EN ŒUVRE DE SA VISION
Un long chemin fait d'ajustements successifs, d'obstination et de rythme
En 1983, j'ai acheté ma maison en Provence. Le gros-œuvre de la maison était en très bon état, mais l'intérieur était complètement à refaire. Pour le jardin – je devrais dire le terrain –, tout était à faire : à part la truffière, ce n'était que ronces et pruniers, une sorte de jungle, version maquis provençal. Au cours des six premiers mois, j'ai tout nettoyé et me suis retrouvé devant une feuille blanche, ou plutôt verte.
J'ai alors imaginé comment tout ceci pourrait devenir un jardin, me suis construit une vision de comment ce serait à terme. Je me suis assuré que c'était réaliste, compte-tenu du climat et du temps que j'étais prêt à consacrer. Compromis entre ce que je voulais, ce qui naturellement pouvait pousser là, et les moyens disponibles.
Depuis, cette vision s'est mise en œuvre et j'ai sculpté, au cours des années, plantes, arbres et terrain. Le début fut le plus facile : il suffisait de planter des arbres. Simplement il fallait faire attention à les imaginer grands et donc à ne pas les planter trop proches les uns des autres.
Le plus difficile a été d'accompagner leur croissance. J'écris « accompagner », car c'est l'arbre qui grandit, moi, je ne suis qu'un facilitateur. Au fil des années, j'ai appris à sentir les branches qu'il fallait couper, celles qu'il fallait conserver. Tailler un arbre n'est pas un acte logique et rationnel, c'est une affaire d'attention et d'intuition. Bien sûr, il y a quelques règles techniques de base à respecter, mais ce n'est pas vraiment l'essentiel.
C'est d'abord une affaire d'esthétique et d'équilibre, comme les volumes d'une statue ou le jeu de couleurs d'un tableau. Pour réussir une taille, il faut savoir prendre du recul et s'observer agissant pour deviner les conséquences des gestes que l'on est en train d'entreprendre.
C'est aussi une affaire d'imagination : il faut se projeter dans le futur et imaginer ce que va pouvoir devenir cet arbre et ceux qui l'environnent. Chaque entaille faite aujourd'hui est porteuse de ce futur implicite qui est inscrit de façon indélébile dans ce choix.
C'est enfin savoir respecter les rythmes de la nature. Inutile de vouloir brusquer les choses ou de chercher à faire naître une branche là où c'est impossible. Tailler ce n'est pas créer, c'est accompagner la vie et choisir entre des possibles préexistants.
Ce sont ces tailles répétées années après années qui ont permis à ce jardin d'être aujourd'hui en ligne avec ce que je voulais.
Mettre en œuvre une stratégie, c'est aussi un long chemin, fait d'ajustements successifs, d'obstination et de rythme.
Au moment du lancement de cette stratégie, on sait quelle mer on vise, on connait les chemins qui peuvent permettre de l'atteindre, on a identifié les ruptures potentielles les plus dangereuses, on sait précisément comment on va commencer, après on verra ! Aussi, la première chose à ne pas manquer, c'est de coller au plus près du réel.
En 1983, j'ai acheté ma maison en Provence. Le gros-œuvre de la maison était en très bon état, mais l'intérieur était complètement à refaire. Pour le jardin – je devrais dire le terrain –, tout était à faire : à part la truffière, ce n'était que ronces et pruniers, une sorte de jungle, version maquis provençal. Au cours des six premiers mois, j'ai tout nettoyé et me suis retrouvé devant une feuille blanche, ou plutôt verte.
J'ai alors imaginé comment tout ceci pourrait devenir un jardin, me suis construit une vision de comment ce serait à terme. Je me suis assuré que c'était réaliste, compte-tenu du climat et du temps que j'étais prêt à consacrer. Compromis entre ce que je voulais, ce qui naturellement pouvait pousser là, et les moyens disponibles.
Depuis, cette vision s'est mise en œuvre et j'ai sculpté, au cours des années, plantes, arbres et terrain. Le début fut le plus facile : il suffisait de planter des arbres. Simplement il fallait faire attention à les imaginer grands et donc à ne pas les planter trop proches les uns des autres.
Le plus difficile a été d'accompagner leur croissance. J'écris « accompagner », car c'est l'arbre qui grandit, moi, je ne suis qu'un facilitateur. Au fil des années, j'ai appris à sentir les branches qu'il fallait couper, celles qu'il fallait conserver. Tailler un arbre n'est pas un acte logique et rationnel, c'est une affaire d'attention et d'intuition. Bien sûr, il y a quelques règles techniques de base à respecter, mais ce n'est pas vraiment l'essentiel.
C'est d'abord une affaire d'esthétique et d'équilibre, comme les volumes d'une statue ou le jeu de couleurs d'un tableau. Pour réussir une taille, il faut savoir prendre du recul et s'observer agissant pour deviner les conséquences des gestes que l'on est en train d'entreprendre.
C'est aussi une affaire d'imagination : il faut se projeter dans le futur et imaginer ce que va pouvoir devenir cet arbre et ceux qui l'environnent. Chaque entaille faite aujourd'hui est porteuse de ce futur implicite qui est inscrit de façon indélébile dans ce choix.
C'est enfin savoir respecter les rythmes de la nature. Inutile de vouloir brusquer les choses ou de chercher à faire naître une branche là où c'est impossible. Tailler ce n'est pas créer, c'est accompagner la vie et choisir entre des possibles préexistants.
Ce sont ces tailles répétées années après années qui ont permis à ce jardin d'être aujourd'hui en ligne avec ce que je voulais.
Mettre en œuvre une stratégie, c'est aussi un long chemin, fait d'ajustements successifs, d'obstination et de rythme.
Au moment du lancement de cette stratégie, on sait quelle mer on vise, on connait les chemins qui peuvent permettre de l'atteindre, on a identifié les ruptures potentielles les plus dangereuses, on sait précisément comment on va commencer, après on verra ! Aussi, la première chose à ne pas manquer, c'est de coller au plus près du réel.
18 nov. 2009
LA SUPPRESSION DE LA TAXE PROFESSIONNELLE N’EST PAS NÉCESSAIREMENT UNE BONNE NOUVELLE POUR LES ENTREPRISES
« Oui, mais pas chez nous ! »
Le débat actuel sur la suppression de la taxe professionnelle fait actuellement rage. Il porte pour l'essentiel sur la question du financement des collectivités locales – communes et groupement de communes – : comment vont-elle être financées à l'avenir ? Quels seront leurs marges de manœuvre sur l'évolution de ces ressources ?
Double débat évidemment essentiel dont va dépendre leur capacité à faire face ou non à leurs dépenses et le maintien d'une réelle décentralisation. On voit clairement derrière tout ceci flotter ce jacobinisme qui reste de règle dans la plupart des « élites » parisiennes.
Le monde des entreprises reste absent de ce débat, trop content d'engranger enfin cette suppression de la taxe professionnelle tant attendue.
Or je ne pense pas qu'il soit de bonne politique de rester ainsi absent de ce débat et se désintéresser de la suppression du lien entre les entreprises et le territoire sur lequel elles se trouvent.
En effet, si la taxe professionnelle présente des inconvénients importants à cause de son mode de calcul, elle a le mérite de créer une forme de solidarité de fait entre l'entreprise et la ou les communes où elle est implantée : quand la direction d'une usine a un projet de création d'une nouvelle activité et d'extension d'une activité existante, elle sait rencontrer auprès des élus locaux concernés des oreilles a priori bienveillantes. Ceci est d'autant plus important que ce sont bien souvent les seules : la montée en puissance de l'environnement et de l'écologie fait que quasiment tous les autres acteurs – administration, associations locales – vont chercher à s'opposer au projet.
Qu'en sera-t-il demain si l'on supprime la taxe professionnelle et qu'il n'y a plus aucun lien ou un lien très lâche entre une usine et les ressources de sa commune ? Ne va-t-on pas voir le maire devenir le premier opposant à tout projet d'extension ? Ne va-t-on pas comme pour la plupart des projets d'infrastructures voir les populations locales et leurs élus dire « Oui, mais pas chez nous » ? Est-ce que cela ne risque pas d'accélérer la "tertiarisation" de notre pays ?
Non, vraiment, je pense que c'est une vision bien à courte vue de se désintéresser de ce débat du financement des collectivités locales. Le MEDEF et les entreprises qu'il représente pourraient avoir un réveil douloureux…
Le débat actuel sur la suppression de la taxe professionnelle fait actuellement rage. Il porte pour l'essentiel sur la question du financement des collectivités locales – communes et groupement de communes – : comment vont-elle être financées à l'avenir ? Quels seront leurs marges de manœuvre sur l'évolution de ces ressources ?
Double débat évidemment essentiel dont va dépendre leur capacité à faire face ou non à leurs dépenses et le maintien d'une réelle décentralisation. On voit clairement derrière tout ceci flotter ce jacobinisme qui reste de règle dans la plupart des « élites » parisiennes.
Le monde des entreprises reste absent de ce débat, trop content d'engranger enfin cette suppression de la taxe professionnelle tant attendue.
Or je ne pense pas qu'il soit de bonne politique de rester ainsi absent de ce débat et se désintéresser de la suppression du lien entre les entreprises et le territoire sur lequel elles se trouvent.
En effet, si la taxe professionnelle présente des inconvénients importants à cause de son mode de calcul, elle a le mérite de créer une forme de solidarité de fait entre l'entreprise et la ou les communes où elle est implantée : quand la direction d'une usine a un projet de création d'une nouvelle activité et d'extension d'une activité existante, elle sait rencontrer auprès des élus locaux concernés des oreilles a priori bienveillantes. Ceci est d'autant plus important que ce sont bien souvent les seules : la montée en puissance de l'environnement et de l'écologie fait que quasiment tous les autres acteurs – administration, associations locales – vont chercher à s'opposer au projet.
Qu'en sera-t-il demain si l'on supprime la taxe professionnelle et qu'il n'y a plus aucun lien ou un lien très lâche entre une usine et les ressources de sa commune ? Ne va-t-on pas voir le maire devenir le premier opposant à tout projet d'extension ? Ne va-t-on pas comme pour la plupart des projets d'infrastructures voir les populations locales et leurs élus dire « Oui, mais pas chez nous » ? Est-ce que cela ne risque pas d'accélérer la "tertiarisation" de notre pays ?
Non, vraiment, je pense que c'est une vision bien à courte vue de se désintéresser de ce débat du financement des collectivités locales. Le MEDEF et les entreprises qu'il représente pourraient avoir un réveil douloureux…
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