10 déc. 2014

PARIER SUR L’INTELLIGENCE ET LA RESPONSABILITÉ

Reinventing organizations (14)
Revenons sur chacune des trois ruptures.
D’abord l’auto-management.
Pour simplifier l’idée, elle repose sur le constat suivant : puisque chaque membre d’une entreprise est un adulte, souvent à la tête d’une famille, doué du droit de vote, pourquoi ne pas lui faire confiance, et le traiter comme un enfant qu’il faut constamment surveiller et à qui l’on doit dire quoi faire et comment ?
Pourquoi ne pas parier sur l’intelligence individuelle et collective ? 
Car aucune situation n’est vraiment identique à une autre, le monde est trop incertain, les talents et les motivations trop divers pour que des chefs même éclairés puissent faire des choix plus pertinents que ceux vivent le réel et y sont physiquement confrontés.
Dès lors plus besoin d’encadrement, plus de distinction entre cols bleus et cols blancs, plus d’exécutants entourés de chefs et sous-chefs.
Un des exemples sur lequel Frédéric Laloux prend appui est l’entreprise Favi longtemps dirigée par Jean-François Zobrist. 
Dans un article diffusé le 13 décembre 2012,  « La confiance doit remplacer le contrôle », j’avais moi-même sur mon blog parlé du mode de management insolite de cette fonderie.
Cet exemple a lui seul montre que non seulement c’est possible, mais que cela aboutit à développer la résilience de l’entreprise, sa performance et son développement.
Et pourtant cela reste un cas bien isolé….
(à suivre)

9 déc. 2014

L’ENTREPRISE VIVANTE

Reinventing organizations (13)
A quoi correspond donc ce nouveau mode d’organisation ? A un système vivant, dont il s’agit de comprendre, accompagner et faciliter la vie propre.
Diriger cesse donc de décider, mais devient comprendre et faciliter : à l’image des parents, dont le rôle est de comprendre l’adulte qui est en potentiel au sein de leurs enfants, pour en faciliter l’émergence et le développement.
Telle est la métaphore centrale du livre Reinventing Organizations.
Ceci conduit à trois ruptures majeures :
- L’auto-management : plus besoin de hiérarchie, de chefs et sous-chefs, inutile non plus de chercher à tous prix le consensus. Le fonctionnement est horizontal et chaotique… comme la vie.
- Le tout : plus besoin de laisser sa vraie personnalité aux portes du bureau ou de l’usine, de nier la part féminine, de cacher les doutes, les intuitions ou les émotions. Chacun peut être pleinement lui-même.
- La finalité en mouvement : plus besoin de prévision ou de contrôle, mais de l’écoute et de la compréhension. L’important est de comprendre la finalité de l’organisation et de l’aider à l’atteindre.
Cette description peut sembler une utopie inaccessible et purement théorique. Mais non ! 
Au travers de plusieurs monographies et d’exemples multiples issus d’entreprises de tailles diverses et appartenant à tous les secteurs, Frédéric Laloux illustre son propos : les entreprises vivantes sont là, déjà parmi nous… même si elles sont encore en petit nombre.
(à suivre)

8 déc. 2014

LES NOUVEAUX PARADIGMES DE L’ORGANISATION VIVANTE

Reinventing organizations (12)
Nous arrivons donc au cœur du livre de Frédéric Laloux, avec la description de ce nouveau mode d’organisation émergent qui a été l’objet central de ses recherches. Je ne vais pas déflorer ici l’essentiel de son livre, mais juste continuez à en donner un patchwork pour donner un avant-goût, et je l’espère l’envie de vous y plonger à votre tour !
Il s’agit d’un mode curieux où l’organisation devient vivante, sait choisir son but, s’auto-organise, où les libertés individuelles sont maximum, où l’échange et la dynamique collective sont essentielles, où le rôle du leader mute complètement, jusqu’à peut-être un jour disparaître lorsque le système sera arrivé à maturité… Étrange monde, bien éloigné des organisations bureaucratiques et tayloriennes encore si présentes.
Tout d’abord à quel changement de paradigme personnel correspond donc ce nouveau mode de fonctionnement collectif :
- Ne plus s’identifier à son propre ego, et apprendre à minimiser le besoin de contrôle son environnement : prendre la vie comme elle vient, avec ses hauts et ses bas,
- Ne plus chercher ni la reconnaissance, ni le succès, mais simplement l’accomplissement personnel et la sensation de faire bien : viser le geste juste ici et maintenant
- Ne pas se fixer d’objectifs extérieurs, mais approfondir qui nous sommes profondément : s’appuyer sur sa vraie nature et sa force naturelle,
- Ne plus se penser distinct de ce qui nous entoure, ni séparer le monde en entités disjointes, mais penser globalement : ne pas séparer vie personnelle et professionnelle, ne pas séparer une entreprise de son écosystème et de ses concurrents
Tout ceci raisonne fortement avec la vision bouddhiste du monde. L’entreprise du XXIème siècle serait-elle une transposition managériale et organisationnelle du bouddhisme ? Pas complètement bien sûr, mais un peu oui…
(à suivre)

5 déc. 2014

DIVINES COLÈRES

Ciels d’orage
J’aime la Provence pour la chaleur de ses étés, l’azur de ses ciels, la multitude de ses étoiles, le chant de ses cigales ou les alignements de ses lavandes.
Mais les instants qui précèdent les orages sont habités d’une tension irremplaçable.
Le temps est alors suspendu, la violence latente, le déchirement à venir. L’encre des nuages est le barrage qui contient le flot qui va se déverser.
Dans quelques minutes, le vent se lèvera, les éclairs exploseront, et le déluge s’épandra, torrent d’énergie, sans merci, déchirant les feuillages, lessivant sols et peaux.
A l’abri de ma terrasse, je contemplerai la colère des Dieux, priant qu’elle soit la plus brève possible, et regrettant déjà d’avoir aimé, un temps, la noirceur qui l’a précédée.

4 déc. 2014

LE MILLEFEUILLE ORGANISATIONNEL

Reinventing organizations (11)
Jusqu’à présent j’ai parlé des différents modes d’organisation et de management, comme s’ils s’étaient succédés dans le temps, chacun étant remplacé par le suivant.
Il n’en est rien. Bien au contraire. Comme ils se succèdent de plus en plus rapidement, ils cohabitent et se superposent. 
Ainsi que le relève Frédéric Laloux, on retrouve essentiellement les 4 dernières générations :
- La loi des gangs est présente dans nos sociétés (organisation « Red » selon sa terminologie)
- Nos organisations publiques sont essentiellement régies par des organisations bureaucratiques, et les castes n’ont pas disparues (« Amber »)
- Le monde des grandes entreprises est celui où règne le loi quantitative du profit, du marché et du marketing (« Orange »)
- Et parfois l’entreprise commence à devenir responsable, et les associations non marchandes fleurissent (« Green »)
Le tableau ci-joint tiré de son livre présente les caractéristiques de chacune de ces organisations : des exemples, mes ruptures majeures, la métaphore principale.
Mais cette évolution et la marche en avant n’est pas terminée : un nouveau mode d’organisation est en train de naître…

(à suivre)

3 déc. 2014

UN PLAIDOYER POUR PLUS D’OUVERTURE ET D’ACCEPTATION DE LA DIVERSITÉ

L’Europe et la France ne sont pas construites sur la fermeture
Au moment où une ambiance pour le moins frileuse par rapport à la diversité et à l’immigration se propage en Europe, et singulièrement en France, le discours prononcé par le Pape devant le Parlement européen le 25 novembre 2014 apporte une force et une vision rafraichissantes. Bien loin des thèses du Front National ou de certains milieux ultra-catholiques…
En voici les extraits qui m’ont le plus frappé (les titres sont de mon cru)
Sur l’Europe dans le monde
« A côté d’une Union Européenne plus grande, il y a aussi un monde plus complexe, et ce monde est en pleine évolution. Un monde toujours plus interconnecté et globalisé, et donc de moins en moins « eurocentrique ». A une Union plus étendue, plus influente, semble cependant s’adjoindre l’image d’une Europe un peu vieillie et comprimée, qui tend à se sentir moins protagoniste dans un contexte qui la regarde souvent avec distance, méfiance, et parfois avec suspicion. »
Sur l’individu et le collectif
« Il convient de faire attention pour ne pas tomber dans des équivoques qui peuvent naître d’un malentendu sur le concept de droits humains et de leur abus paradoxal. (…) Par conséquent je considère qu’il est plus que jamais vital d’approfondir aujourd’hui une culture des droits humains qui puisse sagement relier la dimension individuelle, ou mieux, personnelle, à celle de bien commun, de ce « nous-tous » formé d’individus, de familles et de groupes intermédiaires qui s’unissent en communauté sociale. En effet, si le droit de chacun n’est pas harmonieusement ordonné au bien plus grand, il finit par se concevoir comme sans limites et, par conséquent, devenir source de conflits et de violences. »
Sur la diversité et l’immigration
« La devise de l’Union Européenne est unité dans la diversité, mais l’unité ne signifie pas uniformité politique, économique, culturelle ou de pensée. En réalité, toute unité authentique vit de la richesse des diversités qui la composent : comme une famille qui est d’autant plus unie que chacun des siens peut être, sans crainte, davantage soi-même. »
« D’autre part, les particularités de chacun constituent une richesse authentique dans la mesure où elles sont mises au service de tous. Il faut toujours se souvenir de l’architecture propre de l’Union Européenne, basée sur les principes de solidarité et de subsidiarité, de sorte que l’aide mutuelle prévale, et que l’on puisse marcher dans la confiance réciproque. »
« L’Europe sera en mesure de faire face aux problématiques liées à l’immigration si elle sait proposer avec clarté sa propre identité culturelle et mettre en acte des législations adéquates qui sachent en même temps protéger les droits des citoyens européens et garantir l’accueil des migrants ; si elle sait adopter des politiques justes, courageuses et concrètes qui aident leurs pays d’origine dans le développement sociopolitique et dans la résolution des conflits internes – cause principale de ce phénomène – au lieu des politiques d’intérêt qui accroissent et alimentent ces conflits. Il est nécessaire d’agir sur les causes et non seulement sur les effets. 

2 déc. 2014

L’ENTREPRISE RESPONSABLE

Reinventing organizations (10)
Nouvelles questions : n’est-il pas trop simpliste de s’intéresser seulement à ce qui marche et ne marche pas ? Le monde est-il si mathématisable et matérialiste ? Est-ce qu’il n’y a pas d’autres dimensions importantes, comme la communauté, l’harmonie, la coopération ?
A ces interrogations, le monde du marché ne sait pas quoi répondre. Naît alors progressivement un nouveau monde, le monde du pluriel, du complexe et des interactions, celui que Frédéric Laloux habille de vert. Les relations n’y sont plus seulement verticales, top-down, mais horizontales et bottom-up. Les dirigeants y deviennent des leaders au service de leur organisation.
Quelles sont les ruptures qui apparaissent ?
D’abord le transfert de pouvoir à ceux qui font face aux problèmes au jour le jour, c’est « l’empowerment » : décentraliser, partager le pouvoir le plus près possible du terrain, diriger avec humilité.
Ensuite accorder une grande importance au partage d’une culture orientée vers des valeurs communes et à la fixation d’objectifs qui constituent une vraie source d’inspiration : la culture est la glu de l’organisation, et les objectifs permettent à chacun de vouloir se dépasser.
Enfin, ne pas être focalisé seulement sur la création de valeur pour l’actionnaire, mais aussi pour le management, les salariés, les partenaires, et plus largement toute la société. L’entreprise devient socialement responsable, et considère que c’est une part importante de son activité et de sa raison d’être. Alors que précédemment la métaphore de l’organisation était celle de la machine, elle devient celle de la famille.
Quand on regarde notre monde, nous avons l’impression que ce mode d’organisation n’a pas supplanté les autres, mais qu’il cohabite avec les précédents. Est-ce exact ?
(à suivre)

1 déc. 2014

LES LOIS DU SUCCÈS ET DU MARCHÉ

Reinventing organizations (9)
Et si ? Si jamais je faisais ceci plutôt que cela qu’adviendrait-il ? Si jamais je ne respectais plus les règles immuables depuis toujours, est-ce que j’aboutirais à une meilleure solution ?
Voilà le grand changement mental qui conduit à une nouvelle mue : l’individu a le droit de remettre en cause les normes… à condition bien sûr de montrer qu’il aboutit ainsi à un meilleur système.
Et si la Terre n’était pas plate ? Et si le soleil ne tournait pas autour d’elle ? Et si le soleil était lui-même en mouvement ? Pourquoi donc une pomme tombe-t-elle toujours vers le sol, et pourquoi ne tombons-nous pas quand la Terre tourne ?...
Se poser des questions, c’est risquer d’ébranler le bel édifice des pyramides sociales, mais c’est aussi ouvrir la porte au progrès et à l’innovation. Le monde des castes bureaucratiques n’aime pas le changement, il ne connaît que les certitudes. Pour lui, l’incertitude n’est pas seulement un problème, c’est le mal à combattre !
Vive donc l’émergence du monde des remises en cause où les individus deviennent autorisés à poursuivre leurs propres objectifs.
C’est aussi un monde matérialiste puisqu’il ne connaît que ce qu'il voit et touche. La religion, Dieu, la spiritualité, et toutes les équations où 1+1 est différent de 2 sont niés, si ce n’est ridiculisés. Ce qui est sérieux est mathématisable, le reste n’est que baliverne, scorie des temps anciens.
En terme d’organisation, après le temps des gangs et de la mafia, puis celui des églises et de l’armée, arrive maintenant le temps des grandes entreprises mondiales. Il apporte  une triple rupture : l’innovation, la responsabilité et la méritocratie.
Innovation, parce que poser des questions et remettre en cause sont possibles. Responsabilité, parce que des objectifs sont fixés avec des récompenses à la clé. Méritocratie parce que l’on n'est plus bloqué par la caste à laquelle on appartient. 
Évidemment en réalité le système est loin d’être parfait… 
Quel en est le côté sombre ? Le dogme de la mathématisation et de la croissance sans fin. Peu importe que tel ou tel produit soit utile ou non, du moment qu’il peut être conçu, fabriqué, et acheté, il est souhaitable. C’est le temps béni de l’argent roi, de la consommation et de son valet, le marketing. Inutile de dire que nous vivons encore très largement dans cette étape…
(à suivre)

28 nov. 2014

OÙ ?

Partis… (suite)
La fuite fut brutale, et pourtant tout est en ordre.
Les chevaux ne sont plus là, mais les licols sont rangés.
Le cycliste est parti, mais son vélo est appuyé contre le mur.
Le temps a évité le lieu, pour ne rien dégrader.
Assis, immobile, je regarde respectueusement ce musée caché.
Un objectif claque pour immortaliser ce qui, demain, va disparaître.
Sur la gauche, cachées dans une cave obscure,
Des chauves-souris, les seuls hôtes permanents, me narguent.
Souvent je reviendrai, longtemps je rêverai.
Face à ces témoins abandonnés, je reconstruirai ces vies que je n’ai pas croisées,
Comblant les vides, je dessinerai des moments oubliés à tout jamais.
Jardinier du passé, je maçonnerai de chair ce qui n’est plus que mort.
(Les photos ont été prises en 1999 par Michel Cabot dans ma maison de Grignan)

27 nov. 2014

LES CASTES OU LA LOI BUREAUCRATIQUE

Reinventing organizations (8)
Qu’est-ce qui différencie cette nouvelle étape de la précédente : essentiellement l’existence de règles qui s’imposent à tous. La relation interindividuelle n’est plus régie par le rapport de force direct et immédiat, mais des lois et des règlements. Si j’ai de l’autorité sur untel ou si je suis soumis à l’autorité d’un autre, c’est parce que ma position le permet ou me l’impose. Si je fais ceci plutôt que cela, c’est parce que j’applique une réglementation.
Rien qu’à l’énoncé de ce qui structure cette étape, on perçoit tout de suite que, même si depuis d’autres évolutions ont eu lieu, bon nombre des systèmes en place sont encore aujourd’hui régis de cette façon. Ceci est singulièrement vrai dans les organisations publiques,  c’est ce qu’on peut résumer d’un mot : la loi bureaucratique.
Qu’est-ce qui a permis de passer du monde des gangs à celui de la bureaucratie ?
D’abord la capacité d’un individu à se projeter dans le futur. L’étape précédente était celle de l’instant présent ; avec celle-là, chacun commence à intégrer les conséquences de ses actes. C’est par exemple le début de l’agriculture et des semences : je jette des graines dans le sol, parce que je sais que, dans quelques mois, j’en récolterai davantage. Une sorte de contrat de confiance temporel.
Une autre donnée nouvelle est la capacité à penser à travers le regard de l’autre : je peux non seulement comprendre que je suis différent des autres, mais que les autres voient le monde différemment de moi. Du coup, des règles morales deviennent possibles, et comprenant que mon point de vue n’est pas unique, je peux accepter de les respecter.
Ceci permet deux changements majeurs dans les organisations : elles peuvent planifier à moyen et long terme, et créer des structures stables et de grande taille. Si je voulais résumer ceci d’une phrase : c’est le temps des cathédrales. C’’est-à-dire à la fois des grandes structures religieuses, et des grands projets. Ou encore celui des pyramides ou de la grande muraille de Chine.
Qu’est-ce qui permet aux organisations de grandir ? C’est la formalisation des structures, le partage des tâches, et l’élaboration d’organigrammes hiérarchiques de plus en plus sophistiqués.
Certes ceci se fait au préjudice de la liberté individuelle, puisque chacun est contraint par les murs de la boîte dans laquelle il se trouve. Mais par rapport aux temps de gangs, c’est un progrès : je sais que, si je respecte les règles, je n’ai rien à craindre. L’humanité quitte la loi de la jungle.
Simplement cette protection ne s’exerce qu’au sein de l’organisation à laquelle j’appartiens, le dehors est le dehors. Pas de sentiment, ni d’appartenance collectifs.
Le meilleur exemple de ce type d’organisation est le système des castes en Inde : j’appartiens à ma famille qui me rend membre d’une caste. Et c’est pour la vie, pour le meilleur et pour le pire. Impossible d’en sortir… 
(à suivre)

26 nov. 2014

LA LOI DES GANGS

Reinventing organizations (7)
Il y a environ 10 000 ans, naissent les premiers royaumes et empires. Que s’étaient-ils passés pour autoriser la naissance de premières vraies organisations humaines ?
La perception de soi comme un individu en tant que tel, ce qui n’est pas sans aller vers de nouvelles peurs : « Si je ne suis qu’une petite partie, distincte du tout, je peux souffrir et mourir. ». L’homme vient de se découvrir mortel. Et avec la naissance de l’individu, arrive son pendant : l’autre peut être mon rival et mon ennemi.
Les rapports entre humains ne sont donc que des rapports de force, et seules les récompenses et les punitions sont comprises.
Comme l’individu est né, le division du travail devient possible : apparaissent les chefs, les soldats, les esclaves, ceux que l’on a battus et asservis.
Les tribus peuvent donc s’organiser et se structurer en royaumes et empires qui fédèrent plus dizaines de milliers de personnes.
Dernière remarque essentielle : tout n’est vécu qu’au présent. Pas de passé, pas de futur. Je mange ce que je trouve, je combats celui que je rencontre, je suis soumis à celui qui est plus fort que moi. Tout est immédiat. C’est le temps de l’impulsion.
Trouve-t-on encore aujourd’hui de telles organisations, rouges selon la couleur assignée par Frédéric Laloux ? Oui dans les gangs de rue et la mafia : le crime organisé est une organisation rouge. 
Qu’est-ce qui cimente ce type d’organisation ? C’est la relation interpersonnelle, et son chef en est un loup dominant, un loup alpha. Le point fort de ces organisations : leur capacité à faire face à des milieux hostiles. Leurs points faibles : leur incapacité à élaborer des stratégies, à se développer dans des univers complexes. Dès que l’on est loin du chef, comme il n’existe plus, l’organisation non plus…
(à suivre)

25 nov. 2014

LA MAGIE

Reinventing organizations (6)
Un jour dans ces temps de l’aube de l’humanité, il y a environ 15 000 ans, l’homme a commencé à se percevoir distinct de son environnement et de ses congénères. Mais tout tourne encore autour de lui, et il se croit le centre du monde.
Les causes et les effets sont confondus, et l’univers est plein d’esprits et de magie : « Les nuages bougent pour me suivre ; le mauvais temps, c’est une punition des esprits pour mes mauvaises actions »
A cette étape, on ne peut pas encore parler d’organisation. La seule différentiation possible est celle des aînés qui ont un statut spécial et ont plus d’autorité. Les bandes se sont agrandies, et sont devenues des tribus de quelques centaines d’individus.
Chez l’enfant, ce sont les deux premières années où la différentiation commence : « Quand je mords mon doigt, ce n’est pas pareil que quand je mords la couverture » et « Je ne suis pas ma mère, même si, en sa présence, je me sens magiquement en sécurité. »
(à suivre)

24 nov. 2014

LE TEMPS DE LA RÉACTION

Reinventing organizations (5)
Retour au livre « Reinventing organizations ». Son propos est de dire qu’un mode d’organisation correspond à un état de développement de l’humanité.
Pour argumenter son propos, il retrace l’histoire de l’humanité et des organisations en la structurant en six étapes (1) 
- 1ère étape : le paradigme réactif (infrarouge)
- 2ème étape : le paradigme magique (magenta)
- 3ème étape : le paradigme impulsif (rouge)
- 4ème étape : le paradigme conformiste (ambre)
- 5ème étape : le paradigme accompli (orange)
- 6ème étape : le paradigme pluriel (vert)
Et nous serions en train de franchir une nouvelle : le paradigme dynamique (turquoise).
Arrêtons sur chacune de ces étapes.
D’abord donc le temps du réactif. C’est celui de l’aube de l’humanité de 100 000 à 50 000 ans avant Jésus-Christ. L’homme ne se perçoit pas comme un individu, le « je » n’est pas encore né. Il fait corps avec son environnement, et ne se sent pas vraiment distinct de ce tout ce qui l’entoure, les siens y compris.
L’humanité est clairsemée et vit en petits groupes d’une douzaine de personnes. Comme aucune individualité n’existe, il ne peut être question de partage du travail, et la notion d’organisation n’existe pas vraiment. La seule distinction est le sexe, et l’allaitement qui va avec. Pas de chef, pas d’ancien, juste une bande.
En psychologie, cette étape correspond au stade initial du nouveau-né qui ne se perçoit pas encore réellement distinct ni de sa mère, ni de son environnement.
A ce stade, l’action n’est ni pensée, ni voulue, mais provoquée par l’environnement : c’est le temps de la réaction.
(1) Frédéric Laloux a choisi d’associer une couleur à chaque étape pour pouvoir ensuite en parler facilement. J’ai maintenu cette référence ici, car j’aime aussi la dimension poétique qu’elle apporte…
(à suivre)

21 nov. 2014

SANS VIE

Partis...
Ils ont dû sortir précipitamment, laissant leur vie intacte.
Les casseroles et les poêles, à peine nettoyées, sont accrochées,
Devenues sculptures, témoin d’une agitation passée.
Le fourneau ne ronfle plus, et aucune chaleur ne s’en échappe. 
Une bouteille le coiffe, reste d’une dernière gorgée avant la route.
Que s’est-il passé ? Où sont-ils ?
Aucun fantôme, aucun bruit, aucun souffle.
Rien pour rappeler la vie échappée. Rien à part ces objets.
Le mistral dehors hurle, amenant en ces lieux de mort,
Le bruit du mouvement des choses…

(La photo a été prise en 1999 par Michel Cabot dans ma maison de Grignan)

20 nov. 2014

LA PUISSANCE DU NOUS

Reinventing organizations (4)
Troisième rupture, celle de la naissance de tribu mondiale.
Cette émergence est le fruit d’une triple évolution : 
- L’expansion démographique récente qui vient de multiplier par près de 10 la population mondiale en 100 ans, nous rend chaque jour de plus en plus voisins les uns des autres,
- La naissance d’objets-monde qui nous permettent d’agir à distance – alors que jusqu’à présent nous ne pouvions agir qu’avec nos bras prolongés d’un morceau de bois, ou ne tuer qu’à portée de flèches ou de balles –, fait que nous sommes de plus en plus soumis aux effets des autres, et que nous agissons sur notre planète,
- Internet et des technologies de l’information nous relient tous, et nous passons d’un monde où les hommes n’étaient que juxtaposés et les tribus locales, à un monde global où les tribus deviennent mondiales.
Nous passons ainsi à ce que j’appelle le Neuromonde, un monde connecté où notre puissance collective change de nature. A l’image de l’intelligence de la ruche ou de la fourmilière, nait celle de l’humanité. Tous ensemble nous pouvons donner naissance à une encyclopédie dynamique – Wikipedia –, ou valider le résultat des scans de tous les livres publiés – reCaptcha.
Voilà donc notre nouveau monde : un monde peuplé d’individus qui comprennent chaque jour davantage que leur identité individuelle est le résultat d’un processus dynamique émergent, dont la puissance élémentaire croît exponentiellement, et dont la force collective aussi.
Pas étonnant qu’il faille réinventer les organisations, non ?
(à suivre)

19 nov. 2014

LE « JE ÉLARGI »

Reinventing organizations (3)
Deuxièmement, avec Internet, chacun de nous mute et s’écarte chaque jour davantage de ce qu’a été jusqu’à présent l’être humain. 
En effet qu’est-ce que penser consciemment ?
C’est en résumé, recueillir des données sur une situation présente, ce via nos cinq sens, les enrichir grâce à notre mémoire de ce que nous avons vécus ou appris, et construire avec tout cela des scénarios.
En quoi Internet vient-il tout changer ?
D’abord tuons tout de suite le mythe du virtuel face au réel. Pour le cerveau, le réel n’existe pas. La seule chose qui existe, ce sont les signaux chimiques et électriques qui l’habitent. Les informations apportées par Internet ne sont ni plus, ni moins réelles que les autres. Simplement si elles sont en contradiction ou différentes de celles perçues par nos cinq sens, notre cerveau pourra faire la distinction. Ni plus, ni moins.
Revenons donc sur notre processus de pensée, et voyons comment Internet le modifie.
D’abord il nous donne accès à de nouvelles données : avec Internet, je peux savoir ce qui se passe à distance. Un sixième sens en quelque sorte. Ou une extension géographique de nos cinq sens si vous préférez.
Ensuite, Internet nous apporte une nouvelle mémoire. Avec les moteurs de recherche, avec le développement des tags, avec la multiplication des réseaux sociaux et tous les systèmes experts, j’enrichis ma perception de la réalité de milliards d’informations accumulées par d’autres.
Enfin, toujours grâce à Internet, je dispose de nouvelles puissances de calcul qui m’aident à analyser la situation et à construire des scénarios.
Nous voilà donc des mutants ! Sans nous en rendre compte, nous nous éloignons de plus en plus de celui que nous étions il y a dix ans. Chacun atteint une puissance individuelle jamais atteinte.
Et ce n’est pas fini : l’hybridation entre technologie de l’information et biologie n’a quasiment pas commencé.
(à suivre)

18 nov. 2014

LE « JE » N’EST PLUS VRAIMENT

Reinventing organizations (2)
Arrêtons-nous d’abord sur le sous-titre du livre qui pose bien à la fois le problème et l’ambition : « A guide to creating organizations by the next stage of human consciousness »
Oui nous sommes en train de vivre une rupture majeure : nos consciences individuelle et collective mutent. 
J’ai déjà eu l’occasion ici dans mon blog, ainsi que dans mes livres de détailler cette rupture. Je ne vais donc en reprendre maintenant que trois points qui sont essentiels.
D’abord nous comprenons de mieux en mieux nos mécanismes cérébraux, et les interactions entre le cerveau et le reste de notre corps. 
Nous en avions jusqu’à présent une vision relativement mécaniste. Pour simplifier, nous étions aux commandes de notre corps, avec au sommet notre cerveau et notre conscience. Si je faisais ceci ou cela, c’est parce que je l’avais décidé. Et si je l’avais décidé, c’était à l’issue d’un processus conscient et rationnel. L’éducation avait notamment pour but d’améliorer à la fois le moteur – notre cerveau – et sa capacité à commander vite et bien.
Freud et Jung avec la mise en évidence de l’inconscient et de la portée des rêves ont commencé au début du siècle dernier à ébranler ce bel édifice.
Grâce à l’essor récent des neurosciences et aux progrès multiples dans la compréhension de l’écosystème de notre corps, tout ceci vole en éclats.
La vision d’un cerveau conscient aux commandes cède le pas à une vision beaucoup plus complexe où notre identité et nos décisions émergent dynamiquement des interactions entre : 
- Nos processus conscients et non conscients : l’essentiel de notre énergie cérébrale est consommée par des processus non conscients, c’est-à-dire dont nous ne pouvons percevoir que les effets, sans pouvoir avoir accès à leurs mécanismes, ni les influencer volontairement, 
- Nos différents cerveaux : car oui nous avons bien un cerveau intestinal et il a son mot à dire dans nos processus mentaux !
- Notre corps et les milliards de microorganismes qui l’habitent : la flore intestinal a elle aussi son mot à dire, et selon son type nous ne serons pas exactement les mêmes,
Cerise sur le gâteau, notre mémoire n’est pas un ensemble stable de données auxquelles nous aurions facilement accès. Au contraire, c’est un système éclaté, et à chaque fois que l’on se souvient de quelque chose, le souvenir est incomplet et reconstruit.
Bref notre « je » est en construction constante, et nait d’une émergence collective. Le « Je » ni ne se décide, ni n’est aux commandes, il se vit et se constate.
(à suivre)

17 nov. 2014

UN LIVRE RARE SUR LE MANAGEMENT

Reinventing organizations (1)
Rares sont les livres de management qui apportent à la fois un regard neuf, global, s’appuyant sur des faits et une mise en perspective historique de leurs propos.
Le plus souvent, on n’a droit qu’à l’un des trois : 
- Des livres mettent l’accent sur une rupture, mais sans être capables de la resituer ni dans une perspective d’ensemble, ni dans une logique factuelle et historique. On se trouve alors face à une « anecdote », qui peut être certes intéressante, mais dont la pertinence et la portée sont d’abord affaires de dogme.
- D’autres sont globaux et systémiques, et, s’ils peuvent être une clé de lecture enrichissante, ils n’apportent pas de solutions nouvelles. Plus leurs propos sont documentés, plus l’analyse sera utile pour comprendre le présent. Mais ils restent pauvres pour penser au futur.
- Enfin  ceux qui ne font qu’accumuler des faits et des expériences historiques, laissent aux lecteurs le travail de la réflexion. Ce sont des bases documentaires pertinentes, mais l’essentiel du travail reste à faire.
Le livre de Frédéric Laloux, « Reinventing organizations », appartient à cette race rare qui allie les trois. On peut aussi écouter sa conférence faite en français
Déjà une première raison pour en faire un compte-rendu long sur mon blog.
Un autre intérêt de ce livre est que, même s’il s’adresse d’abord aux entreprises et à ceux qui les dirigent, il est aussi une aide précieuse pour tous ceux qui s’intéressent à la politique et aux modes de pilotage des structures publiques. Un État n’est en effet jamais qu’une collectivité humaine plus large et plus complexe.
Comme c’est une de mes préoccupations majeures est de réfléchir à comment refonder la France et faire émerger un nouveau mode de pilotage des politiques publiques, c’est une deuxième raison pour chroniquer ici ce livre. Je vais donc émailler ma chronique de réflexions et interrogations personnelles qui me viennent en écho.
(à suivre)

14 nov. 2014

LES RENAISSANCES SONT À VENIR…

Les unes avec les autres
En ces jours qui raccourcissent,
En ces moments où le froid est de retour,
Alors que l’hiver s’approche et la nature se referme,
Attendons en confiance le printemps à venir.
Temps magique des télescopages de la vie,
Anarchie des couleurs et des naissances,
Poussées qui bousculent et heurtent leurs voisines,
Harmonie émergente d’une nature hybridée.
Savoir ne pas se racornir, savoir ne pas brider,
Laisser les brises glacées courir sur notre peau,
Ne pas se laisser emportés par un pessimisme ambiant,
Sentir l’énergie des graines qui bientôt germeront…

13 nov. 2014

C’EST MA FAUTE, C’EST MA TRÈS GRANDE FAUTE

Histoire de pomme (4)
Acte 6 : Quand le 29 octobre, la sentence tombe : je n’ai qu’à acheter un nouvel iPhone !
Les jours passèrent. Je ne dirais pas que je m’étais habitué à voir mon iPhone redémarrer plusieurs fois par jour, mais j’endurais, pensant que l’arrivée du nouveau système d’exploitation allait résoudre le problème.
Le jour J, je déclenchai la mise à jour, et attendis l’arrivée du miracle souhaité. En vain ! Passer de la version 8.0 à 8.01, puis 8.02, et enfin 8.1 n’y changea rien. Je dus me rendre à l’évidence, mon nouvel iPhone, donné il y a maintenant presque 3 mois, avait un défaut majeur : il aimait à redémarrer.
Il ne me restait donc plus qu’à retourner au fameux Genius Bar. Tout commença favorablement, car, à ma grande surprise, j’obtins aisément un rendez-vous pour le 29 octobre 15h30 au magasin Apple Opéra.
C’est donc confiant qu’il y a quelques heures j’en ai franchi la porte et me suis approché de la technicienne qui venait de m’appeler.
Une minute plus tard, la sentence tombait, accompagné d’un regard accusateur :
« Mais, Monsieur, l’écran de cet iPhone n’est pas d’origine. Vous avez enfreint les codes émis par Apple, votre garantie n’est plus valable, et je ne peux rien pour vous. »
J’ai failli lui rétorquer que c’était mon iPhone qui était malade, et non pas moi. Mais comprenant que ni le moment, ni le lieu ne se prêtaient à la plaisanterie et à l’humour, je lui expliquai que c’était à cause de l’incapacité d’Apple à me réparer mon écran que j’avais dû aller ailleurs.
Rien n’y fit : me voilà donc dans une impasse. 
A cause de l’incapacité d’Apple à réparer mon écran en septembre, je n’ai pas eu d’autre choix que de trouver un réparateur indépendant… qui m’a certifié que les pièces étaient d’origine. 
A cause de cette réparation, Apple me dit que mon iPhone n’est plus sous garantie.
Bel exemple d’orientation client !
CONCLUSION
Je me trouve donc devant les options suivantes :
- Garder mon iPhone comme il est, c’est-à-dire vivant sa propre vie et décidant de redémarrer quand cela lui chante, de préférence à un moment critique,
- En acheter un nouveau qui, lui, sera sous garantie si, par malheur, il se trouvait déficient (en m’interdisant évidemment de le faire réparer, si jamais Apple est incapable de me recevoir),
- Quitter Apple pour mon téléphone, mais comme je suis aussi équipé d’un MacBook Air et d’un iPad, je perds tout l’intérêt du système global.
Bref je suis piégé. Merci à la pomme et dommage que j’ai croqué dedans.
A moins qu’il ne me faille faire un pèlerinage style Compostelle en direction de Cupertino. Je me vois cheminant pieds nus en robe de bure depuis Paris jusqu’en Californie. 
Peut-être le pardon me serait-il alors accordé. 
A moins que l’on ne me recouvre là-bas de goudron et de plumes dans la plus pure tradition du Far-West américain pour les mécréants de mon espèce.
Pardon, pardon, Mr Apple j’ai péché. Ayez pitié de moi !