9 mars 2009

CRÉER DE LA VALEUR EST UNE AFFAIRE D’ATTENTION

La création de la valeur comme le bonheur sont là juste devant nous … à condition que nous fassions suffisamment attention.

Extraits de « Bonheur et création de valeur » de Bernadette Babault (2002 - document d'origine en anglais « Happiness and Value Creation ») :

« Les entreprises et les hommes sont prises dans un piège tendu par un malentendu similaire : les entreprises veulent créer de la valeur, les hommes du bonheur. Nous sommes convaincus que c'est notre but, aussi voulons-nous le faire arriver volontairement. Le malentendu est que, si c'est bien notre but d'atteindre bonheur et création de la valeur, ce n'est pas quelque chose que nous avons à faire advenir. Il est déjà là devant nous ; ce qui nous rend aveugle est notre besoin de le voir volontairement…

La création de valeur arrive partout et tout le temps. C'est un processus fait d'ajustements locaux et de coévolutions… Et ce qui prend une voie ou une autre est bien au-delà des procédures écrites, et ainsi restera invisible aux systèmes d'évaluation. Le système conscient d'une organisation ne peut pas saisir de quoi il est fait. Le management peut voir les résultats, définir des structures, des systèmes et des stratégies et vérifier que les buts sont atteints. Il peut sentir que quelque chose manque dans le paysage, mais il ne peut pas combler ce manque…

Mon approche du conseil est maintenant d'encourager les managers à observer « ce qui est là »… Observer une organisation sereinement et consciemment consiste à écouter des histoires sans les juger...

La première fois que des dirigeants sont encouragés à s'informer sur les situations quotidiennes sans réagir, ils sont sceptiques : « Je suis supposé avoir une opinion, une réponse, autrement pourquoi serais-je le patron ? »… Un PDG m'a dit un jour : « J'incarne la création de valeur ». Quel fardeau !...

Il faut de la compassion et de la patience pour rester attentif sans réagir, mais c'est aussi très gratifiant. Il faut de la force pour voir quelqu'un dans la douleur et résister à la tentation de l'aider, de lui proposer une solution, ou de s'excuser… On suppose que ne pas s'inquiéter est montrer que ce n'est pas important. Or être présent sans s'inquiéter, c'est dire sans aucun mot que « non seulement c'est important pour moi, mais j'ai aussi assez confiance en toi pour te laisser t'en sortir tout seul »…

Pendant que les autres décident où ils veulent aller avant d'embaucher des managers, les grands dirigeants (selon le dernier livre « Good to Great » de Jim Collins) embauchent des managers avec qui ils sentent qu'ils peuvent s'embarquer quel que sera le voyage à faire. Ils cherchent d'abord à avoir les bonnes personnes dans le bus, plutôt que savoir où va le bus. »

8 mars 2009

I'VE SEEN THE FUTURE, BROTHER: IT IS MURDER

Une ballade vers un futur qui, je l'espère, ne sera pas le nôtre

Quand la poésie de Léonard Cohen veut nous inciter au "repentir
" ...


7 mars 2009

COMMENT RÉUSSIR UN DIAGNOSTIC

Pourquoi prendre une photographie est dangereux, comment trop d'expertise peut conduire à se tromper, pourquoi les processus inconscients sont essentiels

La performance durable d'une entreprise repose sur sa capacité non pas à faire juste une fois, mais à s'adapter dynamiquement à l'évolution de la situation. Cette adaptation dynamique repose sur trois points majeurs :

- L'existence de confrontations internes pour ajuster les points de vue, fiabiliser les analyses et construire des projets communs,

- Un maximum de faits et d'informations sur le marché, les concurrents, les résultats des actions passées et en cours pour nourrir les analyses,

- La capacité à se remettre en cause et innover

Tout ceci va venir non seulement des processus apparents dans l'entreprise, mais beaucoup de processus « inconscients » et cachés issus de l'histoire de l'entreprise, de sa culture et de ses systèmes (organisation, système d'information, tableaux de bord et scores, ….). Finalement être rationnel, c'est accepter l'importance de cette dimension inconscient.

Ainsi pour évaluer la performance d'une entreprise, il y a trois pièges principaux à éviter :

- Prendre une photographie de la situation instantanée : comment savoir si la performance – positive ou négative – sera maintenue dans la durée ? L'exactitude est-elle le fruit de la chance ou de la performance du système ? Symétriquement, s'il s'agit d'une erreur, est-elle provisoire ou permanente .

- Avoir une attitude d'expert qui va porter un jugement et dire si ce qu'il voit est juste ou faux : comment percevoir la logique du système analysé et son histoire, si l'on part d'une expertise externe ? Comment être sûr a priori que cette expertise recouvrira bien toutes thématiques pertinentes ?

- Se contenter de ce qui est directement visible : comment évaluer la reproductibilité d'une performance sans comprendre comment elle est atteinte ? Comment analyser un résultat atteint sans comprendre le processus sous-jacent et intégrer les dimensions cachées de l'entreprise ?

Pour réussir un diagnostic, il faut :

- Mener des entretiens ouverts et « non préparés » pour comprendre les logiques des acteurs en place, percevoir les histoires sous-jacentes et évaluer sur quoi reposent les interprétations internes,

- S'arrêter dès que « l'on ne comprend pas » ou que l'on perçoit un résultat ou une attitude « illogique » ou « irrationnelle », car c'est le plus souvent le signal d'une logique cachée et inconsciente,

- Analyser les logiques de systèmes et documents internes (plans stratégique, marketing, industriel, et commercial; politique des ressources humaines ; système d'information ; système de reporting…) et évaluer les logiques induites et leurs cohérences relatives,

- Marier un champ large d'analyse pour ne pas préjuger a priori de la situation, à des zooms locaux ou des « carottages » pour comprendre les logiques et dépasser les apparences.

Tout repose finalement sur deux questions « simples » :

  • L'entreprise, est-elle « connectée au réel » ou encore quelle quantité de « faits » l'irrigue ?

  • Est-elle « cohérente » ou encore est-ce la même « musique » au marketing, au commercial ou à la fabrication ?

En effet si l'entreprise est cohérente, mais déconnectée du réel, elle va foncer, consciencieusement et efficacement, dans le prochain mur et ce « comme un seul homme ». Et si elle est « éclatée », elle sera décoordonnée et n'ira nulle part.

Si elle est connectée au réel et cohérente ("consistent"), elle va progressivement trouver la meilleure réponse et saura s'adapter à ce qu'elle n'a pas prévu...

6 mars 2009

LA LOGIQUE CACHÉE DES MURS EN PIERRES SÈCHES

Suffit-il de poser des pierres les unes sur les autres pour construire un mur ?

J'ai commencé à construire des murs en pierres sèches, il y a une trentaine d'années.

Au début, je m'appliquais et faisais attention au choix des pierres : je prenais uniquement les plus plates, les plus larges, les plus « belles ». Ensuite, je passais de longues minutes à ajuster chacune sur la précédente. Le plus souvent, aucune de ces pierres n'allait et je devais en chercher une autre. Péniblement, centimètre par centimètre, le mur prenait forme. Et in fine, si mes murs étaient bien un assemblage de pierres, ils ne s'intégraient pas dans les murs existants : mes murs restaient fragiles, différents, comme des « verrues »…

Les mois et les années passaient, et rien n'y faisait.

Un jour j'ai eu la curiosité de prendre le temps d'observer un mur existant. Comme il était à moitié démoli, j'ai pu voir quelle était sa structure et comment il avait été construit. A ma grande surprise, j'ai vu qu'il n'y avait quasiment pas de grosses pierres : en fait des pierres de taille moyenne composaient les deux façades et l'intérieur était rempli de petites pierres. De temps en temps, une grosse pierre venait réunir le tout et renforçait la cohésion.

J'ai cherché à mettre en œuvre cette technique et, très vite, j'ai constaté que je montais beaucoup plus vite les murs et qu'ils étaient beaucoup plus solides : je n'avais plus à chercher des pierres « idéales », les petites pierres s'imbriquaient « naturellement » les unes dans les autres, mes murs commençaient à s'intégrer dans le paysage existant.

Restait un problème : comment arriver à ce que le sommet du mur soit aligné. En effet, en Provence, les murs en pierres sèches se terminent par une dernière rangée de pierres posées verticalement et qui, étant mises en compression entre elles, donnent la solidité finale du mur. Or, si j'arrivais sans problème à mettre la dernière rangée en vertical, j'étais incapable d'obtenir que cela produise un mur « horizontal » en son sommet : mes murs avaient une hauteur variable en fonction de la largeur de la dernière pierre.

J'ai buté sur cette difficulté encore un bon moment, et l'évidence m'est apparue brutalement en regardant avec un peu plus d'attention un mur ancien et en le comparant à un des miens : la dernière rangée de mes murs reposait sur une rangée horizontale et en conséquence créait une ligne supérieure aléatoire ; celle des murs existants se terminait par une ligne horizontale et c'était leur base qui était une ligne aléatoire. En fait, les ajustements étaient faits par le dessous : il ne fallait pas finir le mur et poser la rangée verticale, mais le finir en fonction de la largeur de la dernière pierre. (Je ne suis pas certain que mes explications soient limpides – j'ai essayé de les faire les plus claires possible -, mais en regardant les photos, vous devriez comprendre. Sinon, n'hésitez pas à me poser des questions !)

Depuis ce jour, je construis des murs qui s'intègrent parfaitement et que l'on ne distingue plus des anciens. Et en plus, je les réalise très rapidement : j'arrive maintenant à les monter sans réfléchir et en « jetant » les pierres comme elles viennent.

Finalement si, dès le départ, j'avais pris le temps de comprendre qu'elle était la logique cachée…

5 mars 2009

FAIRE UN DIAGNOSTIC, CE N’EST PAS PRENDRE UNE PHOTO

Comment évaluer la performance d'une entreprise… vraiment ?

« Mon diagnostic a commencé, il y a maintenant trois jours. Les interviews se succèdent, celui-là est le vingtième. Le déroulement initial est immuable : je commence par me présenter en deux minutes, et puis, première question : « Et vous ? »

Comme d'habitude, mon interlocuteur, à son tour, me dit qui il est, d'où il vient. Essentiel pour comprendre de savoir « d'où » il va me parler. En fait je me suis présenté surtout pour cela : pour qu'il trouve naturel de me dire même rapidement son parcours personnel. Réciprocité.

« Donc, vous êtes arrivé dans cette entreprise depuis maintenant plus de dix ans. En quelques mots, pourriez-vous m'en parler : y a-t-il eu des étapes importantes, des ruptures ? Ou alors cela a-t-il été un long fleuve tranquille ? »

Les questions s'enchainent. Je rebondis sur ses réponses, l'aide à approfondir, à remonter à la source de ses convictions. Mentalement, je ne suis plus assis face à lui, mais à côté pour voir la situation de son point de vue, pour comprendre sa vision de son rôle, de celui des autres.

« Et l'entreprise plus globalement, quels sont les défis auxquels elle a à faire face ? ».

Je fais attention à oublier ce que je sais déjà, à ne pas reproduire vers lui mes interprétations naissantes. Comme c'est la vingtième interview, forcément une image commence à se dégager. Mais je dois rester en éveil, le moins projectif possible, le moins inductif.

Vers la fin, j'injecte au travers de mes questions les lignes de force actuelles de mon diagnostic. Pour voir comment il va réagir : va-t-il confirmer, compléter, infirmer ?


Partir sans a priori, sans jugement initial. Repérer les courants, les logiques, les contradictions. Laisser la synthèse émerger presque d'elle-même. « Neurodiagnostiquer ».

De quoi s'agit-il ?

D'aller bien au-delà d'une simple analyse des actions, de la véracité des chiffres ou de l'exactitude d'une politique. Certes, de telles analyses peuvent apporter des données intéressantes mais elles ne prennent qu'une photographie instantanée de l'entreprise :

- Si les éléments recueillis sont satisfaisants, comment savoir si cette performance sera maintenue dans la durée ? L'exactitude est-elle le fruit de la chance ou de la performance du système ? Symétriquement si les résultats recueillis ne sont pas satisfaisants, est-ce qu'il s'agit d'une erreur provisoire ou permanente ?

- Quels sont les éléments qui expliquent ces résultats – positifs ou négatifs – ?

- En quoi l'analyse du résultat va-t-elle permettre de comprendre comment il a été obtenu ?

- Qu'en déduire pour le futur et les actions à entreprendre ?


« Neurodiagnostiquer » c'est chercher non pas à juger le résultat obtenu ou la qualité des décisions prises, mais bien à comprendre les systèmes, conscients et inconscients, qui sous-tendent l'action de l'entreprise et génèrent les décisions. C'est identifier aussi les décalages éventuels par rapport au réel et les interprétations majeures qui sous-tendent les actions.

D'une certaine façon, il s'agit de développer vis-à-vis de l'entreprise une approche de type « psychanalytique », c'est-à-dire amenant à exprimer les interprétations émises par l'organisation et les logiques sous-jacentes. Soyons clairs, il n'est bien sûr pas dans mon propos de dire qu'il faut considérer l'entreprise comme un organisme malade : je n'emploie l'expression « psychanalytique » que pour exprimer que, ici encore, il s'agit, sans a priori, de faire retrouver à l'entreprise pourquoi elle agit et de l'aider à tirer par elle-même ses propres leçons.

Tout au long de ce « neurodiagnostic », une phrase clé est à garder en mémoire : « Si je ne comprends pas pourquoi un système ou quelqu'un fait quelque chose, la seule chose que je dois comprendre, c'est que je ne comprends pas… et que je dois continuer à chercher. » »

________________________________

(EXTRAIT DU LIVRE NEUROMANAGEMENT)

4 mars 2009

COMMENT LIRE DERRIÈRE LES APPARENCES ?

Il est illusoire de vouloir séparer les faits des interprétations, ils sont consubstantiels l'un de l'autre : nous n’avons jamais accès au fait brut, mais seulement à des interprétations.

Dans son dernier livre, Le spectateur émancipé, Jacques Rancière analyse la lecture d'une photographie d'un jeune homme menotté (voir la photo ci-jointe) et écrit :

« Barthes nous dit ceci : « La photo est belle, le garçon aussi : ça c'est le studium. Mais le punctum, c'est : il va mourir. Je lis en même temps : cela sera et cela a été. » Or rien sur la photo ne dit que le jeune homme va mourir. Pour être affecté de sa mort, il faut savoir que cette photo représente Lewis Payne, condamné à mort en 1865 pour tentative d'assassinat du secrétaire d'État américain. Et il faut savoir aussi que c'est la première fois qu'un photographe, Alexander Gardner, était admis à photographier une exécution capitale…

Trois formes d'indétermination. La première concerne le dispositif visuel… Nous ne pouvons savoir si l'emplacement a été choisi par le photographe… La seconde est le travail du temps. La texture de la photo montre la marque du temps passé. En revanche, le corps du jeune homme, son habillement, sa posture et l'intensité du regard prennent place sans difficulté dans notre présent, en niant la distance temporelle. La troisième l'indétermination concerne l'attitude du personnage. Même si nous avons qu'il va mourir et pourquoi, il nous est impossible de lire dans ce regard les raisons de sa tentative de meurtre ni ses sentiments en face la mort imminente. La pensivité de la photographie, pourrait être définie comme ce nœud entre plusieurs indéterminations. Elle pourrait être caractérisée comme effet de circulation entre le sujet, le photographe et nous, de l'intentionnel et de l'inintentionnel, du su et du non su, de l'exprimé et de l'inexprimé, du présent et du passé. »

Or comme pour cette photo, nous n'avons jamais accès au fait brut.

Quand nous sommes des témoins directs d'un fait, nous allons intégrer dans le fait lui-même tout notre connaissance et notre savoir issu de notre passé. Nous allons construire des interprétations de et à partir de ce que nous observons. Dans certains cas, des perturbations provenant de nos émotions – le fait observé vient télescoper chez nous un souvenir émotionnel fort – ou des erreurs d'appréciation – un des éléments importants de la scène nous ont échappé – vont venir déformer en profondeur notre compréhension de la situation : nos interprétations seront fausses.

Or la plupart du temps, nous ne sommes pas les témoins directs des faits et nous dépendons des interprétations de ceux qui nous les rapportent. Nous allons donc construire notre propre interprétation non pas seulement à partir du fait, mais en intégrant la lecture que d'autres en ont fait, et donc en partie leurs passés et leurs histoires personnelles.

Notre perception du monde est donc faite d'emboîtements successifs d'interprétations. Les faits sont bien loin, et il est illusoire de viser une objectivité quelconque. Il faut simplement être conscient de cette réalité et vivre avec…

Ceci s'applique bien sûr au management des entreprises : toute Direction Générale n'a pas accès aux faits, mais seulement à des jeux d'interprétations. D'où l'importance de développer une culture de la confrontation pour améliorer la qualité des interprétations et permettre leur ajustement progressif. (voir "Quand une entreprise se voit avec trois mains" et "Sans effets miroirs, les entreprises ne peuvent pas rester connectées au réel")

Comme pour cette photo de Lewis Payne, assurons-nous que tous ceux qui vont l'interpréter sachent au moins quel est son contexte historique…


3 mars 2009

ON N’A PAS BESOIN DU MÊME NIVEAU DE PRÉCISION POUR PARTIR EN VOITURE QUE POUR PRENDRE UN TRAIN

Savoir en entreprise adapter son niveau de précision à la nature de la situation

"Si vous allez prendre un train et que vous arrivez une minute en retard, vous n'êtes pas une minute en retard, vous avez raté le train.

Si vous êtes en voiture, vous pouvez partir effectivement et vous aurez la possibilité de faire évoluer ce retard. Ainsi le niveau de précision nécessaire pour gérer le départ n'est pas du tout le même dans le cas du train que dans le cas de la voiture.

Une autre métaphore sur la même idée est celle du numéro de téléphone et de l'adresse : si vous vous trompez d'un chiffre sur un numéro de téléphone, vous ne pouvez pas joindre votre correspondant et vous n'avez aucun moyen de savoir que vous n'êtes qu'à un chiffre près ; si vous allez voir quelqu'un à son domicile et que vous vous trompez d'un numéro dans la rue, vous pouvez, en posant quelques questions, trouver quel était le bon numéro.

Ainsi, il y a deux types de situations : les situations de type « train/téléphone » qui nécessitent une précision absolue, celles de type « voiture/adresse » où on peut procéder par ajustements progressifs.

Et moins j'ai besoin d'être précis, plus je pourrai aller vite : identifier dans une situation donnée, le niveau de précision nécessaire est donc un préalable à la définition du biorythme.

En entreprise, c'est la même chose et la gestion du temps ne doit pas être la même dans ces deux situations : consacrer du temps en amont à l'analyse et à la précision de l'action est indispensable pour les situations de type 1 et contre-productif pour les situations de type de 2.

Or combien d'entreprises mènent une analyse de cette nature ? Combien cherchent à maîtriser consciemment leur biorythme ? Je vois souvent des entreprises qui se précipitent là où il faudrait prendre son temps et d'autres enchaîner étude sur étude là où il faudrait agir d'abord et corriger ensuite…"

________________________________

(EXTRAIT DU LIVRE NEUROMANAGEMENT)

2 mars 2009

SAVOIR SE VOIR À DISTANCE

Sensation de me voir de l'extérieur, comme un dédoublement.

A chaque fois, c'est pareil, un autre rythme m'habite, une transformation se fait en moi : on est vraiment dépendant du lieu où l'on se trouve. Le regard qui peut aller à l'infini – la ville est encombrée de premiers plans qui arrêtent sans arrêt le regard –, l'absence de tout bruit – le moindre bourdonnement d'insecte est perceptible –, le construit humain qui se fond dans la nature – mes interventions se cantonnent à des murs en pierres sèches et à ajouter ou enlever des arbres –. Tout cela me met à distance de l'urbain que je suis à Paris.

Ma maison en Drôme provençale est un des côtés de ma balance personnelle, sans elle pas d'équilibre, sans elle pas de mise en perspective.

Quand je pose des pierres pour construire un mur en pierres sèches, quand je retourne la terre pour aider un jeune chêne à émerger du chiendent, quand je tronçonne des arbres pour dessiner un chemin dans le bois, mon esprit flotte sans but, sans aspérités, sans raison. Je peux retrouver un chemin dans ma vie, tranquillement, sans le chercher. Ma façon à moi de lâcher prise. Bien sûr à Paris, je peux courir le long de la Seine, mais je reste immergé dans un flux constant et perturbateur. Ici rien de tel. Juste le vide. Personne à moins d'un kilomètre…

S'asseoir dans le bois. Regarder ces arbres qui sont là. Ressentir la vitesse de la vie, c'est-à-dire ce flux lent et régulier qui les habite. « Voir » au travers de l'écorce la sève qui circule.

Ma pensée passe de ces arbres à cette entreprise que j'accompagne. Comme cet arbre, la vie de l'entreprise est nourrie par une sève et sa propre vitesse interne. Changer, c'est sentir les courants et les inflexions possibles. Changer, c'est respecter le rythme biologique et voir comment en tirer le meilleur. Changer, c'est savoir d'abord lâcher prise pour ressentir et comprendre…

1 mars 2009

Un jour je parlerai moins...

Poursuite de la promenade musicale du week-end

Laissez-vous emmener dans le monde de Bashung avec "Résidents de la République"

28 févr. 2009

HISTOIRE D'UNE FEUILLE DEVENUE LETTRE...

Quand Renan Luce réinvente la page blanche…

Je vais profiter du week-end pour poursuivre une discussion musicale au travers d'un clip : "La lettre" de Renan Luce.

L'histoire d'une feuille qui aurait bien aimé poursuivre sa vie tranquille sur son arbre, mais qui s'est retrouvée papier et feuille blanche... et ce pour un destin que je vais vous laisser découvrir si vous ne connaissez pas cette chanson.

Tout est affaire de rencontre, de hasard, d'heur et de malheur !


27 févr. 2009

GRAN TORINO OU LE TAO DE LA FORCE DU CREUX

Quand la clé est dans le prénom…

Retour sur Gran Torino. 24 heures après, il est toujours présent, étonnamment rémanent… La puissance du creux et du vide.

Souvenir de la lecture du Traité de l'efficacité de François Jullien : « On façonne l'argile pour faire un vase, mais c'est là où il n'y a rien qu'il exerce la fonction du vase : grâce à ce vide intérieur, le vase peut contenir... De là, vient sa capacité d'effet... Le vide est tout simplement ce qui permet le passage de l'effet. »

Au cours d'une soirée, Thao – le jeune asiatique – est assis, dans un coin, loin des autres, comme exclus. Le reste des jeunes sont attablés et s'amusent ensemble. Au cœur de ce groupe, une jeune fille. Seul Clint voit qu'elle regarde sans cesse Thao, qui, lui, n'a rien vu, inconscient de la puissance d'attraction de sa passivité et de son creux.

Cette faiblesse de Thao est le creux qui va permettre à Clint Eastwood de se révéler. Et au lieu finalement de lui apprendre la puissance de la force, Clint Eastwood va lui faire prendre conscience de la puissance de sa propre faiblesse, et lui, symétriquement, finira par faire de sa mort prochaine et annoncée – sa faiblesse ultime – la force qui va tout dénouer.

La transformation va être accompagnée par un prêtre : au moment de mourir, la femme de Clint lui a fait promettre de confesser son mari. Têtu, il fait face à la forteresse fermée de Clint et va contribuer à l'ouvrir.

En fait tout est dit dans le prénom de l'adolescent : il est le tao, la voie, ce chemin qu'il faut trouver… Thao est le tao.

Est-ce un signe volontaire de Clint Eastwood ? Oui probablement, d'autant plus que pendant presque tout le film, il va déformer son prénom, le transformant pour l'appeler « taré », et ce n'est qu'à la fin qu'il l'appellera Thao, quand, précisément il aura trouvé son chemin.


26 févr. 2009

GRAN TORINO OU LA FORCE DE LA FAIBLESSE ASSUMÉE

Quand Clint Eastwood montre que la vraie force est dans l'abandon de soi et le « lâcher prise »


Face à face initial quasi classique et banal : d'un côté un homme usé sur la fin de sa vie, hanté par le souvenir de sa guerre de Corée, muré dans la solitude de sa rancœur accumulée ; de l'autre un jeune garçon presqu'encore adolescent, fragile et vulnérable, d'origine asiatique et dominé par les femmes de sa famille.

Chacun fait comme il peut.
Le vieil américain vient de perdre son épouse – on ne saura rien d'elle –, regarde ses enfants et petits-enfants comme des étrangers importuns et encombrants – ceci même pendant l'enterrement de sa femme – et se protège de toute vie, et notamment de celle de ses voisins asiatiques, se réfugiant dans des bières qui s'enchaînent, soit dans son fauteuil au bord de sa maison, soit dans un bar.
Le jeune asiatique laisse couler sa vie comme elle vient, accepte toutes les tâches ménagères normalement dévolues aux femmes – vaisselle ou jardinage – et devient le souffre-douleur des gangs locaux, obligé d'accepter la protection de celui où se trouve un cousin.
Ce vieil américain tient des propos racistes, joue facilement le mâle dominant avec ou sans armes, et, comme l'acteur-réalisateur est Clint Eastwood, on s'attend à voir un remake de plus du fort venant au secours de la victime.
C'est effectivement ce qui semble s'enclencher au début, ce en plus autour d'un symbole de la puissance virile : une Gran Torino, une Ford décapotable rutilante de 1972. Cette voiture était celle de Starsky et Hutch, c'est tout dire !
Mais finalement tout se transforme petit à petit.
Sans vouloir raconter le film – je veux vous laisser le découvrir –, c'est l'inverse qui va se produire : la rédemption ne va pas venir de la force, mais du recours à la faiblesse, de la transformation de la mort en salut.
Ce film est une ode à l'acceptation de l'autre et de ses différences, sans émettre de jugement ni d'opinion. C'est aussi un merveilleux conte pour montrer la puissance du « lâcher prise » et de l'abandon de soi.
Un message puissant et utile au moment où montent tant d'appels, explicites ou implicites, à la haine de l'autre et à la pertinence de la force et de la puissance « virile ». On est bien loin de l'Inspecteur Harry et de toutes les discours simplificateurs.
A la fin du film, après quelques minutes passées immobile sur mon fauteuil, je suis sorti habité de cet appel à la puissance de la faiblesse.

Puisse-t-il être entendu…



25 févr. 2009

PILOTER, C’EST LÂCHER PRISE

Nous avons tous appris que piloter c'était prévoir, organiser, contrôler. Et si, en fait, c'était lâcher prise…

Sud du Rajasthan en Inde l'été dernier, découverte aléatoire d'Udaipur.

Aller voir le village artisanal de Shilpgram, distant de quelques kilomètres. Sans raison précise, refuser de prendre un taxi ou un rickshaw – le prix demandé pour la course n'est que le prétexte de mon refus – et me retrouver marchant sur une route inconnue. Accepter l'imprévu, se laisser perdre à un carrefour, se laisser tromper – mais comment pourrais-je me tromper puisque je ne cherche rien de précis, si ce n'est le hasard de la découverte ? – : lâcher prise…

Savoir regarder, s'amuser de ces vaches qui trônent impassibles sur la route et n'acceptent de bouger qu'à l'arrivée d'un camion (voir « C'est la crise, rien ne va plus : même les vaches sacrées doivent se pousser ! »), repérer ce dialogue immobile et muet entre une vache et deux oiseaux qui l'accompagnent…

Souvenir aussi des rencontres de la veille. Discussion dans un rickshaw avec le conducteur et son passager. Mon numéro de téléphone portable local laissé à tout hasard à la fin de la course. Quelques heures plus tard, un appel, un rendez-vous dans un des endroits que je connaissais d'Udaipur. Trajet en rickshaw, un verre et un autre dans un bar excentré où seuls des indiens sont attablés. Puis ne plus sentir l'ambiance, impression non pas vraiment de danger, mais d'une direction qui ne m'intéresse plus.

Alors me lever, ne pas écouter leur volonté de continuer, prendre un autre rickshaw pour rentrer à mon hôtel. Passer dans le centre et apercevoir l'eau du lac dans laquelle miroitent les lumières de la ville. Décider finalement qu'il serait dommage de ne pas s'asseoir là un moment sur les marches au bord de l'eau. Descendre donc du rickshaw et, sans penser à rien, sans projet, sans volonté, regarder l'eau immobile. Ne pas faire attention à cet indien qui s'approche, me regarde un moment et finit par s'assoir lui-aussi à côté de moi. Sentir le contact synchrone de nos émotions. Rencontre. Hasard. Lâcher prise.

Paris. Un contrat complexe, une stratégie à trouver avec à une technologie non stabilisée et des clients encore inconnus.

Savoir ne pas trop chercher la solution, mais apprendre à la laisser venir. Apprendre à ne pas vouloir commencer par comprendre, mais à d'abord admettre une situation telle qu'elle est sans a priori. Poser le problème, découvrir ses composantes en désordre et sans logique. Identifier ce que l'on sait, et surtout ce que l'on ne sait pas. Puis aller courir le long de la Seine, enchaîner les foulées, tourner autour du problème. Laisser mes processus inconscients chercher pour moi. Sentir les possibles, commencer à ne plus regarder le cours des fleuves, chercher les mers (voir « Je n'ai jamais vu un fleuve qui ne finissait pas par aller à la mer »). Lâcher prise.


Tout ceci peut vous sembler peut-être loin du management, de la stratégie et de vos vies quotidiennes. Je ne crois vraiment pas. Au contraire, plus on lâche prise, plus on apprend à sentir les courants naturels, mieux on peut se diriger, anticiper et manager…

Tout ceci peut aussi vous sembler comme non scientifique et irrationnel. Je ne crois vraiment pas. Au contraire, est-ce que la science contemporaine ne nous apprend pas l'importance du chaos, du hasard et de la dérive naturelle (voir « Résonance entre dérive naturelle, cygne noir et crise actuelle ») ? Est-ce être rationnel que nier l'existence des processus inconscients ?

Bien sûr on peut croire que manager c'est contrôler, que construire une stratégie c'est définir a priori la cible et le chemin, que concevoir une organisation c'est « dessiner des jardins à la française » (voir « Attention aux jardins à la française »)…

Je ne crois vraiment pas. Piloter c'est lâcher prise…

Je vous sens sceptique (c'est un euphémisme !), aussi je vais revenir là-dessus dans un prochain article.

A suivre….


24 févr. 2009

NOMADES SUR NOTRE PLANÈTE, NOUS SOMMES EN RECHERCHE DE REPÈRES

Devenus nomades et occupant une famille de territoires, nous voyageons au milieu des signes et des marques.

Perte de repères, perte de géographie, perte d'appartenance. Nous sommes de plus en plus des nomades :

- Nomades transplantés à l'occasion d'une migration : cadres oscillant à travers le monde au hasard de l'évolution de leurs carrières professionnelles, avec ou sans famille ; ouvriers cherchant à échapper à la misère de leurs pays et partis pour des eldorados, imaginaires ou non ; réfugiés fuyant des répressions politiques ou des guerres sans fin…

- Nomades provisoires le temps des vacances : urbains venant se perdre dans les arbres et les paysans d'une campagne perdue ; touristes arrachant pour quelques jours des sensations et des images ; sportifs en mal de sensation misant leurs vies dans le risque et l'extrême…

- Nomades numériques surfant sur le WEB : « webivores » toujours connectés à leurs tribus zappant entre pc et téléphones ; retraités approfondissant leurs passions et gardant le contact avec leur familles éclatées ; tribus virtuelles réunissant les amoureux d'un thème, d'un engagement ou simplement à la recherche d'une émotion commune…

L'espace physique se déforme, se transforme. Il est encore le lieu de notre présence physique, et donc essentiel pour la survie de notre corps, primauté de la protection de l'environnement. Cet espace est étendu par notre nomadisme physique : nous habitons réellement de plus en plus la planète.

Il est aussi bien sûr toujours celui du contact avec les autres et avec la vie. Mais il n'en a plus l'exclusivité. Ce contact physique avec l'altérité est complété et préparé par le nomadisme virtuel, par le déploiement de nos neurones numériques, par nos réseaux connectés.

A ce monde complexe où les liens sont souvent dissimulés derrière les apparences, le monde des marques et des signes vient répondre comme un miroir déformant, un amplificateur, un accompagnateur :

- Globalisation des marketing qui viennent propager partout le même concept, la même proposition, le même uniforme. Comme si les entreprises cherchaient à gommer les différences, niveler les propositions et finalement nier la notion même de voyage : à quoi bon se déplacer si c'est pour se retrouver face à l'identique ? Ou alors est-ce que ces marques viennent fournir une réassurance à ces nomades, comme des points fixes servant de bouées et de repères dans ces univers inconnus ?...

- Jeu des apparences où il suffit d'arborer les symboles pour se sentir appartenir à la tribu et pouvoir être reconnu. Une Rolex au poignet pour montrer que l'on est membre de la classe dominante. Un jean déchiré ou non, avec ou sans marque, avec ou sans accessoires, chaque composition constituant un code de plus en plus international. Un blog dont la structure et le design viendront avec le contenu définir le type d'appartenance…

- Dialogue mondial où la différence des langues natales ramène le mot à son minimum : anglais international pour socle commun d'échanges utilitaires et sans nuances ; marques et symboles pour cadre de repères d'appartenance à une tribu ; onomatopées et abréviations pour support de textes SMS ou MSN (qui sont chacun un de ces symboles)…

Reste à inventer tous ensemble notre nouvelle façon d'habiter notre planète…

En liaison avec cet article, lire mes articles sur :
- La naissance du Neuromonde
- Des histoires insolites

23 févr. 2009

SAVOIR COMPRENDRE ET RESPECTER L’APPORT DE L’AUTRE

Sans confrontation en interne et avec l'extérieur, une entreprise va se déconnecter par rapport au réel (voir articles sur la confrontation). Mais, la réussite d'une culture de la confrontation suppose un préalable.

« Dans cette entreprise industrielle, il y avait une rivalité latente et classique entre la Direction Industrielle et les usines. Le rôle des membres de la Direction Industrielle était mal compris : ils étaient perçus comme imposant une politique technique sans tenir compte des contraintes opérationnelles. En simplifiant, l'usine avait tendance à penser que les demandes émanant des membres de la Direction Industrielle venaient perturber inutilement le bon fonctionnement local, dégradant ainsi sa performance.

Symétriquement les membres de la Direction Industrielle pensaient que, lorsqu'une usine soulevait une objection, celle-ci n'était qu'une perte de temps et témoignait de sa mauvaise volonté : ils entraient alors en relation avec l'usine non pas pour comprendre l'origine de l'objection, mais pour, sans l'écouter, chercher à la convaincre de son erreur. Personne ne comprenait, ni ne respectait le rôle de l'autre. Ceci ne tournait pas au conflit car tout le monde était conscient de l'importance de la survie de l'entreprise et les usines savaient détenir le pouvoir in fine. Périodiquement, si le siège était jugé comme allant trop loin, les directeurs d'usine faisaient bloc et obtenaient un départ. Il était dans ce contexte impossible de lancer une confrontation efficace : une explicitation des rôles de chacun devait être faite au préalable.

Souvenir d'un plan qualité lancé dans une entreprise de transport. J'avais mené des réunions dans tous les services, et, chaque fois, j'entendais les mêmes messages : « Ah, si untel faisait mieux son travail, nous n'aurions pas tous ces problèmes. ». C'était le sport national : ne jamais parler de ce que l'on faisait soi, mais de ce que l'on aurait fait si on avait été à la place des autres. Dans un tel contexte, impossible aussi de développer une confrontation positive !

Aussi un préalable, complémentaire à celui d'avoir un objectif commun, est que chacun ait une vision claire de son rôle et de sa contribution propres, ainsi que le respect et la compréhension de ceux des autres : si l'un a un doute sur la compétence de son interlocuteur, alors la confrontation soit ne s'amorcera pas, soit tournera au conflit avec mise en cause de l'autre personne.

L'arrogance aussi est interdite. Elle peut signifier le mépris non seulement de l'autre, mais plus généralement de toute information venant contredire sa propre conviction : on ne discute plus pour comprendre mais pour convaincre. Or c'est bien pour comprendre et non pas pour convaincre que l'on doit se confronter, car c'est de la compréhension commune que naîtra la conviction commune. À nouveau, il est normal que les positions initiales divergent : le vrai consensus est le résultat du processus, non pas le point de départ.

L'attitude positive pour entrer en confrontation est d'être convaincu de ses arguments, sinon cela montrerait que l'on a mal mené son propre travail, mais tout en étant conscient des hypothèses que l'on a faites et en étant prêt à accepter leur remise en cause ou simplement leur enrichissement. »

________________________________

(EXTRAIT DU LIVRE NEUROMANAGEMENT)

22 févr. 2009

"L'IMPASSE" DE KERY JAMES


Intermède musical pour ce dimanche.


Prenez le temps d'écouter cette chanson de Kery James en duo avec Béné, un duo poignant entre un enfant et un « grand frère » qui répond à cette question « simple » : « C'est maintenant qui me faut des tunes. Dis-moi ça sert quoi de faire des études ? De toute façon en France on est grillé. J'ai pas besoin de leurs diplômes, y me faut des billets. »

21 févr. 2009

« JE N’ATTENDS PAS DE TOI QUE TU ME COMPRENNES, MAIS QUE TU M’AIMES POUR CE QUE JE SUIS »

Souvent les artistes savent en quelques mots, quelques notes ou quelques traits saisir et résumer un problème ou une situation qui sont dans l'air.

C'est le cas de cette chanson de Zazie et Bauer « A ma place » : « Se peut-il qu'on nous aime pour ce que nous sommes… Je n'attends pas de toi que tu me comprennes, seulement que tu m'aimes pour ce que je suis… Se met-elle à ma place quelque fois… Veux-tu faire de moi ce que je ne suis pas ? »



Le choc des cultures et des civilisations ne vient-il pas pour partie de notre volonté de comprendre les autres, c'est-à-dire à les penser à partir de nous, de nos repères, de nos schémas propres ?

En effet, il est impossible de comprendre dans l'absolu, en faisant fi de sa propre histoire et de ses a priori : vouloir comprendre l'autre implique d'abord de le penser et donc de l'interpréter.

Et s'il fallait simplement l'accepter tel qu'il est, sans lui demande de changer quoi que ce soit, sans le comprendre.

Et si la civilisation de demain ne devait se construire que sur l'acceptation a priori des différences, et non des compréhensions mutuelles.

Et si la compréhension de l'autre venait a posteriori de cette acceptation sans condition, de cette juxtaposition ouverte, de cette cohabitation.

20 févr. 2009

LE VRAI PROTECTIONNISME NE RIME PAS AVEC LE NATIONALISME

Les vraies protections ne peuvent venir que du dépassement des réflexes nationalistes et de l'émergence de règles mondiales.

Souvenir de la grande bataille de l'école privée en 1984 : une des grandes forces des opposants à la réforme de l école privée a été de réussir à ne plus parler de la défense de l'école privée mais de l'école libre. Qui pouvait-être contre la défense de l'école libre ?

La force des mots qui, une fois de plus, structure les interprétations : nous pensons à partir et avec le langage.

Aujourd'hui il y a un nouveau mot « magique » : le protectionnisme. Je m'en suis rendu compte dernièrement suite aux réactions suscitées par mon article « N'écoutons pas le chant des sirènes du protectionnisme », article qui a été repris sur AgoraVox. En fait, dès que l'on s'élève contre le protectionnisme, on est tout de suite taxé de ne pas vouloir de protection, d'être ultralibéral, de défendre les puissants, les forts…

Or derrière ce mot de protectionnisme que trouve-t-on ? La plupart du temps la montée des égoïsmes nationaux, la peur de l'autre, l'idée qu'il faut garder pour soi ses richesses.

Cette montée, si on la laisse se développer, aura pour conséquence de désorganiser les systèmes de production et d'accélérer la crise… et de diminuer en fait le niveau des protections ! Ce sont les plus fragiles – dans nos pays et ailleurs – qui seront les premières victimes de cette crise approfondie.

Il y a donc pour moi comme un « hold-up sémantique » : non le vrai protectionnisme n'est pas la juxtaposition des nationalismes, c'est la création de nouvelles règles mondiales qui vont réellement pouvoir protéger les plus faibles et organiser des contrepouvoirs.

Faisons attention à cette force des mots qui vient biaiser tous les réflexions et conditionnent nos émotions collectives. Ne nous laissons pas emporter par nos réflexes reptiliens qui peuvent nous dresser les uns contre les autres…

19 févr. 2009

LA MORT EST LE SYSTÈME LE PLUS PRODUCTIF

Si l'on cherche à minimiser au maximum les dépenses, le plus simple est de tout arrêter ! Mais est-ce bien ce que l'on veut in fine ?

Imaginons une démarche de productivité centrée sur le système commercial et qui a pour but de diminuer les coûts en supprimant ceux qui sont les moins productifs.

L'analyse commence classiquement par l'analyse des ventes par clients. On les classe ensuite en fonction du niveau atteint, et on tombe sur la règle quasi immuable des 80/20 : 80% des ventes sont réalisées avec 20% des clients.

Alors, ensuite, souvent, on s'intéresse aux clients les moins « importants » et l'on constate que les 5% derniers ne représentent qu'une part très faible des ventes (en règle générale, nettement moins de 1%). On met en regard le coût commercial, et on constate qu'ils ne sont pas rentables, c'est-à-dire que le coût est disproportionné par rapport aux ventes.

Alors on décide de les abandonner et de se concentrer sur les 95% de clients restants. Parfois, le même raisonnement est poussé plus loin et on va se concentrer sur 90, voire 80% des clients les plus « importants ».

6 mois plus tard, on mène la même étude et on obtient le même résultat : la « règle des 80/20 » s'applique toujours et les derniers clients représentent encore une part très faible des ventes. Que fait-on ? On se concentre à nouveau sur les 95% les plus importants, les 90%, les 80 % ?

Si on fait cela, on pourra ensuite refaire le calcul, et on retrouvera ces 80/20… C'est sans fin.

En effet le monde n'est pas structuré sous la forme de courbe gaussienne, mais selon une logique fractale : si je zoome à l'intérieur d'un sous-ensemble, la loi de distribution reste la même (voir sur ce point le développement très clair fait par Nassim Nicholas Taleb dans le Cygne Noir chapitre 15 « La courbe en cloche, cette grande escroquerie intellectuelle »).

Donc si l'on poursuit la logique de la productivité par la suppression des coûts les moins efficaces, on va par étapes vers le système le plus productif, le seul qui ne consomme aucune ressource inefficacement, en fait celui ne consomme plus de tout de ressources : la mort.

Oui, bien sûr, je simplifie et je caricature ! Mais dans mes 20 ans de pratique de consultant, j'ai croisé bon nombre d'entreprises qui, ayant suivi des démarches successives de productivité, avait entamé très fortement leur processus vital et leur capacité à se développer.

Que faut-il faire alors ?

Il ne s'agit pas de « jeter aux orties » toute approche de productivité et de réflexion sur l'adéquation entre moyens et résultats. Mais il faut la pondérer, avant tout décision, au travers de quelques questions « simples » :

  • Pourquoi fait-on aussi peu de chiffres d'affaires avec ces clients ? Que sait-on de ces clients ? Quelle énergie a-t-on consacré dans les 3 dernières années à développer ces ventes ? Si oui, quels ont été les résultats ? Si non, pourquoi n'a-t-on rien tenté ?
  • Y-a-t-il une valeur cachée, « inconsciente » dans cette relation commerciale ? Est-ce que le potentiel de ce client est réellement connu ou l'apprécie-t-on uniquement à partir de ce que l'on connait de ce client ? Ou autrement dit, est-il comme un iceberg dont on ignore en fait l'essentiel : achats chez les concurrents, produits/services substituables ? Ou peut-il servir de tests pour de nouveaux produits ? A-t-il un rôle de prescripteur ?…
  • Est-ce que l'on propose la bonne offre à ces clients ? Peut-on reconcevoir l'offre pour ces clients et diminuer drastiquement les coûts ? Peut-on sous-traiter la commercialisation ? Simplifier le produit ? Construire des offres packagées ?...

En fait, selon mon expérience, sauf exceptions, il n'a pas de clients non rentables, mais seulement des offres inadaptées !

18 févr. 2009

COMMENT UN ASCENSEUR PEUT-IL DESCENDRE ?

La pagaille commence souvent dans les détails. Parfois au travers d'un objet qui fait le contraire de ce que veut dire son nom.

Entrez dans un immeuble quelconque. La plupart du temps, vous allez y trouver un ascenseur. S'il est déjà là, ouvrez la porte et pénétrez à l'intérieur ; sinon, appuyez sur le bouton, attendez-le et pénétrez ensuite dedans. Choisissez l'étage que vous voulez et allez-y. Jusque là tout va bien : vous avez pris un ascenseur, vous êtes monté, c'est normal.

Maintenant que vous êtes en haut, vous voulez redescendre. Comment allez-vous faire ? Reprendre le même ascenseur et, cette fois, vous en servir pour descendre. Et effectivement c'est ce que quotidiennement nous faisons. Même moi, je le confesse.

Mais là, rien ne va plus : comment un ascenseur peut-il descendre ? C'est nier sa propre dénomination : ascenseur vient de « ascendere » qui, en latin, veut dire monter. Nous devrions prendre un « descenseur » pour faire le chemin en sens inverse.

Je vous entends déjà me dire qu'une telle spécialisation – des ascenseurs pour monter, des descenseurs pour descendre – serait contreproductive, et pour tout dire compliquée : en effet, on aurait vite tous les ascenseurs en haut et tous les descenseurs en bas. Il faudrait donc alors un système qui remonterait les descenseurs et descendrait les ascenseurs.

En fait cela reviendrait à avoir des ascenseurs plus grands pour remonter les descenseurs, et symétriquement de grands descenseurs pour descendre les ascenseurs montés. Oui, mais alors comment faire avec ces grands ascenseurs et descenseurs ? Ce problème est sans fin.

Donc notre organisation actuelle avec des objets qui fonctionnent aussi bien à la montée qu'à la descente est probablement la meilleure.

Mais pourquoi les avoir appeler des ascenseurs ? Par optimisme, en ne retenant que la partie montante et en voulant oublier qu'in fine, la vocation d'un ascenseur n'est pas de monter, mais d'osciller. Alors des censeurs ? Non, déjà pris pour les lycées. Alors pourquoi pas des oscillateurs ? Une autre suggestion ?

Je sais, je complique. Mais si je ne peux pas me servir de ce blog pour partager avec vous mes interrogations, pourquoi en avoir un ?