15 avr. 2014

LES MOTS DE LA DEUXIÈME FRANCE

Kery James, un chanteur enterré vivant
Hier c’étaient les mots de Georges Brassens qui m’étaient revenus pour évoquer la situation d’aujourd’hui et la montée des peurs au nom de nos racines.
Un autre poète contemporain nous parle de ces mêmes peurs. Lui n’est pas mort, et bien vivant. C’est Kery James, mais vous ne le trouverez quasiment jamais à la télévision, ni ne le l’entendrez dans les ondes de la radio. A croire que, comme Brassens, il n’est plus des nôtres. Pourtant il parle de notre société et de notre difficulté à vivre ensemble. J’ai déjà évoqué sur mon blog à de multiples reprises la portée de ses mots…
En voici à nouveau quelques uns piochés dans trois de ces chansons - Lettre à la républiqueBanlieusardsÀ l’ombre du show business :
« Ce passé colonial, c'est le vôtre,
C'est vous qui avez choisi de lier votre histoire à la nôtre,
Maintenant vous devez assumer.
L'odeur du sang vous poursuit, même si vous vous parfumez,
Nous les arabes et les noirs, On n'est pas là par hasard,
Toute arrivée à son départ.
(…)
On ne s'intègre pas dans le rejet,
On ne s'intègre pas dans des ghettos français.
Parqués entre immigrés, faut être sensé,
Comment pointer du doigt le repli communautaire,
Que vous avez initié depuis les bidonvilles de Nanterre ? »
« Le 2, ce sera pour ceux qui rêvent d'une France unifiée.
Parce qu'à ce jour y'a deux France, qui peut le nier ?
Et moi je serai de la 2ème France, celle de l'insécurité, des terroristes potentiels, des assistés.
C'est c'qu'ils attendent de nous, mais j'ai d'autres projets qu'ils retiennent ça.
Je ne suis pas une victime mais un soldat.
Regarde-moi, j'suis noir et fier de l'être.
J'manie la langue de Molière, j'en maîtrise les lettres.
Français parce que la France a colonisé mes ancêtres …
Banlieusard et fier de l'être. On n'est pas condamné à l'échec !
On est condamné à réussir, à franchir les barrières, construire des carrières »
« Issu de la 2ème France j'attends encore ma 1ère chance.
Pardonne mon arrogance mais ils condamnent mon art en silence.
Pendant que je pleure, mes potes ont terminé leur dernière danse.
Alors oui, je suis poète dans le cercle des disparus. A l'ombre du show business, mon art vient de la rue …
Oh que j'aime la langue de Molière.
J'suis à fleur de mots, tu sais y'a une âme derrière ma couleur de peau,
Et si je pratique un art triste, c'est que mon cœur est une éponge. »

14 avr. 2014

L’INTEMPORALITÉ DE LA PEUR DE L’AUTRE

La ballade des gens qui sont nés quelque part
Ce Week-end, en courant – une de mes occupations au cours de laquelle mon esprit flotte et vagabonde –, dans mes oreilles a résonné (et raisonné aussi !) une chanson de Georges Brassens, La Ballade des gens qui sont nés quelques part.
Étonnante modernité de ces morts acerbes qui mettent l’accent sur la peur de l’autre, et la volonté d’hérisser des barrières au nom de l’histoire.
Face à l'émergence du Neuromonde, ce monde fait de connexions multiples et complexes, en ces temps de montée des peurs collectives, où l’abstention des dernières élections municipales s’est accompagnée de la progression des extrêmes et du rejet des différences, où, dans quelques semaines, ce sera le temps des élections européennes, il m’a semblé utile de redonner la parole à celui qui nous a quitté, il y a maintenant plus de trente ans…
« C'est vrai qu'ils sont plaisants tous ces petits villages,
Tous ces bourgs, ces hameaux, ces lieux-dits, ces cités
Avec leurs châteaux forts, leurs églises, leurs plages.
Ils n'ont qu'un seul point faible et c'est d’être habités,
Et c'est d’être habités par des gens qui regardent
Le reste avec mépris du haut de leurs remparts,
La race des chauvins, des porteurs de cocardes
Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part
 (…)

C'est pas un lieu commun celui de leur naissance.
Ils plaignent de tout cœur les pauvres malchanceux,
Les petits maladroits qui n'eurent pas la présence,
La présence d'esprit de voir le jour chez eux.
Quand sonne le tocsin sur leur bonheur précaire,
Contre les étrangers tous plus ou moins barbares
Ils sortent de leur trou pour mourir à la guerre,
Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part  »

11 avr. 2014

DES GOÛTS ET DES COULEURS

Rencontres animales
N’en déplaise aux défenseurs absolus de nos amis les bêtes, la rencontre de celles-ci peut ne pas être vécue comme une expérience plaisante !
Qui aurait ainsi envie de se saisir de ces morceaux de gâteau dont des guêpes sont en train de faire leur nectar ?
Ici, à Jaipur, au Rajasthan, ce sont elles qui sont en train de faire leur marché, et ce sans débourser la moindre roupie.
Mais il est vrai que, si l’on oublie l’idée de vouloir lutter avec elles pour s’approprier un de ces morceaux, le spectacle devient plaisant, et leur présence anime ce qui ne serait qu’une banale assiette…
Là, c’est une toute autre histoire. C’est simplement l’étrangeté de l’objet qui me rebute, et m’interdit de m’en saisir.
Comment arriver à prendre une de ces larves d’insecte pour m’en délecter ? Mes voisins qui déambulent sur le marché de Chiang Rai, dans le Nord de la Thaïlande, n’ont pas mes craintes, et savent les apprécier.
Probablement, face à une huitre ou un escargot, ils n’auraient pas la même aisance, et la situation serait inversée…
Mais ceux qui sont les moins difficiles, ce sont bien ces oiseaux de Bombay qui font leurs délices d’un amoncellement d’ordures.

Eux, savent bien que les apparences sont trompeuses ! Ils n’ont ni mes préventions, ni mes peurs…

10 avr. 2014

POUR UN DIRIGEANT VISIONNAIRE, MODESTE ET CRÉATEUR DE CONFIANCE

Pour un Dirigeant porteur de sens et de compréhension (11)
Prise dans la tourmente du Neuromonde, l’entreprise est donc d’autant plus puissante que son Dirigeant est à la fois visionnaire, modeste et créateur de confiance :
- Visionnaire, c’est-à-dire capable de rêver un futur qui, tout ayant commencé à exister largement par hasard, n’est pas encore là, et qui, à l’instar des mers pour les fleuves, attire le cours de l’entreprise. Personne ne peut le faire à sa place. Avec le conseil d’administration, et éventuellement quelques très proches collaborateurs, fort d’une compréhension fine de l’histoire de l’entreprise, de pourquoi elle est née et a survécu, à lui de construire cette stabilité.
- Modeste, c’est-à-dire conscient de tout ce qui lui échappe venant de l’entreprise et de son environnement, et de la force des processus collectifs. Cette double connaissance l’amène à privilégier le lâcher-prise, en se situant en recours et en veillant à la performance des organisations collectives.
- Créateur de confiance, c’est-à-dire calmement déterminé, propageant dans l’entreprise un climat de respect et confiance les uns dans les autres. Sans confiance individuelle, il n’y a que des peurs, et aucune anticipation positive. Sans confiance collective, il n’y a ni cohésion, ni création de valeur globale durable.
Tout ceci étant indissociable de la stabilité, il est vain d’imaginer que la performance vienne d’un zapping managérial et d’une approche court terme de son actionnariat.
Enfin, il peut sous-traiter les calculs, mais ni la compréhension, ni la recherche et la propagation du sens.
À ces conditions, alors, comme les radeaux de feu, les entreprises sauront s’adapter à ce qui advient et avanceront, chaque jour un peu plus fortes, vers leur futur, cette mer dont elles ne cesseront de se rapprocher, sans jamais l’atteindre.

(Ceci conclut la série des extraits de mon livre Les Radeaux de feu)

9 avr. 2014

LA PUISSANCE DU COLLECTIF

Pour un Dirigeant porteur de sens et de compréhension (10)
Les questions que doit se poser tout dirigeant, chaque matin, en se rasant, sont : « Comment vais-je accroître la confiance dans mon entreprise ? », « Comment développer de nouvelles solidarités entre les équipes ? », « Comment renforcer la confiance des clients dans la performance de nos produits ? », « Quel élu dois-je voir cette semaine pour faire le point des actions communes à lancer ? », « Comment ne pas nous laisser embarquer dans une guerre totale et sans fin avec notre environnement ? »…
Et non pas celles de l’affrontement, ni du développement des peurs et des craintes comme : « Les commerciaux ne se défoncent pas assez, il faut que je pense à faire augmenter leur part variable. », « Nos laboratoires s’endorment, je vais lancer une compétition entre ceux qui sont en Asie et ceux qui sont en Europe. », « En faisant changer la réglementation, nous allons tuer tous les concurrents, et être enfin tranquilles. », « Diminuons de 10% le volume du produit par flacon, les clients n’y verront que du feu. »…
Et pourtant, beaucoup continuent à croire que la performance collective passe par la performance individuelle et la compétition interne. Pourquoi ? Par conformisme ? Par paresse ? Ou alors par expérience ? Mais cela voudrait dire que les expériences en entreprise viennent contredire toutes les analyses et recherches faites de par le monde (1).
Étrange, non ?
Repensez aux fourmis et aux abeilles, et à l’émergence de l’intelligence collective. Est-ce qu’il nous viendrait l’idée de mesurer la performance d’une fourmilière à l’aune de celle d’une fourmi, ou de considérer que la force d’une ruche est la multiplication de la force d’une abeille par le nombre d’abeilles ? A-t-on besoin de faire faire un cinquante mètres brasse à une fourmi de feu pour savoir si le radeau va flotter ? Non, n’est-ce pas ?
(…) Ainsi, c’est donc le système global, le collectif qu’il s’agit d’évaluer.

(1) Sur les effets néfastes des systèmes de management reposant sur les carottes à gagner et les primes, voir une animation qui illustre avec brio les vérités cachées sur ce qui nous motive vraiment : « The surprising truth about what motivates us »
(extrait des Radeaux de feu)

8 avr. 2014

NON AUX JARDINS À LA FRANÇAISE, OUI AUX JARDINS À L’ANGLAISE

Pour un Dirigeant porteur de sens et de compréhension (9)
« Nous aimons les jardins à la française avec leurs grandes perspectives structurées par des immenses allées qui rendent le jardin lisible de presque n’importe quel point, les répétitions des essences et des bassins, la simplicité des rythmes… Mais est-ce vraiment un lieu de vie ? N’est-ce pas plutôt un lieu de représentation, de théâtre ? La vie n’appelle-t-elle pas plus de désordre et d’improvisation ? » (1)
Stabilité des matriochkas stratégiques, mouvement constant des actions locales, transformation continue de l’entreprise qui grandit et avance sans changer. Comment maintenant la structurer et la piloter ? En matière d’organisation, il faut sortir des jardins à la française, ces structures qui se reproduisent à l’identique d’un bout à l’autre du monde, d’une famille de produit à une autre. Trop de dirigeants pensent que, pour mieux diriger, il leur faut simplifier l’organisation et la structurer partout selon la même logique. Il est vrai que c’est plus simple pour eux, puisque quel que soit l’endroit où ils se trouvent, la logique apparente est la même : dès la sortie de l’avion, ils n’ont pas à réfléchir et se sentent chez eux.
Ils ont l’illusion de la clarté, et, tel Louis XIV, le dos à son château de Versailles, ils contemplent devant eux la majesté des lignes : le parc parfaitement dessiné s’étend jusqu’à l’infini, avec de grandes perspectives structurées par d’immenses allées ; grâce à elles, le jardin est lisible de presque n’importe quel point. Essences et bassins se répètent en suivant la simplicité des rythmes. Tout cela exprime la puissance, le repos, la solidité.
(…) Non, dès que l’entreprise est grande, dès qu’elle opère sur des marchés et des pays multiples, ce sont les jardins à l’anglaise qu’il faut privilégier, des jardins faits de diversité et d’hétérogénéité. Alors la vie pourra s’y inscrire, et n’aura pas besoin d’en sortir.

(1) Robert Branche, Neuromanagement
(extrait des Radeaux de feu)

7 avr. 2014

GRANDIR SANS CHANGER

Pour un Dirigeant porteur de sens et de compréhension – Vidéo 3
Contrairement à l'idée reçue, moins on change, mieux on se porte : la performance est dans la constance et la permanence, qui, seules, peuvent permettre de construire un avantage concurrentiel durable et réel. En effet l'excès de réactivité conduit au zapping et à la destruction de valeur. La transformation est, elle, une adaptation lente et continue, respectueuse du temps et de l'histoire, et ne crée pas de ruptures. Elle forme et déforme, comme le flux d'un fleuve.

4 avr. 2014

LIGNES À DÉCOUVRIR

Jeux de lignes (3)
Les lignes sont joueuses, créent des structures abstraites, et inventent des imaginaires qu’il ne nous reste qu’à saisir.
A nous d’avoir l’œil qui s’arrête sur elles, et les saisit sans s’en emparer, juste pour le plaisir de capter leur poésie.
Difficile par exemple de comprendre que ces fils qui courent, tapissent le mur d’un bidonville de Bombay, l’un de ces slumdogs où, contrairement à la légende cinématographique, personne ne devient millionnaire.
Dessous c’est une racine qui, telle une structure vivante, habille une grotte philippine.
Quant à ce chemin qui zigzague au-dessus d’une rizière, il permet, dans le Nord de la Thaïlande, à proximité du Mékong de rejoindre des bungalows tapis au bord d’une petite rivière paresseuse.
Enfin ce tapis de vert, d’orange et de rouge, ce sont des légumes cultivés dans la fraîcheur de Doi Angkhang, une montagne située tout au nord de la Thaïlande, au bord de la Birmanie.

3 avr. 2014

NON AU ZAPPING, OUI AU CALME

Pour un Dirigeant porteur de sens et de compréhension (8)
Dans le bruit constant, il n’est ni facile, ni spontané de rester centré sur ses choix et son objectif. (…)
Je crois donc personnellement qu’il est urgent d’affirmer que :
- La performance est dans la constance et la permanence, qui, seules, peuvent permettre de construire mondialement un avantage concurrentiel durable et réel,
- La transformation est croissance, alors que le changement est destruction. Il est parfois un mal nécessaire, mais à petite dose – comme ces poisons qui autrement tuent…–, la réactivité conduisant au zapping et à la perte de valeur.
- L’urgence est une maladie collective à laquelle il faut résister, pour, au contraire, décider le plus tard possible, car toute décision est la fermeture d’options. L’anticipation est faite pour apporter de la stabilité, et non pas une remise en cause perpétuelle et contre-productive. Précédemment j’évoquais l’importance de la paresse vertueuse, celle de celui qui ne se laisse pas embarquer par le rythme artificiel du bruit ambiant. Savoir garder son tempo, ne pas confondre course avec performance. Le dirigeant n’est pas là pour précipiter les choses, mais diffuser le bon rythme, apporter de la sérénité.
(…) Le rôle d’un dirigeant n’est pas de diffuser des peurs et des inquiétudes, car elles sont déjà là. Inutile de dire que, derrière le bruit dans les feuilles, il y a des tigres, tout le monde le sait et y pense déjà.
Non, il est d’apporter de la stabilité et de la confiance. Pas une confiance aveugle et stupide, bien sûr. Non, la confiance couplée avec la confrontation : confiance en soi et en les autres, confrontation à l’intérieur de l’entreprise et avec l’extérieur. 
Calmement et fermement…


(extrait des Radeaux de feu)

2 avr. 2014

NON AU CHANGEMENT, OUI À LA TRANSFORMATION

Pour un Dirigeant porteur de sens et de compréhension (7)
Imaginez que vous demandiez à un couple qui a des enfants, s’il veut en changer, et en avoir de nouveaux. Même si parfois ils sont fatigués des tours que peut leur jouer leur progéniture, ils vont vous regarder avec des yeux effarés. Et pourtant ces enfants, qu’ils ne veulent surtout voir être changés, se transforment et grandissent sans cesse : chaque matin, ils sont légèrement différents, et des années plus tard, devenus adultes, ils ressembleront bien peu aux enfants qu’ils étaient. Ils sont toujours eux-mêmes, transformés mais pas changés.
Quand un dirigeant demande aux personnes dans l’entreprise de changer, il commet la même erreur : personne n’a ni envie, ni n’est prêt à changer… mais tout le monde est prêt à accepter de grandir et de se transformer.
D’ailleurs, contrairement à l’idée reçue, moins on change, mieux on se porte : la performance est dans la constance et la permanence, qui, seules, peuvent permettre de construire un avantage concurrentiel durable et réel. En effet l’excès de réactivité conduit au zapping et à la destruction de valeur : les nouveaux produits mettent du temps à s’installer sur un marché, et être connus par les clients ; une nouvelle organisation n’est pas mise en œuvre immédiatement, et, au départ, déstabilise les modes de fonctionnement ; un nouveau système d’information, même s’il est justifié, plus performant et mieux adapté, n’est ni correctement utilisé, ni compris du jour au lendemain…
La transformation est, elle, une adaptation lente et continue, respectueuse du temps et de l’histoire, et ne crée pas de ruptures. Elle forme et déforme, comme le flux d’un fleuve.