20 mai 2014

BIG DATA, UN CHANGEMENT DE PARADIGME OU UNE MODE PASSAGÈRE ?

Big Data (1)
Difficile d’ouvrir un journal traitant de l’économie et des entreprises sans rapidement tomber sur le mot « Big Data ». Est-ce un effet de mode, une sorte de nouvelle contagion informatique, un virus managérial ? Va-t-on voir ce buzz word s’effondrer comme a fait pschitt en son temps, le syndrome du « L’informatique ne passera pas la date du 1-1-2000 » ?
Non, je ne crois vraiment pas. Derrière ce mot quelque peu barbare, se cache – du moins je le pense – une transformation profonde de nos organisations et nos modes de fonctionnement, et probablement bien au-delà de ce que pensent les spécialistes du sujet ! Nous sommes à la veille d’un changement de paradigme…
Aussi ai-je décidé de consacrer une série de billets à ce sujet. Je ne prétends pas avoir une vue exhaustive du sujet, ni encore en maîtriser les conséquences. Prenez simplement ce que je vais écrire dans les jours qui viennent comme une première réflexion, largement à chaud. Peut-être est-ce l’embryon d’un futur livre à venir… Qui sait ?
Mais d’abord, pour ceux qui n’auraient pas encore croisé un quelconque article sur le Big Data, de quoi s’agit-il ?
Il s’agit tout simplement de la capacité de manipuler de plus en plus facilement de très grandes masses de données.
Un des exemples les plus courants est le moteur de recherche qui fait la fortune et le succès de Google : il sait parcourir en quelques secondes la jungle de tout ce qui existe sur Internet pour répondre à la plus fantaisiste des questions que vous vous posez. Et ceci en tenant compte de tout ce qui est constamment mis en ligne. Rien n’est figé, tout est dynamique.
Mais pourquoi donc est-ce si nouveau ?
(à suivre)

19 mai 2014

L’ACCEPTATION DE L’INCERTITUDE

Quarante ans déjà (3)
Février 2008, conseil de direction indépendant.
Un déjeuner avec un ami au cours duquel je parle des neurosciences, cet univers dans lequel je me suis plongé à titre personnel depuis dix-huit mois.
« Tu sais, ce qui est fascinant, c’est que nous ne sommes que des icebergs à nous-mêmes. Ce que nous appelons notre « Je » n’est que la partie émergée de notre identité. Et le plus étonnant que c’est la même chose dans les entreprises : l’essentiel de ce qui s’y déroule se passe sans que son Directeur Général le sache, ni ne le décide. »
En réponse à mes propos, il me fait prendre conscience que j’ai là le fil conducteur et la matière d’un livre. Huit mois plus tard, paraît mon premier livre : Neuromanagement, comment tirer parti des inconscients de l’entreprise…
Mai 2014, toujours conseil de direction indépendant.
Mon dernier livre, Les Radeaux de feu, est paru en octobre dernier.
Je sais aujourd’hui intimement que l’incertitude n’est pas d’abord un problème à résoudre, mais le produit de l’évolution de notre monde, que sans elle, aucune innovation, aucune création de valeur ne seraient possibles, et qu’elle est la meilleure et seule garante de nos libertés individuelles.
Je ressens aussi intimement que le collectif nous dépasse, qu’il est illusoire et dangereux de tout vouloir comprendre et maîtriser, et que l’on peut diriger en lâchant prise. Je suis fasciné par la puissance et le foisonnement des émergences qui m’habitent et m’environnent…
Quarante ans déjà…

16 mai 2014

MÉKONG…

Histoire d’eau (3)
Le Mékong est une eau vaste et tranquille… du moins ici entre Thaïlande et Laos.
Rien ne vient le perturber, très peu de bateaux, très peu de mouvements.
Juste lui, majestueusement immobile, immensément présent.
Quel que soit le moment de la journée, quelle que soit la lumière, quel que soit le ciel, il est là.
J’ai passé de longues heures, assis modestement sur ses côtés, veillant à ne pas réveiller ce géant qui dort. C’était plus prudent. On ne sait jamais…

15 mai 2014

LA PRISE DE CONSCIENCE DE L’INCERTITUDE

Quarante ans déjà (2)
Juin 1991, Partner chez Bossard Consultants
Je viens d’être chargé par un grand groupe français de lancer et conduire une démarche qualité dans l’ensemble de l’entreprise. Première réunion dans un de ses services, pour exposer la démarche et la première étape.
Rapidement, je suis interrompu. « Pourquoi devrions-nous vous croire ? C’est le troisième plan lancé en cinq ans. Les deux précédents ont avorté. Le vôtre ne durera que le temps du mandat du Président actuel. » Ils ont raison. Pourquoi me croire ? Il ne suffit pas de dire pour être cru, ni d’affirmer pour avoir raison.
Les bancs de l’École et les certitudes des équations sont décidemment bien loin…
Juillet 1999, Vice-Président chez Mercer Management Consulting
« Robert, je compte sur vous pour me dire si nous devons oui ou non, postuler pour une licence 3G, et quelle peut en être la rentabilité. »
Étrange et pourtant indispensable question : comment en effet dépenser près de dix milliards de francs sans savoir si cela en vaut la peine ? Mais comment aussi évaluer la rentabilité à dix ans, alors que les performances des téléphones 3G sont encore incertaines, qu’Internet n’en est qu’à ses balbutiements, et qu’il est impossible d’aller s’adresser à des clients qui ne comprendront même pas de quoi on leur parle ?
Bel exercice de construction stratégique en univers incertain. Accepter de se projeter dans un futur inconnu, tout en tissant les fils d’une pensée architecturée et défendable…

14 mai 2014

LE TEMPS DES CERTITUDES

Quarante ans déjà (1)
Septembre 1974, élève à l’École Polytechnique
Bien loin ce temps des mathématiques, de la physique et de toutes ces sciences dites dures. Un temps où je croyais encore – et où on me poussait à croire – que progrès et connaissance rimaient avec moins d’incertitude et plus de prévisibilité.
Mais il est vrai qu’il me suffisait alors de pousser la porte de l’École – ce que je faisais souvent –, ou de ne pas la rejoindre à temps – ce que je faisais aussi souvent ! – pour me retrouver dans les rues et les cafés du Quartier Latin.
Autant d’occasions de plonger de la vraie vie, ses heurts, ses chaos et toute l’énergie aléatoire qui l’habitent et la rendent passionnante…
Août 1983, chargé de mission à la Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale
Je profite du calme estival pour me plonger dans les dossiers de la dernière restructuration de la sidérurgie, conduite en 1978, et y lis que les experts gouvernementaux tablaient alors sur une production d’acier en France dans cinq ans, de vingt-et-un millions de tonnes, que la CGT prévoyait un marché à trente millions de tonnes, et que le journal Le Monde tranchait, lui, au milieu. Or j’ai entre les mains le résultat, et il est de dix-sept millions.
Ainsi le plus proche s’est trompé de près de vingt-cinq pour cent, ce sur une donnée supposée prévisible et non sujette à des spéculations : la demande en acier n’est ni une donnée virtuelle, ni cotée dans une quelconque bourse, ni le fruit d’arbitrages faits dans des salles obscures.

Première douche froide : comment continuer à croire que l’on peut mathématiser le monde ?...

13 mai 2014

ÊTRE LE PREMIER DES PILOTES DE SON CORPS, MAIS PAS LE SEUL

L’écosystème de notre corps (11)
Qui décide ?
Est-ce moi qui, consciemment, choisit de faire ceci ou cela ? Quelle est la portée de l’influence du cerveau intestinal qui pèse sur mes émotions et modifie ma perception du monde et des risques ?
Jusqu’à quel point les bactéries qui sont présentes dans mon microbiote intestinal peuvent-elles me faire mener des buts qui servent leurs intérêts, ce voire au préjudice de ma propre survie ? Puis-je être une sorte de véhicule passif de micro-organismes qui me manipuleraient ?
Très probablement pas… mais je suis certainement influencé. Je repense à ces scènes cauchemardesques des films Alien où les humains se transforment en simple véhicule d’êtres qui les détruisent. Rien à craindre de tel.
Je repense aussi au livre de Richard Dawkins, Le Gène égoïste, publié en 1976, où il soutient la thèse que ce sont les gènes qui manipulent le vivant et son évolution. Comme il est expliqué dans Wikipedia, « en décrivant les gènes comme étant « égoïstes », l'auteur n'entend pas par là (comme il l'affirme sans équivoque dans le livre) qu'ils sont munis d'une volonté ou d'une intention propre, mais que leurs effets peuvent être décrits comme si ils l'étaient. Sa thèse est que les gènes qui se sont imposés dans les populations sont ceux qui provoquent des effets qui servent leurs intérêts propres (c'est-à-dire de continuer à se reproduire), et pas forcément les intérêts de l'individu même. Cette vision des choses explique l'altruisme au niveau des individus dans la nature, en particulier dans le cercle familial : quand un individu se sacrifie pour protéger la vie d'un membre de sa famille, il agit dans l'intérêt de ses propres gènes. »
Finalement la réalité est très certainement plus complexe, et est le résultat de tendances naturelles et compétitives : des gènes qui cherchent à survivre et à se propager, des êtres vivants multiples qui cherchent à élaborer un écosystème plus favorables pour eux, un néocortex qui analyse sous influence et fait des choix, des chocs aléatoires et imprévisibles qui organisent des télescopages entre tous les acteurs et toutes les actions.
De cet écosystème global et chaotique, émergent des trajectoires individuelles dont nous croyons être à l’origine, alors que nous n’en sommes qu’un des participants.
Comprenons et admettons que notre corps est constamment pénétré par le monde dans lequel il baigne, et que, si nous en sommes le premier des pilotes, nous n’en sommes pas le seul.

12 mai 2014

LE « JE » ÉMERGE CONTINÛMENT DE NOS INTERACTIONS AVEC LE MONDE

L’écosystème de notre corps (10)
Trois acteurs : deux cerveaux en propre – un venu du fond des âges et tapi dans les méandres de notre intestin, un doté d’un néocortex, qui fait de nous un homme –, et le microbiote intestinal – cent mille milliards de bactéries, depuis notre naissance, nous accompagnent et nous influencent. C’est de l’interaction de ces trois composantes que naissent nos décisions… et non pas seulement de ce que nous appelons notre conscience.
Qu’en aurait pensé Sigmund Freud s’il avait su que des bactéries agissaient sur nos émotions et nos choix ? A côté de la psychanalyse gastrique, que j’évoquais dans le cinquième billet de cette série, faut-il en appeler à une psychanalyse bactérienne ? Amusant. Je ne vois pas bien comment arriver à les faire parler de leurs rêves. Faut-il essayer de faire allonger les bactéries sur des divans ?
Plus sérieusement, notre identité est donc le fruit d’une triple histoire : une innée venue de notre passé et constituée de notre double cerveau initial, une acquise très vite après la naissance avec notre microbiote intestinal, et enfin une vécue qui forme et déforme nos émotions, notre mémoire et nos savoirs conscients.
Notre « je » est donc doublement perméable au monde extérieur : par les bactéries qui entrent et sortent, par les évènements qui se produisent et qui nous heurtent.
Nous baignons doublement dans les écosystèmes du monde, et le dehors nous pénètre continûment. La limite entre dehors et dedans devient floue.
Nous sommes des milliers de gènes, des milliards de neurones, des centaines de milliards de bactéries, et un nombre non calculable d’échanges d’informations et de messages.
De cela, le « je » émerge. Mais qui décide et pourquoi fait-on ceci plutôt que cela ? …
(à suivre)

7 mai 2014

SOUS L’INFLUENCE DES BACTÉRIES QUI NOUS HABITENT

L’écosystème de notre corps (9)
Selon les bactéries qui nous habitent, selon notre flore intestinale, notre corps fonctionne plus ou moins bien. Mais nos pensées ? Est-ce que notre comportement dépend de ces hordes de micro-organismes qui vivent en nous ?
Pour commencer à répondre à cette question surprenante, des tests ont été réalisés sur des souris.
Prenons deux groupes de souris : certains sont agressives, d’autres ne le sont pas. Échangeons maintenant leurs microbiotes. Résultat : les calmes deviennent agressives, et réciproquement ! Une preuve que le microbiote influence le cerveau.
Serions-nous conditionnés par les bactéries qui nous habitent ?
Autre exemple d’action conditionnée chez la souris avec le cas de la toxoplasma : présente au sein d’une souris, elle peut générer une attitude suicidaire en poussant la souris à se laisser approcher par des chats, et ainsi à être mangée, ce pour le seul bénéfice de la toxoplasma. En effet, celle-ci se développant mieux dans l’organisme d’un chat a tout intérêt à ce que la souris soit mangée.
Et l’homme ? Sommes-nous aussi influencés par notre microbiotique intestinal ? Difficile de répondre à cette question, car comment isoler l’effet mental d’un probiotique, surtout car il est à chaque composé d’une multitude de molécules ?
Une étude publiée en mai 2013 par Kirsten Tillisch, du centre de neurobiologie du stress de Los Angeles, apporte une première réponse positive. Le test a porté sur soixante femmes auxquelles on a donné des yaourts avec ou sans probiotique. L’étude a montré que celles qui ont pris des probiotiques sont moins réactives aux images négatives et potentiellement menaçantes.
On modifie des yaourts… et en conséquence, on modifie ce qui se passe dans le cerveau ! Mais attention prudence car on ne connaît pas les effets secondaires. Les effets sont certains, mais largement encore imprécis.
Il semble donc bien une composante de notre cerveau vienne des bactéries qui nous habitent.
Nous aurions donc en quelque sorte trois cerveaux : deux liés à nos propres neurones, un grand et un petit, et un lié à l’intelligence de notre microbiote. Nous sommes aussi le résultat de qui vit en nous, et non pas seulement de notre ADN et de ce que nous avons vécu…
(à suivre)

6 mai 2014

L'ENTÉROTYPE OU UNE FORME D'ADN INTESTINAL

L’écosystème de notre corps (8)
Comme on peut séquencer notre ADN, c’est-à-dire avoir une photographie analytique de notre identité génétique, il est possible de séquencer l’ADN de notre microbiote, et d’analyser ses propriétés.
C’est à cette tâche apparemment herculéenne – n’oublions pas que notre microbiote intestinal comprend environ cent mille milliards de bactéries –, que notamment Dusko Ehrlich, chercheur à l’INRA, s’est attelé… et les premiers résultats ouvrent des perspectives sur un nouveau monde… qui est très probablement le nôtre.
Quelques exemples.
D’abord on a montré que tous les microbiotes intestinaux pouvaient être classés en trois groupes principaux, appelés entérotypes. Chacun d’entre nous est donc caractérisé non plus seulement par un groupe sanguin, mais aussi par un entérotype. Plus surprenant, l’appartenance à un groupe ne dépend ni de la race, ni de l’âge, ni du sexe.
Quelles sont les conséquences de cette appartenance ? Ils conditionnent notre capacité à plus ou moins bien transformer notre nourriture en énergie.
Ainsi, une bactérie vient d’être identifiée qui, selon sa présence chez la souris, fait que celle-ci grossit plus ou moins. Elle dialogue avec les cellules de la paroi intestinale de la souris, et active les gènes qui déclenchent le fait de brûler des graisses. Résultat : la souris stocke plus ou moins d’énergie.
Autre propriété des microbiotes : selon ses caractéristiques, nous avons des prédispositions à certaines maladies. Peut-être prochainement, pour avoir une action préventive, il suffira d’étudier la flore intestinale.
Un vaste monde donc la découverte ne fait que commencer.
Mais tant que l’on ne parle que de capacité à plus ou moins bien digérer, ou à stocker de l’énergie, rien de bien inquiétant. Cela ne concerne pas notre processus de décision et notre comportement.
Comment des organismes si petits, même en nombre gigantesque, pourraient-ils bien agir sur nos pensées et nos actes ? Quand même, nous ne sommes pas sous influence.
Là aussi, rien n’est certain…
(à suivre)

5 mai 2014

NOUS SOMMES UN VÉHICULE À BACTÉRIES

L’écosystème de notre corps (7)
Notre identité et nos pensées ne naissent pas seulement de notre cortex, mais le cerveau intestinal y participe. Mais est-il le seul ?
Ne répondez pas trop vite oui, les surprises ne sont finies, car notre intestin héberge une population d’hôtes : cent mille milliards de bactéries habitent notre tube digestif, soit mille fois plus que d’étoiles dans notre galaxie. C’est le microcosme le plus dense qui regroupe dix fois plus que de cellules que celles de notre corps.
Sensation bizarre d’imaginer cette population qui squatte notre intestin.
Échange de bons procédés, car, sans ces bactéries, la digestion ne serait pas possible : nous leur offrons le gîte et le couvert, et elles digèrent notre nourriture pour nous. Sans les deux kilos qu’elles représentent, nous ne survivrions pas.
Quand commence cette colonisation ? Dès notre naissance, c’est-à-dire dès que l’embryon quitte le milieu stérile et protégé de l’utérus de sa mère. Dès les premières minutes, les bactéries nous envahissent, et les premières occupantes contribuent à sélectionner les suivantes.
Nous voilà ainsi quasi immédiatement doté d’un microbiote intestinal, c’est-à-dire d’une population de micro-organismes vivant en accord avec nous.
Nous avions hérité de l’ADN de nos parents, et nous héritons, selon les hasards de la vie, du moment et de l’endroit où nous naissons de ceux, d’un ADN complémentaire infiniment plus vaste.
Nous sommes un véhicule à bactéries, et c’est pour notre bien.
Mais est-ce une simple cohabitation digestive ?...
(à suivre)