14 sept. 2015

LA FRANCE FRACTURÉE

Génération Radicale (1)
Malek Boutih, député de l’Essonne, a remis en juin 2015 un rapport au Premier Ministre sur l’analyse et la prévention des phénomènes de radicalisation et du djihadisme en particulier. Il a choisi comme titre pour ce rapport Génération radicale.
En voici un patchwork à ma façon que je vais diffuser en trois parties.
Aujourd’hui, commençons par des propos de Malek Boutih qui font écho au livre, la France Périphérique, de Christophe Guilluy, dont j’ai parlé il y a quelques mois
« Or comment prétendre ressembler aux actifs urbains ultra-connectés lorsque l’on grandit dans un quartier relégué ou dans un territoire rural et que l’on n’a pas les moyens de s’acquitter d’un abonnement téléphonique ou d’une carte de transports ? Il y a bien un décalage entre le développement économique et technologique que vivent les classes moyennes supérieures, et la précarité, l’insécurité auxquelles doivent faire face les employés et les travailleurs non-qualifiés. »
« Enfin, les distorsions liées aux inégalités en France sont d’autant plus clivantes qu’elles se combinent avec une relégation territoriale, sociale et culturelle. Les émeutes urbaines de 2005, bien plus qu’une réaction de circonstances à la mort de deux jeunes à Clichy-sous-Bois, actaient dans ces territoires la fin de la promesse républicaine pour une génération. »
« La réalité est donc bien loin de la France démocratique et « moyennisée ». La jeunesse est coupée en deux et le destin au sein d’une même classe d’âge sera différent selon que le jeune sera diplômé ou non. L’école produit de l’échec et le marché du travail accentue les clivages. Les jeunes sans diplôme et sans soutien familial se retrouvent dans des situations de grande détresse économique sans pouvoir bénéficier d’aucune aide sociale tant les conditions d’accès sont restrictives lorsqu’on a moins de vingt-cinq ans. »
(à suivre)

11 sept. 2015

LE TRAIN INDIEN EST POREUX, DONC VIVANT

Dans la moiteur d’une nuit
(photo issue de https://frompondywithlove.wordpress.com)
Allongé sur la couchette, synchrone avec le rythme du train, la chaleur ayant baissé dans la nuit, j’apprécie la densité du voyage. Tout l’inverse de l’avion. Dans les airs, le mouvement est masqué, on ne perçoit que le bruit des moteurs, les secousses aléatoires et l’icône qui bouge sur l’écran. Ici, il est en direct, vivant. Toute la différence entre le playback et le live ! Le paysage n’est pas une fiction, un documentaire projeté pour distraire, il est immédiatement perceptible.
Dans l’avion, tout le monde demeure à sa place. Pas de cris, pas de paroles plus hautes les unes que les autres. Chacun mesure ses propos. Là-haut, tout est feutré, artificiel. Le trajet doit être accouché sans douleur, l’alcool servant de péridurale. Surtout pas de vagues, pas d’exclamations, pas d’émotions. Rien que du temps qui s’écoule.
Ici, dans le compartiment du train, rien de tel : les heurts de la vie sont constants, chocs des odeurs et du bruit. Je m’y sens profondément incarné, et l’Inde n’est pas une abstraction lointaine et distante. Je subis une transfusion de l’énergie foisonnante de ce pays, je suis opéré à chaud, sans anesthésie.
Dans l’avion, les fenêtres sont des hublots hermétiques. Nous sommes trop loin du monde des hommes pour pouvoir y vivre : le dehors est dangereux et impur, froid et létal, dénué d’oxygène, chargé de rayonnements nocifs. Aucune molécule ne doit ni rentrer, ni sortir. Nous sommes dans un espace que nous ne pouvons que traverser et en aucun cas habiter. La peau de l’avion devient la nôtre, une nouvelle peau protectrice, dont les fenêtres sont tout sauf des pores. Nous sommes isolés, protégés, coupés de nos racines, pris en charge et infantilisés.
Le train indien, lui, n’est pas une peau qui isole, mais une peau qui relie : rien n’est opaque, les parois sont poreuses, l’organisme métallique respire, tout pousse à l’échange. Même moite, l’air entre et sort régulièrement, les grilles sont des liens, les gares de vrais lieux. Sans cesse, on monte, descend, mange, boit, bouge, dort, parle, crie. Ce n’est plus un objet dans lequel on se déplace, mais une ville que l’on habite.

9 sept. 2015

« UN HOMME POLITIQUE DOIT ARRIVER AU POUVOIR PRÉPARÉ »

Pierre Mendès-France expose sa vision de ce que devrait être un homme politique (2)
Suite des extraits de l’intervention de Pierre-Mendès France dans Radioscopie de Jacques Chancel le 27 novembre 1973
« L'homme politique n'a pas le droit de méconnaître un certain nombre de vérités de fond. (…) Il faut que l'homme qui a des responsabilités politiques ne néglige jamais de réfléchir profondément aux problèmes qu'il a à traiter, avec le concours de ceux, s'il ne les connaît pas suffisamment, de ceux qui les connaissent ou les ont approfondis plus que lui. La conciliation de la science, de la connaissance des choses, de l'approfondissement des problèmes d'une part, et de la volonté de réaliser d'autre part, c'est cela en définitive la responsabilité de l'homme politique. 
 « Question : Un homme politique au pouvoir n'a pas le temps de la réflexion. Il a trop de responsabilités. Vous en ce moment, vous pouvez réfléchir.
Réponse : C'est pourquoi il doit toujours travailler quand il n'est pas au pouvoir. Il doit arriver au pouvoir préparé. Dire : "Eh bien quand j'y serai, je verrai. Il sera toujours temps de décider. Il sera toujours temps de déterminer." Cela, c'est une erreur. (…) Pendant la guerre, j'étais de ceux qui réfléchissaient beaucoup, qui étudiaient, qui travaillaient, qui écrivaient sur la politique qu'il faudrait faire en France à la libération. Et puis il y avait des gens qui disaient : "On verra. On ne sait pas comment cela se fera. On ne sait pas quand, quel sera le degré des ruines, quelle sera l'étendue de la pénurie alimentaire, ou du ralentissement industriel. Il sera toujours temps. On verra.". Je crois que c'est une erreur. Je crois qu'il fallait à l'avance se mettre en état d'agir dans les meilleures conditions possibles. Et dans un certain nombre de pays où cela s'est fait, on en a vraiment profité. Dans les pays où on l'a négligé, on a fait beaucoup d'erreurs. »

7 sept. 2015

« EN DÉMOCRATIE, RIEN N'EST PLUS IMPORTANT QUE LA VÉRITÉ »

Pierre Mendès-France expose sa vision de ce que devrait être un homme politique (1)
Le 27 novembre 1973, Jacques Chancel recevait Pierre Mendès-France dans le cadre de son émission Radioscopie sur France Inter. Grâce à une rediffusion faite début août, je l’ai découverte. Occasion de voir que les propos tenus par Pierre Mendès-France restent plus que d’actualité. En voici quelques extraits :
« Un homme politique a le devoir, surtout dans une démocratie, de dire à tous ceux qu'ils l'écoutent, ce qu'il pense, pour contribuer à ce qu'ils prennent la décision puisque, par hypothèse on est dans une démocratie (…) L'hypothèse de la démocratie, c'est que le peuple doit juger lui-même. Mais pour juger lui-même, il faut qu'il ait entendu le pour et le contre des opinions qui s'opposent. Et par conséquent il faut que chacun lui ait parlé franchement. Si ceux qui viennent s'exprimer devant lui jouent de démagogie, d'habileté, fardent la vérité pour favoriser leur propre carrière, ils ne fournissent pas à l'opinion publique les moyens de se former une opinion valable, et par conséquent ils fourvoient l'opinion publique. Et si, par hypothèse  c'est le pays lui-même qui doit décider, il décide sur des cartes biseautées. Par conséquent en démocratie, rien n'est plus important que la vérité. »
« Ce qui reste critiquable, c'est le cas dans lequel l'intérêt d'un parti passe au-dessus de l'intérêt général, dans lequel les dirigeants d'un parti au moment de prendre une décision au lieu de répondre essentiellement, par priorité, à l'intérêt de la nation ont fait prévaloir l'intérêt de leur formation politique, parce qu'il y avait des élections prochaines ou parce qu'il y avait je ne sais quelle manœuvre parlementaire à l'horizon. C'est cela que j'ai critiqué, pas l'existence d'un parti. »
« Un gouvernement se constitue non pas pour donner des portefeuilles, non pas pour favoriser telle ou telle opération à l'horizon, mais pour faire aboutir une réforme, une transformation, une amélioration qu'on estime indispensable dans l'intérêt du pays, et c'est cela qui doit déterminer des alliances. »

(à suivre)

4 sept. 2015

RÊVERIE PARISIENNE

Promenade nocturne
Marche automatique dans les rues de Paris. Le Marais abandonné, mes pas m’amènent mécaniquement aux bords de la Seine. Pas de bouquinistes à cette heure-là. Leurs boîtes sont fermées, et cachent leurs secrets. 
Songeur, je suis le cours de l’eau. Me voilà au Pont des Arts. Je m’appuie au parapet pour la regarder couler. Jamais, sa surface n’est au repos, toujours elle vibre. Les lumières s’y brisent et se fragmentent. Chaos sans logique, aucun repère à suivre. Quand un projecteur éclaire un mur, l’éclat est lisse et habille la paroi de sa couche. Mais sur l’eau, rien de tel. La lumière ne l’habille pas, elle y est détruite, désagrégée. Le flot se joue des photons, et les renvoie de toutes parts. Billard à mille bandes.
Il n’y a pas que la lumière qui peut rebondir ainsi, les pierres aussi. Je me souviens des ricochets que j’aimais faire enfant. Je passais des heures à lancer des galets, et les regarder prendre appui sur ce qui aurait dû les absorber. Comment léviter au lieu d’être avalé ? Les pierres se font yogis, et savent s’abstraire de la loi de la pesanteur. 
Saisir les opportunités, se nourrir des énergies latentes, repartir sans cesse, et se servir des autres pour ricocher sur eux. S’imprégner de ce que l’on vient de toucher, non pas pour s’y attacher, mais pour avoir l’énergie de s’en extraire.

2 sept. 2015

BACK IN LIVE

Quelques explications
Comme promis après de longs mois, durant lesquels j’ai rediffusé des papiers déjà publiés sur mon blog, retour au live !
J’ai profité de ce break pour écrire un nouveau livre qui structure ma vision sur pourquoi il devient urgent de refonder nos organisations collectives françaises, et comment je pense qu’il faudrait s’y prendre. Avec une conviction : si nous manquons les prochaines élections présidentielles pour enclencher cette refondation, la France est en grand danger de décrocher, ou pour reprendre une expression devenue à la mode d’être « ubérisée » …
Les modalités et le timing de la sortie de ce livre ne sont pas encore arrêtés, je n’en dirai donc pas plus pour l’instant. Mais dès que ce sera possible, je me servirai de mon blog pour expliquer son contenu et en diffuser quelques extraits.
D’ici là, je vais m’en tenir à un rythme de trois billets par semaine, le lundi, le mercredi et le vendredi : ceux du lundi et du mercredi seront liés à certaines de mes lectures récentes, en liaison soit avec le management des entreprises, soit avec la situation politique. Ceux du vendredi, comme à mon habitude, seront consacrés à des instantanés courts issus de mes voyages, de rencontres, de chansons écoutées, etc.
N’hésitez surtout pas à réagir, commenter ou compléter. Ce blog est aussi le vôtre !

31 août 2015

SEULE LA MAGIE EST RÉELLE

Au pays de la magie
L’Inde est un pays magique. Il suffit de s’y promener pour en être persuadé. Vous en doutez ? Vous croyez que, comme chez nous, tout doit y être logique, rectiligne et rationnel…
Observez comme cette statue de Jésus est capable à Goa de courber cet arbre. Avez-vous déjà rencontré chez nous une telle prouesse ? En Inde, même les végétaux s’inclinent devant la puissance divine. Peut-être que prochainement, cet arbre fera une génuflexion complète.
Regardez cet enfant qui marche devant le Taj Mahal, la merveilleuse sépulture faite de marbre blanc. Voyez comme il est grand, et comme sa silhouette, loin d’être écrasée par l’immensité de l’arrière-plan, domine le monument. En Inde, les enfants savent se jouer de la mort. La vie leur est suffisamment âpre et difficile, pour qu’ils se sentent grandis devant elle.
Et que dire du mage qui psalmodie devant les eaux du Gange ? Nous sommes ici à Bénarès, ville magique s’il en est. Lali Baba – c’est son nom – en appelle à des puissances pour qui, ni le temps, ni l’espace, ne comptent. Vision fantomatique. Sa blancheur habille la nuit, et sa voix lancinante la déchire. 
Dans quelques instants, pris par la tourmente de ce qui s’est saisi de moi, je plongerai dans le Gange…

27 août 2015

BOMBAY INSOLITE

Un double-docker, des jeans et des serpents...

Déjà je ne m'attendais pas à rencontrer un authentique bus anglais dans les rues de Bombay, mais encore moins à le voir être utilisé comme une arme terroriste. Dans un remake au ralenti de l'attaque des tours du World Trade Center, il vise manifestement la gare centrale.
Que faire ? Intervenir, oui mais comment ? Et personne n'a l'air de voir l'imminence de la catastrophe...


Est-ce une nouvelle publicité pour une marque de jean ? Levis a-t-il voulu changer de dimension, et trouve-t-il les laveries des spots précédents, trop étriquées ?
Mais je ne vois aucune caméra alentour. Aucun top model non plus.
Juste des indiens accroupis qui frottent sans relâche des piles de linge, sans cesse renouvelées...


L'imaginaire du cinéma transforme parfois les habitants des bidonvilles en vedette de jeux télévisés, magie d'un "Slumdog millionaire". Mais la réalité est plus sinistre, et le futur de ceux qui s'y trouvent est moins glamour.
Dans le noir presque absolu qui y règne, des câbles, tels des serpents venimeux, courent sur les murs. Aucun fakir n'est là pour les dresser. Le seul chant que l'on y entend, est celui de la démarche lourde des porteurs d'eau. Même les enfants semblent être absents.
Pourtant à quelques minutes de là, trônent la fameuse Indian Gate, et le Taj Mahal Palace...

(Les trois photos ont été prises à Bombay en juillet 2012)

24 août 2015

DRÔLE DE RENCONTRES

Télescopages indiens

Les rues indiennes sont l'occasion de rencontres multiples, inattendues, issues du capharnaüm des télescopages multiples qui s'y produisent.

Parfois c'est un singe qui, juché sur un toit, affirme sa supériorité. Conscient d'être le roi de l'eau, celui qui décide qui va boire ou dépérir, celui qui donnera la vie ou la mort, imperturbable à ce qui l'entoure, il s'abreuve.

Un peu plus loin, ce sont des oiseaux, comme issus d'un film d'Hitchcock, qui ont pris possession des lieux. Les uns guettent les passants, qui se font furtifs et accélèrent leur pas,  craignant de devenir à leur tour, victimes. Les autres mangent, et se repaissent de cette offrande des hommes.

Et les terrasses des palaces ne sont pas en reste. Ce ne sont ni des businessmen affairés que l'on y rencontre, ni des couples improvisés qui y balbutient en se découvrant mutuellement,  ni des touristes qui s'y ressourcent avant de repartir vers de nouvelles découvertes.
Non, c'est un brouillard d'insecticide qui squatte la terrasse ! J'imagine la tête des clients qui, tout à l'heure, occuperont ces chaises, si jamais je leur montrais cette photo. Comment rester sereinement à deviser, sans craindre quelque retombée néfaste pour sa propre santé ?

(Les deux premières photos ont été prises à Bombay en juillet 2012, la troisième est la terrasse de l'hôtel Imperial à Delhi en juillet 2008)

20 août 2015

ÉTRANGE CALCUTTA

Moments de calme (2010)
Que fait donc cette poupée qui gît, abandonnée, dans une des sentes qui sillonnent les à-côtés du Maiden, ce grand parc au cœur de Calcutta ?
A-t-elle été perdue par un enfant ? Mais pourquoi ? Pris par les turbulences d’une course effrénée, l’a-t-il laissée choir sans s’en rendre compte ? La pleure-t-il depuis lors, ne sachant où elle se trouve ?
Ou est-elle une de ces poupées maléfiques, que l’on torture pour faire souffrir ses ennemis ? Un vaudou indien en est-il le propriétaire ? L’a-t-il jetée là, volontairement, pour soumettre sa victime aux assauts aléatoires de la chaleur, de la pluie et du vent ?
Je la regarde longuement. Puis, dans le doute, jugeant plus prudent de ne pas prendre parti, je me contente de prendre cette photo, et rebrousse chemin, discrètement, laissant glisser mes pas avec le moins de bruit possible. Je ne passe pas à proximité. Surtout pas…
A Calcutta, les arbres ne se contentent pas de meubler les parcs, ou d’abriter les poupées abandonnées, ils partent aussi à l’assaut des façades des immeubles.
Soyons clairs, il ne s’agit pas comme chez nous, d’arbres domestiqués qui grandissent dans des pots amenés à cet effet, ou sur des terrasses où ils miment des jardins perdus.
Non, ils sont sauvages, et s’insinuent dans les anfractuosités des pierres, telle des lierres. Sont-ils là pour consolider des murs qui, sans eux, s’effondreraient, ou mangent-ils le peu de liant qui a survécu au déroulement du temps ?
Sont-ce des cadeaux empoisonnés laissés par les Britanniques, qui, furieux d’avoir dû abandonner leur capitale impériale, ont tenus à miner de l’intérieur, ce qui venait de les rejeter ? Sont-ce une version occidentale de la lutte non-violente qui avait si bien réussi aux Indiens ?
Y a-t-il un parallèle à faire entre eux et la poupée qui dort à quelques kilomètres de là ?
Au Sud de Calcutta, se trouve une immense réserve de 10 000 km2 où se mêlent la terre et l’eau, les Sunderbans. C’est une mangrove, c’est-à-dire un écosystème de marais maritime dans lequel se développent des arbres qui vivent dans cet univers où le sel est omniprésent.
Ils y déploient des racines qui sont comme des jambes sur lesquelles ils semblent se déplacer. Mais est-ce une illusion, ou se sont-ils figés le temps de notre passage ? Posent-ils pour éviter d’être flous dans le crépitement des appareils de photographie, qui se déchaînent tout autour de moi ?
A l’instar des jouets de Toy Story, ne sont-ils animés que pour ceux qui les comprennent, et les acceptent tels qu’ils sont ? Vont-ils dans un instant, pour les habitants des Sunderbans, reprendre leur ballet ?
J’aimerais pouvoir sauter du bateau, quitter le club des touristes, et aller me cacher dans la forêt voisine. Mais ce serait sans compter sur les tigres qui guettent ceux qui viendraient s’y aventurer.

Alors comme pour la poupée du parc Maiden, comme pour les arbres qui habillent les façades, je ne dis rien, et me laisse glisser doucement dans l’eau du marais.
(Sunderban Tiger Camp)

17 août 2015

TEA TIME

A Kurseong (2010)
A Kurseong, lové en leur cœur, se trouve l’hôtel Cochrane Place. Une vieille bâtisse avec de grandes chambres confortables, une allure de musée, habillée de bois et de meubles anciens. De ma fenêtre, si jamais les brumes se dispersent, les feuilles de thé se reproduisent à l’infini.
A côté de la salle de restaurant, un bar à cocktail propose une carte surprenante : ce ne sont que des cocktails de thé, mélangeant les saveurs et les rapprochements étonnants.
Mais à Kurseong, il n’y a pas que les humains qui apprécient le thé, les animaux aussi. Comme vous pouvez le voir sur ces photos que j’ai prises alors, pour les vaches et les chèvres, c’est aussi tea time ! Mais il est vrai qu’ils le mangent, et ne le dégustent pas infusé. Les anglais pourtant passés par ces terres, n’ont pas dû avoir le temps de leur inculquer les bonnes manières.
Autre surprise découverte entre l’hôtel et le centre de Kurseong : le Darjeeling Polytechnic. Ma chère école d’origine me poursuivrait-elle jusque dans ces brumes ?
Rapidement, je suis rassuré, ce n’est qu’une amusante coïncidence. Je peux donc continuer sans crainte ma douce déambulation dans les terres de l’Inde du Nord.

(Cochrane Place, 132 Pankhabari Road, Fatak, West Bengal, Kurseong 734203, Inde)

13 août 2015

A BOMBAY, SUR MARINE DRIVE

Rêverie
Que regarde-t-il ? Veut-il s’extraire du Bombay tonitruant qui hurle juste derrière lui ? Rêve-t-il d’un voilier qui viendrait l’emporter au travers des océans ?
Ou se voit-il s’envolant vers les tours qui ferment l’horizon ? S’imagine-t-il y travailler ou y dormir ? Y a-t-il caché dans le luxe d’un loft dominant la mer, une compagne qui l’attend ?
Quoi qu’il en soit, je connais au moins un chien qui est indifférent : allongé confortablement sur le quai, soulevant paresseusement une paupière, il observe le monde des hommes. Pourquoi bougerait-il quand la vanité de ce qui l’entoure lui semble évident ?
Il voit sur la plage des couples avancer, quelques enfants jouer, et des ordures voler dans le vent. Les poubelles ne sont que des objets de décor. Inutile de chercher à les vider. Des oiseaux noirs se réjouissent et se nourrissent de tous les déchets qui jonchent le sable. En arrière plan, il peut entrapercevoir des nageurs qui zigzaguent dans les débris flottants.
Les rêveries du promeneur figé et la somnolence du chien sont périodiquement troublées par les cris de vendeurs de thé. « Chai, chai » hurlent ces derniers.
Au bout de longues minutes, j’arrive à m’extraire de ma contemplation. Mon regard alors s’arrête sur une bannière inattendue, et incongrue dans le flux luxueux de Marine Drive : « God created human beings. They created politicians who created chaos ».
Pourtant au travers de toutes mes promenades indiennes, si le chaos m’est apparu omniprésent, il m’a semblé inhérent à l’Inde, et non pas créé par des politiciens…

10 août 2015

PRISONNIER DE LA TOUR DU HAREM DE TRIVANDRUM

Lost in Kerala (2012)
Où suis-je ? Mes pas m’ont-ils perdu, emmené loin de cette Inde que je parcourais, il y a quelques minutes encore ? Suis-je face à une porte interdite ? Vais-je basculer dans un monde nouveau ?
Pourtant, non. Tout autour de moi, c’est bien toujours l’effervescence de Trivandrum, la capitale du Kerala, cité bouillonnante de voitures, de motos, de vélos et de passants qui, tous, s’ignorent, les uns les autres. Chacun poursuit son chemin, sans prêter attention à ce qui l’entoure, se faufilant dans les méandres de la fourmilière humaine, inaccessible au brouhaha qui l’environne. J’entends derrière moi les cars qui s’extraient de la boue qui jonche le sol. Je sens un peu plus loin, la gare hantée de trains, de mendiants et de voyageurs. Le ciel est strié de fils, qui sont autant de messagers pour des conversations inconnues et silencieuses.
Alors que fait ici cette tour issue d’une mosquée absente ? Pourquoi ses murs sont-ils teints du rouge du palais impérial ? Est-ce une excroissance de la cité interdite ? Que cachent ces briques percées d’une succession de triangles ? Est-ce une formule secrète et cabalistique, écrite par un savant disparu et laissée là pour me perdre ?
Je me décide toutefois à en pousser la porte. Après tout, peut-être que ce n’est bien que l’Indian Coffee House, ce café mis en exergue dans tous les guides. 

Une fois franchi le passage dessinant la frontière entre le réel et ce qui ne l’est plus, j’escalade une spirale qui n’en finit pas. Petit à petit, marche après marche, pas après pas, je m’insère dans la tour.
Sur le côté, des tables sont scellées dans le sol. Quelques initiés sont assis, et en silence, mangent, boivent ou méditent. Les grands prêtres se tiennent le long du noyau central. Habillés de parures volées au temps jadis, ils m’observent. Vais-je être accepté ? Viendront-ils à moi pour me retirer mes vêtements occidentaux qui parjurent la solennité du lieu ?
Je sais que je ne ressortirai plus jamais de ce harem indien qui sera ma prison et ma cage dorée. Apercevant des bribes de la rue au travers des meurtrières qui parcourent les parois externes, je n’aurai plus comme destin que d’être un objet de plaisir pour ceux qui m’y ont attiré. Les serveurs n’en étaient pas, et sont les eunuques chargés tout aussi bien d’accéder à chacun de mes désirs, que de m’interdire ceux que ma condition a rendu prohibés. Me voilà encagé dans les fantasmes de mes caprices.
Si jamais il vous advient de passer par Trivandrum, et que vous apercevez la tour maléfique de l’Indian Coffee House, ne poussez pas sa porte…

7 août 2015

CÉRÉMONIE AU BORD DU GANGE

Au coeur de Bénarès (2008 et 2010)
À peine entamée par la faible lumière venant des réverbères, l’obscurité était quasiment totale. Le fleuve avait été gommé, il n’était plus qu’une masse noire, animée de quelques reflets. Cette absence visuelle était un trou qui captait les regards de tous. La foule massée sur les marches du ghât était happée par ce vide.
Sur la dernière, presque à fleur d’eau, surgissait, telle une apparition, le visage barbouillé de blanc du guru : assis en lotus, tourné vers le Gange, il ondulait doucement au rythme de son chant. Sur le côté, un peu en retrait, trois jeunes hommes dansaient, soulignant la mélopée en tapant sur des tambourins. 
Le temps passait lentement, coulant avec l’eau du fleuve, sans à-coups, sans heurts, sans efforts, dans une puissance irrésistible. J’en avais perdu le compte. Avec tous les autres, j’étais intensément immobile, hypnotisé par le mouvement pendulaire des corps et la circularité du chant.
La voix du guru connut une inflexion, changea de rythme et monta en intensité. Les danseurs s’approchèrent d’un petit feu déposé sur le sol, saisirent des torches, et entamèrent un ballet lumineux. Puis ils descendirent l’escalier pour se trouver à côté du maître. Son balancement s’accéléra, sa voix se pressa, semblant prise par une urgence. Il saisit un petit récipient déposé à ses côtés, l’introduisit dans le Gange et le leva face à lui. Ses trois assistants firent pareil. Alors, toute la foule assise sur les marches se dressa, forma une procession et descendit vers le fleuve. Chacun plongeait à tour de rôle un objet dans l’eau et le dressait devant lui.
Le défilé des fidèles se poursuivait. Chacun, une fois la cérémonie de l’eau effectuée, s’arrêtait devant le guru, se courbait vers lui pour se faire toucher le front, et écouter un court propos. Il remontait ensuite pour se fondre dans la nuit.

4 août 2015

LA FORCE DE LA JUNGLE

Energie vitale
Dans le Nord de la Thaïlande, la moindre habitation est tissée de vert, et le macadam dévoré de toutes parts. Dès qu’une route n’est plus entretenue, elle devient aussitôt la proie du végétal, puissant et dominant. Nous, les humains, n’y sommes que des invités tolérés et encombrants. Nos constructions sont provisoires, la nature est définitive. Quand les pluies s’abattent, l’eau monte de partout et emporte tout ce qui se trouve à sa portée. Quand le soleil brûle, il apporte aux bambous la force de se hisser vers le ciel, en soulevant tout ce qui entrave leur croissance.
Rien à voir avec nos campagnes policées et dressées. En Europe, les arbres grandissent, lentement et respectueusement, là où nous les avons plantés, et uniquement là. Ils sont apprivoisés comme les animaux qui peuplent nos villes et nos jardins. Nos maisons passent au travers des siècles, nos routes marquent au fer rouge les paysages. Nous avons l’impression d’avoir domestiqué le monde, et d’en être le centre. Pas étonnant que nous employions le mot d’environnement : le monde non humain nous environne, et s’agenouille devant nous les tout-puissants. De temps en temps, il se manifeste au travers d’une chute de neige ou d’une tempête un peu plus fortes, mais cela ne dure pas, et tout rentre vite dans l’ordre. Nous ne connaissons ni les pluies diluviennes de la mousson, ni les cyclones qui balayent tout en quelques minutes.
Je retrouve à Calcutta la même puissance, mais urbaine, animale et humaine. Comme si les hommes face à la violence de la nature avaient dû se mettre au diapason. Nous sommes ici dans une jungle urbaine. L’énergie est omniprésente, jaillit de partout, bouleverse et mange tout. Regarde la façade de cet immeuble, des arbres poussent à partir du quatrième étage. Descend ton regard et vois le flot ininterrompu des voitures et de la marée jaune. Sur les trottoirs, c’en est une humaine.

30 juil. 2015

MOITEUR FERROVIAIRE

De nuit (entre Bénarès et Calcutta)
L’air qui passe par les barreaux des fenêtres est chargé d’humidité, comme si la nature elle aussi transpire. Tout est eau. Les molécules d’oxygène ont du mal à passer au travers et accèdent difficilement à ses poumons. Le couloir est rempli de corps suants, assis sur un patchwork de paquets de toutes sortes.
En plus de la sensation d’étouffement, difficile de se voir enfermé comme derrière des grilles de prison. Le monde extérieur qui défile sous mes yeux, est inaccessible, séparé par des tubes de métal qui remplacent le vitrage. Si seulement cela permettait le passage d’un peu de fraîcheur.

Péniblement, je glisse dans un sommeil d'où émerge un dialogue : 
« Je ne supporte plus d’être reclus comme cela. 
- Calme-toi. C’est toi qui as voulu voyager dans ces conditions. Alors détends-toi, et à défaut d’apprécier, ce que je comprends tu n’arrives pas, dis-toi qu’il y a pire. Imagine-toi par exemple être vraiment en prison. Ces barreaux ne seraient pas là pour quelques heures, mais pour des années ! 
- Tu en as de bonnes ! Maintenant, pour m’aider à supporter ce qui se passe en ce moment, tu veux m’enfermer à vie ! 
- Tu sais très bien que ce n’est pas ce que j’ai dit. Pour ta gouverne, ces barreaux ont une utilité. Ils sont là pour empêcher que des passagers clandestins ne pénètrent lors des arrêts en gare, ou que des voleurs à la tire ne s’en prennent aux passagers. 
- Tu tiens cela d’où ? 
- D’un Indien avec qui je viens de discuter dans le couloir. Nous ne sommes pas enfermés, nous sommes protégés. Un peu comme ces maisons dont toutes les ouvertures sont garnies de grilles pour les garantir contre les cambrioleurs. 
- Peut-être, mais je ne le vis pas comme cela. Pour moi, c’est nous les détenus, je ne me sens pas du tout à l’abri. A tout moment, je m’attends à voir arriver un garde-chiourme. »

28 juil. 2015

LES VOITURES DE CALCUTTA

Dans la jungle du trafic indien (Calcutta 2010)
Dès la sortie de Howrah, la grande gare de Calcutta, je prends de plein fouet une douche d’énergie vitale qui finit de me réveiller. M’extraire de la foule bigarrée qui peuple le terminal ferroviaire est mon premier combat. Des silhouettes allongées ou assises tapissent le sol, et constituent autant d’obstacles. Chacun trace son chemin sans se préoccuper de ceux qui l’entourent, ni imaginer d’avoir à s’excuser. Les pieds des autres ne sont que des paillassons sur lesquels il est de bon ton de s’essuyer.
Obtenir ensuite un taxi n’est pas une mince affaire : échapper au piège des offres fantaisistes des chauffeurs amateurs, trouver la cahute des « prepaid taxi », obtenir le ticket sésame pour découvrir qu’il n’ouvre aucune porte car aucun taxi ne veut l’honorer, accepter alors l’offre d’un indépendant qui ne parait pas déraisonnable, et s’abandonner à l’inconfort d’une banquette arrière dont l’âge m’est inconnu, mais pour sûr avancé.
Le pont métallique, qui enjambe la rivière Hooghly, est tapissé du jaune des taxis. Quelques tâches grises, noires ou marron, surnagent comme autant d’erreurs et de malentendus. Conscientes de leur vulnérabilité et de l’incongruité de leur présence, voyageurs en terre étrangère et rapidement hostile, juste tolérées, elles se font discrètes, tentant de se faire oublier et glissant plutôt que de rouler. Les taxis, forts de leur supériorité numérique, insolents enfants se sachant en terre conquise, avancent ainsi que bon leur semble. Le code de la route, à supposer qu’il y en eut un, ne s’applique pas à eux. Les sens uniques sont au mieux des indications de tendance.
Une fois la rivière franchie, l’hémorragie jaune se poursuit. De temps en temps, émergent aléatoirement des policiers qui, au milieu des carrefours, tentent de réguler le flux compact, joyeux et aléatoire. D’aucuns multiplient des gestes, dessinant des courbes dans l’espace, selon un tempo et une forme propres, sans liens avec ceux du trafic. Ils ne sont que des chefs d’orchestre impuissants, face à des musiciens déterminés à jouer chacun le morceau qui leur plaît. D’autres plus lucides bougent avec parcimonie, voire presque pas du tout. Ils se contentent d’être là, virgules censées représenter l’autorité, en fait seulement symboles depuis longtemps dénués de toute puissance, des décorations ponctuant la jungle goudronnée de Calcutta.
Mon taxi fort de la légitimité tirée de sa caste d’appartenance, avance au hasard de ses initiatives. Selon son humeur, il va sur le côté droit ou gauche, accélère, freine ou s’arrête suivant un code qui n’appartient qu’à lui seul. Pour cela, il est muni d’une arme magique, le klaxon, dont il se sert sans relâche. Les autres font de même, et la route est une cacophonie, un opéra maudit.
Enfin parler de route est une expression bien emphatique pour désigner ce qui n’est plus que des îlots de macadam, tant elle a été dévorée par une lèpre endémique. Sous les morsures de la contagion, les trous n’y sont plus en formation, mais se sont creusés et multipliés. La chaussée présente un état de surface imprévisible sur lequel la voiture rebondit. À certains endroits, pris de bonnes intentions, les autorités locales entreprennent des travaux pour en améliorer le revêtement. Cependant, n’étant signalés par aucun panneau, et pouvant surgir à tout moment, ils sont autant de risques supplémentaires.

24 juil. 2015

DÉDOUBLEMENT

Sur les quais de Bordeaux
Une soirée pour parler, un matin pour marcher. Une conférence organisée, une promenade aléatoire. Entre les deux, une nuit en pivot.
Résonance entre la vapeur issue du miroir d’eau et le ciel chahuté de bleu et de gris. Entre les deux, emprisonnées entre ces deux nuages, les façades de pierre prennent une note surréaliste.
Je ne suis pas le seul à rester interdit face à ce spectacle inattendu. Un cycliste marque aussi un arrêt.
Mais pourquoi diable a-t-il donc deux bicyclettes ? Se dédouble-t-il donc lui aussi ?
Inquiet de cette contagion possible, je reprends ma marche.
Mais peut-être sans m’en rendre compte, me suis-je aussi dédoublé, et mon alter ego est, depuis lors, resté là-bas, figé dans une contemplation infinie et suspendue…

22 juil. 2015

NON AU CHANGEMENT, OUI À LA TRANSFORMATION

Grandir sans changer
Imaginez que vous demandiez à un couple qui a des enfants, s’il veut en changer, et en avoir de nouveaux. Même si parfois ils sont fatigués des tours que peut leur jouer leur progéniture, ils vont vous regarder avec des yeux effarés. Et pourtant ces enfants, qu’ils ne veulent surtout voir être changés, se transforment et grandissent sans cesse : chaque matin, ils sont légèrement différents, et des années plus tard, devenus adultes, ils ressembleront bien peu aux enfants qu’ils étaient. Ils sont toujours eux-mêmes, transformés mais pas changés.
Quand un dirigeant demande aux personnes dans l’entreprise de changer, il commet la même erreur : personne n’a ni envie, ni n’est prêt à changer… mais tout le monde est prêt à accepter de grandir et de se transformer.
D’ailleurs, contrairement à l’idée reçue, moins on change, mieux on se porte : la performance est dans la constance et la permanence, qui, seules, peuvent permettre de construire un avantage concurrentiel durable et réel. En effet l’excès de réactivité conduit au zapping et à la destruction de valeur : les nouveaux produits mettent du temps à s’installer sur un marché, et être connus par les clients ; une nouvelle organisation n’est pas mise en œuvre immédiatement, et, au départ, déstabilise les modes de fonctionnement ; un nouveau système d’information, même s’il est justifié, plus performant et mieux adapté, n’est ni correctement utilisé, ni compris du jour au lendemain…
La transformation est, elle, une adaptation lente et continue, respectueuse du temps et de l’histoire, et ne crée pas de ruptures. Elle forme et déforme, comme le flux d’un fleuve.

20 juil. 2015

SOUS-TRAITER LES CALCULS, MAIS PAS LA COMPRÉHENSION, L’EMPATHIE ET LA VISION

Comment piloter dans l'incertitude
Voici donc en résumé les qualités requises pour être un dirigeant capable de piloter par émergence :
- Savoir que, quels que soient ses efforts, ses décisions et ses actes seront conduits majoritairement par ses processus inconscients : il doit l’avoir intégré, et donc se méfier des situations où son expérience et son passé pourraient l’amener à avoir des intuitions fausses. Ceci l’amène à ne pas diriger une entreprise dans laquelle il n’a pas grandi, ou qui est trop éloignée de celle où il a travaillé.
- Avoir compris que l’incertitude n’est pas le témoin d’un déficit de connaissance ou une anomalie, mais le fruit du développement du monde, et croît inévitablement avec le vivant : s’il lutte contre l’incertitude, et pense la réduire par le contrôle et la prévision, il fait fausse route. Renforcer son entreprise, c’est l’accroître, tout en développant une capacité collective à en tirer parti.
- Savoir que les mots et le langage qu’il emploie, ne sont pas seulement ce avec quoi il communique, mais d’abord ce au travers de quoi il pense : parce que l’art du langage est celui de la précision, il prête attention aux mots qu’il utilise, et comment ils conditionnent sa pensée et la compréhension de ceux qui l’entourent. L’art des mots est plus important que celui de la règle de trois, car les calculs peuvent être sous-traités, la pensée non.
- Rechercher la confrontation comme moyen d’ajuster les interprétations : il sait que les points de vue de chacun dépendent de l’endroit où l’on se trouve et de sa propre expérience. Il est donc normal de ne pas être d’accord, c’est l’inverse qui est surprenant et preuve d’évitement.
- Inspirer confiance et la diffuser dans toute l’entreprise : sans confiance, il est impossible d’accepter l’incertitude et de développer une confrontation positive. C’est donc une de ses préoccupations majeures et un de ses objectifs quotidiens : comment accroître la confiance individuelle et collective au sein de son entreprise.
Bref il sait qu’il peut sous-traiter les calculs, mais pas la compréhension, l’empathie et la vision.