9 févr. 2009

LA CONFRONTATION, C'EST LA VIE !

Lors d’une conférence que je tenais la semaine dernière, j’ai été amené à repréciser l’importance de la confrontation. J’en ai déjà parlé à plusieurs reprises sur ce blog, mais il m’a paru dès lors souhaitable de refaire un peu une « synthèse » sur ce sujet.

Commençons d’abord par un passage tiré de mon livre Neuromanagement :
« Notre rationalité n’est pas absolue : elle est le résultat de notre interprétation, de notre analyse, de notre compréhension à partir de ce que nous savons du réel. Aussi la confrontation, il ne faut pas l’éviter, mais la rechercher : c’est la meilleure façon de se rapprocher encore un peu plus du réel. Le consensus doit être le résultat d’une confrontation, il ne doit pas être recherché a priori.
En effet tout désaccord n’est pas d’abord source de problèmes, mais surtout source d’enrichissements potentiels par confrontation des interprétations : avoir deux interprétations distinctes, c’est accroître les chances de mieux approcher le réel et de moins se tromper. Cette culture de la confrontation est moins confortable que celle de l’évitement, mais c’est le prix à payer pour rester connecté au réel et renforcer la probabilité de survie à long terme.
Je rappelle que, pour moi, conflit et confrontation sont deux notions différentes, même si, bien sûr, l’une peut conduire à l’autre : le conflit est un affrontement entre deux personnes ou systèmes qui, poursuivant des objectifs différents, rivalisent pour la conquête de la même chose, une idée ou un bien ; la confrontation oppose deux parties qui ont un objectif commun, comme, par exemple, la survie ou le développement de l’entreprise à laquelle ils appartiennent. Dans un conflit, on est face à face ; dans une confrontation, on est assis du même côté de la table et on fait face au problème qui est commun.
Le conflit, c’est un combat. La confrontation, c’est la recherche du réel.
Il faut pousser à la confrontation en interne : si deux personnes ne sont pas d’accord entre elles, il ne faut en aucun cas, par abandon d’un des points de vue ou en remontant directement pour arbitrage au niveau hiérarchique supérieur, éviter la discussion. Elles doivent analyser la divergence.
Noter que, souvent, lorsque quelqu’un a peur d’une confrontation, c’est qu’il n’est pas sûr de son propre raisonnement : la confrontation risque de montrer qu’il a tort ou l’obliger à communiquer les vraies raisons de son choix.
Attention, si l’une ou l’autre des parties perd de vue l’objectif commun, alors la confrontation va tourner au conflit.
Ceci implique qu’une Direction Générale doit toujours relier ce qu’elle demande à un des objectifs de survie et montrer que cela s’impose aussi à elle : elle est comme le reste de l’entreprise dans l’obligation de l’atteindre. Si elle veut que la mise en œuvre ne tourne pas au conflit, il est essentiel que le personnel ne pense pas qu’il faut faire ceci simplement pour lui faire plaisir. Je rappelle que l’expression « survie » s’entend au sens large en y incluant des objectifs positifs comme la croissance et le développement.
Si la Direction est capable de montrer effectivement que ce qu’elle demande est « indépendant » d’elle-même, et est lié à la situation de l’entreprise et du marché, elle peut alors susciter la confrontation pour enrichir sa décision. »

Vraiment toute cette thématique autour de la confrontation comme levier d’ajustement des interprétations est essentielle. Sans elle, les systèmes vont dériver : les ajustements internes ne vont plus se faire (voir « Se confronter en interne pour fiabiliser les décisions »), les informations venant du dehors ne sont plus intégrées et l’entreprise se déconnecte de son marché (voir « Se croire invulnérable tue ».)

En fait la confrontation fait partie de la vie, il en est le moteur de l’ajustement, et tout ceci peut se résumer en une phrase : sans confrontation, pas de vie !
Promouvoir une culture de confrontation est un des responsabilités premières d’un dirigeant (voir « La confrontation n’est pas naturelle »).
Comment faire ?
Ceci est, pour moi, tout sauf quelque chose de théorique. Au contraire, c’est très engageant, et singulièrement pour la Direction Générale qui doit être la première à appliquer ces principes. Quels sont-ils ?

J’en vois 5 majeures :
1. Avoir une organisation claire où chacun peut comprendre son rôle et celui des autres : Pour pouvoir me confronter positivement – c’est-à-dire sans partir vers le conflit ou l’évitement -, il faut que chacun ait une vue claire de ce que l’on attend de lui et la compréhension de celui des autres. Le mot compréhension est à prendre au sens fort, en incluant le respect de la compétence et du savoir-faire des autres.
2. Avoir un objectif commun partagé auquel chacun est capable de relier son objectif propre : Sans objectif commun, toute confrontation va tourner au conflit ; sans liaison entre l’objectif commun et l’objectif individuel, chacun risque de refuser la confrontation par peur de non atteinte de son objectif personnel.
3. Se confronter sur l’analyse et jamais sur les conclusions : Il faut remonter à ce qui a amené chacun à construire une interprétation différente, et ce en distinguant bien les faits des opinions (voir « Savoir distinguer les faits des opinions »).
4. Se refuser à arbitrer entre deux points de vue divergents si une confrontation préalable n’a pas été entrepris préalablement avant à leur niveau : Dans la plupart des cas, la confrontation permettra de faire émerger la solution (voir « La bonne solution n’est pas de demander à la Direction Générale de tirer à pile ou face ») et sinon, le problème remontera mais documenté et argumenté. La bonne solution n’est en effet jamais de passer le mistigri à l’échelon supérieur !
5. Ne pas considérer que l’accord a priori est normal et chercher la confrontation : S’interdire de prendre toute décision significative si il n’y a eu aucun débat interne réel. La plupart du temps, cela masque la non prise en compte d’une des dimensions du problème : il n’est pas normal que, sur un problème complexe, toutes parties soient immédiatement en phase (voir « C’est quand tout le monde est spontanément d’accord qu’il faut s’inquiéter », « C’est quand tout se passe bien qu’il faut s’inquiéter »).


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