La mémoire, le transport des armoires et internet (5)
Or sans mémoire, il n’y a ni identité, ni
personnalité, ni responsabilité. Comment me sentirais-je comptable de ce que
j’ai fait si je ne m’en souvenais pas ? Mais comme ma mémoire est changeante et
fluctuante, comme elle se déforme et se constitue sans cesse, comme elle est
aussi peu solide que ne le sont des sables mouvants, comment puis-je dire « je
» ?
De
plus, ce « je » conscient, ce « je » qui s’exprime et qui est capable de
revendiquer une identité, ce « je » qui sait qu’il est ici et qu’il était aussi
celui qui écrivait, il y a un an, ce « je » qui est connu et reconnu par ses
proches, ce « je » donc n’est que la partie émergée de mon cerveau. L’essentiel
de ce qui se passe en moi me reste inaccessible, et je suis pour toujours
largement mû par des processus inconscients. C’est ce que Jung appelait le Soi,
ce qui recouvre la totalité de ce que nous sommes et va bien au-delà du moi que
nous percevons.
Aussi,
où commence et finit mon identité ? Doit-elle s’arrêter au « je » conscient ?
Ou, puis-je être tenu pour responsable de tout ce que mon corps a fait, y
compris en cachette de ma volonté effective ? Vastes questions auxquelles je ne
sais pas personnellement, quelle réponse apporter. Quoi qu’il en soit nous
devons admettre ne connaître que la partie émergée de notre iceberg. Nous
sommes et serons toujours des inconnus pour nous-mêmes. Apprenons à vivre avec
ces terres inaccessibles qui nous habitent. Il n’y a pas d’autre issue.
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