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14 mai 2010

SAVOIR NE PAS PERDRE DE VUE LA MER VISÉE

______ Éditorial du vendredi ________________________________________________________________

Rappel du patchwork de la semaine :
- Lundi : Après une grossesse de 18 mois et un accouchement de 2 semaines, voilà mon livre qui émerge au milieu de dizaines de milliers de jeunes et moins jeunes anciens. A partir de maintenant, il va m'échapper pour devenir la propriété de ceux qui l'auront en main.
- Mardi : A sa création, moins de 25% des élèves de l'École des Pont et Chaussées étaient français. Est-ce que la force de la France n'est pas née de cette ouverture au monde ? Dans notre crainte de la mondialisation actuelle, ne sommes-nous pas en train de perdre de vue comment s'est forgée notre identité nationale ?
- Mercredi : Quand des enfants regardent plus de 3 heures par jour la télévision, leurs dessins deviennent squelettiques et bâclés. Quand les directions font de la stratégie entre deux urgences, leurs réflexions sont sommaires et superficielles…
- Jeudi : Repos pour cause d'ascension !

Décidément tout est affaire de rythme et de tempo : il est dangereux de passer des heures à réfléchir quand un immeuble est en train de brûler ; il est dangereux d'agir dans la précipitation quand il s'agit de le construire ou de le reconstruire.
Ajuster le temps que l'on alloue au sujet que l'on veut traiter et veiller, à l'instar de ces enfants drogués de télévision, de ne pas se laisser emporté par le zapping actuel.
Les bourses jouent au yoyo, les commentateurs enchaînent sans y prêter garde des analyses contradictoires, les politiques semblent avoir renoncé à maintenir un quelconque cap… Attention à ce que les dirigeants ne tombent pas eux-mêmes dans ce mouvement vibrionnaire : face à l'incertitude qui les entourent, un de leurs rôles essentiels est de ne pas perdre de vue la mer visée et de rappeler constamment, à tout un chacun, dans quelle direction elle se trouve…

12 mai 2010

À FORCE DE ZAPPER, ON NE SAIT PLUS PRENDRE LE TEMPS DE LA RÉFLEXION

Prendre son temps, est-ce perdre du temps ? (1)

Au cours d'une intervention récente(2), Thierry Gaudin s'est fait l'écho des résultats d'une étude entreprise dans le Bade-Wurtemberg. Cette étude compare les dessins faits par deux échantillons d'enfants, les uns regardant la télévision moins d'une heure par jour, les autres plus de trois heures par jour.

Jetez un coup d'œil à la photo ci-jointe, elle parle d'elle-même. C'est comme si le temps passé devant la télévision les avait convertis au zapping et que les enfants du 2ème groupe ne pouvaient plus consacrer du temps au dessin. Quelques traits suffisent bien, pourquoi s'embêter à rajouter des fioritures et à s'appliquer sur un contour ?

Quand je regarde ces dessins, ceci me rappelle ce que je constate aujourd'hui dans les entreprises : à l'instar des enfants drogués d'images, bon nombre de directions d'entreprises courent tellement d'un sujet à un autre, sautent d'une réunion dans un avion, que, quand il s'agit de dessiner une stratégie ou de dessiner une nouvelle organisation, elles ne savent plus faire que des esquisses sans corps et sans précision.

Or de la même façon qu'il faut s'asseoir pour dessiner, on ne peut pas réfléchir à long terme instantanément et dans l'immédiateté. Comme l'a écrit Jean-Louis Servan-Schreiber(3), « nous travaillons sans recul. Pour un canon, c'est un progrès. Pas pour un cerveau. » ! Attention à l'anorexie mentale...


(1) Cliquer pour voir tous mes articles relatifs au Temps

(2) Cliquer pour voir la vidéo de la présentation
(3) Le Nouvel art du temps

28 avr. 2010

LA CHAUX NE SUIT PAS LE RYTHME DU SHOW HABITUEL

"Chaux" time (2)

Je viens de passer une bonne partie de l'après-midi à reprendre à la chaux le mur Est du hangar de ma maison en Provence. En fait, j'ai commencé cela depuis quelques jours.

J'aime cette activité où l'on travaille à la fois sur l'apparence des choses – si le mélange de sables a été judicieusement fait, le mortier à la chaux se fond en une aquarelle qui vient souligner le contour des pierres –, et sur la solidité du mur – la chaux est d'abord là pour maintenir les pierres en place et les lier entre elles.

C'est aussi une matière naturelle que l'on mélange avec du sable et de l'eau. Du choix des sables dépendra l'apparence : comme un peintre joue de la palette de ses couleurs, je vais jouer de celle de mes sables. Plus ou moins fin, avec ou sans des particules colorées, jaune, blanc ou gris…

Ensuite la mise en œuvre d'un mortier à la chaux ne peut pas être accélérée, il faut en respecter les rythmes et les caprices.

D'abord l'application du mortier. A coups de truelle, on vient garnir les pierres de mortier. Au besoin, de ci de là, on met une pierre si le mur est trop dégarni. Puis environ une heure après, toujours avec la truelle, on écrase le mortier pour renforcer son adhérence et on enlève ce qui est en excès. On se sert aussi de ses doigts – un conseil : n'oubliez pas de porter des gants en caoutchouc si vous ne voulez pas voir votre peau disparaître au fur et à mesure que le mur se reconstruit. Un peu après – la durée n'est pas fixe. Elle est fonction de l'épaisseur de mortier mis et de la température extérieure. Il va falloir prendre le temps d'observer… –, avec une brosse métallique, on enlève tout le mortier qui recouvre les pierres et on creuse entre les pierres.

Rejointer un mur à la chaux est donc bien une activité qui joue sur l'apparence, mais qui sait dépasser l'immédiateté.

Un « chaux » time qui n'est plus un show-time.

J'ai comme l'impression que l'on devrait proposer des stages de mortier à la chaux à bon nombre de nos concitoyens…



(à suivre)

27 avr. 2010

NOUS VIBRONS COLLECTIVEMENT D’ÉMOTIONS INSTANTANÉES

"CHAUX" TIME (1)

Nous vivons de plus en plus dans un monde de l'immédiateté et de l'apparence :
- Comme j'ai déjà eu l'occasion de l'écrire à de multiples reprises, nous sommes dans l'instantanéité et nous avons un rapport maladif avec le temps. Nous avons peur de perdre du temps, alors que le temps est une des rares choses que l'on ne peut pas perdre (voir « Non, vous ne perdez jamais du temps ! »)
- Parallèlement, nous ne prenons plus le temps (eh oui, le temps est là à nouveau…) de réfléchir et de comprendre. Du coup, nous en restons aux apparences et à la surface des phénomènes. Nous ne sommes même plus victimes des modes, nous vivons au travers d'elles et grâce à elles.

Notre société devient ainsi un grand amplificateur des rumeurs, des opinions et des « on dit ». Mais comme nous sommes une société évoluée et sophistiquée, nous nous méfions des idées qui ne sont pas ni « scientifiquement » prouvées, ni « technologiquement » portées.
Mais si un modèle mathématique nous démontre que tel phénomène est en train de se produire, ou même risque de se produire…
Mais si Internet véhicule vers nous la nouvelle nouvelle, l'information brute sans intermédiaire ou le scoop venant de nulle part…


Alors tout le système média-politique s'emballe… et chacun d'entre nous le relaye sans problème.

Auparavant nous ne nous levions que pour faire des holàs dans des stades ; aujourd'hui le monde entier fait des holàs numériques.
Sans réfléchir, nous passons collectivement d'un tsunami thaïlandais à des cendres islandaises, d'une crise des subprimes au dernier incident amoureux de David Beckham. Nous nous émouvons d'un réchauffement climatique potentiellement à venir, tout en laissant mourir de faim ou du sida une partie de l'Afrique…

Je suis assis sur la terrasse de ma maison perdue dans la campagne provençale quand je tape ces lignes. Et j'ai dans les mains encore les traces de cette chaux que je viens d'appliquer au mur Est de mon hangar. 

« Chaux » time…

(à suivre)

16 avr. 2010

COMMENT SE DONNER LE TEMPS NÉCESSAIRE À LA TRANSFORMATION ET À LA CONFRONTATION ?

______ Éditorial du vendredi ________________________________________________________________

Rappel du patchwork de la semaine :
- Lundi : Parallèlement au passage au développement durable, il faut promouvoir le management durable, c'est-à-dire la meilleure prise en compte des effets dans la durée. En effet, la montée de l'incertitude et la pression croissante de la recherche de la rentabilité sont en train de promouvoir un management qui « consomme » les ressources disponibles de l'entreprise.
- Mardi : Dans les marchés de Delhi comme dans les 3J des Galeries Lafayette, la foule se presse. Plus de compétition et d'égoïsme de notre côté, plus d'effervescence et d'énergie de l'autre… 
- Mercredi : Ballade guidée par le philosophe Paul Virilio sur le temps et la vitesse. Depuis un siècle, le temps des machines est passé à la nanoseconde, celui de l'homme est resté le même et il y a un décalage entre la temporalité personnelle et celle de la société. Il est urgent de prendre le temps de repenser notre relation au temps et à la vitesse.
- Jeudi : Une entreprise est trop complexe, les points de vue trop multiples, les possibles trop nombreux pour qu'une seule personne puisse détenir la vérité et qu'il soit normal d'être immédiatement d'accord. Il faut promouvoir la confrontation pour approfondir la compréhension d'une situation et ajuster les points de vue.

Diriger dans la durée, repenser la vitesse et veiller à prendre en compte l'horloge humaine, accepter la partialité d'un point de vue et pousser à la confrontation, voilà bien trois thèmes majeurs pour le management dans l'incertitude.

Ce sont aussi, je crois, trois interpellations pour tous nos systèmes collectifs :
- Comment, comme je l'abordais dans mon éditorial de vendredi dernier, mettre de la stabilité dans nos systèmes politiques, alors qu'ils sont de plus en plus rythmés par la succession des échéances électorales ?
- Comment donner le temps aux hommes et aux femmes d'intégrer les transformations de notre monde pour ne pas se sentir balayés comme par un tsunami ?
- Comment faire des différences culturelles, religieuses ou raciales des opportunités d'enrichissements mutuels, au travers de confrontations et non pas de conflits ?

14 avr. 2010

IL Y A UNE DISSOCIATION ENTRE LE TEMPS HUMAIN ET LE TEMPS DE L’INFORMATIQUE

Le temps n'a pas de vitesse

En 2008, Stéphane Paoli a réalisé un documentaire centré sur le philosophe français, Paul Virilio. Ce film intitulé « Penser la Vitesse » est une réflexion riche sur le temps (diffusé sur Arte et disponible sur Arte Vidéo).

En voici, un patchwork :
« Un original, une œuvre d'art intègrent de la durée. Avec un clic de souris, on peut copier tout en numérique et l'envoyer au monde entier. (…) Il faut faire de sa vie un original, c'est-à-dire une œuvre d'art. » (Joël de Rosnay)
« Le temps n'a pas de vitesse. (…) Ceci sous-entendrait que le temps se déplace par rapport à lui-même. (…) Ce qui accélère, c'est ce qui se passe dans le temps et pas le temps lui-même. » (Etienne Klein, physicien CEA)

« La vitesse, c'est la violence suprême. Avec une main, on peut caresser ou gifler. » (Paul Virilio)
« Le monde virtuel, c'est le sixième continent. C'est un substitut à la patrie. C'est une colonie de substitution. » (Paul Virilio)    
« On a une synchronisation des émotions, une mondialisation des affects en temps réel. (…) Une communauté d'émotions remplace les communautés d'intérêts. » (Paul Virilio)
« On est au bord du monde la totalité. Il va falloir gérer le tragique de la situation. (…) Le 20ème siècle m'apparait vraiment obsolète. (…) C'est tragique, mais pas triste. » (Paul Virilio et Enki Bilal)
« Un optimiste, c'est un homme qui voit une chance derrière chaque calamité. » (Winston Churchill)

« Avec l'informatique, on est passé à la nanoseconde, la picoseconde. Ce sont des temps plus rapides que le temps humain. (…) Il y a une dissociation entre la perception et la vitesse des échanges : c'est très aliénant. » (Jeremy Rifkin, Foundation on Economic Trends), 
« Plus la vitesse s'accroît, plus l'impatience aussi. On a de moins en moins d'attention et de concentration, on zappe, car on est distrait par la quantité de l'information permanente, le bruit. (…) Notre cerveau n'est pas multitâche. (…) Nous sommes moins concentrés, moins attentifs, moins introspectifs, moins prospectifs, toutes qualités nécessaires pour affronter ce monde complexe. » (Jeremy Rifkin)
« On ne peut pas s'ajuster à la vitesse et à la densité des échanges. On prend des drogues pour essayer de se réadapter (car la drogue accélère ou ralentit notre référentiel temporel). Il y a un décalage entre la temporalité personnelle et celle de la société. » (Jeremy Rifkin)
« Dieu est si efficace qu'il peut exiger quelque chose, et que ça arrive sans aucune durée, sans que le temps s'écoule. Instantanément. (…) Le niveau suprême d'efficacité, c'est optimiser le rendement dans un laps de temps si court qu'il n'y a plus de durée. (…) Ainsi on est constamment en vie. » (Jeremy Rifkin)

12 avr. 2010

POUR LA MISE EN PLACE D’UN « MANAGEMENT DURABLE »

Est-ce que les décisions prises aujourd'hui contribuent à créer de la valeur à terme ?

Le concept de « développement durable » est venu envahir – à juste titre – envahir notre espace commun de réflexion… et un peu – malheureusement pas assez ! – d'action. Pour simplifier, il est né de la prise de conscience que nos actions immédiates allaient conduire à une catastrophe à terme.

Selon la définition fournie dans Wikipedia, « Le développement durable (traduction de Sustainable development) est une nouvelle conception de l'intérêt public, appliqué à la croissance économique et reconsidéré à l'échelle mondiale afin de prendre en compte les aspects écologiques généraux d'une planète globalisée. Selon la définition proposée en 1987 par la Commission mondiale sur l'environnement et le développement dans le Rapport Brundtland, le développement durable est : « un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion : le concept de « besoins », et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis à qui il convient d'accorder la plus grande priorité, et l'idée des limitations que l'état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l'environnement à répondre aux besoins actuels et à venir. »

Face à l'urgence de la crise écologique et sociale qui se manifeste désormais de manière mondialisée (changement climatique, raréfaction des ressources naturelles, écarts entre pays développés et pays en développement, perte drastique de biodiversité, croissance de la population mondiale, catastrophes naturelles et industrielles), le développement durable est une réponse de tous les acteurs (États, acteurs économiques, société civile) pour reconsidérer la croissance économique à l'échelle mondiale afin de prendre en compte les aspects environnementaux et sociaux du développement. »

Je crois que nous sommes un peu dans la même situation pour ce qui est du management des entreprises : plongé dans la montée de l'incertitude et la difficulté croissante d'anticiper, mis sous pression par la demande d'amélioration continue des résultats financiers, souvent de passage à la tête d'une entreprise dont il ne connait ni le passé, ni la culture, ni les hommes, le management est conduit de plus en plus à prendre des décisions qui ne contribuent plus vraiment à une création de valeur durable.

Il serait donc temps d'en appeler à la mise en place d'un « management durable » (ou sustainable management), c'est-à-dire une meilleure prise en compte des effets dans la durée.

Cette remarque qui est vraie pour les entreprises s'applique aussi plus globalement au système économique…

11 févr. 2010

QUAND LA SNCF FAIT LA PROMOTION DES ESCARGOTS !

L'écomobilité ou les voyageurs sans bagages

La SNCF a lancé récemment le concept de l'écomobilité. Volonté de surfer sur la vague écologique et d'en profiter pour mettre en avant la performance énergétique du train.
Je ne doute pas du bien-fondé de cette affirmation et de la nécessité de développer des transports collectifs (sans oublier le vélo !).
Je suis simplement amusé par cette expression « écomobilité ». Je n'ai lu aucune étude, mais je serais curieux de savoir ce que quelqu'un pris au hasard comprend à partir de cette expression et de l'affiche ci-jointe.
Je suis allé chercher sur internet une définition du mot. Voilà ce que j'ai trouvé :

"Qu'est ce que l'écomobilité ? C'est bouger écologique et équitable. C'est la suite du Grenelle et le commencement d'autre chose, c'est la nouvelle bataille de SNCF. (…) Un petit mot pour dire une grande cause : faire préférer le train à tout le monde. C'est la nouvelle bataille de SNCF. Et le triomphe de l'écomobilité profitera à tout le monde" (http://www.carte-regliss.fr/fr/votre-planete/sncf-et-leco-mobilite/ )
Beau concept donc…

Simplement, je ne peux pas m'empêcher de trouver un autre sens à ce mot : comme « éco » vient du mot maison en grec, je vois là la promotion de l'escargot, celui qui est voyage avec sa maison.
Clin d'œil involontaire vers le personnage de Georges Clooney dans « In the air » (voir mon article d'hier) qui, lui aussi, voyage avec sa maison réduite à un sac à dos.
Sur l'affiche de la SNCF, on voit en petit la mention « generation-ecomobile ». C'est peut-être bien de cela dont il s'agit : sommes-nous en train de devenir des voyageurs sans bagages, des itinérants sans histoire ? Avons-nous vraiment envie de redevenir des enfants regardant le monde réel défiler devant une glace ?

10 févr. 2010

QUAND GEORGES CLOONEY EST PRIS DE FOLIE VIBRIONNAIRE

De "What else" à "What's next" !

Autant dans la publicité pour Nespresso, Georges Clooney exprime le calme et la tranquillité, autant dans son dernier film « In the Air », il est la caricature du cadre courant sans arrêt d'un bout des États-Unis à l'autre.
Quand, pour Nespresso, il dit « What else », ce n'est pas pour changer. Bien au contraire, c'est pour exprimer qu'il a enfin trouvé ce qu'il cherchait. Plus de raison de changer, tout est parfait. Implicitement, il exprime aussi lui-même le choix parfait : Georges Clooney incarne un idéal masculin.

Dans « In the Air », à l'inverse, il est toujours entre deux avions, deux rendez-vous. Il n'envisage pas de s'arrêter même un instant, son appartement est vide et tout ce qu'il a tient dans sa valise. Son cadre de vie idéal, c'est la cabine d'un avion ou la chambre d'un hôtel.
Il a même théorisé son mode de vie et tient des conférences autour du sac à dos : êtes-vous capable de mettre tout ce à quoi vous tenez dans un sac à dos ? Si oui, vous êtes libre ; si non, vous avez des entraves. Lui, il n'a pas d'ami, pas d'amour, pas de possession. Rien. Donc il est libre.
Libre de bouger tout le temps, de courir toujours plus vite… mais pour rien. A chaque fois qu'il a obtenu quelque chose ou est arrivé quelque part, il dit « What else ? » et repart… In fine, il s'apercevra du vide de sa vie… mais trop tard.
Ce film est une métaphore de notre civilisation : je ne vois autour de moi que des gens qui courent sans cesse. Si, comme je l'ai déjà écrit souvent (voir la série d'articles autour du temps), c'était une preuve d'efficacité, nous vivrions dans un monde parfait !

Attention donc à ne pas nous tromper sur la réponse à apporter à « What else » : comprenons que c'est plus pour nous faire comprendre que le mouvement est souvent illusoire… Ne le remplaçons pas par "What's next" !

22 déc. 2009

S’ORGANISER SUR LE PIRE POUR N’AVOIR PLUS QUE DES BONNES NOUVELLES

Si je choisis un scénario médiant, une fois sur deux, j'aurai à faire face à un débordement

« Cela fait plus de quinze minutes que je t'attends, lui dis-je. On avait bien pourtant prévu de se retrouver à 11h, non ? Nous allons être en retard pour notre rendez-vous.
- Désolé, mais il y a eu plus d'embouteillages que je ne pensais, me répondit-il.
- Une question : combien de temps tu pensais mettre entre ton rendez-vous précédent et ici ?
- Trente minutes. Pourquoi me demandes-tu cela ?
- Tu vas voir. Et donc tu es parti à 10h30 ?
- Oui, puisque je pensais mettre trente minutes.
- Mais en fait, tu n'es pas vraiment sûr de mettre trente minutes. La preuve, tu es en retard… Comme d'habitude, d'ailleurs… Donc quand tu estimais le temps à trente minutes, tu penses que c'était plus ou moins combien de minutes.
- Je ne sais pas exactement. Je dirais quinze, vingt minutes.
- Donc si tu pars, trente minutes avant, tu as donc systématiquement une chance sur deux d'être en retard.
- Vu comme cela, oui.
- Donc à partir de maintenant, quand tu choisiras ton heure de départ, tu tiendras compte de l'incertitude : si tu penses que la durée d'un trajet est de trente minutes plus ou moins quinze minutes, tu pars quarante-cinq minutes avant ton rendez-vous. Comme cela, tu seras, sauf accident exceptionnel, sûr d'être à l'heure. Souvent tu seras en avance, mais tu ne feras plus porter le poids de l'incertitude sur les autres. Ce sera l'occasion de faire une dernière préparation de ton rendez-vous… »
Cette anecdote me vient d'une histoire réelle avec un collaborateur qui n'arrivait jamais à l'heure.

Comme lui, souvent, nous avons tendance à nous organiser sur un scénario médiant : aussi une fois sur deux, nous sommes pris de court, débordés par la situation. Ceci est vrai pour la gestion du temps, mais aussi pour la gestion de la trésorerie, l'organisation d'un projet complexe,… 
Pour garder la maîtrise du bon déroulement, il faut chercher à « mettre l'incertitude à l'intérieur » de son calcul, en s'organisant à partir de la pire des hypothèses. On n'aura ainsi plus qu'à gérer « des bonnes nouvelles ».
C'est plus facile, non ?

18 déc. 2009

POURQUOI NOTER DES RÉUNIONS AUXQUELLES ON N’IRA TRÈS PROBABLEMENT PAS

Comment classer ses rendez-vous en trois catégories

Ainsi que l'indique très justement Jean-Louis Servan-Schreiber dans « Le nouvel art du temps », si nous n'y prenons pas garde, nous n'avons aucun temps disponible pour réfléchir : au fur et à mesure des demandes de rendez-vous, l'agenda se remplit. In fine, il est plein, et, pour avoir du temps à nous, nous sommes alors contraints à soit arriver à sept heures du matin, soit repartir après vingt-et-une heures. Aussi suggérait-il de « régulièrement prendre rendez-vous avec nous-mêmes pour des plages au moins hebdomadaires ».

Mon métier de consultant reposant par construction sur le temps et ma capacité à l'optimiser constamment au mieux, j'ai développé une approche complémentaire. Elle consiste à classer tous les réunions en trois catégories :
  1. Celles où ma présence est absolument indispensable, c'est-à-dire que mon absence annule l'existence même du rendez-vous. Il peut s'agir de toutes les réunions à deux, mais aussi de celles où je suis le présentateur ou l'animateur sans possibilité de remplacement,
  2. Celles où ma présence est nécessaire (soit par la valeur ajoutée spécifique que je peux apporter, soit par l'importance du sujet traité et ses conséquences dans le futur), mais pas indispensable, c'est-à-dire que la réunion peut se tenir sans moi. Ce sont par exemple tous les comités de direction et de suivi (sauf si j'en suis le président ou le rapporteur sans remplaçant possible).
  3. Celles où ma présence n'a pas d'impact sur la réunion, mais dont je vais en retirer une plus-value personnelle. Ce sont bien sûr toutes les réunions d'information, mais aussi bon nombre de comités auxquels je peux participer sans être directement impliqué à l'ordre du jour.

    Quel est l'intérêt d'une telle classification ?
    D'abord, à noter qu'il n'y a pas une 4ème catégorie qui correspondrait au cas où je participe à une réunion pour laquelle ma présence n'a pas d'impact et dont je ne retirerais rien. A quoi bon y aller ? Donc, cela permet de « faire le ménage » dès la prise de rendez-vous : toujours refuser d'aller à ce type de réunion.
    Ensuite, le fait d'avoir hiérarchiser son agenda de cette façon va permettre de gérer les imprévus et de réallouer dynamiquement son temps, soit pour trouver de la place pour une réunion non planifiée, soit pour se dégager du temps pour soi-même.
    En effet, si vous appliquez cette typologie à votre agenda, vous verrez que vous avez très peu de réunions de type 1. Bon nombre des rendez-vous peuvent avoir lieu sans vous et donc de type 2. Même s'il faut chercher à « taper » en priorité dans les rendez-vous de type 3, seuls les rendez-vous de type 1 sont les points réellement durs : toute modification suppose une reprogrammation complète de la réunion.
    Pourquoi marquer ce type de réunions de type 3 sur son agenda, alors que la plupart du temps on n'ira pas ?
    D'abord parce que y aller reste une bonne idée, car c'est souvent au cours de ces moments-là que l'on peut élargir son champ de réflexion et acquérir de nouvelles informations. Comme on n'est pas en première ligne, on est naturellement plus disponible et plus ouvert.
    Ensuite, parce que c'est une autre façon de prendre rendez-vous avec vous-mêmes comme le recommande Jean-Louis Servan-Schreiber…

    17 déc. 2009

    « NOUS SOMMES DÉJÀ RÉUNIS DEPUIS 500 € »

    Plus on est nombreux, plus cela devrait aller vite…

    Je prolonge mon billet d'hier relatif au temps et la lecture du Nouvel Art du Temps de Jean-Louis Servan-Schreiber par une observation sur les réunions en entreprises.
    Compte-tenu de mon métier de consultant, j'ai eu l'occasion de participer ou assister à un très grand nombre de réunions.
    Il m'est venu, il y a quelques années, une idée « fantaisiste » pour améliorer le fonctionnement des réunions, suffisamment fantaisiste pour que je n'aie cherché jamais à le mettre en pratique, suffisamment logique pour que j'en parle ici.
    Quelle est-elle ? Classiquement, pour une réunion donnée, on fixe une date et une durée, et un certain nombre de participants. Au moment de monter la réunion, on va réfléchir à la durée en fonction de l'importance et de la difficulté du sujet à traiter. Mais à aucun moment, on ne va vraiment chercher à faire le lien entre cette durée et le nombre et la qualité des participants (sauf, bien sûr, à tenir compte de leur disponibilité). De même, on ne calcule que rarement, le coût de cette réunion.
    Or, plus il y aura de monde dans une réunion donnée, plus il y aura d'intelligence collective, et donc « normalement », plus la réunion devrait être efficace. Ce n'est malheureusement, la plupart du temps, pas le cas, car l'accroissement du nombre de participants va surtout de pair avec la multiplication des arguties et des polémiques internes. On peut donc avoir une situation paradoxale : accroissement du nombre de participants et donc du coût, et dégradation de la qualité de la réunion.
    Il m'est un jour venu alors l'idée suivante : plutôt que de prévoir une réunion disons d'une heure, pourquoi ne pas prévoir une réunion de « tant d'euros ». Il suffit parallèlement que chaque membre de l'entreprise ait un coût horaire (facile à calculer à partir du salaire, des charges sociales et des coûts administratifs directs). Ceci aurait déjà pour mérite de mettre en regard le coût de la réunion avec la valeur du sujet traité.
    De plus, on pourrait remplacer les horloges par des compteurs débitant des euros et, quand quelqu'un demande à participer ou soit convoqué, avoir son coût horaire chargé dans le système. Dès lors, plus il y aura de participants, moins la réunion devra durer longtemps. On pourrait donc en cours de réunion, au bout d'un moment, avoir quelqu'un qui dirait : « Nous sommes déjà réunis depuis 500 €, et il ne nous en reste plus que 1500. Il faut absolument que l'on avance. »
    Évidemment, comme la mise en œuvre d'une telle idée ne serait pas de nature à détendre l'ambiance en entreprise et à diminuer le stress, je ne la recommande pas telle qu'elle. Mais bien souvent, quand je suis dans des réunions surchargées et qui s'éternisent, je ne peux m'empêcher d'imaginer ce compteur monétaire en train de tourner…

    16 déc. 2009

    « NOUS SOMMES PLUS STRESSÉS QU’OBÈSES »

    Patchwork tiré du « Nouvel Art du temps » de Jean-Louis Servan-Schreiber

    « Le vocabulaire courant nous met sur de fausses pistes. « Gagner » ou « perdre » du temps n'a aucun sens. Nous disposons de la totalité du temps disponible, lequel est imperturbable et non modifiable. »
    « Ce n'est plus la lumière solaire, mais l'heure d'entrée et de sortie de l'usine qui rythme les journées. (…) Et comme l'ouvrier ne fabrique plus lui-même ses aliments ou ses vêtements, il doit s'adapter aux horaires d'ouverture de ceux qui vendent. Quand, enfin, beaucoup plus tard, les conquêtes sociales, lui permettent d'introduire des loisirs dans sa vie, il lui faut aussi être à l'heure pour le début su spectacle ou de l'émission de télé. »
    « Le Choix du moment : Notons que c'est l'écriture et non l'imprimerie qui a permis de décaler la naissance d'une idée de sa réception parmi nous. (…) Aujourd'hui, ce pouvoir de décalage entre production et usage s'est généralisé grâce à une prolifération des machines. Le congélateur, (…) le magnétoscope, (…) et toutes les messageries écrites ou parlées. »
    « Nous réfléchissons bien plus à l'emploi de notre argent, renouvelable, qu'à celui de notre temps, irremplaçable. »
    « Le grand morcellement de notre temps ne s'est propagé que depuis la Seconde Guerre mondiale. (…) Les déménagements, (…) les changements d'employeurs, ou même de métier, (…) les amours successives (…) A une vie courte aux temps peu nombreux, s'est substituée une vie longue aux temps multiples et mêlés. » 
    « Plus stressés qu'obèses : ulcères, crises cardiaques ou cancers naissent dans le sillage du stress, qui est au temps ce que l'obésité est à la nourriture. »
    « Nous travaillons sans recul. Pour un canon, c'est un progrès. Pas pour un cerveau. »

    15 déc. 2009

    « LES MONTAGNES S’ÉCOULENT DEVANT DIEU »

    On ne peut pas voir les effets à long terme au travers d'observations immédiates
    Quand nous regardons le monde qui nous entoure, nous distinguons des liquides et des solides. Effectivement, si je verse un liquide, il va immédiatement se répandre sur toute la surface du sol ; si je pose un solide, il restera là où je l'ai posé. Entre les deux, c'est le monde du visqueux ou du pâteux (pensez à du sirop, du ketchup ou un plastique chauffé).
    Certes… mais si je prolonge mon observation du solide, il va finir par lui-aussi « couler ». En fait, la différence entre solide et liquide est une question d'échelle de temps : un liquide coule immédiatement, un solide de façon différée (il flue). Ceci dépend du « nombre de Deborah » (en référence à la prophétesse Deborah qui, après la victoire de Baraq sur Sisera le Philistin, dit : « Les montagnes s'écoulent devant Dieu ») : ce nombre est le rapport entre le temps de relaxation de la matière suite à une déformation (le temps de relaxation est le temps de retour à l'équilibre et est une propriété intrinsèque de la matière) et le temps d'observation.

    Si mon temps d'observation est très inférieur au temps de relaxation, la matière m'apparaît comme solide. S'il est très supérieur, elle m'apparaît comme liquide (le temps de relaxation de l'eau est de 10-12 s). Entre les deux, elle va m'apparaître plus ou moins visqueuse ou pâteuse.

    Je ne peux m'empêcher de faire le lien avec l'entreprise, le management et la prise de décision.
    N'y a-t-il pas là aussi un lien entre le temps d'observation et ce que l'on observe ? Est-ce qu'à vouloir décider vite, on n'est pas condamné à des temps d'analyse et d'observation tellement courts, qu'ils nous trompent sur la réalité en nous masquant les effets à long terme ? Comment peut-on créer de la valeur dans la durée si l'on ne tient pas compte de ces effets à long terme ?
    Faisons attention à cette culture du zapping et de la plus-value à court terme. En management, il n'y a pas besoin d'invoquer Dieu pour voir les montagnes couler, il suffit souvent d'attendre un peu… 

    9 nov. 2009

    UNE AGENCE DE DESIGN QUI FERME UNE ANNÉE TOUS LES SEPT !

    Savoir garder 15% du temps pour l'improvisation



    Stefan Sagmeister est à la tête d'une fameuse agence de design à New York (http://www.sagmeister.com/sagmeister.html). Il présente une caractéristique étonnante : tous les sept ans, il ferme son agence pendant un an. Une année sabbatique pour tout le monde. Les clients sont prévenus, inutile d'appeler, personne ne répondra.
    Dans la vidéo ci-dessous, Stefan Sagmeister explique que, grâce à cet arrêt, il régénère les idées de son agence, trouve de nouvelles initiatives, fait le vide. Résultat : plus forte créativité, plus forte croissance, meilleure rentabilité. Ainsi en acceptant de « perdre » une année toutes les sept, soit environ 15% de son temps, il est plus performant.

    On retrouve le temps que se gardent des entreprises comme 3M ou Google pour la créativité personnelle et l'initiative non programmée.

    Savoir garder du flou et des ressources – en temps comme en argent – non affectée est essentiel pour l'innovation et la capacité à faire face à l'imprévu.


    7 oct. 2009

    A LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU

    Nous sommes malades du temps (3)

    Ce futur est donc mis en équation, modélisé dans des tableurs, vendu et revendu n fois à la bourse et entre financiers.
    Or, c'est en fait l'incertitude qui domine, et rien n'advient comme cela a été prévu et vendu. Aussi, court-on encore plus vite pour essayer de faire coller le présent réel au présent tel qu'imaginé. 
    Sinon, c'est le crash ! La crise actuelle est un peu comme un trou noir de notre espace-temps économique, comme une déchirure par laquelle s'enfuient nos espérances.
    Il est donc urgent et indispensable de repenser notre relation au temps et là aussi de lâcher-prise et d'apprendre à ne pas nous laisser emporter par cette folie collective : non, un salon de coiffure ne va pas fermer s'il manque une innovation.

    Tout ceci est symbolisé par l'expression « perdre du temps ». Partout autour de moi, je n'entends que cela : « Il ne faut pas que je perde mon temps », « Tu me fais perdre mon temps », « Quelle perte de temps », « Je reviens de cette réunion et j'y ai perdu mon temps »… Cette expression est sur toutes les lèvres et, au bestseller des lieux communs, elle est probablement dans le peloton de tête.
    Or s'il y a une chose de sûr, c'est que le temps est une des rares choses que l'on ne peut pas perdre : vous pouvez perdre votre stylo, votre sac, l'idée que vous avez eu tout à l'heure ou même votre vie, mais votre temps non ! Pas besoin d'écrire là où on l'a rangé pour le retrouver, inutile de le mettre dans un coffre-fort pour que l'on ne vous le dérobe pas, pas de crainte à avoir en cas de cambriolage : il sera toujours là !
    Proust est bien parti à sa recherche, mais il visait là le temps passé, le temps révolu, celui dans lequel nous nous noyons comme dans un brouillard. Il est allé fouiller les arcanes de ses souvenirs jusqu'à retrouver ce temps perdu.
    Aujourd'hui, quand on parle de temps perdu, on parle de temps présent. 
    Notre société est malade de « présentisme » : elle ne pense plus que dans l'instantané, dans l'immédiat, dans l'urgence. Mais est-ce encore de la pensée ? 
    Si au moins, c'était de l'action, mais non : si l'on entend par action, capacité à entreprendre quelque chose, je crois que le plus souvent, ce n'est pas non plus de l'action, mais juste de l'agitation, de l'effervescence, de la dispersion. Les gens qui courent pensent qu'ils gagnent du temps. Mais pendant qu'ils courent, que font-ils d'autres que courir ? 


    On ne gagne pas de temps, on ne perd pas de temps, on fait une chose ou une autre.
    Quand je choisis de me déplacer plus lentement, comme je n'ai pas besoin de consacrer mon attention à mon déplacement, je peux profiter de ce temps pour lire, discuter ou simplement réfléchir. Qui gagne du temps ? Celui qui court ?

    6 oct. 2009

    NOUS VOULONS COMPRIMER LE TEMPS COMME NOUS AVONS COMPRIMÉ L’ESPACE


    Nous sommes malades du temps(2)

    J'en arrive à penser qu'après avoir comprimé l'espace, nous n'acceptons pas de ne pas réussir à comprimer le temps.
    Depuis deux siècles, les distances physiques ont été progressivement presque supprimées. Avec la découverte de l'énergie et du moteur à explosion, l'espace physique s'est progressivement contracté. Il n'y a pas si longtemps, quitter son village était le début de l'exil, et on mourrait à une encablure de là où on était né.
    Tout voyage était une aventure ; changer de continent, une exception. Aujourd'hui le transport aérien, les trains à grande vitesse et les infrastructures routières ont tout bouleversé. On ne parle plus en kilomètres mais en temps : Lyon n'est plus à 450 km de Paris, mais à deux heures. Ambivalence entre espace et temps…
    Depuis vingt ans, et surtout depuis dix ans, les technologies de l'information sont venues dynamiter l'espace : les kilomètres n'existent plus et je peux parler à mon voisin numérique sans même savoir où il est.
    D'ailleurs, la première question posée au téléphone est maintenant : « Tu es où ? ». L'espace physique s'est comme effondré sur lui-même, comme si nous n'occupions tous plus qu'un seul point, un seul lieu.

    Inutile de demander à son correspondant : « Tu es quand ? », car tout se passe en direct. Avant, sur une lettre, il fallait spécifier la date à laquelle elle avait été écrite. Aujourd'hui l'écrit voyage à la vitesse de la lumière. Non seulement, l'espace n'existe plus, mais nous sommes tous synchrones.

    A cet effondrement de la distance, à cette synchronicité de la communication, répond en écho une demande de voir le temps s'accélérer : nous supportons de moins en moins d'attendre ; nous acceptons de moins en moins que ce qui est immédiatement accessible virtuellement ne le soit pas physiquement ; nous confondons agitation et mouvement réel.
    Cette évolution, je la constate tous les jours dans les entreprises. Plus elles deviennent globales (c'est-à-dire plus l'espace physique s'effondre et tend à devenir un point), plus elles ont ce rapport maladif au temps : tout est urgent ; toute personne qui ne court pas et n'est pas débordée est suspecte ; même en réunion, on doit lire ses mails et y répondre ; seul le présent et le court terme comptent…
    C'est bien simple, alors que, jusqu'à ces dernières années, une grande partie de mon métier de consultant était de chercher à accélérer les processus et les changements, il est maintenant de chercher à les ralentir et à faire prendre conscience de l'inutilité de cette agitation !
    Et ce n'est pas prêt de s'améliorer avec tous les produits financiers qui visent à tout anticiper et à contracter encore davantage l'espace-temps : du prêt simple aux produits d'arbitrage ; des bourses d'actions aux marchés de « future »… Nous voulons tout, tout de suite. 
    Nous rêvons d'un temps construit à l'avance et qui ne serait que le déroulé de nos anticipations. Nous avons bien réussi à remodeler l'espace physique à coup d'autoroutes, d'aéroports et de fibre optique. Alors pourquoi pas le temps ?
    (à suivre)

    5 oct. 2009

    ON CONFOND AGITATION ET PERFORMANCE

    Nous sommes malades du temps (1)

    « Vous comprenez, je suis obligé de courir de plus en plus, me disait-il en me coupant les cheveux. Tout va tellement vite. Si je manque une innovation, je vais perdre tous mes clients et je n'aurai plus qu'à fermer mon salon »
    Je l'ai regardé interloqué : pensait-il vraiment ce qu'il était en train de me dire ? Oui visiblement, il pensait que, si son salon n'était plus à la pointe de la nouveauté, ses clients ne viendraient plus. Or il ne s'agissait pas d'un salon de haute coiffure ou extrêmement pointu. Non, c'était un salon plutôt mode, mais « normal », à proximité de la Bastille.
    J'ai essayé de lui expliquer que je ne pensais pas que manquer une innovation était pour lui à ce point si critique (de quelle innovation parlions-nous d'ailleurs ? Un shampooing de plus ? Une nouvelle coloration ? Un ciseau révolutionnaire ?). Prenant mon cas en exemple, je lui indiquais que je venais simplement à cause de la qualité de l'accueil et de la coupe, et pas d'une innovation quelconque.
    Il me fut impossible de le convaincre. Décidément, si même le propriétaire d'un salon de coiffure a peur que tout s'effondre aussi vite, nous sommes bien tous malades du temps.

    Malades du temps. Partout, tout autour de moi, je ne vois que des gens en train de courir. Les directions enchaînent plan d'action sur plan d'action, et ne voit pas qu'à force de mouvement brownien, elles ne bougent pas et que rien ne se transforme : elles sont comme ces athlètes qui courent de plus en plus vite sur le stade, et passent de plus en vite au même endroit, elles tournent en rond. 
    Cette agitation ne concerne pas que les directions, mais s'est propagée à l'intérieur des entreprises : partout, on sent une activité trépidante. Pas un bureau vide, pas une tête songeuse, personne ne traine devant la machine à café. Dès que l'on marche dans un couloir, on est bousculé par des gens qui courent en tous sens, les bras chargés de dossiers. En réunion, chacun a son blackberry et répond immédiatement au moindre message. Dès 8 heures le matin, l'effervescence commence et elle va durer jusqu'à 20 heures, voire au-delà.
    Si agitation rimait avec efficacité, toutes les entreprises seraient performantes. Or souvent cette agitation rime avec moindre réactivité réelle, moindre compréhension de ce qui se passe, moindre rentabilité. Confusion entre activité et performance, agitation et progression…


    La crise actuelle n'arrange rien, bien au contraire. Au lieu de se rendre compte que c'est parce que l'on a trop couru que l'on n'a pas vu les signes annonçant la crise, on court encore davantage. Le stress et la crainte pour la survie ne sont pas toujours de bons conseillers : la peur de mal faire et d'être distancé déclenchent des réflexes issus de nos cerveaux reptiliens.
    Dernièrement, j'ai entendu à la radio une journaliste vedette, un de ceux qui enchaînent émission sur émission, dire : « Entre mon rôle de rédacteur en chef de mon journal et éditorialiste, et toutes les émissions auxquelles je participe, c'est bien simple, je n'ai plus cinq minutes de libre pour m'arrêter ». Il disait cela comme la preuve de sa performance et de son importance. Son interlocuteur en sembla d'ailleurs impressionné. En moi-même, je pensais : « Mais quand réfléchit-il ? Comment peut-il vraiment faire son métier d'éditorialiste et de journaliste en courant tout le temps de la sorte ? ».
    (à suivre)

    29 juin 2009

    APPRENEZ À BRACONNER DU TEMPS « LIBRE »

    Cacher du temps comme on cache des réserves de budget…

    A l'issue de ma conférence faite en mai autour du « Lâcher-prise » (voir Lâcher-prise pour manager), une personne – une femme, cadre supérieur dans un grand groupe – qui avait assisté vint me demander :

    « Vous avez dit tout à l'heure qu'il fallait avoir une partie de temps non finalisé si l'on veut innover, si l'on veut arriver à faire le vide. Je suis d'accord avec vous, mais ce n'est pas compatible avec la pression mise par la Direction Générale. Comment faire ?

    - Tout d'abord, c'est pour cette raison que je travaille auprès des Directions Générales pour leur faire prendre conscience du danger de la pression permanente actuelle et de la confusion faite entre efficacité et occupation. Mais quelle solution dans votre cas, car vous n'allez pas attendre que votre Direction Générale ait changé ?

    Ma recommandation est la suivante. Je crois qu'il faut procéder avec le temps comme avec la prévision budgétaire. Vous savez comme moi que tout responsable d'une unité – filiale ou département – « cache » des réserves au moment de la négociation budgétaire. C'est ce qui va lui permettre de faire face à des imprévus et de lisser ses résultats. La Direction générale le sait – tout Directeur général a été Directeur de filiale ou de département… - et le tolère, car c'est une souplesse nécessaire au bon fonctionnement de l'ensemble. Ceci, bien sûr, à condition que cela reste dans des proportions limitées et que cela ne soit pas un détournement de fonds.

    Eh bien, je crois qu'il faut faire pareil avec votre temps. « Cachez » du temps pour en avoir de libre et non affecté. Comme pour le budget, faites-le dans des proportions raisonnables. Vous en serez d'autant plus innovatrices et moins sensibles aux modes et humeurs… et la Direction Générale vous en saura gré, même si elle ne sait pas comment vous avez réellement fait. »

    Ces espaces de liberté, de braconnage sont nécessaires au bon fonctionnement des entreprises.

    Comme l'écrit Edgar Morin dans Introduction à la pensée complexe : « Finalement, les réseaux informels, les résistances collaboratrices, les autonomies, les désordres sont des ingrédients nécessaires à la vitalité des entreprises. »

    11 juin 2009

    LE TEMPS EST-IL UNE DIMENSION QU’IL FAUT FINIR DE DÉTRUIRE ?

    Je veux tout, tout de suite
    Depuis Einstein, nous avons appris que la séparation entre l'espace et le temps n'était pas si nette : L'un « communique » avec l'autre ; l'espace-temps se courbe ; plus je me rapproche de la vitesse de lumière, plus le temps ralentit ; pour un photon, le temps est arrêté (voir « A quoi pense un photon du big-bang qui voyage hors du temps ? ») …

    Avec la théorie des cordes, tout est devenu encore plus compliqué : il y aurait 7 dimensions cachées (voir « Les sept dimensions cachées de notre univers ») ; au moment du big-bang, les 4 dimensions de notre univers – les 3 spatiales et la temporelle – se seraient déroulées ; rien ne dit que nos 4 dimensions ne soient pas enroulées avec un rayon de courbure immense…

    Troublant et perturbant à penser au quotidien, non ?

    Apparemment, aucun lien avec notre vie quotidienne et avec le management des entreprises.

    Oui, bien sûr. Quoique…

    Depuis la découverte de l'énergie et du moteur à explosion, l'espace physique s'est progressivement comme contracté. Il n'y a pas si longtemps, quitter son village était le début de l'exil, et on mourrait à une encablure de là où on était né. Tout voyage était une aventure ; changer de continent, une exception. Aujourd'hui les développements du transport aérien, des trains à grande vitesse et des infrastructures routières ont tout bouleversé. On ne parle plus en kilomètres mais en temps : Lyon n'est plus à 450 km de Paris, mais à deux heures (voir la carte ci-jointe). Tiens, on retrouve cette ambivalence entre espace et temps…

    Depuis 20 ans, et surtout depuis 10 ans, les technologies de l'information sont venues dynamiter l'espace et supprimer les distances : les kilomètres n'existent plus ; je peux parler à mon « voisin numérique » sans même savoir où il est – d'ailleurs la première question posée au téléphone est maintenant : « Tu es où ? » –. L'espace physique s'est comme effondré sur lui-même, comme si nous n'occupions tous plus qu'un seul point, un seul lieu. Nous sommes tous synchrones. Inutile de demander à son correspondant : « Tu es quand ? », car tout se passe en direct. Avant, sur une lettre, il fallait spécifier la date à laquelle elle avait été écrite.

    A cet effondrement de la distance, à cette synchronicité de la communication, répond en écho une demande de voir le temps s'accélérer : nous supportons de moins en moins d'attendre ; nous acceptons de moins en moins que ce qui est immédiatement accessible virtuellement ne le soit pas physiquement ; nous confondons agitation et mouvement réel.

    Cette évolution, je la constate tous les jours dans les entreprises. Plus elles deviennent globales – c'est-à-dire plus l'espace physique s'effondre et tend à devenir un point –, plus elles ont un rapport « maladif » au temps: tout est urgent ; toute personne qui ne court pas et n'est pas débordée est suspecte (voir « Si agitation rimait avec efficacité, toutes les entreprises seraient performantes ») ; même en réunion, on doit lire ses mails et y répondre ; seul le présent et le court terme comptent…

    C'est bien simple, alors que, jusqu'à ces dernières années, une grande partie de mon métier de consultant était de chercher à accélérer les processus et les changements, il est maintenant de chercher à les ralentir et à faire prendre conscience de l'inutilité de cette agitation (voir « Courir en rond sur un stade ne fait pas vraiment avancer un sujet ! ») !

    Et ce n'est pas prêt de s'améliorer quand je vois se développer tous les produits financiers qui visent à tout anticiper et à contracter encore davantage l'espace-temps : du prêt simple aux produits d'arbitrage ; des bourses d'actions aux marchés de « futures »… Nous voulons tout, tout de suite.

    Finalement le déroulement réel du temps se doit d'être tel qu'il a été prévu et vendu à de multiples reprises : sinon, c'est le crash !

    La crise actuelle est un peu comme un trou noir de notre espace-temps économique, comme une déchirure par laquelle s'enfuient nos espérances.

    Nous rêvons d'un temps construit à l'avance et qui ne serait que le déroulé de nos anticipations. Nous avons bien réussi à remodeler l'espace physique à coup d'autoroutes, d'aéroports et de fibre optique. Alors pourquoi pas le temps ?

    Finalement, Einstein et tous les théoriciens des cordes avaient encore plus raison qu'ils ne l'imaginaient : le temps est une dimension qu'il faut finir de détruire !

    Mais est-ce le meilleur des mondes ?