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1 avr. 2016

DISJOINTS

Moments volés
Nous ne voyons que lui, un peu de corde et beaucoup de bleu,
Son regard est au loin, ailleurs, tourné vers ce qui nous échappe.
Nous ne savons rien de ce qui le préoccupe, il ne sait rien de nous qui le regardons,
Incompréhensions, parallèles, disjonctions temporelles et spatiales.
Nous sommes les voyeurs de lui qui agit,
Lui est l’acteur d’un théâtre involontaire.
Logique de ces moments volés à coup de pixels numériques,
Logique de ces mondes qui ne font que se frôler.
(montage de photos prises en Inde, à Varkala en janvier 2014)

4 mars 2016

LES GARDIENS DES TOURS

Une veille inutile












Leurs regards interpellent les passants,
Leurs tailles dissuadent toute agression.
Avec eux, les tours n’ont rien à craindre.
Qui irait prendre le risque de les affronter ?
Mais la faille est dans leur dos,
Mais le pire va advenir.
Trop confiants, ils ne regardent que devant,
Trop arrogants, ils n’imaginent rien.
Or le sol se dérobe,
Or plus rien ne sera comme avant.
Déjà une tour penche, 
Bientôt elle tombera.
Leur force n’y pourra rien,
Leur fierté les empêchera.
Demain, ils seront balayés,
Demain, il n’y aura plus rien.
(montage de photos prises dans le parc Rizal à Manille en août 2013)

19 févr. 2016

ATTENTE

Le désert des Tartares à Bombay
L’un regarde, l’autre non,
L’un debout, l’autre avachi.
Les deux attendent.
Quel but pour ce temps suspendu, 
Quête ou contemplation ?
Allez savoir.
Des verticales scandent l’horizon,
La mer est calme.
Que pourrait-il advenir là ?
Pourquoi imaginer un lien,
Entre ce qui n’en a pas ?
Simple juxtaposition aléatoire.
L’un regarde, l’autre non,
L’un debout, l’autre avachi,
Les deux attendent.
(photos prises à Bombay sur Marine Drive en juillet 2012)

12 févr. 2016

INDE 3.0

Ordres et désordres
L’Inde est au cœur de tensions entre ordres et désordres, télescopage entre ceux très nombreux qui vivent dans une extrême pauvreté et d’autres qui inventent le numérique de demain, entre la rigidité toujours présente des castes et l’horizontalité du 3.0.
Étonnante terre de contrastes que j’aime et qui me fascine, où je me suis laissé perdre à de multiples occasions et pendant de nombreuses semaines ces dernières années.
La photo ci-jointe a été prise fin août 2010 sur le pont qui enjambe la rivière Hooghly entre la gare d’Howrah et le centre de  Calcutta. 
Juxtaposition entre les lignes définies et précises de l’architecture de métal et le chaos du flux des voitures.
L’or du haut est l’écho du jaune des taxis, la lumière est le liant entre les deux mondes, métaphore de l’information et des échanges…

15 janv. 2016

MÉKONG ET PROUST, UNE RENCONTRE IMPROBABLE

Savoir se laisser perdre pour se donner la chance de la découverte

Le Mékong coule à la vitesse des mots de Proust. Résonance magique entre ce lieu immobile et le temps suspendu. Voilà deux heures que je suis assis sur cette terrasse, seul à déguster cet instant privilégié. Les pages se tournent aussi lentement que l'eau se déplace. Parfois une barque vient glisser lentement. Parfois la duchesse de Guermantes se laisse aller à une confidence. Parfois un paysan vient retourner un lambeau de terre. Parfois un événement inattendu survient au détour d'une réception mondaine.
Synchronicité étrange entre le parisianisme de « A la recherche du temps perdu » et la beauté brute de ce paysage asiatique.

A une heure de là, c'est le « triangle d'or » avec sa noria de cars et de touristes. C'est ce triangle que j'ai quitté – ou plutôt fui – dans la matinée : j'ai laissé la voiture choisir pour moi. Ne pas réfléchir, sentir les lieux, tourner à gauche pour être au plus près du Mékong, regarder distraitement les paysans couper le blé à la main, maudire un peu l'état de la route.
Apercevoir enfin ce lieu étonnant : quelques huttes de bois suspendues au bord du fleuve, une terrasse…
Heureusement que je me suis laissé perdre dans la campagne nord-thaïlandaise. Heureusement que je me suis écarté des rendez-vous programmés. Heureusement que je n'ai lu aucun guide, demandé aucun conseil.

Ce lieu n'existe encore pour personne. Il n'est référencé nulle part. Comme un espace entre parenthèses. Un espace perdu. Un espace dessiné pour recevoir la prose proustienne.
C'était en août 2007. Les photos ci-jointes vous en donnent une idée …
Savoir lâcher prise pour découvrir. Savoir faire le vide pour se donner la chance de faire des rencontres. Savoir n'écouter personne pour écouter la vie.
Savoir « partir à la recherche du temps perdu » pour se trouver et faire le plein d'idées et d'émotions…

(Je suis retourné dans cet hôtel en 2009 et 2011, cette fois en prenant le temps d'y séjourner. Une étape que je recommande chaudement ! L'adresse exacte est : Rai Saeng Arun : 2 Moo 3 Baan Pakhub, Tambon Rimkong, Chiangkhong, Chiangrai 57140 et le site web pour les réservations est http://www.raisaengarun.com)

18 déc. 2015

UN CIMETIÈRE MARIN EN GASPÉSIE

A Cap Chat
Étrange cimetière découvert au hasard de mes pérégrinations en Gaspésie.
Sur un de ses côtés, la mer avec en contrepoint des bateaux qui, arrachés au flot, surélevés par des cales, sont autant de cadavres en attente d’une résurrection à venir… peut-être.
De l’autre, juché en haut d’un talus, une église surveille la dernière demeure de ceux qui ont dû jadis hanter ses bancs. 
En haut, un ciel chargé de gris qui, sans menacer d’un orage imminent, s’est habillé de la tristesse qui sied aux lieux.
En bas, une pelouse dont la qualité relève de celle d’un parcours de golf, à imaginer un joueur macabre qui jouerait de tombe en tombe.
Un peu partout des verticales peuplées de croix, d’anges et de statues qui miment les absents enfouis dans le sol. 
Il ne manque que des bancs pour permettre au passant de s’abandonner à la beauté mélancolique dégagée par l’ensemble… 
(Cap Chat, Québec, août 2014)

Mon blog va passer en pause jusqu'à début janvier. 
Intermède dû aux fêtes de fin d'année et aussi à la préparation de la parution de mon nouveau livre qui est programmée pour janvier. 
Je vous donnerai plus de détails sur son contenu en début d'année prochaine !

11 déc. 2015

RÊVERIE

Faire le vide
S’asseoir et regarder.
Ou plutôt non, s’asseoir pour ne pas regarder. 
Juste être là, sans penser, ou du moins en essayant de ne pas penser. Juste ressentir ce qui est devant, de l’eau, des plantes, du bleu, du vert, du blanc. Mais non il n’y a ni eau, ni plantes, ni bleu, ni vert, ni blanc. Rien que de la matière brute.
Ou plutôt non, s’asseoir et ne pas regarder.
Il n’y a pas de « pour ». Être assis sans raison et sans but. Oublier le passé et le futur. Sortir du temps et n’être que dans un présent sans trajectoire. Sans histoire, sans préjugé, sans finalité. Ne plus rien savoir.
Ou plutôt non, ne pas être assis.
Il n’y a pas de banc et je n’ai pas de corps. La frontière entre le dehors et le dedans n’existe pas pour les molécules qui me transpercent. N’être plus qu’une portion du tout. Un morceau qui se trompe en se pensant.
(Rêverie vécue au Domaine Pine Grove dans le Nord du Québec en août 2014)

4 déc. 2015

FLASH BACK

Plaisir d’enfant
A Calcutta, à l’extrémité du Maïdan, la version locale et aplatie de Central Park, la reine Victoria trône. Déesse coloniale, elle surveille la foule des promeneurs, des sportifs, et des chevaux. Est-ce à cause de sa stature imposante et austère, que le calme règne ici ? L’effervescence et le désordre indiens s’effacent-ils à sa vue ?
Je m’engage dans une allée pour rejoindre un chemin de terre qui serpente entre des bosquets. Là, tapie dans l’ombre, à moitié cachée par une branche qui s’incline sur elle, dort une poupée de chiffon. Innocente, érodée par les pluies qu’elle a dû endurer, elle git. A qui a-t-elle bien pu appartenir ? Où est l’enfant qui l’a perdue ? 
Je viens de retrouver un doudou perdu. Pour un peu, je sucerais bien mon pouce, assis par terre, en la berçant dans mes bras. Et pourquoi pas après tout ? 
Je me laisse glisser sur le sol et pose ma main délicatement sur elle. Attention à ne pas appuyer : le coton est tellement usé que mes doigts passeraient au travers. Presque transparent. Sous ce voile, elle est nue. Si douce, si fragile. 
Je la prends, la dépose sur mes genoux et m’appuie contre le tronc d'un arbre voisin. L’endroit est calme et paisible, suffisamment reculé pour que les passants ne s’y aventurent pas. C’est d’ailleurs sans doute pour cela que la poupée est encore là. Je la caresse lentement, et ferme les yeux. 
Plaisir mélancolique et inattendu de retrouver des bribes de mon enfance.

27 nov. 2015

LIBRES ET SAUVAGES

Histoire de chiens
Chez nous, les chiens sont rangés, parqués, lissés. Pas des hommes bien sûr, mais plus vraiment des bêtes. Tellement loin des loups. Ils font partie de la famille, partent en vacances avec nous ou dans une colonie estivale, ont leurs produits diététiques et cosmétiques, leurs cliniques vétérinaires. Ils sont ordonnés. Pas de pagaille, pas d’aléas. Ils ne vont chercher la balle que si nous leur lançons, et ne la ramène qu’à celui qui l’a envoyée. Il ne manquerait plus qu’ils prennent l’initiative. Il n’y a que dans le sketch de Raymond Devos que le chien est le maître. Mais il faut dire qu’il parle. Alors…
Bref, nos chiens sont pris en charge. Et il y a une chose qu’ils ne font pas, c’est être ensemble : ai-je déjà vu un groupe de chiens sillonner les rues d’une quelconque ville ? Comme une bande de copains partis en goguette. Non. Ou dans un parc, un chien demander à son maître d’aller jouer un moment avec un camarade rencontré opinément ? Non plus. Snoopy, à part Charlie Brown et ses amis, n’a pour compagnon qu’un oiseau. Nos chiens vivent séparément les uns des autres, chacun dans sa niche, chacun avec son propriétaire.
A Darjeeling, c’est l’inverse. Aucun chien ne vit avec un humain. Il est avec les siens. Le jour, ils se tiennent cois, car ils savent qu’une pierre peut être lancée contre eux à tout moment. Aussi paressent-ils sur les toits des maisons, ou dans des terrains vagues, attendant sagement la nuit. Dès qu’il est passé onze heures du soir, plus aucune âme humaine n’est à l’extérieur. Alors la ville devient canine. En bandes rivales, ils sillonnent les rues à toute vitesse en aboyant. Chacune son territoire, et si jamais l’une s’aventure sur celui d’une autre, la bataille fait rage. Un remake de West side story version Himalaya.
Ce partage de la ville suivant l’heure de la journée est-il le fruit d’un pacte entre les hommes et les chiens ? Mais si tel est le cas, qui a pu mener la négociation, côté chien ? Ont-ils un chef de meute qu’ils auraient mandaté pour discuter avec les autorités locales ? Ont-ils fait valoir leur tranquillité diurne pour obtenir toute liberté la nuit ? Mais, pourquoi alors aboient-ils la nuit ? Pour rappeler aux hommes leur possession nocturne ? Pour se venger des pierres reçues dans la journée ? Allez savoir…
La nuit, debout contre la fenêtre, j’observe leurs folles cavalcades. Je me sens courant avec mes congénères, libre et puissant. Je suis sauvage, solidaire uniquement avec les miens, méfiant avec les autres. Jamais, je ne pourrais être chien en France. Jamais, je ne marcherai tenu en laisse. Jamais, je ne suivrai docilement les pas d’un qui ne serait pas mon égal. Jamais, je ne ramènerai une balle qui m’aurait été lancée. Jamais, je ne me ferai acheter par une gamelle toujours remplie ou par une niche douillette et confortable. Jamais quiconque ne décidera pour moi.

20 nov. 2015

A DEUX ENTRE-DEUX

Perdus
Au dernier étage du Seven Seventeen, un modeste hôtel tenu par un couple de tibétains, cocktail mélangeant des objets religieux, des dorures inutiles, des pièces dépouillées, et des éclairages au néon. 
A droite et à gauche, vue en plongée sur Darjeeling. Des rues étroites sillonnées de piétons et de chiens s’évitant les uns les autres, et parcourant des pentes abruptes. Des maisons qui s’accrochent tant bien que mal les unes aux autres pour ne pas dévaler la pente.
Devant, le brouillard est tel que le regard ne porte qu’à quelques centaines de mètres, et que les sommets de l’Himalaya sont gommés. Une mer cotonneuse, parsemée de quelques toits. L’absence de perspective est reposante, confortable comme une couette.
Je suis un nouveau-né, emmailloté de coton, sans horizon ni visuel, ni temporel, ni sentimental. Je ne vois qu’à quelques mètres, aveugle dans une ville inconnue. Je ne prévois plus rien, car le temps n’est que répétition. Blotti dans les bras qui me quitteront dans quelques jours, je suis dans un cocon parfait. L’ouate m’enveloppe et me protège. 
Parfois, la brume se fracture, et les montagnes apparaissent. Étaient-elles là avant ou viennent-elles de naître ? Les voir, c’est avoir envie de se déplacer, d’aller vers elles, de les escalader. Ensuite, quand la brume revient, les avoir vues, c’est ressentir une absence, s’escrimer à les deviner, et vouloir percer le mur d’eau qui nous en sépare. Le vide devient manque.
Parfois, nous parlons l’un et l’autre de ce que nous ferons après. Lui de son retour à Calcutta, moi de mes projets de livres. La magie disparaît, et le temps coule de cette brèche. Nous émergeons et rêvons inutilement d’une impossible relation. Sa peau me devient moins douce, son sourire moins enchanteur, et ses mots moins mélodieux.
Heureusement ces fractures dévastatrices ne sont que rares et provisoires. Rapidement, nous oublions les montagnes et l’illusion de notre union. 
Délicieusement, nous nous noyons dans cet entre-deux…

30 oct. 2015

UNE CARTE POSTALE VIVANTE

Au bout du bout du bout...
Tout au nord du cap Corse, à la fin d’une petite route, se trouve le village de Tollare.
Juste quelques maisons – probablement d’anciennes maisons de pêcheurs –, des rochers et la mer.
L’anse du petit port forme une piscine naturelle dans laquelle des enfants jouent et plongent. Sur le côté, une échelle a été scellée dans un mur pour leur faciliter l’entrée ou la sortie.
A part eux, peu de mouvements. Juste le clapotis de l’eau et un silence presque parfait.
Plutôt que de vous entasser sur les plages voisines, allez donc vous y promener, et jouir de cette carte postale vivante.

(Photos prises en août 2015 sur la route allant à Tollare)

23 oct. 2015

MAGIE CORSE

Au pays de nulle part
La magie d’un lieu tient à peu de choses. Question d’équilibre entre des courbes, des matières et des couleurs.
Au détour d’une petite route dans la montagne corse, entre Ponte Leccia et Morosaglia, deux bergeries abandonnées sont posées au creux de douces ondulations. 
Tout autour les pentes sont raides et abruptes, mais ici la nature s’est adoucie, dessinant un havre de paix et de charme.
Les maisons faites de matériaux arrachés au sol environnant, se fondent dans le paysage.
Un peu plus loin, légèrement cachée par le maquis, une ruine les accompagne.
Des arbres s’en sont emparés, et leur feuillage habille les pierres.
Pendant de longues minutes, je suis resté là à rêver, m’imaginant passant de longues soirées, lové dans le confort de lieu…

(Photos prises en août 2015 sur la route allant à Morosaglia)

16 oct. 2015

PARFOIS, QUAND ON PREND UN VERRE EN CORSE, ON VIT DANGEREUSEMENT !

Au bord de la chute
En haut d’un escalier, deux tables trônent. Rien que de très normal.
Sauf que, sur chacune d’elles, une chaise se trouve juste à la limite de la dernière marche.
Aussi si jamais vous décidiez de vous arrêter pour un verre au bar « Au Bon accueil » de Cargèse, ne vous laissez pas emporter lors d’une discussion à vous reculer, ne serait-ce que de quelques centimètres, car la chute serait certaine, à défaut d’être fatale.
Étrange conception du « bon accueil », et témoignage qu’en Corse, on aime vivre dangereusement !

2 oct. 2015

ÊTRE ET AVOIR ÉTÉ

Survivre en Corse
Pas toujours facile de survivre en Corse : les paysages ont beau être superbes, le ciel le plus souvent bleu et le climat clément, les années font leur œuvre et minent tout un chacun.
Regardez donc cette tour et voyez comme elle est sur le point de s’effondrer. Longtemps, elle a été une vigie tout au Nord du Cap Corse. Combien de guerriers se sont terrés des heures durant, pour guetter l’arrivée possible d’un assaillant ? Des milliers peut-être… Mais pierre après pierre, aujourd’hui elle se défait. Puzzle construit à rebours. Bientôt d’elle, il ne restera que le souvenir propagé par les contes des anciens…
Comment croire que ce modeste amas de pierres fut autrefois une chapelle ? Pourtant, pendant des décennies, juchée au sommet d’une montagne, elle a accueilli les prières des bergers. De sacré, il ne reste plus rien. Elle n’est plus qu’une ruine anonyme que quasiment plus personne ne visite. Ce n’est qu’au détour d’une conversation dans un bar du village voisin, que j’ai appris son origine…
Enfin, que dire de cette dernière ? Pas grand chose à part qu’elle se cache au sein du maquis corse. Difficile de la trouver. A-t-elle honte de son délabrement actuel ? Est-ce qu’elle s’est glissée, petit à petit, à l’abri de la végétation pour que plus personne ne l’aperçoive ? J’aime à penser qu’elle a cette sorte de pudeur. Qui aime finir en pleine lumière et montrer, aux yeux de tous, sa déliquescence présente ? L’âme corse a trop d’orgueil pour un tel abaissement…
(Photos prises en août 2015 au nord du Cap Corse, au dessus de Tralonca, et sur la route allant à Morosaglia)

25 sept. 2015

RENCONTRES AVEC DES ROCHERS CORSES

Un peu de magie
Des rochers massifs habillent les pentes des montagnes corses. A leurs côtés, la végétation rampe, et se sait vulnérable. Que lui arriverait-il si l’un en venait à rouler sur elle ? Que pourrait-elle à part se coucher et subir…
Certains sont des sculptures, comme cette main tournée vers le ciel. Est-ce l’amorce d’une prière ? Ou au contraire, une tentative de se saisir d'une parcelle de Dieu ? Je m’assieds à proximité, guettant une réponse qui jamais ne viendra…
D’autres sont des empilements improbables. Qui a bien pu poser le rocher du dessus ? Comment est-il arrivé là alors que rien ne le domine ? Quelle est la poigne gigantesque qui s’en est saisi pour le déposer en équilibre ? Tout autour, je cherche en vain une explication …
Là le divin se fait explicite : il n’y a pas que dans la grotte de Lourdes que la vierge vient faire une apparition. Ici aussi, elle est là, porteuse de miracles. Elle se fait petite et modeste, mais chacun sait bien que sans elle, rien ne serait possible. Loin d’être écrasée par la masse rocheuse, c’est elle qui la soulève…
Telles sont les magies quotidiennes que l’on peut croiser dans les montagnes corses.
(Photos prises en août 2015 au dessus de Campo et Tralonca, et sur la plateau de Coscione)

18 sept. 2015

RENCONTRES AVEC DES VACHES CORSES

Vache sacrée et vache salée
Un point commun entre toutes les vaches corses que j’ai croisées cet été : leur calme, leur sérénité… et leur sportivité. Car même si cela n’apparaît sur les photos jointes, le plus souvent, elles arpentent les montagnes corses de l’arrière-pays.
Si je me suis arrêté sur ces deux-là, c’est en commençant par celle du bas, parce qu’elle semble se prendre pour ses congénères indiennes : elle me toise avec le regard déterminé et un rien méprisant des vaches sacrées. Bien ancrée, en plein milieu d’un sentier qui arpente le plateau Coscione, il n’est pas question qu’elle bouge. 
Est-elle en contact par Facebook, Twitter ou simplement SMS avec elles ? Ou alors, peut-être est-ce une vache indienne en vacances en Corse ? Attention à ce que la contagion ne commence pas. Car alors plus une vache n’acceptera de partir à l’escalade des pentes abruptes...
Tout au bout du Cap Corse, à proximité d’une petite église nommée Santa Maria, j’ai fait la connaissance des vaches des prés salés. Mais autant les agneaux du Mont Saint Michel font l’objet d’un marketing intensif, autant leurs homologues bovines et corses restent confidentielles. Peut-être une opportunité pour relancer l’économie locale ? D’autant qu’il y a à proximité une tour qui, sans pouvoir rivaliser avec la puissance de l’abbaye bénédictine, pourrait servir d’emblème à une marque à trouver.

11 sept. 2015

LE TRAIN INDIEN EST POREUX, DONC VIVANT

Dans la moiteur d’une nuit
(photo issue de https://frompondywithlove.wordpress.com)
Allongé sur la couchette, synchrone avec le rythme du train, la chaleur ayant baissé dans la nuit, j’apprécie la densité du voyage. Tout l’inverse de l’avion. Dans les airs, le mouvement est masqué, on ne perçoit que le bruit des moteurs, les secousses aléatoires et l’icône qui bouge sur l’écran. Ici, il est en direct, vivant. Toute la différence entre le playback et le live ! Le paysage n’est pas une fiction, un documentaire projeté pour distraire, il est immédiatement perceptible.
Dans l’avion, tout le monde demeure à sa place. Pas de cris, pas de paroles plus hautes les unes que les autres. Chacun mesure ses propos. Là-haut, tout est feutré, artificiel. Le trajet doit être accouché sans douleur, l’alcool servant de péridurale. Surtout pas de vagues, pas d’exclamations, pas d’émotions. Rien que du temps qui s’écoule.
Ici, dans le compartiment du train, rien de tel : les heurts de la vie sont constants, chocs des odeurs et du bruit. Je m’y sens profondément incarné, et l’Inde n’est pas une abstraction lointaine et distante. Je subis une transfusion de l’énergie foisonnante de ce pays, je suis opéré à chaud, sans anesthésie.
Dans l’avion, les fenêtres sont des hublots hermétiques. Nous sommes trop loin du monde des hommes pour pouvoir y vivre : le dehors est dangereux et impur, froid et létal, dénué d’oxygène, chargé de rayonnements nocifs. Aucune molécule ne doit ni rentrer, ni sortir. Nous sommes dans un espace que nous ne pouvons que traverser et en aucun cas habiter. La peau de l’avion devient la nôtre, une nouvelle peau protectrice, dont les fenêtres sont tout sauf des pores. Nous sommes isolés, protégés, coupés de nos racines, pris en charge et infantilisés.
Le train indien, lui, n’est pas une peau qui isole, mais une peau qui relie : rien n’est opaque, les parois sont poreuses, l’organisme métallique respire, tout pousse à l’échange. Même moite, l’air entre et sort régulièrement, les grilles sont des liens, les gares de vrais lieux. Sans cesse, on monte, descend, mange, boit, bouge, dort, parle, crie. Ce n’est plus un objet dans lequel on se déplace, mais une ville que l’on habite.

4 sept. 2015

RÊVERIE PARISIENNE

Promenade nocturne
Marche automatique dans les rues de Paris. Le Marais abandonné, mes pas m’amènent mécaniquement aux bords de la Seine. Pas de bouquinistes à cette heure-là. Leurs boîtes sont fermées, et cachent leurs secrets. 
Songeur, je suis le cours de l’eau. Me voilà au Pont des Arts. Je m’appuie au parapet pour la regarder couler. Jamais, sa surface n’est au repos, toujours elle vibre. Les lumières s’y brisent et se fragmentent. Chaos sans logique, aucun repère à suivre. Quand un projecteur éclaire un mur, l’éclat est lisse et habille la paroi de sa couche. Mais sur l’eau, rien de tel. La lumière ne l’habille pas, elle y est détruite, désagrégée. Le flot se joue des photons, et les renvoie de toutes parts. Billard à mille bandes.
Il n’y a pas que la lumière qui peut rebondir ainsi, les pierres aussi. Je me souviens des ricochets que j’aimais faire enfant. Je passais des heures à lancer des galets, et les regarder prendre appui sur ce qui aurait dû les absorber. Comment léviter au lieu d’être avalé ? Les pierres se font yogis, et savent s’abstraire de la loi de la pesanteur. 
Saisir les opportunités, se nourrir des énergies latentes, repartir sans cesse, et se servir des autres pour ricocher sur eux. S’imprégner de ce que l’on vient de toucher, non pas pour s’y attacher, mais pour avoir l’énergie de s’en extraire.

31 août 2015

SEULE LA MAGIE EST RÉELLE

Au pays de la magie
L’Inde est un pays magique. Il suffit de s’y promener pour en être persuadé. Vous en doutez ? Vous croyez que, comme chez nous, tout doit y être logique, rectiligne et rationnel…
Observez comme cette statue de Jésus est capable à Goa de courber cet arbre. Avez-vous déjà rencontré chez nous une telle prouesse ? En Inde, même les végétaux s’inclinent devant la puissance divine. Peut-être que prochainement, cet arbre fera une génuflexion complète.
Regardez cet enfant qui marche devant le Taj Mahal, la merveilleuse sépulture faite de marbre blanc. Voyez comme il est grand, et comme sa silhouette, loin d’être écrasée par l’immensité de l’arrière-plan, domine le monument. En Inde, les enfants savent se jouer de la mort. La vie leur est suffisamment âpre et difficile, pour qu’ils se sentent grandis devant elle.
Et que dire du mage qui psalmodie devant les eaux du Gange ? Nous sommes ici à Bénarès, ville magique s’il en est. Lali Baba – c’est son nom – en appelle à des puissances pour qui, ni le temps, ni l’espace, ne comptent. Vision fantomatique. Sa blancheur habille la nuit, et sa voix lancinante la déchire. 
Dans quelques instants, pris par la tourmente de ce qui s’est saisi de moi, je plongerai dans le Gange…

27 août 2015

BOMBAY INSOLITE

Un double-docker, des jeans et des serpents...

Déjà je ne m'attendais pas à rencontrer un authentique bus anglais dans les rues de Bombay, mais encore moins à le voir être utilisé comme une arme terroriste. Dans un remake au ralenti de l'attaque des tours du World Trade Center, il vise manifestement la gare centrale.
Que faire ? Intervenir, oui mais comment ? Et personne n'a l'air de voir l'imminence de la catastrophe...


Est-ce une nouvelle publicité pour une marque de jean ? Levis a-t-il voulu changer de dimension, et trouve-t-il les laveries des spots précédents, trop étriquées ?
Mais je ne vois aucune caméra alentour. Aucun top model non plus.
Juste des indiens accroupis qui frottent sans relâche des piles de linge, sans cesse renouvelées...


L'imaginaire du cinéma transforme parfois les habitants des bidonvilles en vedette de jeux télévisés, magie d'un "Slumdog millionaire". Mais la réalité est plus sinistre, et le futur de ceux qui s'y trouvent est moins glamour.
Dans le noir presque absolu qui y règne, des câbles, tels des serpents venimeux, courent sur les murs. Aucun fakir n'est là pour les dresser. Le seul chant que l'on y entend, est celui de la démarche lourde des porteurs d'eau. Même les enfants semblent être absents.
Pourtant à quelques minutes de là, trônent la fameuse Indian Gate, et le Taj Mahal Palace...

(Les trois photos ont été prises à Bombay en juillet 2012)