A la découverte d’un prophète de l’acceptation de soi et de l’abandon
A l’occasion de l’émission
littéraire La Grande Librairie animée par François Busnel, j’ai découvert le
philosophe Alexandre Jollien. Une rencontre étonnante avec quelqu’un qui sort
de l’ordinaire, un homme qui a su dépasser son handicap physique et être
l’apôtre du lâcher prise et de l’acceptation de soi. Au bout de quelques
secondes, j’ai été captivé par la profondeur et la légèreté de sa pensée – avec
lui, les deux ne sont plus incompatibles ! –, et ai oublié le caractère
haché de sa diction.
J’ai aussitôt après, fait
l’acquisition de son dernier livre, « Petit
traité de l’abandon, pensées pour accueillir la vie telle qu’elle se
propose » et m’y suis plongé avec délices. C’est une merveille
d’intelligence, d’ouverture et d’humanité dont je vous recommande la lecture.
En voici quelques phrases
piochées au hasard de ma lecture :
Il s’agit donc davantage de « laisser être » que
d’accepter. Accepter, c’est encore du travail pour le moi.
« Ma femme n’est pas ma femme, c’est pourquoi je
l’appelle ma femme » : c’est seulement à partir du moment où je sais que les
étiquettes enferment les choses et les gens – et que cela les tue –, que je
peux en faire usage.
Je ne rencontre jamais deux fois ma femme parce
qu’elle change instant après instant.
On reprocha au philosophe Diogène le Cynique
d’avoir faussé la monnaie. Il répondit en substance : « C’est tout à fait vrai,
et quand j’étais petit, je faisais pipi au lit, mais cela ne m’arrive plus. »
(…) Et l’amour inconditionnel, c’est peut-être cela. Aimer sa femme, ici et maintenant,
sans l’enfermer dans ce qu’elle a été.
Un contradicteur de Spinoza, Blyenbergh, lui
opposa l’exemple, ô combien fameux, de l’aveugle, objectant à peu près ainsi :
« Mais l’aveugle n’est pas parfait. Il lui manque quelque chose. La vue,
précisément. » Spinoza lui rétorque en substance : « Est-ce qu’il vous manque
des ailes ? » Si l’on me demandait cela en effet, je répondrais d’emblée : «
Non, bien sûr, il ne me manque pas d’ailes. »
Ne rien vouloir changer. C’est, paradoxalement,
ce qui m’a le plus aidé à changer. Essayer d’être là. Même pas essayer, être
là, sans vouloir changer quoi que ce soit.
Ce qui nous sauve, c’est de savoir que l’on ne
peut pas guérir de ses blessures mais que l’on peut vivre avec, que l’on peut
cohabiter avec elles sans qu’il y ait nécessairement de l’amertume.
Car une chose est certaine : au terme de la vie,
nous perdrons tout. Alors autant tout lui donner. Autant considérer la santé
des enfants, notre propre santé, nos amis, comme des cadeaux immenses et non
comme un dû. En somme, la gratitude, c’est revisiter tout ce que l’on reçoit
avec une liberté nouvelle et en profiter encore plus, sans s’accrocher, sans s’agripper.
Et l’on prête à Gandhi cette formule merveilleuse
: « Il faut vivre simplement pour que d’autres puissent simplement vivre. »