Affichage des articles dont le libellé est Radeaux de feu. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Radeaux de feu. Afficher tous les articles

15 janv. 2014

UN HOMME SEUL NE PEUT RIEN

L’entreprise au cœur de l’incertitude et des émergences (3)
La plupart des livres de management, des colloques ou des propos d’experts tournent autour de la décision : comment décider dans l’incertitude ? Les actionnaires, comme les salariés ou les pouvoirs publics semblent rêver d’un gourou charismatique qui saurait trouver le cap et sauver son entreprise du chaos environnant.
Mais comment dans un Neuromonde tissé d’incertitudes croissantes, du foisonnement de matriochkas s’emboîtant et se chevauchant, d’émergences multiples et imprévues de propriétés rendant obsolètes ce qui était pensé comme certain la veille, un dirigeant, seul ou avec une équipe rapprochée, pourrait-il sauver une collectivité ? A-t-on jamais vu une tribu de fourmis de feu sauvée par quelques individus ? Il n’y a que dans les rêves d’un cinéaste que la fourmi Z-4195 peut à elle seule sauver toute sa communauté !
Daniel Kahneman est un de ceux qui a le mieux montré les limites de l’homme miracle. Dans son dernier livre, Thinking fast and slow, il s’en prend au mythe tant de la « main magique » dans le basket professionnel que du PDG sauveur de son entreprise :
« Bien sûr, certains joueurs sont plus précis que d'autres, mais la séquence de tirs ratés et réussis satisfait tous les tests du hasard. La main magique n'est vraiment qu'une vue de l'esprit, les spectateurs étant toujours trop prompts à vouloir déceler ordre et causalité au cœur du hasard. »
« Si le succès relatif d'entreprises semblables était déterminé entièrement par des facteurs que le PDG ne contrôle pas, vous vous apercevriez que dans 50 % des cas, la société la plus forte serait dirigée par un PDG moins efficace. Avec une corrélation de 0,3, vous croiserez le meilleur PDG aux commandes de la meilleure entreprise dans 60 % des paires. (…) Ne vous y trompez pas : améliorer les chances de succès en les faisant passer de 1 pour 1 à 3 contre 2 est un avantage incontestable, tant sur le champ de course que dans les affaires. » (1)
En effet si l’impact direct du leader est réel, n’est-il pas évident qu’au fur et à mesure du déploiement du Neuromonde et des méga-entreprises, il est de plus en plus limité, et que tout dirigeant est de moins en moins légitime à clamer que c’est d’abord grâce à lui seul que le succès est arrivé ?
(1) Daniel Kahneman, Thinking Fast and Slow, Kindle Edition, emplacements 2585 et 4613
(extrait des Radeaux de feu)


14 janv. 2014

LA MATIÈRE EST DEVENUE RARE, ET L’INFORMATION SURABONDANTE

L’entreprise au cœur de l’incertitude et des émergences (2)
Jusque très récemment, tant que nous, humains, étions en petit nombre, et que la plupart d’entre nous consommions peu par individu, la question des ressources physiques ne se posait pas vraiment. Ou plus exactement, le facteur limitatif n’était pas leur disponibilité, mais notre capacité à les trouver et à les exploiter : comment mieux les extraire, les combiner, et qu’en faire.
Face à cette abondance, le modèle économique dominant s’est construit sur le peu de dépendance vis-à-vis des matières premières. Un axiome implicite était qu’elles seraient toujours là, en quantité suffisante, quoi qu’il arrive. Il y avait bien une bataille pour l’accès à certaines ressources critiques, comme par exemple le charbon, le pétrole ou des matériaux rares, mais c’était pour permettre à quelques entreprises d’asseoir leur supériorité et leur domination via ce contrôle.  Globalement, il n’y avait pas de pénurie, elle était artificiellement créée par des monopoles ou des oligopoles.
Parallèlement l’information était limitée, son accès difficile et le savoir l’affaire d’un petit nombre. Malgré l’abandon progressif du taylorisme initial, les organisations continuaient à reposer sur un grand écart entre une tête pensante et une masse obéissante. Puisque ce qui limitait la croissance était la rareté de cette intelligence et non pas celle de la matière, il était logique de payer très cher des cerveaux et des talents exceptionnels, et peu la matière.
Aujourd’hui la relation s’inverse, car nous consommons notre planète plus vite que les ressources ne se renouvellent, alors que, grâce aux développements de l’éducation, de l’informatique, des télécommunications et d’Internet, la quantité d’informations disponibles explosent et que leur accès est quasi universel.
Ainsi le rapport est-il en train de s’inverser : l’information devient surabondante et constamment accessible, la matière physique se raréfie. Et « la montée inexorable et rapide de l’économie des signes parfaitement mobiles et liquides, nous fait passer sensiblement, selon la formulation d’André Orléan, de l’économie des grandeurs (…) à celle des relations. » (1)
(1)  Charles-Henri Filippi, Les sept péchés du capital, p.55
(extrait des Radeaux de feu)

13 janv. 2014

L’ENCHEVÊTREMENT QUI TISSE NOTRE NEUROMONDE

L’entreprise au cœur de l’incertitude et des émergences (1)
En marchant dans les rues de Paris ou de toute autre grande ville du monde, je suis frappé par la complexité sous-jacente qui permet à notre société de fonctionner : un enchevêtrement d’entreprises est nécessaire à son existence, et la production cahin-caha, au moins jusqu’à ces dernières années, de la croissance. C’est une toile finement tissée faite de sous-traitants et donneurs d’ordre, fournisseurs et clients, partenaires et compétiteurs, qui font que tout un chacun trouve les produits qu’il cherche. Regardez autour de vous et essayez donc de compter le nombre d’entreprises qui ont dû intervenir pour faire exister ce qui vous entoure et vous le rendre accessible : une voiture, un immeuble, un téléphone, un yaourt, un légume… Impossibles identification et comptage.
Il y a quelques siècles, c’était simple : nos villes étaient nées des mains de ceux qui les habitaient, et personne n’était bien éloigné de l’origine de ce qu’il trouvait dans son assiette, de l’objet qu’il saisissait ou du mur qui l’entourait. Encore à la fin du dix-neuvième siècle, il n’était pas difficile de démêler les enchevêtrements qui étaient sous-jacents à notre existence personnelle : les biens industriels étaient rares, et souvent complètement conçus et construits en un lieu unique ; l’industrie agro-alimentaire n’existait pas, ou presque ; les produits agricoles, sauf des exceptions comme le café ou le poivre, voyageaient peu. (…)
Parallèlement à l’élaboration progressive de ce tissu économique fait de codépendances et de coproductions, la notion même d’entreprise s’est compliquée au fur et à mesure de l’accroissement de leurs tailles et de l’apparition d’expertises internes : nées initialement autour d’un leader ou d’une équipe, à partir d’une idée ou d’un premier client, sur un territoire donné, à l’instar d’un corps vivant qui se démultiplie, elles sont parties à la conquête de nouveaux territoires, articulant petit à petit chaque jour davantage de ressources techniques, financières et humaines, internes comme externes, associant fournisseurs, autorités publiques et clients.
Leurs intérieurs sont devenus habités par une multitude de matriochkas qui se chevauchent et s’emboîtent, constituant autant d’unités d’appartenance : des équipes dans des ateliers, dans des usines, dans des filiales, dans des divisions ; des organisations marketing, à côté des structures industrielles, de recherche, financières,… ; des syndicats, des comités d’établissement, des comités d’entreprises, des comités de groupe ; des clubs sportifs, des réseaux d’anciens de la même école…
Où commence et finit vraiment une grande entreprise ? Comment la définir ? Pourquoi est-ce qu’elle réussit ou échoue, grandit ou périclite ? Son fonctionnement est la résultante de tant d’agitations, de collaborations et d’oppositions, de tant de réseaux, chaque individu appartenant le plus souvent à plusieurs.
(extrait des Radeaux de feu)


9 janv. 2014

LES MATRIOCHKAS DU NEUROMONDE

Vers la connexion globale (4)
Voilà donc l’humanité qui passe d’une juxtaposition d’individus et d’appartenances, à un réseau global et de plus en plus complexe : sous l’effet cumulé de la croissance de la population, de la multiplication des transports et du développement d’internet, les relations entre les hommes se tissent finement. Les pensées et les actions rebondissent d’un bout de la planète à l’autre, des intelligences collectives apparaissent.
Avec Internet, c’est un nouveau type de cellule qui émerge, composé d’êtres humains qui échangent de l’information et collaborent, ce sans qu’aucun centre ou processus de décision unifié et centralisé n’existent. Comme l’a écrit Michel Serres, « le connectif remplace le collectif » (1). Que donnera ce connectif et que deviendra-t-il demain ?
Ceci n’est pas sans conséquences vis-à-vis des structures politiques qui régissent aujourd’hui les relations humaines. Elles sont toutes construites autour de la géographie et de l’adresse physique des personnes, et sont déstabilisées en profondeur par la naissance des hommes élargis et par l’émergence de systèmes auto-organisés multiples. Sans parler du poids croissant pris par les entreprises globales.
Le politique est donc à réinventer : il faut trouver les nouvelles lois du Neuromonde, des « neurolois » pour un Neuromonde ? 
Toutes ces propriétés émergentes vont-elles toujours naître volontairement et de façon contrôlée ? Je ne le crois pas. Je pense que les mécanismes actuels sont en train de nous échapper, et de donner naissance à des forces qui dépassent ou dépasseront notre intelligence individuelle : comme les fourmis de feu, nous sommes en train d’inventer des radeaux qui décupleront notre puissance et prolonger notre survie, sans que nous puissions analyser dans le détail comment ils se créent.
Comment vont s’articuler les Matriochkas infiniment complexes et mouvantes de l’auto-organisation 2.0 ? Sans parler de ce qui va suivre, et dont nous n’avons simplement pas idée… C’est un défi dont nous ne sommes qu’à l’aube.
(1) Michel Serres, Le temps des crises, p.20
(extrait des Radeaux de feu)


8 janv. 2014

GRANDIR EN RESTANT SOI-MÊME

Vers la connexion globale (3)
Douzième commentaire sur l’entreprise : Les méga-entreprises
« En s’appuyant sur la diversité de ses équipes, la richesse et la complémentarité de son portefeuille de marques, L’Oréal a fait de l’universalisation de la beauté son projet pour les années à venir. » (1)
Au cœur de cette perte d’ancrage dans un territoire, se trouvent les entreprises, et singulièrement les plus grandes. Leur rapport avec les lieux physiques qu’elles occupent, mute, et elles créent des réseaux mondiaux qui relient les hommes, les technologies et font circuler l’argent.
Pour elles, la notion de pays est une donnée parmi d’autres, donnée qu’elles prennent en compte dans ses différentes dimensions : juridiques, fiscales, culturelles… Mais leurs logiques propres transpercent des frontières qui, pour elles, n’en sont pas.
Les limites entre l’intérieur de l’entreprise, et tout ce qui contribue à la faire vivre et qu’elle contribue à faire vivre, ses fournisseurs ou ses sous-traitants, deviennent aussi floues, et poreuses : comme pour la membrane d’une cellule, ces peaux sont perméables et souples.
Elles sont de plus en plus capables de gérer dynamiquement ces réseaux complexes qui se déploient, en optimisant leurs ressources : au mieux, pour l’ensemble de leurs salariés et de ceux de leur environnement immédiat ; au pire, seulement pour leurs dirigeants et actionnaires. Dans les deux cas, l’écart entre leur efficacité globale et interne, et celle des territoires où elles se trouvent s’accroît, les structures politiques n’ayant pas évolué au même rythme. Face à elles, les structures politiques sont restées locales, et ne sont pas élargies, ou si peu.
(1) Présentation du groupe, notre mission, site web du groupe L’Oréal
(extrait des Radeaux de feu)


7 janv. 2014

VERS UN HOMME ÉLARGI OU UN NOUVEL HOMME ?

Vers la connexion globale (2)
Ainsi là où je suis et là d’où je viens, ne sont plus mon seul facteur d’identité. Celui qui m’est proche n’est plus nécessairement ni mon voisin, ni mon parent. Celui qui m’est proche est celui que je choisis ou qui me choisit, celui avec qui je vais pouvoir entrer en résonance émotionnelle virtuellement. Celui qui m’est proche est celui que je rencontrerai physiquement peut-être un jour… ou peut-être pas.
Cette distance entre le corps et la pensée, entre le lieu et l’identité, donne naissance à de nouveaux migrants qui, quel que soit le lieu où ils trouvent, maintiennent les contacts avec toutes leurs tribus : avec cette connexion permanente, les migrants deviennent hybrides et riches de toutes leurs appartenances. 
Cette capacité de devenir des migrants numériques ouvre des possibilités aux individus qui veulent s’abstraire des règles et des contraintes. Elle est l’occasion de favoriser de nouveaux égoïsmes et une sorte d’élite apatride. C’est ce que note Charles-Henri Filippi : « Là où l’État existe encore pour l’homme ordinaire qui en attend tout, il est une contrainte de laquelle l’élite sait s’échapper, un passif auquel elle peut éviter de contribuer : l’élite en vient au minimum à marquer une certaine indifférence à la perspective du déclin national. (…) Les princes sont désormais sans peuples et les peuples sans identité. » (1)
Nous sommes aujourd’hui au cœur de la tourmente créée par ces décompositions multiples : le plus grand nombre des individus subit les incertitudes globales sans profiter des opportunités qui y sont associées, tandis qu’un tout petit nombre sait se jouer des incertitudes et capte à son profit les bénéfices de ces opportunités. Un peu comme si la création des radeaux de feu ne sauvait que la reine et sa garde rapprochée. Croyez-vous que dans ce cas, les fourmis vont encore longtemps les construire ?
Vers quoi cela va-t-il aller ? Quelle est la portée réelle de cette transformation des individus ? Puisqu’elle impacte tous les éléments qui ont permis à notre cortex cérébral de faire naître l’espèce humaine et à la différencier du reste du monde animal, mon pari – mais je suis conscient que c’en est un ! -, est que nos descendants nous regarderont comme nous le faisons pour nos ancêtres habitant les cavernes.
Ceux-ci en mobilisant les capacités de leur cortex avaient conquis le monde physique en tirant progressivement de plus en plus de ressources et d’intelligence des territoires qu’ils habitaient. Nos descendants arriveront-ils à mobiliser les capacités de ce cortex élargi, collectif et déterritorialisé, pour inventer un nouveau type de relation et d’intelligence ? Nous étions sortis des cavernes physiques, sortiront-ils des cavernes mentales ?
(1) Charles-Henri Filippi, Les sept péchés du capital, p.76
(extrait des Radeaux de feu)


6 janv. 2014

LE LOINTAIN EST DEVENU NOTRE PROCHAIN

Vers la connexion globale (1)
Il y a dix ou vingt ans, nous n’étions, chacun de nous, soumis qu’à l’incertitude de ce qui était autour de nous, à portée de notre vue et notre toucher. Nous savions que nous pouvions subir le décès imprévu d’un de nos proches, que le ticket de loterie que nous venions d’acheter pouvait être gagnant ou pas, qu’un client pouvait nous faire défaut, qu’une machine pouvait brutalement se casser, qu’il était imprudent d’affirmer qu’il ferait beau demain, etc.
Par contre, ce qui se passait dans le lointain, dans une autre ville, un autre pays, un autre continent, cela ne nous concernait pas. Nous pouvions regarder serein les informations, sans nous sentir impliqués, car cela n’avait pas de conséquences directes sur notre vie quotidienne, sur notre famille, sur notre emploi, sur notre entreprise, sur notre pays. Et si jamais des conséquences étaient possibles, puisque la vitesse de propagation des effets était suffisamment lente, nous avions le temps de mettre en place les actions correctives nécessaires.
Aussi, ce qui était lointain n’était pas incertain pour nous : il était prévisible, parce que distant. Le monde était partitionné, cloisonné, et nous en avions l’habitude. Nous étions protégés des incertitudes des autres. Certes le champ géographique de propagation des incertitudes s’était étendu au rythme du développement de l’énergie et des transports, mais jusqu’à ces dernières années, la vitesse de propagation restait limitée.
Trois phénomènes majeurs ont changé la donne :
- La croissance de la population humaine s’est brutalement accélérée : en moins de quarante ans, nous venons de passer de quatre milliards d’hommes à sept milliards, alors que nous n’étions qu’un milliard, il y a deux cents ans, et deux cent cinquante millions, il y a mille ans. Demain, en 2050, nous serons probablement neuf milliards. Nous sommes de plus en plus voisins, les uns des autres.
- L’impact de chacun de nous est démultiplié par tous les outils mis à notre disposition : avant, nos outils ne prolongeaient nos bras que de la longueur d’un morceau de bois – un marteau, une pelle, une pioche… Maintenant (…) nous sommes pris dans les mailles de l’effet de nos propres actes, et de ceux des autres : il y a de plus en plus une interaction dynamique entre l’objet sur lequel nous agissons et nous-mêmes. (…)
- Avec le déferlement des technologies de l’information, la partition du monde a volé en éclat : grâce à l’informatique, aux télécommunications et à l’internet tout se propage instantanément, et nous sommes directement et immédiatement exposés à toutes les incertitudes. S’appuyant sur ces réseaux, les entreprises ont globalisé leurs modalités d’actions, et bon nombre de produits sont le résultat d’un processus de fabrication faisant intervenir plusieurs pays, et souvent plusieurs continents.
(extrait des Radeaux de feu)

19 déc. 2013

PRIS DANS LES MAILLES DE NOS INTERDÉPENDANCES

Notre monde : le Neuromonde
Fin donc de notre périple depuis les temps immémoriaux du Big Bang. Nous voilà passés au travers des temps du minéral, du végétal, de l’animal et enfin de l’humain.
Avant d’en venir à l’entreprise et au management par émergence, il reste une étape importante : celle du Neuromonde, ce nouveau monde qui est en train d’émerger. Tel est l’objet de cette deuxième partie : comprendre ce qui y est nouveau et se transforme, et en quoi cela impacte et impactera les entreprises.
C'est avec cette étape que reprendra mon patchwork le 6 janvier. D'ici là mon blog prendra une pause pour les vacances de Noël avec seulement un message lors de chacun des réveillons...
Pour aujourd'hui voici donc juste une introduction au Neuromonde

Au printemps 2010, une nouvelle défraya la chronique et fit la une de tous les journaux : un volcan au nom quasiment imprononçable – du moins pour ceux qui n’étaient pas islandais –, l'Eyjafjöll était entré en éruption. Était-ce à cause du nombre de morts qu’il avait provoqué ? Non, rien de tel. Juste des coulées de lave dans une zone quasiment désertique. Était-ce parce que cette éruption présentait des caractéristiques exceptionnelles ? Non plus, juste une éruption volcanique banale dans son déroulement.
Simplement ensuite un enchaînement malheureux et lourd de conséquences : un peu de fonte des glaces, quelques gaz volcaniques, et beaucoup de cendres expédiées dans les cieux. Là, ces dernières, poussées par des vents malicieux, deviennent un nuage qui dérive vers l’Europe continentale et se met juste sur le chemin des vols aériens internationaux. Résultat : une congestion massive du transport aérien au cœur du commerce mondial. Nous avons frisé l’embolie économique à cause de ce caillot volcanique.
Cet accident est dans son déroulement un bel exemple de l’aspect devenu réticulaire de notre monde : nous sommes pris dans nos interdépendances collectives. Le moindre phénomène peut avoir des répercussions d’un bout à l’autre de la planète. Un peu comme si nous étions pris dans une immense toile d’araignée : une vibration sur l’une des parties de la toile se propage de partout.
Interdépendance, toile, connexions. Jamais le collectif n’avait atteint cette dimension. Cette propagation peut être physique comme dans le cas du nuage de cendres islandais, mais le plus souvent, elle est informationnelle. Alors, la transmission est instantanée, car elle s’effectue à la vitesse de la lumière.
À croire que la planète est dotée d’un réseau de neurones qui soudent tous les pays. Finalement, l’image qui me vient est celle d’un Neuromonde, c’est-à-dire d’un monde parcouru constamment par des impulsions se propageant sans cesse dans ce réseau.
À côté de celui-ci, les fourmilières ne représentent rien : quelle est la puissance de trois cents millions de fourmis occupant leur super-colonie à Hokkaido au Japon, face aux milliards d’hommes en train d’être connectés ?
Au cœur de l’explosion de ces réseaux, les entreprises. À la fois moteurs de cette évolution et portées par elles, elles sont en pleine mutation : nées au temps où le monde était partitionné, où, au-delà d’une certaine taille, les coûts de pilotage et de gestion administrative étaient supérieurs aux gains, elles deviennent globales, et sont parcourues par les courants du Neuromonde. D’une certaine façon, elles en constituent l’ossature.
Avec cette intrication entre Neuromonde et méga-entreprises, les mailles des émergences, des matriochkas et de l’accroissement de l’incertitude se tricotent de plus en plus vite, de plus en plus finement, et nos radeaux de feu deviennent d’immenses vaisseaux numériques …
(extrait des Radeaux de feu)


18 déc. 2013

QUI EST LE « JE » QUI M’HABITE ?

L’individu humain : le futur anticipé (5)
Aussi comment puis-je dire « je » alors que bon nombre de mes actes échappe à ma volonté consciente ? Et comment puis-je avoir une sensation d’identité et de continuité, alors que tout se forme et se déforme sans cesse, que tout est bâti sur des sables mouvants ? Inutile d’imaginer me raccrocher à ma mémoire comme un quelconque absolu, puisqu’elle est faite de rocs et de sables mouvants.
Dire « je », c’est arriver à passer au travers de trois étapes : percevoir le temps présent, même si c’est au travers d’interprétations ; se souvenir, même si c’est à coups de déformations ; savoir que l’on s’en souvient, c’est-à-dire arriver à relier tous ces événements dans une trame temporelle et s’identifier à cette continuité élaborée.
Le défi est d’arriver à ce processus d’identification alors que nous ne percevons que la pointe de l’iceberg de nos processus mentaux : notre « soi », c’est-à-dire tout ce que le cerveau qui habite notre corps a conçu, trié et piloté, est beaucoup plus vaste que le « moi » que nous connaissons.  Aussi, où commence et finit notre identité ? Doit-elle s’arrêter au « je » conscient ? Ou, pouvons-nous être tenus pour responsables de tout ce que notre corps a fait, y compris en cachette de notre volonté effective ?
Francesco Varela va plus loin dans cette remise en perspective de la notion de « je », et le relie directement au « nous », en reliant l’identité individuelle et le collectif : « C'est ce que j'entends lorsque je parle d'un moi dénué de moi (nous pourrions aussi parler de moi virtuel) : une configuration globale et cohérente qui émerge grâce à de simples constituants locaux, qui semble avoir un centre alors qu'il n'y en a aucun, et qui est pourtant essentielle comme niveau d'interaction pour le comportement de l'ensemble. (…) D'un point de vue purement fonctionnaliste, on peut dire que « je » existe pour l’interaction avec autrui, pour créer la vie sociale. De ces articulations dérivent les propriétés émergentes de la vie sociale dont les « je » dépourvus de moi sont les constituants élémentaires. » (1)
(1) Francesco Varela, Quel savoir pour l’éthique, p.87 et 100
(extrait des Radeaux de feu)



17 déc. 2013

ON NE VOIT QUE CE QUE L’ON IMAGINE, JAMAIS CE QUI EST

L’individu humain : le futur anticipé (4)
Dixième commentaire sur l’entreprise : Force et danger de l’expertise
« Passant par la Chine, j’y trouve là un point d’écart, ou de recul, pour remettre en perspective la pensée qui est la nôtre, en Europe. Car, vous le savez, une des choses les plus difficiles à faire, dans la vie, est de prendre du recul dans son esprit. » (1)
Une entreprise est peuplée d’hommes et de femmes qui analysent les situations au prisme de leur expérience passée. L’entreprise, elle-même, en tant qu’entité collective, a aussi sédimenté des convictions et des croyances, toutes issues de ce qu’elle a vécu. Ces convictions et croyances se retrouvent à la fois dans la culture interne et dans les systèmes qui la structurent.
Plus les personnes qui la composent sont expérimentées et ont réussi dans le passé, plus le poids des métarègles historiques individuelles sera grand. Plus l’entreprise a une histoire longue et a rencontré le succès, plus les convictions et les croyances collectives seront fortes.
C’est l’existence de cet ensemble de métarègles individuelles et collectives qui permettent à l’entreprise d’avancer de plus en plus vite, à condition qu’elle ne change constamment ni de métier, ni de stratégie. C’est de la combinaison de la stabilité et de cet apprentissage que naît l’efficacité.
Mais attention : plus une entreprise a prospéré et est peuplée d’experts, plus elle risque de ne lire l’évolution du monde qu’au travers du prisme de son expérience et de son passé. Elle pousse le talent de l’inférence au maximum, et sait ou est persuadé de savoir.
Elle devient alors vulnérable aux recompositions du monde, et fragile par rapport aux ruptures qu’elle ne verra pas venir, ou pire, qu’elle niera. Forte de ses certitudes, elle refusera ce qui n’est pas en ligne avec sa vision.
La performance est donc dans le juste équilibre entre la stabilité qui permet le renfort des expertises, et le recul par rapport à elles pour savoir que l’on ne sait pas, et ne pas oublier que l’on ne voit que ce que l’on imagine, et jamais ce qui est.
(1) François Jullien, Conférence sur l'efficacité́, p.14
(extrait des Radeaux de feu)



16 déc. 2013

APPRENDRE À PARTIR DE RIEN… OU PRESQUE

L’individu humain : le futur anticipé (3)
Comment notre cerveau peut-il induire à partir de presque rien ?
Essentiellement parce qu’il ne se contente pas de tirer des conclusions à partir de ce qu’il observe, mais parce qu’il mobilise des règles apprises dans le passé : il est capable de les transférer et donc de progresser rapidement.
Un exemple simple : quelqu’un vient de tirer successivement deux boules blanches et une noire, et je dois deviner quel est l’objet suivant. Si je n’ai aucune autre information, il est impossible d’avoir une certitude : je sais que cet objet doit pouvoir être contenu dans la boîte, et dans la main où il s’y trouve, mais il est périlleux d’aller plus loin. Maintenant si, par expérience, j’ai appris que ces boîtes ne contiennent toujours que des objets identiques, alors aucun doute à avoir : le prochain objet est nécessairement une boule. Si en plus, je sais qu’il ne peut pas y avoir plus de deux couleurs, je sais qu’elle est blanche ou noire. En couplant la règle acquise par mon expérience avec les nouvelles informations, je suis capable de résoudre le problème.
Tel est le principe du méta-apprentissage : nous apprenons à apprendre, et, chaque progrès nous transforme et facilite l’acquisition future. Nous extrayons naturellement des régularités du monde.
Ce point est essentiel et très nouveau dans la théorie de la cognition : le cerveau de l’enfant n’a pas besoin d’avoir de capacités innées, tout semble pouvoir être acquis par l’expérience. La compréhension initiale serait nulle, elle émergerait progressivement. Il suffit pour cela d’avoir un cerveau capable de repérer des régularités et de calculer des probabilités, ce qui est le cas de nos systèmes neuronaux.
(extrait des Radeaux de feu)

12 déc. 2013

LE MANAGEMENT EST UNE AFFAIRE DE JEUX DE MOTS

Vidéo « Les Radeaux de feu » (8)
Nous pensons au travers de nos langages. Aussi les mots ne sont-ils pas seulement un enjeu pour la communication.

11 déc. 2013

C’EST SÉRIEUX DE JOUER AVEC LES MOTS

L’individu humain : le futur anticipé (2)
Ainsi, les langages tissent-ils en nous et entre nous des fils sociaux, et relient des présents et passés multiples. Dans la continuité de la logique du monde, ils sont un vecteur puissant pour élaborer des nouvelles matriochkas sociales, souples et multiples.
C’est paradoxalement de ce tissage social que naît l’individu humain : à sa naissance, un enfant n’est qu’un individu potentiel, ce sont les relations qui le font devenir lui-même. Car « la relation précède l’individu, pas le contraire. Ce ne sont pas les individus qui créent la société, c’est la société qui crée les individus. » (1). A nouveau la puissance des propriétés collectives : rappelez-vous que ce sont elles qui créent les emboîtements.
Internet est lui aussi un grand jeu de mots planétaire. Essayez donc d’enlever les mots, il ne restera pas grand-chose de l’immense toile qui nous relie de plus en plus. Si les pages web sont de plus en plus animées, et les images omniprésentes, elles sont avant tout faites de mots. Mais nous sommes tellement habitués à leur présence, que nous n’y prêtons guère d’attention. Ainsi va notre monde, nous sommes souvent tellement focalisés sur le détail, sur l’inattendu, sur l’anormal, que nous en oublions ce qui fait notre quotidien : à force de l’avoir sans cesse sous les yeux, nous ne le voyons plus !
Pourtant sans les mots, rien ne serait. Bien peu d’internautes en sont conscients, bon nombre les maltraitent, la plupart les ignorent, et pourtant comment surfer sans être un écrivain à la manière d’un Monsieur Jourdain du XXIe siècle ? Avant de parler de 2.0, de la limite de l’essor des réseaux sociaux, ou de l’importance du "brick & mortar", n’oublions pas ces précieux auxiliaires et approfondissons la compréhension que nous en avons. L’enseignement des langues, notre langue maternelle comme les autres, est le socle du reste.
(…) Bref, les mots, c’est du sérieux, et on ne doit pas laisser aux seuls humoristes l’art de jouer avec, car « lire après tout, est une façon de vivre à l’intérieur des mots d’autrui. » (2)
(1) Donald W. Winnicott cité par Jeremy Rifkin, dans Une nouvelle conscience pour un monde en crise, p.64
(2)  Siri Hustvedt, La femme qui tremble, p.168
(extrait des Radeaux de feu)

10 déc. 2013

PENSER À PROPOS DE NOUS-MÊMES

L’individu humain : le futur anticipé (1)
Depuis longtemps, bon nombre d’entre nous se croient le but de la création : ce monde que nous habitons aurait été fait pour nous, et nous en serions non seulement les habitants, mais la finalité et la justification. L’emploi du mot « environnement » est un témoin de la domination de cette croyance : quand nous commençons à nous préoccuper de l’avenir de notre planète, le mot que nous employons ne nous définit par comme un de ses composants parmi d’autres, mais comme le cœur. A l’instar des Chinois qui habitent le « pays du milieu », nous nous pensons au centre du monde. 
Pourquoi donc refuser la logique de l’évolution ? Est-ce si difficile de ne pas nous penser comme la justification de ce qui nous a précédé, et de nous voir comme une étape dans ce processus, un animal de plus, un « animal plus »… en attente d’une suite qui a déjà probablement commencé
Mais si nous sommes nés des temps du minéral, du végétal et de l’animal, si en nous se développent l’incertitude, les emboîtements et les émergences, cet « animal plus » que nous sommes n’est pas un animal parmi d’autres : notre puissance est sans commune mesure, et c’est grâce à elle que nous avons assis notre suprématie sur notre planète… au moins jusqu’à présent.
D’où vient donc cette puissance ? Quelles sont les subtiles différences qui, tout en nous inscrivant dans la continuité de ce qui nous a précédé, lui ont permis d’émerger et de se propager ?
Maurice Merleau-Ponty voit en l’homme une conscience qui se construit : « L'homme n'est pas d'emblée une conscience qui possède dans la clarté ses propres pensées, mais une vie donnée à elle-même qui cherche à se comprendre elle-même. »  (1)
Vladimir Nabokov répond ainsi : « Être conscient d’être conscient d’être… Si je sais non seulement que je suis, mais également que je sais que je le sais, alors j’appartiens à l’espèce humaine. Tout le reste en découle. ». (2)
Et Siri Hustvedt complète : « A mon avis, il est absurde de prétendre que le rat n’est conscient ni du son ni du choc. (…) Ce qu’il ne possède pas, c’est le niveau le plus élevé de conscience de soi des humains. (…) Il ne dispose pas d’un narrateur interne qui lui raconte l’histoire de ses aventures dans le labo avec ses savants gargantuesques producteurs des sons et de désagréables chocs électriques. »  (3)
Serions-nous juste des animaux capables de penser à propos d’eux-mêmes ?
(1) Maurice Merleau-Ponty, Sens et non-sens, p.82
(2) Vladimir Nabokov, Strong Opinions, 1973, traduction issue du cours 2011 de Stanislas Dehaene au Collège de France
(3)  Siri Hustvedt, La femme qui tremble, p.132
(extrait des Radeaux de feu)


5 déc. 2013

SEULE LA PERFORMANCE COLLECTIVE COMPTE, ET C’EST ELLE QUI IMPORTE

Diriger en acceptant de ne pas tout décider (2)

Développer l'initiative à tous les niveaux
L’art du management est comme l’art militaire, celui de savoir tirer parti de l’énergie locale, et de la compréhension dynamique et décentralisée : faire de l’entreprise un corps vivant, réactif alliant souplesse et cohésion. Avec le lâcher-prise, qui n’est pas le laisser-faire, le maintien de réelles marges de manœuvre, et l’existence de réserves effectivement disponibles, l’action locale est possible. Alors, l’incertitude n’est plus source de peurs, mais d’initiatives.
Simultanément, jour après jour, mois après mois, année après année, les matriochkas stratégiques doivent se diffuser profondément dans l’entreprise, pour que chacun les fasse siennes. Le mélange entre cet objectif jamais changé et l’histoire effectivement vécue forme un compost qui génère une culture partagée, culture qui guide les initiatives et maintient les cohésions.

Colle sociale
Pour assurer à l’entreprise la puissance du collectif et la respiration de l’ouverture, le couple confiance et confrontation est la bonne « colle sociale » : être confiant en soi et en les autres pour ne pas avoir peur du futur et oser ; se confronter en permanence pour ne pas tomber dans une cohésion dangereuse et factice. Confiance et confrontation sont le binôme clé de l’ergonomie des actions émergentes, qui assure cohésion et respiration. Elles sont l’équivalence des forces qui soudent la matière, tout en permettant les mouvements.


Le besoin d’un ADN
Une entreprise a-t-elle besoin d’un Dirigeant ? Peut-elle, à l’instar des fourmilières et des ruches, fonctionner sans leader, simplement par l’application de règles et la puissance de l’auto-organisation ? Non, parce que, d’abord, elle ne naît pas d’elle-même : il y a toujours à l’origine une ou plusieurs personnes. Non, parce que, pour devenir un fleuve, elle a besoin de la stabilité et de la puissance des matriochkas stratégiques : sans un Dirigeant qui les repère et les définit, elle est dépourvue de cet ADN, végète, meurt ou se désagrège. Non, parce que c’est au Dirigeant d’être l’apôtre de cet ADN, de le diffuser dans toute l’entreprise, de s’assurer que tout un chacun l’a compris, d’être un recours quand c’est nécessaire, de trancher quelques décisions rares et exceptionnelles, de diffuser confiance et calme.
Un dirigeant porteur de sens et de compréhension
C'est au dirigeant de comprendre, chaque jour, mieux et davantage, comment aller plus efficacement et avec moins d’efforts vers la mer choisie. À lui de savoir que le changement détruit et fragilise, alors que la transformation renforce et fait grandir. À lui de ne pas avoir peur de vivre dans une organisation complexe et différenciée, qui, jardin à l’anglaise de l’entreprise, est à l’image de la diversité des situations. A lui d’être prêt à sous-traiter les calculs, mais jamais ni l’approfondissement de la  compréhension, ni la recherche et la propagation du sens. À lui d’intégrer que seule la performance collective compte, et c’est elle qui importe.
L’acceptation de soi-même avec tous ses mystères est un préalable pour pouvoir lâcher-prise, et avoir confiance en soi et en les autres. C’est un défi, car nous ne pouvons pas nous empêcher de comprendre ou de vouloir le faire : la tension entre cette volonté et l’acceptation du dépassement est réelle et irréductible.
Vision, modestie et confiance
Finalement, l’entreprise est donc d’autant plus puissante que son Dirigeant est visionnaire, c’est-à-dire capable de rêver un futur qui, à l’instar des mers pour les fleuves, attire le cours de l’entreprise. Personne ne peut le faire à sa place. Qu'il soit aussi modeste, c’est-à-dire conscient de ce qui lui échappe, car alors il privilégie le lâcher-prise, en se situant en recours et en veillant à la performance des organisations collectives. Enfin surtout qu'il soit créateur de confiance, c’est-à-dire calmement déterminé, propageant un climat de respect et confiance les uns dans les autres. Sans confiance individuelle, il n’y a que des peurs, et aucune anticipation positive. Sans confiance collective, il n’y a ni cohésion, ni création de valeur globale durable.
Acceptation du dépassement, priorité à la stabilité stratégique, promotion des actions locales, lâcher-prise, rien de ceci ne viendra d’un zapping managérial et d’une approche court terme de son actionnariat.
À ces conditions, alors, les entreprises sauront s’adapter à ce qui advient et avanceront, chaque jour plus fortes, vers leur futur, cette mer dont elles ne cesseront de se rapprocher, sans jamais l’atteindre.

4 déc. 2013

COMPRENDRE QUE L’ON EST DÉPASSÉ PAR L’ENTREPRISE QUE L’ON DIRIGE

Diriger en acceptant de ne pas tout décider (1)
REPÈRES
L'impact direct d'un dirigeant est réel. Mais, au fur et à mesure du développement de l’entreprise, cet impact est de plus en plus limité : dès une certaine taille, la plupart des décisions sont prises sans lui et loin de lui, au sein de l’organisation, parmi ses clients ou partenaires. Si tout remontait à lui, non seulement l’entreprise mourrait d’asphyxie, mais, comme il ne peut pas être omniscient, souvent la pire des décisions serait prise.
Ne pas tout décider
Comment dans notre monde tissé d’incertitudes croissantes, un dirigeant seul pourrait-il sauver une collectivité ? Diriger efficacement, c’est admettre que l’essentiel n’est plus de bien décider soi-même, mais de mettre en place et animer des processus qui font qu’à partir de mouvements massivement chaotiques et lâchement coordonnés, une performance globale émerge. Diriger efficacement, c’est aussi comprendre que l’on est dépassé par l’entreprise que l’on dirige. Diriger efficacement, ce n’est réduire ni l’incertitude, ni la complexité : c’est vivre avec et en tirer parti. Bref, c’est diriger par émergence.
Créer une stabilité stratégique
L’agilité est le mot à la mode du management contemporain. Mais, dans notre monde incertain et tourbillonnant, est-ce, à la moindre brise, changer de cap plus vite que les autres ? Qui peut croire que la création de valeur naîtra de tels mouvements erratiques ?
Au contraire, la performance est dans la stabilité, et la capacité à maintenir son cap : arriver à construire dans la durée, sans être désarçonné par tout ce que l’on n’a pas pu prévoir. Tel un fleuve, modifier son cours en fonction des mouvements de terrain, du volume des pluies, des barrages imprévus, mais sans changer de destination.
Si toutes les entreprises sont nées par hasard, intuition ou volonté, celles qui sont devenues des leaders mondiaux durables ont pris, à un moment, le temps de trouver leur mer : elles sont les fleuves qui attirent et structurent le cours des autres.
Viser la beauté
L’Oréal ne cesse jamais de viser la beauté, reste centrée sur les cheveux, la peau et le parfum, développe des marques mondiales dédiées toujours aux mêmes circuits de distribution, tout en en allongeant sans cesse la liste, ne renonce pas à ses principes d’action, … avec au cœur, une réactivité extraordinaire, celle de l’énergie de la vie : les actes élaborent des produits, produits qui construisent des marques, marques qui rapprochent l’entreprise chaque jour un peu plus de sa mer.
L’entreprise est structurellement stable et changeante au quotidien : le chaos des initiatives apporte la résilience globale. Telle est la puissance des « matriochkas stratégiques » (ou poupées russes stratégiques), dont les emboîtements successifs, permettent de passer progressivement de la vision stratégique ou mer, jusqu’aux actions quotidiennes et locales.

3 déc. 2013

L'ENTREPRISE EST CONSTRUIT DU MONDE

Vidéo « Les Radeaux de feu » (6)
Pour comprendre comment fonctionnent les entreprises, il est utile et important d’analyser l’histoire du monde, car, avant d’être des construits des hommes, les entreprises sont des construits du monde.

2 déc. 2013

EMBOITEMENT, EMERGENCE ET INCERTITUDE

Vidéo « Les Radeaux de feu » (5)
Depuis son origine, notre monde se crée par la multiplication des emboitements et des émergences, et à chaque fois non seulement l'incertitude s'accroît, mais de plus en plus vite

28 nov. 2013

L'INCERTITUDE EST CRÉÉE PAR DES ORDRES, ET NON PAS PAR LE DÉSORDRE

Vidéo « Les Radeaux de feu » (4)
Contrairement à ce qui est communément dit et pensé, ce n’est pas le désordre qui crée l’incertitude, mais des ordres dont l’évolution est imprévisible

27 nov. 2013

POURQUOI COMMENCER PAR LE RÉCIT DE MON QUASI-DÉCÈS

Vidéo « Les Radeaux de feu » (3)
Pourquoi donc les Radeaux de feu commencent-ils par le récit de mon quasi-décès ?
« Pour montrer que je suis en jeu dans ce que j'écris et pour témoigner que souvent nous ne sommes pas conscients de ce qui est important »