25 janv. 2009

LES TRAINS US ROULENT « DERRIÈRE » LES CHEVAUX DE GUERRE ROMAINS !

Pas facile quand on observe une situation – que ce soit dans la vie courante ou professionnelle – de comprendre les origines, le pourquoi de ce que l’on voit ou de ce que l’on fait. Les origines sont le plus souvent obscures et cachées.

Avec notre culture occidentale, nourrie au sein du cartésianisme et à la pensée théorique – merci à la philosophie grecque –, nous avons tendance à croire à des schémas logiques, pensés, prévus… Or la plupart de temps, il n’en est rien. Ce qui s’est passé n’est que le fruit de hasards successifs, de chocs de la vie, d’une dérive évolutive (voir sur ce thème mon article « Résonances entre dérive naturelle et cygne noir »).

C’est aussi ce que je voulais évoquer dans mon article d’avant-hier sur « Clavier Azerty, inconscient et inefficacité collective ». Comment un adolescent qui tape sur son clavier pourrait-il imaginer que la localisation des touches a pour but d’éviter que des tiges métalliques se bloquent entre elles ? Pas évident…

Cet article a été publié sur AgoraVox et a provoqué de nombreux commentaires. L’un d’eux m’a signalé une anecdote du même genre : pourquoi aux USA la distance standard entre deux rails est-elle de 4 pieds et 8,5 pouces.

Je laisse pour un temps à ce commentaire issu d’un papier paru en juillet 2003 :

« Parce que les chemins de fer US ont été construits de la même façon qu'en Angleterre, par des ingénieurs anglais expatriés, qui ont pensé que c'était une bonne idée car ça permettait également d'utiliser des locomotives anglaises.

Pourquoi les anglais ont-ils construits les leurs comme cela ? Parce que les premières lignes de chemin de fer furent construites par les mêmes ingénieurs qui construisirent les tramways, et que cet écartement était alors utilisé.

Pourquoi ont-ils utilisé cet écartement ? Parce que les personnes qui construisaient les tramways étaient les mêmes qui construisaient les chariots et qu'ils ont utilisé les mêmes méthodes et les mêmes outils.

Okay, pourquoi les chariots utilisent un tel écartement ? Et bien, parce que partout en Europe et en Angleterre les routes avaient déjà des ornières et un espacement diffèrent aurait causé la rupture de l'essieu du chariot.

Donc, pourquoi ces routes présentaient-elles des ornières ainsi espacées ? Les premières grandes routes en Europe ont été construites par l'empire romain pour accélérer le déploiement des légions romaines.

Pourquoi les romains ont-ils retenu cette dimension ? Parce que les premiers chariots étaient des chariots de guerre romains. Ces chariots étaient tirés par deux chevaux.

Ces chevaux galopaient côte-à-côte et devaient être espacés suffisamment pour ne pas se gêner. Afin d'assurer une meilleure stabilité du chariot, les roues ne devaient pas se trouver dans la continuité des empreintes de sabots laissées par les chevaux, et ne pas se trouver trop espacées pour ne pas causer d'accident lors du croisement de deux chariots.

Nous avons donc maintenant la réponse à notre question d'origine. L'espacement des rails US (4 pieds et 8 pouces et demi) s'explique parce que 2000 ans auparavant, sur un autre continent, les chariots romains étaient construits en fonction de la dimension de l'arrière train des chevaux de guerre. »

Je ne sais pas si cette explication est exacte – si vous avez des informations la confirmant ou l’infirmant, n’hésitez pas à réagir –, mais elle me paraît plausible. Et elle est surtout une illustration parfaite de mon propos : comment imaginer a priori un tel enchaînement ?

Finalement ce n’est qu’a posteriori que l’on peut savoir pourquoi et comment les choses se sont passées.

Décidément, comme je le concluais dans mon billet intitulé « Il est bien trop tôt pour se prononcer sur la Révolution Française » : « Oui la prévision est un art impossible. Et pourtant il faut bien en faire. Paradoxe de toute réflexion stratégique… »



24 janv. 2009

VEUT-ON DÉVISSER OU ENFONCER DES CLOUS ?

J’ai rarement quelqu’un s’obstiner à desserrer des vis avec un marteau ou enfoncer des clous avec un tournevis…
Alors si vous voulez que quelqu’un enfonce des clous, ne lui donnez pas de tournevis, mais plutôt un marteau … et faites lui confiance : pas besoin de lui expliquer ce que vous attendez de lui. Il n’est pas stupide, une fois qu’il est muni d’un marteau, il va vite comprendre ce qu’il doit faire. Ne craignez pas de le voir plus tard en train de dévisser.
J’enfonce des portes ouvertes. Oui, peut-être… mais pas tant que cela.
Mon expérience de consultant m’a montré que certains dirigeants ne comprenaient pas pourquoi, dans leur entreprise, le personnel ne faisait pas ce que l’on attendait de lui. Très souvent, c’est parce que, alors que l’on voulait qu’il « enfonce des clous », on lui avait « donné des tournevis »… et, alors tout le monde cherchait des vis.
La rationalité n’était pas dans ce cas du côté du dirigeant : l’outil structure les comportements plus que les discours !

23 janv. 2009

CLAVIER AZERTY, INCONSCIENT ET INEFFICACITÉ COLLECTIVE

Tout un chacun nous sommes devenus « conditionnés » par le clavier AZERTY, et, même si nous ne sommes pas des experts de la frappe, nous avons progressivement mémorisé la place des touches et une bonne partie de notre frappe se fait de façon inconsciente : nos doigts « savent » où sont les touches. Si vous en doutez, prenez un clavier QWERTY (la version anglaise du clavier) et vous allez être surpris du nombre de nouvelles fautes que vous allez commettre.

Or d’où viennent ces claviers AZERTY et QWERTY.

Voici la réponse donnée sur le site « Dis pourquoi Papa » : « Il s’avérait que les utilisatrices des machines à écrire tapaient trop vite. Certaines tiges se levaient en même temps et bloquaient. Sholes, en 1868, eut alors l’idée de séparer, de part et d’autre du clavier, les lettres fréquemment utilisées en langue anglaise comme le Q, le R, E, le W, etc.

Ainsi, les tiges correspondantes s’emmêlaient moins lorsque la frappe était rapide. Cela donna le clavier QWERTY. Une simple adaptation à la langue française, et le clavier AZERTY que l’on connaît était né. En fait, la disposition que nous connaissons n’est purement due qu’à un problème mécanique au détriment de l’ergonomie. »

Je ne sais pas pour vous, mais, quand je tape sur le clavier de mon ordinateur, je n’ai pas vraiment l’impression que cela risque encore de provoquer le blocage de tiges métalliques… Et pourtant les claviers sont toujours AZERTY en français, QWERTY en anglais.


Des tentatives de les remplacer par des claviers pensés selon une logique ergonomique ont bien eu lieu. Redonnons la parole à « Dis pourquoi Papa » : « C’est pour cela que dans les années 30, aux États-Unis, August Dvorak (professeur à l'université de Washington) inventa une disposition des touches du clavier de façon optimisée non pas pour les problèmes mécaniques, mais pour le confort de l’utilisateur. Les consonnes et les voyelles les plus utilisées étaient disposées sur la ligne centrale. Un peu plus tard, une autre disposition fut mise au point sous le nom DIATHENSOR, correspondant aux 10 lettres les plus utilisées en langue anglaise. »

Sans succès. Inertie des habitudes.

Résultat : notre inconscient est structuré par une architecture désuète et ne présentant plus aucune justification.

Bel exemple d’inconscient contreproductif qui montre, comme la reprogrammation des habitudes collectives, est difficile…


22 janv. 2009

« IL EST BIEN TROP TÔT POUR SE PRONONCER SUR LES CONSÉQUENCES DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE »

Interrogé un jour sur les conséquences de la Révolution Française, Winston Churchill répondit qu’il était bien trop tôt pour se prononcer. Ce propos repris hier dans Rédaction (lettre quotidienne roborative et iconoclaste qui constitue un excellent réveil matinal des méninges !) est frappé d’une lucidité trop rare : la plupart du temps nous adorons prévoir, ce malgré la démonstration régulière et obstinée de nos erreurs.

En août 1983, j’étais alors chargé de mission à la DATAR (Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale) et assurait notamment le suivi de la sidérurgie. La France ayant pris ses quartiers d’été, j’avais du temps disponible et me suis alors plongé dans mes dossiers.

En 1978, un plan important avait été décidé et j’ai décidé de relire les informations qui avaient alors servi de support à ces décisions. Un élément clé pour la restructuration avait bien sûr été les prévisions de la demande d’acier en France, l’horizon choisi étant de 5 ans. Les prévisions officielles – celle du gouvernement – avaient été de 21 Millions de Tonnes. La CGT qui était l’organisation syndicale majoritaire avait contesté ce nombre et arrivait à 30 Millions. Le journal Le Monde, dans un de ses articles définitifs comme il les aime, avait tranché environ au milieu.

Or j’avais le « résultat des courses », car nous étions alors, au moment où je relisais ces prévisions, précisément 5 ans après : la demande annuelle allait finalement être d’environ 17 Millions de tonnes. Ainsi le plus proche – c’étaient les prévisions officielles qui étaient les « meilleures » – s’était trompé de 20%. Pourtant l’horizon n’était que de 5 ans, la valeur une donnée supposée « prévisible » et non sujette à des spéculations. Depuis cet été 1983, je suis plus que réservé sur tout exercice de prévision qui ne présente pas de scénarios évaluant les sensibilités aux hypothèses.

Nassim Nicholas Taleb, dans Le Cygne Noir, donne l’information suivante : « Au cours des cinquante ans qui viennent de s’écouler, les dix jours les plus extrêmes sur les marchés financiers représentent la moitié des bénéfices. Dix jours sur cinquante ans. Et pendant ce temps, nous nous noyons dans les bavardages. » A nouveau, c’est l’imprévisible qui est le facteur le plus explicatif de la tendance historique.

Parfois quand j’écoute des discours d’hommes politiques ou d’économistes, je repense à cette histoire du type qui a sauté du toit d’un gratte-ciel et qui, passant devant les fenêtres du 5ème étage, se dit : « Pour l’instant, tout va bien ». Ou encore à la dinde mentionnée par Nassim Nicholas Taleb et qui est contente de la ferme où elle se trouve, parce que, vraiment, on la nourrit très bien…

Oui la prévision est un art impossible. Et pourtant il faut bien en faire. Paradoxe de toute réflexion stratégique…



20 janv. 2009

NOUS NE SOMMES PAS SORTIS DE LA JUNGLE POUR NOUS RETROUVER DEMAIN DANS UNE NEUROJUNGLE !

Comme je l’ai déjà développé dans mon livre "Neuromanagement" et dans plusieurs articles (*), l’efficacité d’un individu ou d’une entreprise repose très largement sur ses processus inconscients : être rationnel, ce n’est pas nier l’importance des processus inconscients, mais, bien au contraire, les accepter et apprendre à en tirer parti.

Un bon nombre de ces processus viennent de ce que l’on appelle souvent notre « cerveau reptilien ». Issus des tréfonds de notre origine animale et même probablement des plus vieux codes du vivant, ces processus sont centrés sur la survie primaire et nous poussent au combat : tout autre, toute différence, toute remise en cause sont perçues d’abord comme des menaces. La force vient de la tribu, de l’identique. Souvenir de la jungle et de la bataille de chaque espèce pour se tailler la « part du lion ».

Ainsi que je l’indiquais dans mon article « Nous sommes tous des cannibales », le vivant, à l’exception des végétaux, ne se nourrit quasiment que de vivant. Normal alors que chaque espèce cherche à se protéger des autres : sans combat, pas de survie. Manger ou être mangé…

Oui, mais nous ne sommes plus dans la jungle. La survie de l’homme n’est plus dans sa capacité à « manger les autres », mais à vivre ensemble. La survie pour les années à venir va beaucoup plus dépendre dans notre capacité à coopérer, à ne plus nous « manger les uns les autres », à ne plus « dévorer notre planète ».

Aussi il faut nous méfier de nos « pulsions reptiliennes ». Les informations sont peuplées de témoignages des dégâts qu’elles font : c’est notre cerveau reptilien qui nous pousse à nous réfugier dans des réflexes identitaires et à nous battre contre notre voisin, contre l’autre tribu. Conflit de Gaza, multiples guerres intra-africaines, éclatement de la Yougoslavie, volontés impérialistes, égoïsmes nationaux… La liste est longue.

Il est vital que nous dépassions ces réflexes contreproductifs. Nous sommes maintenant trop nombreux sur cette planète – 6 milliards en 2000, de 8 à 12 en 2050 -, trop proches les uns des autres – à la fois physiquement et virtuellement via Internet -, trop interdépendants pour pouvoir continuer à concevoir la survie via notre cerveau reptilien. Nos cerveaux reptiliens, loin de garantir notre survie individuelle et collective, vont amener la mort de notre espèce, et probablement de la planète – en tant que système vivant – en même temps.


Il est urgent qu’un nombre croissant d’entre nous en appelle à dépasser concrètement et dans des actes immédiats nos réflexes reptiliens. Bannissons les intellectuels, leaders et favorisés qui utilisent leur situation pour en appeler au combat (voir mon article « Ne laissons pas notre cerveau reptilien collectif nous emmener dans la neurojungle » ).

Apprenons individuellement et collectivement à tirer parti de nos processus inconscients, c’est-à-dire à lutter contre ceux qui sont néfastes : comprenons que nous ne sommes pas sortis de la jungle pour nous retrouver demain dans une neurojungle !


(*) Voir notamment :
- Sans inconscient, pas d’efficacité
- Sans inconscient, pas d’entreprise efficace

19 janv. 2009

MANAGER N’EST PAS UN MÉTIER QUE L’ON PEUT TRANSPOSER FACILEMENT D’UN LIEU À UN AUTRE

Avoir réussi comme dirigeant à la tête d’une entreprise fait-elle de lui un professionnel du management ? Ou dis autrement est-ce qu’il peut réussir à la tête de toute autre entreprise ?
La plupart des personnes vont répondre oui à cette question. Les livres de management sont d’ailleurs peuplés de « recettes » qui sont sensées garantir le succès dans tous les cas.
Je suis pour ma part beaucoup plus réservé face à cette interrogation, et ma réponse sera non dans la plupart des cas.
Pourquoi ? Parce que je suis persuadé du poids et de la prégnance des processus inconscients tant chez l’individu que dans le fonctionnement même de l’entreprise.
Ainsi que je j’ai exposé en détail dans mon livre « Neuromanagement », l’entreprise, comme l’individu, est très largement soumise à des processus inconscients qui, loin d’être un problème, sont le garant de l’efficacité, de la rapidité et de la performance (voir « L’entreprise a des inconscients »).
Mais ces processus sont cachés, non directement lisibles. Pour les percevoir, les comprendre, il faut avoir le temps « d’apprendre » l’entreprise, son histoire, ses succès et ses échecs…
Il en est de même pour un dirigeant. Son histoire personnelle – à la fois professionnelle et privée – a structuré ses processus inconscients. Sans s’en rendre compte, une bonne partie de son succès en tant que dirigeant provient de la bonne « synchronicité » entre ces deux inconscients : le sien et celui de l’entreprise.
Du coup, ses intuitions sont exactes, il délègue en confiance, il « sent » son entreprise. Et si un changement se profile, si une rupture est nécessaire, il va les voir venir et pourra agir en profondeur dans l’entreprise pour reprogrammer ce qui doit l’être…

Si maintenant, auréolé de ses succès passés, il change d’entreprise et se retrouve à la tête d’un ensemble qu’il ne connaît plus et dont les logiques ne sont plus les siennes. Comment ne pas être trompé par ses réflexes inconscients, quand, par exemple, on passe d’une industrie de process lourd à un domaine où la technologie et le marketing sont essentiels et où la durée de vie de tout produit est de moins de 5 ans…
Alors comme il doit prendre décision sur décision – il est venu pour cela et il a toujours su le faire -, il ne se rend pas compte que c’est son inconscient qui le conditionne et le trompe. Et comme en plus il ne comprend pas comment l’entreprise réagit, comme ce qui se passe n’est pas ce qu’il attendait, il se crispe, délègue de moins en moins, contrôle de plus en plus.
Rien ne va plus. Et ce manager qui a toujours réussi ne comprend pas pourquoi cela ne marche plus. Il est perdu, noyé dans un double inconscient qu’il ne perçoit pas.

Souvenir de cette discussion au début des années 80. Je rencontrais alors le dirigeant d’un des grands groupes français les plus performants. Il m’a fait cette confession que je n’ai pas comprise alors : « Vous savez, Robert, après 20 ans passés dans ce groupe, je suis convaincu que je peux le diriger. Je suis aussi convaincu que c’est le seul groupe que je peux diriger. »
Quelle lucidité ! Quelle humilité ! Bien trop rare, malheureusement.
Et oui, manager n’est pas un métier que l’on peut transposer d’un lieu à un autre, c’est le fruit d’une expérience et d’une interaction dans un lieu et un moment précis…

18 janv. 2009

QUELLE DIFFÉRENCE ENTRE UNE BROSSE À DENTS ET UN ÉCUREUIL ?

Notre culture occidentale nous pousse à privilégier la pensée par rapport aux actes.
Depuis la culture grecque, le « logos » est premier et nous avons tendance à voir les actes simplement comme seconds, comme le moment de la mise en œuvre.
Nous sommes devenus des « experts des mots » : pour preuve, le poids du « Grand oral » du concours d’admission à l’ENA, épreuve où l’on va juger de la capacité du candidat à « improviser » brillamment sur un sujet qu’il ne connaît pas. Le discours en lui-même et pour lui-même.
Écoutez au hasard un journal, un débat ou un congrès quelconque, et vous y entendrez essentiellement un art de la dialectique, plus qu’une connaissance et une analyse des faits.
Or, comme le sait la culture populaire, avec les mots, on peut faire ce que l’on veut. Mais dans l’action, c’est plus difficile.

Pour faire passer cette idée, j’ai l’habitude de raconter l’histoire de la brosse à dent et de l’écureuil. L’histoire est la suivante.
« Quelle est la différence entre une brosse à dent et un écureuil ?
Si je me contente de rester au niveau des mots, je vais pouvoir progressivement gommer les différences : finalement les deux ont une queue ; je trouve aussi des poils ; et puis la longueur n’est pas si éloignée…
Mais, au pied d’un arbre, je n’ai jamais vu une brosse à dents être capable de monter en haut !
Donc pour faire la différence, inutile de parler. Mettez-les au pied d’un arbre et regardez celui qui monte. »

Dans la vie, c’est pareil. Nous devrions accorder plus d’importance aux actes et ne pas s’appuyer d’abord sur le discours.
C’est d’ailleurs ce que font la plupart des employés d’une entreprise : ils regardent ce que font concrètement les dirigeants et se méfient de plus en plus des discours…

Aussi, ayons tous le réflexe de planter des arbres quand nous voulons savoir si nous avons affaire à des écureuils ou des brosses à dents.

16 janv. 2009

ARTICLE DANS LES ECHOS DU 13/01/09 : TIRER PARTI DE L'INCONSCIENT DE... L'ENTREPRISE

"« Contrairement à l'être humain, l'entreprise n'est pas prisonnière d'un code génétique : elle est au fond beaucoup plus libre car rien n'est irréversible », assure l'auteur. En revanche, comme l'être humain, l'entreprise est dotée d'un inconscient. L'amour de Robert Branche pour l'entreprise est palpable d'un bout à l'autre de « Neuromanagement », un ouvrage où il mêle son expérience de consultant avec une passion, celle des neurosciences.

Deux risques

Ses conclusions ? Submergée par le flux d'informations du quotidien, la conscience de l'individu, comme celle de l'entreprise, prend deux risques : celui de ne pas voir l'accident qui arrive mais surtout celui de négliger les processus inconscients, qui permettraient à une société de se remettre en question et de saisir des opportunités en se « neurodiagnostiquant ».

De la banque à la chimie en passant par les biens de consommation, les exemples abondent de trop grande centralisation par une direction qui veut tout surveiller sans laisser assez de liberté à ce « laboratoire de recherche » qu'est l'inconscient.

Dans l'ouvrage, le va-et-vient permanent entre la psychologie humaine et les embûches du monde économique est fascinant. A condition que le lecteur ne s'arrête pas aux recettes sous forme de tableaux et de schémas un peu compassés et moins convaincants que les nombreux ouvrages scientifiques sous-tendant la démonstration."

JEAN-MARIE COLOMB

15 janv. 2009

NE LAISSONS PAS NOTRE « CERVEAU REPTILIEN COLLECTIF » NOUS EMMENER DANS LA « NEUROJUNGLE »

C’est devenu aujourd’hui une évidence pour tout le monde que nous sommes à un moment dangereux de l’évolution du monde. Ceci est un fait nouveau et récent (lire aussi « Neurocrise pour un Neuromonde » et « Neurocrise pour un Neuromonde (suite) »).
Ceci est le résultat cumulatif de nombreux signaux parallèles :
- Finances : Spéculation financière, crise des subprimes, mise en cause des systèmes de contrôle, …
- Emploi : Délocalisation des activités vers les pays à bas salaire, pression à la baisse des rémunérations pour les tâches à faible qualification, disparition de « l’emploi à vie », …
- Écologie : Réchauffement de la planète, diminution du nombre des espèces vivantes, inquiétude alimentaire, …
- Politique : Absence de structure politique mondiale, compétition croissante entre pays pour l’accès aux ressources critiques (énergie, minerais, …), tensions constantes et conflit au sein du Moyen- Orient, …
- Culturel : Perte de repères locaux historiques, montée des fondamentalismes dans toutes les religions, généralisation d’un « tout économique », …
Nous sommes clairement à l’aube d’une mutation profonde dont, si les prémisses sont nettes, les conséquences sont incertaines.
Dans ce type de situation, les risques de conflit sont majeurs. Ces conflits peuvent être entre les nations, comme à l’intérieur d’une nation. Ils peuvent aussi venir déstabiliser des systèmes démocratiques apparemment très solides.
Il est donc essentiel que ceux qui restent favorisés, ceux qui ont la chance de pouvoir être en recul relatif grâce à la fois à leur parcours personnel – éducatif et professionnel – et leur situation économique, soient des facteurs incitant au calme et à la compréhension collective.
Pour faire une comparaison avec le fonctionnement du cerveau d’un individu, il est de leur responsabilité d’éviter que collectivement nous soyons tous sous la domination de notre cerveau reptilien, ce cerveau qui, venu des tréfonds de notre origine animale, nous pousse à nous battre pour être le plus fort… Sinon nous allons tous ensemble retourner dans la jungle, une « Neurojungle ».

Dans ce contexte, c’est un euphémisme d’écrire que je ne comprends pas ce qui a pu pousser Jacques Attali à écrire son dernier billet sur le blog qu’il tient dans l’Express (cliquez pour lire son billet).
Je cite le début :
« Que se passerait-il si Nancy était bombardé par des fusées tirées depuis Luxembourg ? Si des attentats suicides avaient lieu dans les rues de Paris ? Et si des pays limitrophes de la France ne reconnaissaient son droit à exister ? … »
Je peux comprendre que, à titre personnel, Jacques Attali se sente blessé dans sa chair intime par ce qui se passe entre israéliens et palestiniens. Mais il est de la responsabilité d’un « vrai intellectuel » de ne pas tomber sous le coup de ses propres « émotions » et de savoir les dépasser.
Or, dans son billet, par ses premières phrases, il en appelle à la peur comme facteur de compréhension, aux émotions « primaires » et non pas à l’intelligence. Il en appelle ainsi – j’espère involontairement – à exacerber les passions, et donc, par là, les tendances belliqueuses.
Dans les jours, mois et années qui arrivent, j’espère que nous n’allons pas avoir trop de tels « Jacques Attali ».


14 janv. 2009

L’ENTREPRISE A DES INCONSCIENTS

En reprenant la définition de la neurobiologie et en centrant sur la vision de la Direction Générale, j’appelle dans l’entreprise « processus conscient » tout ce qui est traité dans l’espace de travail central, c’est-à-dire celui de la Direction Générale. Tout le reste est un processus inconscient.
On peut structurer trois niveaux d’inconscient pour une organisation :
- "L’inconscient de structure" : il s’agit de tout ce qui va générer des actions et des résultats, sans que ceci puisse être d’une façon ou d’une autre rapporté auprès du système de management. Les actions sont effectives et bien réelles, mais ne font pas l’objet d’une analyse et d’un processus conscient, et donc pas non plus à proprement parler d’une décision. Elles sont par exemple directement produites par la façon dont est organisée l’entreprise ou par les systèmes d’information.
- "L’inconscient non connecté" : ce sont tous les systèmes de management locaux qui construisent des représentations, produisent des décisions, mais ne sont pas reliés au management central. En l’absence de cette connexion, ces décisions locales ne participent pas à la représentation globale, ni donc à la construction de scénarios.
- "L’inconscient connecté" : ce sont tous les systèmes de management locaux qui construisent des représentations, produisent des décisions et sont reliés au management central. Même s’ils ne sont pas pour l’instant intégrés dans l’analyse faite par le management central, ils peuvent à tout moment l’être.

Revenons plus en détail sur chaque niveau d’inconscient :

À cause de son "inconscient de structure", l’entreprise prend des décisions « sans le savoir »
L’organisation de l’entreprise, les systèmes en place, et tous les processus génèrent des actions quotidiennes, cela de façon automatique. Il est important qu’il en soit ainsi : en effet c’est ce qui permet à l’entreprise de travailler efficacement, rapidement et à bas coût. Comme pour un individu, ce sont ces processus automatiques qui maintiennent le corps vivant, et qui, après apprentissage, savent marcher, écrire ou nager. Mais, puisqu’ils sont inconscients, il faut périodiquement s’assurer que ce qu’ils produisent est bien en ligne avec les objectifs de l’entreprise.

"L’inconscient non connecté" peut permettre la gestion et l’optimisation des activités non stratégiques
Vu l’étendue de sa géographie, de ses produits, de ses marchés, une grande entreprise doit gérer un système extrêmement complexe. Or si certaines des activités peuvent être utiles, voire indispensables localement, elles ne sont pas nécessairement en relation directe avec la stratégie globale. Il est alors inefficace, voire dangereux, de les gérer avec une interférence du niveau central. Elles doivent être managées localement, sans connexion pour ne pas être « polluées ».
Ces gestions ne doivent pourtant pas être automatiques, car ce sont des activités complètes qu’il faut optimiser. L’intervention de managers locaux est nécessaire.
On a donc, dans une grande entreprise, intérêt à avoir des zones de management local non connectées au système central, d’où ces « inconscients non connectés ». Cette non-connexion est souhaitable pour libérer le système central et permettre aussi des prises de décisions locales plus rapides et plus adaptées.
Noter que ce qui est inconscient pour le système central, est conscient pour le système local : il y a un emboîtement vertical de conscients/inconscients.
Mais faut-il encore s’assurer que ces décisions locales ne sont effectivement pas à relier à la stratégie centrale. La rapidité des évolutions et les nécessaires modifications d’une stratégie imposent de réexaminer périodiquement la pertinence de cet « inconscient non connecté ».

"L’inconscient connecté" est le système de veille de l’entreprise et vient nourrir la pensée stratégique
Revenons un instant sur l’individu. Quand vous marchez dans la rue, votre pensée consciente peut être centrée sur un tout autre sujet que surveiller cette marche : ce sont des processus automatiques qui la gèrent opérationnellement. Ces processus non conscients, mais connectés, surveillent votre environnement : vos yeux regardent ce qui se passe autour de vous ; vos neurones analysent cette information et la rapprochent de votre expérience pour savoir si un risque quelconque apparaît ; le système émotionnel est là pour, en cas de danger repéré, déclencher une action immédiate et vous alerter afin de traiter consciemment les suites à donner.
De la même façon, pour être efficace, une grande entreprise doit disposer de « systèmes inconscients connectés » pour gérer les opérations quotidiennes tout en surveillant l’environnement : des systèmes qui fonctionnent indépendamment de la Direction Générale mais qui peuvent à tout moment l’alerter.
La mise en place d’un tel système suppose d’avoir défini préalablement les conditions de survie à court, moyen, et long termes de l’entreprise, afin de pouvoir faire fonctionner les bons systèmes d’alerte.
Cet inconscient connecté a aussi un autre intérêt : il permet à l’individu de trier entre les options possibles et de pouvoir construire des intuitions. De même pour l’entreprise, il doit être capable de venir nourrir la stratégie en proposant des innovations ou en préparant des décisions.
Cette double dimension de l’inconscient connecté – veille pour déclencher des alertes et capacité à nourrir et enrichir le management central – est un outil puissant pour repenser le fonctionnement d’une organisation.

Voir aussi la vidéo "Pourquoi ce livre"
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(EXTRAIT DU LIVRE NEUROMANAGEMENT)