Pourquoi ne pas parier sur le civisme des Français ?
Quand François
Bayrou a proposé la création d’un label France pour relancer l’emploi
industriel sur notre territoire, la plupart des commentateurs, qu’ils viennent
du monde politique ou journalistique, en ont plaisanté, soit parce qu’il
trouvait cette idée inapplicable, soit parce qu’il la pensait inefficace.
Reprenons chacun de
ces deux points.
Inapplicable donc.
Ses détracteurs ont indiqué, à juste titre, que les processus de production
étant très imbriqués, et que souvent les usines situées en France n’étant que
des usines d’assemblage, un tel label n’avait pas grand sens.
Certes, mais il y a
une donnée qui serait finalement assez facilement mesurable : la part de
valeur ajoutée réalisée en France. Pour cela, il suffirait que, lors de la
vente d’un quelconque produit, l’entreprise soit tenue d’indiquer cette part.
Comment cela
pourrait-il fonctionner ?
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Si l’entreprise a fabriqué ce
produit complètement, à 100 % dans ses usines, elle connaît la part réalisée en
France, et pourrait donc facilement l’indiquer. Afin de ne pas créer une usine
à gaz, on pourrait se contenter d’une exactitude à 5, voire 10 % près.
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Si elle ne l’a pas complètement
fabriqué, c’est donc qu’elle a intégré des composants achetés à d’autres
entreprises. Comme lors des achats, la part réalisée en France figurera sur ces
composants, il lui sera aussi facile de calculer la part finale.
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Restera bien sûr l’amorçage du
processus, notamment sur les stocks anciens, pour lesquels l’information
n’existera pas au départ. Mais vu l’organisation industrielle qui est de plus
en plus en flux tendu, cette limite sera de courte durée.
On peut donc avoir
pour chaque produit vendu sur le marché final, une estimation de la part de
valeur ajoutée faite en France. Le coût d’une telle évaluation serait minime,
car elle deviendrait un calcul informatique automatique.
Comment ensuite
communiquer ceci auprès des acheteurs ?
Pourquoi ne pas
imaginer trois labels matérialisant la part de valeur ajoutée réalisée en
France : par exemple plus de 25% (« assemblé en France »), plus
de 50% (« fabriqué en France ») et plus de 75% (« Tout en
France »). On aurait donc une modulation qui permettrait à des produits
uniquement assemblés en France d’obtenir le label (je pense par exemple aux
usines automobiles de marques étrangères), mais d’être différenciés de ceux
plus complètement fabriqués sur le sol national.
Comment contrôler
l’exactitude de ce taux ? S’agissant d’une nouvelle norme, un contrôle par
l’AFNOR s’impose.
Reste maintenant
l’autre reproche : ce serait inefficace, car les consommateurs veulent
toujours acheter le moins cher possible.
Je ne suis pas sûr
du tout de cette affirmation, et je pense au contraire l’inverse : si les
consommateurs étaient informés de la part réalisée en France, avec les 3
niveaux, cela orienterait leurs achats vers les produits les plus fabriqués en
France. Bien sûr cette préférence ne serait possible que si les performances et
les prix étaient proches, et si l’impact sur le pouvoir d’achat restait limité.
Difficile de
démontrer évidemment mon affirmation que cela marcherait, mais pourquoi
toujours parier sur le manque de civisme et l’incohérence de nos
concitoyens ? Pourquoi ne pas parier
sur l’intelligence individuelle et collective ?
Et même si ce
déplacement était modeste, il induirait de fait un encouragement à la
localisation d’activités en France. De plus c’est un procédé libéral, qui ne
crée pas de biais sur le marché, et dont le coût pour l’État est voisin de
zéro.
Alors pourquoi ne
pas le mettre en œuvre ?
La logique aussi
voudrait ensuite d’avoir un label du même type au plan européen, permettant de
mettre aussi en relief les produits dont la part de valeur ajoutée est
essentiellement européenne.