7 nov. 2011

N’ACCEPTONS PLUS LES PSEUDO-SOLUTIONS

Sortir de Thaïlande sans être entré au Cambodge
Nous avons tendance souvent à éviter les réalités, et à nous contenter de solutions factices ou hypocrites.
J’ai, cet été, à l’occasion de mon voyage au Cambodge et en Thaïlande, été confronté à un exemple typique d’une telle hypocrisie.
L’anecdote est la suivante. Comme les jeux d’argent sont interdits en Thaïlande, et qu’ils sont autorisés au Cambodge, des hôtels-casinos se sont développés dans la ville frontière de Poipet. Pour y accéder, les Thaïlandais doivent franchir la douane thaïe, ce qui matérialise la sortie de la Thaïlande, mais n’ont pas besoin de passer les formalités d’entrée sur le territoire cambodgien : en effet, les hôtels-casinos ont été créés dans une zone comprise entre les douanes thaïes  et khmères.


Ainsi tout est fluide et facile d’accès, et les casinos se développent.
Sommes-nous vraiment au Cambodge ? Probablement oui, et ceci est une belle métaphore de l’hypocrisie rampante : on interdit une chose, et on la contourne en abaissant au maximum toute contrainte.
Faut-il s’en réjouir ? Je ne crois vraiment pas. Apprenons à faire face au réel, plutôt qu’à en masquer les effets.

4 nov. 2011

UNE VOIX, UNE GUITARE, À QUOI BON BON QUELQUE CHOSE DE PLUS ?

Johnny Cash dans ses oeuvres... 

Sans raison claire (mais pourquoi ne pas laisser aller ses réflexes inconscients !), j'ai pensé que le réalisme des chansons de Johnny Cash serait un bon contrepoint face à l'homme "virtuellement augmenté" que j'évoquais hier ... 
Et pour un finir, un hommage virtuel à deux absents avec un nouveau clip d'Alain Bashung chantant Serge Gainsbourg.

3 nov. 2011

RÉSEAU SOCIAL + RÉALITÉ AUGMENTÉE = HOMME AUGMENTÉ ?

Extension ou dissolution ?
Selon Wikipedia : « La réalité augmentée désigne les systèmes informatiques qui rendent possible la superposition d'un modèle virtuel 3D ou 2D à la perception que nous avons naturellement de la réalité et ceci en temps réel. Elle désigne les différentes méthodes qui permettent d'incruster de façon réaliste des objets virtuels dans une séquence d'images. Elle s'applique aussi bien à la perception visuelle (superposition d'image virtuelle aux images réelles) qu'aux perceptions proprioceptives comme les perceptions tactiles ou auditives. »
Je poursuis ma promenade au pays des définitions. À la question « réseau social », on me répond, toujours sur Wikipedia : « Un réseau social est un ensemble d'identités sociales telles que des individus ou encore des organisations reliées entre elles par des liens créés lors des interactions sociales. Il se représente par une structure ou une forme dynamique d'un groupement social. L'analyse des réseaux sociaux, basée sur la théorie des réseaux, l'usage des graphes et l'analyse sociologique représente le domaine étudiant les réseaux sociaux. Des réseaux sociaux peuvent être créés stratégiquement pour agrandir ou rendre plus efficient son propre réseau social (professionnel, amical). »
Voilà donc notre nouveau monde. Est-ce à dire que, grâce aux réseaux sociaux, je vais pouvoir vivre une réalité augmentée ? Peut-être…  Permettez donc de me lancer, en proposant  une première définition de l’homme augmenté, c’est-à-dire celui qui vit une réalité augmentée grâce à ses réseaux sociaux :
« Doté d’un ensemble d’identités sociales auxquelles il est relié par un tissu d’interactions sociales, il a accès non plus seulement à ce qu’il voit, touche ou sent, mais à tout ce qui est accessible à l’un des membres de l’un de ses réseaux. Ainsi, à tout instant, vient se superposer à sa réalité immédiate, celles vécues à distance par ses partenaires sociaux. Ceci s’applique aussi bien à sa perception visuelle qu’à ses perceptions proprioceptives. Plongé ainsi dans une réalité augmentée, c’est lui à son tour qui l’est. Puissant de ces énergies distantes, incarné dans un corps appareillé, il habite la totalité du monde, pleinement et sereinement. »
Oui peut-être… à condition que tout ne dérape pas. Car on pourrait aussi bien déboucher sur l’homme diminué :
« Explosé entre des individualités qu’il ne maîtrise pas, noyé dans un flux constant de perceptions multiples, perdu dans des mondes virtuels et lointains, il ne sait plus qui il est et où il est. Ainsi, à tout instant, sa réalité immédiate est-elle dissoute, et détruite. Il en vient à oublier ses racines, ses proches et jusqu’à son corps qu’il néglige de nourrir et d’entretenir. Progressivement il diminue et se désintègre dans un magma collectif et informe. »

2 nov. 2011

PEUT-ON GARDER LA MAÎTRISE DE SON TEMPS QUAND ON ATTEINT SES OBJECTIFS ?

Licencier ceux qui n’obéissent pas
Lors d’un déplacement récent, j’ai entendu l’anecdote suivante, anecdote située dans un pays étranger.
Deux personnes discutaient, l’une relatant à l’autre l’histoire réelle suivante : un de ses amis, chef d’une petite entreprise, avait mis en place un système pour mesurer le temps que son personnel passait sur Facebook. Il avait pu ainsi constater que l’un de ses salariés passait 60% de son temps sur Facebook, et donc seulement 40% à travailler, tout en atteignant quand même tous ses objectifs. Il l’avait alors licencié, ne pouvant accepter qu’il ne travaille qu’à 40%.
Cette anecdote est significative pour moi à plus d’un titre.
Tout d’abord, il est pour le moins surprenant de voir un salarié licencié, alors qu’il atteignait ses objectifs. S’il était capable de les atteindre en 40% de temps de travail, c’était soit parce qu’il était particulièrement efficace, soit parce que les objectifs étaient mal fixés. Pourquoi dès lors le licencier, s’il ne semait pas la pagaille dans l’entreprise ?
De plus, est-ce sûr qu’il « perdait » son temps lorsqu’il était sur Facebook ? Peut-être le temps qu’il y passait, lui était nécessaire pour être efficace. L’efficacité ne se mesure pas si facilement. Quand on ne travaille pas apparemment, peut-être est-on en train de réfléchir…
Ensuite, est-ce si banal de mettre en place un système mesurant précisément ce que font les employés sur internet ? Où est la limite avec l’empiètement sur la vie privée ? Et si l’on rentre dans la logique de mesurer ce que chacun fait, il n’y a plus de raison de piloter par les objectifs : pourquoi ne pas transformer chacun en une marionnette téléguidée ?
Enfin, je suis frappé par les réactions tant de celui qui relatait l’anecdote, que de celui qui l’écoutait. L’un comme l’autre ne se sont posés aucune question, et ont  trouvé normal et logique l’attitude du chef d’entreprise : quoi de plus normal que de licencier quelqu’un qui ne travaillait que 40% de son temps.
No more comment…

27 oct. 2011

SAVOIR POSER LES QUESTIONS

Priorité client : comment faire ? (3)
Voilà donc l’entreprise qui, après une longue période d’observation de ses clients, a compris la logique de ses clients, et comment son produit et/ou son service s’insérait là-dedans.
Reste maintenant à savoir si telle attitude est minoritaire ou pas, si tel item et tel item sont corrélés ou pas, ou quel est le niveau d’acceptabilité de telle nouvelle proposition. Pour cela, il va falloir passer à une approche quantitative, et donc écrire un questionnaire.
Sans entrer dans le détail d’une telle rédaction, je vais juste insister sur quatre points essentiels tirés de mon expérience personnelle :
1.       Ne pas évaluer seulement la réaction à un item ou une proposition, mais aussi l’importance de ce même item ou proposition : en effet, souvent le foisonnement d’un questionnaire et l’intelligence des équipes marketing peuvent conduire à oublier quelle est la hiérarchie vue par le client, et quels sont les points essentiels qui structureront sa perception globale. C’est cette hiérarchie qui permettra ensuite de guider les choix et les arbitrages.
2.       Poser des questions négatives pour évaluer ce qui pourrait conduire à écarter une proposition : c’est un autre moyen simple pour trouver quelles sont les préférences d’un client. Par exemple, c’est en demandant à ses clients, « Qu’est-ce qui vous ferait écarter une compagnie aérienne ? » que l’item « Ne pas perdre mes bagages » est apparu tout en haut de la liste.
3.       Attention aux tests en aveugle : pour évaluer la performance relative entre plusieurs propositions, on procède souvent en aveugle, c’est-à-dire sans indiquer quelle est la marque ou le type de produit. Or parfois la force de la marque est telle qu’elle peut influer sur les résultats. Souvenir aussi d’un test portant sur une formule de shampooing à la camomille, où les convictions sur la prétendue capacité de la camomille à blondir les cheveux, venaient modifier les tests : tester avec sans la mention « shampooing à la camomille » changeait significativement tous les résultats
4.       Ne pas toujours interroger juste après la consommation d’un service : on fait très souvent remplir un questionnaire de satisfaction juste à l’issue d’une prestation (dans un avion, un hôtel…). Or le souvenir se déforme dans le temps, et ce qui fera revenir ou pas un client, est la perception différée, et non pas la perception instantanée. C’est elle qu’il faut en priorité mesurer.

26 oct. 2011

S’ASSEOIR À COTÉ DU CLIENT SANS POSER DE QUESTIONS

Priorité client : comment faire ? (2)
Donc imaginons une Direction Générale d’une grande entreprise déterminée à devenir réellement orientée client. Quelle est la première étape ?
Ma réponse est formelle : comprendre ce que veulent les clients.
Mais avec tous les moyens dont dispose l’entreprise, avec tout son savoir-faire accumulé, avec ton expertise, cela doit être évident non ?
J’ai déjà eu l’occasion à plusieurs reprises de montrer que ce n’était pas le cas : plus l’entreprise est experte, moins elle pense et agit comme ses clients. (voir notamment « Difficile pour un banquier de se comparer à un poissonnier, et pourtant… »)
La divergence sur ces points peut conduire à des erreurs complètes de centrage. D’où l’importance de mettre l’entreprise face à ses croyances et de matérialiser. Tel est l’objet du Miroir client que je décrivais dans « Comment matérialiser l’écart entre ce que pensent les clients et ce que l'entreprise croit qu'ils pensent ? »
Mais avant de se lancer dans la confection d’un tel outil qui va permettre de mobiliser la totalité de l’entreprise, faut-il encore pouvoir construire une première vision, et notamment le questionnaire qui servira à la réalisation du Miroir Client (1).
Tout d’abord, avant de rédiger un questionnaire, il faut que la personne ou le groupe de personnes en charge ait une compréhension fine et personnelle de ce que veulent les clients. Pour cela, surtout ne pas poser de questions : dès que l’on pose des questions, on projette sa vision du monde.
Non, il ne faut pas poser de questions, il faut s’assoir à côté du client et observer. Observer longuement, lentement et en détail. Observer ce qu’il fait, ce qu’il dit, ce qui le gène. Observer ce qu’il fait avant et après, comment le produit et/ou le service s’insère dans l’activité du client.
Sur l’importance de l’observation, voir « Quand on se pose une question qui n’existe pas », et aussi « Comment lire derrière les apparences ? »
Nous voilà donc armés pour le questionnaire. Certes mais comment traduire ce que l’on a compris et trouver les bonnes questions ?
(à suivre)
(1) Je rappelle que L’idée Miroir Client est née de la remarque suivante : ce qui détermine les actions de chacun, ce ne sont pas les priorités clients réelles, mais les priorités clients telles que vues et interprétées par l’organisation et son personnel ; s’il y a un décalage entre ce qu’attend le client et ce que croit l’entreprise qu’il attend, le centrage des actions sera inefficace. Il y a donc un intérêt à mettre en regard, comme par un effet miroir, ce que l’entreprise croit que le client pense et ce qu’il pense vraiment. Quel est le principe du Miroir Client ? Il est de mettre en relief les décalages éventuels entre ce que pensent les clients et ce que l’entreprise croit que les clients pensent.

25 oct. 2011

LA SCHIZOPHRÉNIE DE L’ORIENTATION CLIENT

Priorité client : comment faire ? (1)
Ouvrez au hasard le rapport d’activités d’une quelconque entreprise. Je parie que vous y trouverez en bonne place une expression du type « Priorité Client », ou alors « Nos engagements client », voire « La qualité au service de nos clients ».
Pourtant sans nier les progrès faits, le chemin qui reste à parcourir est important, et, dès que nous sommes clients, nous n’avons que trop rarement l’impression d’être la priorité, ou si nous rappelons les soi-disant engagements, nous comprenons qu’ils n’engageaient que ceux qui les lisaient. Quant à la qualité, elle nous apparait souvent sacrifiée à l’autel de l’économie et de la productivité.
Toutes les entreprises mentent-elles ? Tous les dirigeants sont-ils des schizophrènes ou des manipulateurs ? Le mot client a-t-il seulement une vertu incantatoire, et n’a-t-il pas de réalité au-delà du discours ?
Non, bien sûr. Alors que se passe-t-il ? Je crois que simplement les entreprises font mal sans le savoir : elles se trompent sur ce que veulent les clients, elles ignorent la performance réelle de leurs produits et/ou de leurs services. Difficile de comprendre en profondeur ce que les clients veulent, difficile de mesurer ce que l’on fait vraiment au quotidien. Et si la taille d’une entreprise vient lui apporter des ressources financières et humaines, elle a aussi tendance à l’éloigner de ses clients, et sa direction a bien du mal à savoir ce qui se passe sur le terrain.
Comme je l’ai décrit dans mon livre Neuromanagement, la plupart des actions d’une grande entreprise ne sont pas pilotées directement par la direction – et c’est très bien, car c’est ce qui lui permet de fonctionner –, et donc largement inconnues par elle. Pas facile alors d’être effectivement orienté client.
Est-ce à dire que le combat est perdu d’avance ?
Évidemment non, mais il suppose une approche à la fois plus modeste, et plus systématique qu’on ne le fait souvent…
(à suivre)

24 oct. 2011

LE VRAI CHANGEMENT SE FAIT CONSTAMMENT ET SANS BRUIT

On ne voit pas ses enfants grandir
Le 10 octobre dernier, j’écrivais un billet sur le changement, « Moins on change, mieux on se porte », billet dans lequel je mettais l’accent sur les dangers du management par le changement.
Dans les commentaires suscités par cet article, j’ai été amené à préciser que je ne visais pas là le « vrai » changement, c’est-à-dire celui qui correspondait au processus même du vivant : en effet la vie n’est faite que de destructions et de reconstructions constantes. C’est bien pourquoi le rôle du management est plus d’apporter de la stabilité que du désordre : il y a suffisamment de désordre et de perturbations venant du dehors !
Sur ce thème de la transformation perpétuelle, voilà ce que j’écrivais dans les Mers de l’incertitude :
« Assis à ma table, en train de taper ces mots sur le clavier de mon ordinateur, j’ai l’impression que seuls mes doigts bougent. Or en fait, tout bouge autour de moi, tout se transforme sans cesse : la terre m’emporte dans sa double rotation, l’air qui m’entoure est fait de turbulences, mon corps échange sans cesse, la limite entre le dehors et le dedans est fluctuante à l’échelle de mes cellules… Je ne suis que mouvement, changement, transformation.
Assis autour de la table du conseil, le comité de direction pense que l’entreprise ne bouge plus, est immobile et qu’il est impossible de la changer. Or, comme mon corps, l’entreprise ne peut pas être immobile. A chaque instant, elle est déplacée par le monde dans lequel elle est immergée, elle échange continûment informations et produits avec l’extérieur, les frontières élémentaires sont floues et instables : des clients arrivent et la quittent, des collaborateurs la rejoignent quand d’autres s’en vont, de l’argent entre et sort,… Pour elle aussi, tout bouge tout le temps.
L’entreprise est un système complexe ouvert qui se transforme :
  •  Elle fait partie d’un écosystème créé avec ses clients, ses partenaires, ses concurrents, la réglementation, etc., écosystème qui échange aussi avec l’extérieur et se transforme.
  • Elle est composée de sous-systèmes (ses filiales, ses familles de produit, ses fonctions…) qui évoluent et se transforment, chacun séparément et dans sa relation avec les autres.
  • Elle est faite d’hommes et de femmes qui acquièrent de l’expérience et se transforment, chacun dans leur vie individuelle et aussi dans leurs interactions mutuelles.
Mais, comme moi quand je suis assis à ma table, toute Direction en arrive à oublier tous ces mouvements qui conditionnent l’entreprise et la font exister. Pour percevoir et sentir ces mouvements qui l’habitent, il faut reprendre du recul, faire le vide, se regarder du dehors.
Pourquoi est-il si difficile de voir ces mouvements, pourquoi surestimons-nous toujours la fixité des choses, pourquoi pensons-nous souvent que rien ne change ?
Parce que les vrais changements sont lents et progressifs. Les dirigeants sont comme ces parents qui ne voient pas leurs enfants grandir 1. Ils se plaignent que rien ne change, alors que tout grandit.
(…) Ces mouvements de fond sont à relier à ce que François Jullien appelle les « potentiels de situation » : faisant le lien avec de Sun Tzu, il écrit : « Le stratège est ainsi invité à partir de la situation, non pas d’une situation telle préalablement je la modéliserais, mais bien de cette situation-ci dans laquelle je suis engagé et au creux de laquelle je tente de repérer où se trouve le potentiel et comment l’exploiter. »2. Il évoque ensuite l’image du potentiel sous-jacent lié à la présence d’une eau stockée en hauteur et qui, donc, peut dévaler la pente. C’est à partir de ce potentiel que vont se créer les mouvements. »
(1) « On ne se voit pas vieillir, on ne voit pas la rivière creuser son lit. » (François Jullien, Traité de l’efficacité, p.80)
(2) François Jullien, Conférence sur l’efficacité, p.30-31

21 oct. 2011

SE MÉFIER DES PRÉVISIONS COMME DES SONDAGES

Pourquoi s’intéresse-t-on aux décimales ?
Alors qu'il est difficile de calculer la rentabilité d'une entreprise ou d'évaluer ses perspectives futures, comment pourrait-on mesurer précisément l'activité d'un pays, et son évolution ? Pourquoi les hommes politiques accordent-ils plus de crédit aux prévisions économiques qu'aux sondages ?

20 oct. 2011

COMMENT LA MODÉLISATION ÉCONOMIQUE POURRAIT-ELLE ÉMERGER DU CHAOS ?

Faut-il croire aux miracles ?
Résumons la situation de la prévision et de la modélisation économique.
A l’échelon élémentaire, nous trouvons l’agent économique de base, c’est-à-dire vous ou moi. Pouvons-nous prévoir ce que nous allons faire demain et pourquoi ? Sommes-nous des êtres rationnels et modélisables ? Non, et Dieu merci ! 
Pour ceux qui en douteraient, sachez que les neurosciences ont montré que notre comportement et nos décisions étaient majoritairement régis par nos processus inconscients, et que même notre mémoire et notre identité se reconstruisaient constamment. Ce que la plupart des philosophes disaient d’ailleurs depuis longtemps.
Donc comme nous sommes en plus soumis à des pressions publicitaires, des tombereaux d’informations et des chapelets d’offres, tous constamment changeantes et spécifiques, que chacun de nous est pris dans des contextes sociaux et professionnels, eux-mêmes changeants et spécifiques, impossible de savoir ce que chacun de nous va faire.
Bien, mais la modélisation économique ne cherche pas à prévoir ce qu’un individu va faire, elle ne s’intéresse qu’à des populations larges d’individus. Elle suppose que cette incertitude inhérente à un individu va se trouver lissée, et que des lois collectives vont émerger.
C’est du moins ce que l’on a cru, et ce que l’on cherche encore à nous faire croire… 
Mais pour que cela soit vrai, il faudrait que l’incertitude élémentaire ne se propage pas. Or tous les développements récents ont montré que les lois qui régissaient la vie étaient de nature chaotique, c’est-à-dire que les écarts loin de se résorber s’amplifiaient. Bien plus le moindre écart sur les conditions initiales pouvait conduire à des divergences très fortes. C’est le fameux effet papillon.
Comment donc pourrait-on miraculeusement modéliser le fonctionnement de l’économie ? Il serait plus facile de prévoir la météo précisément un an à l’avance… puisque les molécules d’air et d’eau ont moins d’autonomie de comportement que les êtres humains.
Il serait peut-être donc temps de comprendre que l’économie n’est pas une science, et ne peut pas se modéliser. Tel est d’ailleurs le propos d’un article de Jean-Marc Vittori paru dans les Échos le 19 octobre, « La grande panne des modèles économiques ».