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6 juil. 2009

IL EST BON DE SAUTER D’UNE FENÊTRE DE TEMPS EN TEMPS

Quoiqu'il arrive, la bonne question à se poser est : « Est-ce que cela peut marcher ? »

Le dernier film de Woody Allen, « Whatever works », est un hymne au hasard et aux chocs de l a vie.

Prenez une collection hétéroclite et improbable : un physicien vieillissant et méchamment caustique, une jeune sudiste encore naïve et perdue dans Manhattan, une mère coincée et pleine de certitudes, un photographe, un jeune acteur, un père qui ne sait pas qu'il est homosexuel, …

Vous mettez le tout dans le bocal new-yorkais, vous secouez bien et vous laissez agir. Au besoin, vous faites sauter deux fois le personnage central par une fenêtre, histoire de mettre un peu plus de sel.

Et vous obtenez une comédie joyeuse où le meilleur (du moins dans la durée du film !) va sortir de ce brouhaha.

Pourquoi se fatiguer à prévoir sa vie, puisqu'elle va naître de ces rencontres imprévues ? Tout peut commencer et s'arrêter à tout moment, sans raison.

Comment dès lors porter un jugement quelconque sur ce qui se passe ? Pourquoi choisir et se poser des questions ?

Quoi qu'il arrive, la seule question serait ainsi : « Est-ce que cela marche ? ».

Si oui, profitons-en le temps que cela marche et on verra bien pour la suite. Si non, faisons le dos rond et attendons le choc suivant.

Philosophie un brin désenchantée, mais pragmatique et revigorante !

2 juil. 2009

LES VILLES NE SONT PAS LE LIEU DU VIVANT

Quand mon regard ne rebondit que sur du « construit »

Me voilà depuis quelques jours au milieu de la campagne provençale.

Autour de moi, seule la nature me renvoie son écho : mon regard rebondit alternativement sur des lavandes, des vignes ou des chênes… Tout est vivant autour de moi, la partie minérale est réduite au minimum. Certes, ce vivant a été largement modifié, transformé, planté, mais il n'en reste pas moins vivant : Les « mauvaises herbes » décident de là où elles vont prospérer, les jeunes arbres se développent aléatoirement, les sangliers retournent ce qui leur plaît… ou déplait.

A Paris, le minéral répond à mon regard. Là, la vie en liberté n'est qu'humaine. L'autre est enfermée dans des pots ou se promène au bout d'une laisse. Je ne vois que du mort, du construit détruit, de l'immobile, du prévisible qui viennent environner le monde des humains.

J'exagère, probablement emporté par le jeu des mots et d'un clavier, mais il n'en reste pas moins que ce paysage provençal vient comme un rappel face à la folie de nos villes…

29 juin 2009

APPRENEZ À BRACONNER DU TEMPS « LIBRE »

Cacher du temps comme on cache des réserves de budget…

A l'issue de ma conférence faite en mai autour du « Lâcher-prise » (voir Lâcher-prise pour manager), une personne – une femme, cadre supérieur dans un grand groupe – qui avait assisté vint me demander :

« Vous avez dit tout à l'heure qu'il fallait avoir une partie de temps non finalisé si l'on veut innover, si l'on veut arriver à faire le vide. Je suis d'accord avec vous, mais ce n'est pas compatible avec la pression mise par la Direction Générale. Comment faire ?

- Tout d'abord, c'est pour cette raison que je travaille auprès des Directions Générales pour leur faire prendre conscience du danger de la pression permanente actuelle et de la confusion faite entre efficacité et occupation. Mais quelle solution dans votre cas, car vous n'allez pas attendre que votre Direction Générale ait changé ?

Ma recommandation est la suivante. Je crois qu'il faut procéder avec le temps comme avec la prévision budgétaire. Vous savez comme moi que tout responsable d'une unité – filiale ou département – « cache » des réserves au moment de la négociation budgétaire. C'est ce qui va lui permettre de faire face à des imprévus et de lisser ses résultats. La Direction générale le sait – tout Directeur général a été Directeur de filiale ou de département… - et le tolère, car c'est une souplesse nécessaire au bon fonctionnement de l'ensemble. Ceci, bien sûr, à condition que cela reste dans des proportions limitées et que cela ne soit pas un détournement de fonds.

Eh bien, je crois qu'il faut faire pareil avec votre temps. « Cachez » du temps pour en avoir de libre et non affecté. Comme pour le budget, faites-le dans des proportions raisonnables. Vous en serez d'autant plus innovatrices et moins sensibles aux modes et humeurs… et la Direction Générale vous en saura gré, même si elle ne sait pas comment vous avez réellement fait. »

Ces espaces de liberté, de braconnage sont nécessaires au bon fonctionnement des entreprises.

Comme l'écrit Edgar Morin dans Introduction à la pensée complexe : « Finalement, les réseaux informels, les résistances collaboratrices, les autonomies, les désordres sont des ingrédients nécessaires à la vitalité des entreprises. »

26 juin 2009

SE CRÉER UN COMPOST MENTAL POUR POUVOIR INNOVER

Accepter de passer du temps pour rien… du moins apparemment !

Mon livre Neuromanagement est largement « né par hasard ». Qu'est-ce à dire ?

Bien sûr que son écriture à proprement dite a été un acte volontaire ! Mais sa naissance a été involontaire. Comment cela s'est-il passé ?

Tout a commencé par un dîner au cours duquel un ami m'a parlé des neurosciences : depuis qu'il était à la retraite, il avait assisté à des conférences en France et aux États-Unis, rencontré un bon nombre de chercheurs, lu leurs livres et avait amorcé une réflexion personnelle. A l'issue de cette discussion qui m'avait passionné, il m'a envoyé un mail avec les livres à lire en priorité (Damasio, Ledoux, Naccache et … Spinoza).

Je me suis alors plongé dans cette lecture sans autre raison que la curiosité. Au milieu de ce « chemin », ceci m'a rappelé la vision de la mémoire qui émane de « A la recherche du temps perdu » de Marcel Proust, une mémoire qui se compose et de recompose sans cesse. J'ai décidé alors de faire une pause et de relire Proust. Vraiment rien de logique donc. Une forme de promenade…

Fin 2007, j'avais fini cette plongée et, sans y prendre garde, cela avait été intégré dans mon activité professionnelle. En effet, je me suis mis, au début quasiment involontairement, à me servir des neurosciences comme une clé de lecture pour penser le management : comme un individu, l'entreprise est largement mue par ses processus inconscients et son efficacité repose sur le mariage entre processus conscients et inconscients.

Un jour de mi-février, au cours d'un déjeuner avec un responsable d'entreprise auquel je parlais de ceci à bâtons rompus, il m'a dit :

« Tu sais que tu as un livre.

- Non, ce sont juste des idées, lui répondis-je. »

En sortant du restaurant, je repensais à son propos. Et après tout ? Je suis allé dans un café et ai ouvert mon ordinateur. Une heure après, j'avais un plan. Une semaine après, cent pages. J'ai alors croisé un camarade d'école, ai appris qu'il avait monté une maison d'édition et était intéressé par mon livre potentiel. C'était parti !

A partir de là, je me suis organisé pour mener à bien ce projet.

Je crois que ce déroulement est assez représentatif de ce que peut être un processus d'innovation en univers incertain et aléatoire : se garder du temps non finalisé, c'est-à-dire du temps au cours duquel on va pouvoir faire des choses sans savoir pourquoi exactement et accumuler ainsi des informations et des expériences. Laisser tout ceci incuber dans un « compost mental » en le laissant se confronter à sa vie quotidienne. Il se produit alors une « fermentation mentale » qui va transformer cet amas en un « engrais intellectuel » qui va faire pousser de nouvelles idées.

Finalement l'innovation est le fruit d'une maturation largement inconsciente et d'une émergence…

25 juin 2009

PRÉVOIR, C'EST ALLER CONTRE LA LOGIQUE DE NOTRE MONDE

Plus le monde a évolué, moins il a été prévisible

Quelle est la dynamique qui sous-tend l'évolution de notre monde ? La réponse me paraît être : l'accroissement de l'incertitude.

Commençons par le début avec la matière inanimée : ce qui sous-tend les lois de la physique sont l'entropie et la tendance de tous les systèmes à son accroissement. Or l'entropie est directement liée au désordre de la matière. Plus l'entropie augmente, plus le désordre augmente.

Arrive ensuite l'apparition des premières cellules vivantes et l'émergence des végétaux. Ces cellules sont en échange permanent avec l'extérieur. Elles génèrent ainsi des interactions complexes et rendent encore plus incertaine l'évolution du monde. A l'entropie de la physique, vient s'ajouter l'aléa du vivant.

Le règne animal poursuit cet accroissement de l'incertitude. En effet, les animaux sont dotés d'un cerveau qui va leur permettre de gérer dynamiquement une situation et accroître leurs chances de survie. Ce comportement est largement conditionné, mais est non modélisable de façon précise : savoir qu'une gazelle va chercher à échapper au lion ne dit pas précisément ce qu'elle va faire. Quand va-t-elle exactement se mettre à courir ? Va-t-elle partir à droite ou à gauche ? Va-t-elle trébucher sur une pierre ? … Il est alors encore moins possible de prévoir l'évolution du monde.

Et voilà que nous arrivons avec notre cerveau « sophistiqué » et notre capacité à construire des stratégies propres et nouvelles. Nous sommes encore moins prévisibles que les animaux, et notre impact collectif sur le monde est considérable.

Ainsi toute l'évolution a accru l'incertitude et la complexité du monde. Et si c'était son vrai moteur ?

Sans pouvoir répondre à une telle question, il me semble possible de voir que lorsque l'on cherche à limiter l'incertitude, on va contre la logique de l'évolution. Nous sommes des facteurs d'incertitude – c'est d'ailleurs ce qui fait notre liberté – et nous devons apprendre à vivre avec, et non pas à la réduire.

Ceci est singulièrement vrai dans les entreprises et leurs relations avec le monde financier : on demande sans cesse aux entreprises de bâtir des plans prévisionnels qui vont servir à calculer des valeurs financières ; ces valeurs seront alors immédiatement « vendues » au marché et les entreprises seront contraintes d'atteindre ces résultats. Ces mécanismes qui cherchent à limiter l'incertitude sont donc à l'opposé des logiques réelles qui sous-tendent l'évolution du monde.

Il est urgent que nous apprenions à fonctionner autrement…


24 juin 2009

LES PRÉVISIONS ÉCONOMIQUES PEUVENT-ELLES ÊTRE PLUS FIABLES QUE CELLES SUR LA MÉTÉO ?


Nous devons apprendre à vivre en univers incertain et à ne plus nous « protéger » derrière des chiffres sans valeur

Une fois de plus, les prévisions météorologiques se sont trompées : à la place des rayons de soleil annoncés, c'est un déluge de pluie. Nous avons tous pris collectivement l'habitude de ces erreurs et pourtant nous continuons à suivre ces émissions à la télévision ou à la radio qui nous égrènent des futurs improbables…

D'où viennent ces erreurs à répétition. Elles ont, en simplifiant, deux origines : d'une part la difficulté à modéliser toutes les interactions, d'autre part la propagation des erreurs inhérentes au mode de calcul.

Nous sommes en train de progresser sur la première limite : plus la science météorologique avance, mieux elle arrive à affiner ses équations et à rendre compte de la complexité du système. Il n'en reste moins que c'est un long chemin dont on ne voit pas bien le bout. Pensez par exemple à la diversité de la géographie européenne et la multiplicité des interactions liées à l'activité humaine qui n'est pas elle prévisible en détail…

Parlons maintenant de la deuxième origine, celle liée aux erreurs inhérentes au mode de calcul. Que se passe-t-il ? Pour élaborer les prévisions météorologiques, on utilise des superordinateurs qui vont simuler progressivement l'évolution du temps. Or dans leurs calculs, ces superordinateurs ne peuvent pas manipuler des nombres avec une infinité de décimales : en effet ceci supposerait une puissance infinie de calcul. Donc pour tout calcul sur un nombre non entier (par exemple le résultat de la division de 2 par 3), ils manipulent un nombre fini de décimales et procède donc systématiquement à une erreur arithmétique. Cette erreur est très faible (< 10-10) et ne prête pas à conséquence la plupart du temps. Mais dans le cas des prévisions météorologiques, compte-tenu du type des équations, cette erreur s'amplifie très vite et rend le résultat totalement erratique. En conséquence le modèle a été rendu plus grossier pour éviter cet aléa… mais du coup, ceci rend toute prévision à long terme impossible. (voir « Si Dieu jouait aux dés, il gagnerait »)

Comme l'écrit Stewart, « la recherche dans l'avenir pourra peut-être surmonter de telles difficultés. Mais il existe des raisons théoriques pour croire qu'il existe une limitation intrinsèque à l'exactitude avec laquelle on peut prévoir le temps. Quatre ou cinq jours à l'avance, peut-être une semaine – mais pas plus. » (Dieu joue-t-il aux dés ? Les mathématiques du chaos)

Nous voilà donc face à une explication scientifique qui montre qu'il est illusoire d'imaginer prévoir la météo au-delà de la semaine. Aussi nous apprenons à vivre avec cette incertitude…

Abandonnons la météorologie et passons à la prévision économique.

Je n'ai pas l'impression qu'il soit plus facile de modéliser le fonctionnement de l'économie que celui de la météo. On est bien face aux mêmes types de difficultés, avec, là, un poids déterminant des activités humaines. Or celles-ci ne sont pas modélisables précisément (et heureusement !). Il y a donc aussi une source inhérente d'erreurs.

Et dans le domaine de l'économie, je ne fais qu'entendre des prévisions à un an, voire plus. Dans mon activité de consultant, je rencontre souvent des entreprises qui élaborent des plans stratégiques à 3 ou 5 ans, avec des données détaillées.

Est-ce raisonnable ? Comment ce qui est impossible pour la météo, le deviendrait pour l'économie ? N'a-t-on pas assez de preuves ces dernières années, et singulièrement depuis la crise, de l'inexactitude de toutes ces prévisions : aux rayons de soleil annoncés correspondent des déluges de pluie, au calme prévu un tsunami… (voir « Ciel, j'ai vu un UVLI ! » et « Ne nous laissons pas berner par la magie des battements de l'aile d'un papillon »

Ne serait-il pas urgent de comprendre que nous ne pourrons jamais vraiment prévoir au-delà d'un horizon rapproché et qu'il ne sert à rien de s'abriter derrière des chiffres dont on est certain de l'inexactitude.

Bien sûr les entreprises ont besoin de réfléchir à moyen terme (disons 3/5 ans) notamment quand il s'agit de décider ou non d'un investissement majeur (un nouveau réseau pour un opérateur téléphonique, une nouvelle usine pour une entreprise sidérurgique…). Mais elles doivent le faire en tenant compte des incertitudes, et surtout pas en les occultant. (voir « Je n'ai jamais vu un fleuve qui ne finissait pas par aller à la mer » et « Lâcher-prise pour prévoir l'imprévisible »)

Il en est évidemment de même au niveau d'un pays…


11 juin 2009

LE TEMPS EST-IL UNE DIMENSION QU’IL FAUT FINIR DE DÉTRUIRE ?

Je veux tout, tout de suite
Depuis Einstein, nous avons appris que la séparation entre l'espace et le temps n'était pas si nette : L'un « communique » avec l'autre ; l'espace-temps se courbe ; plus je me rapproche de la vitesse de lumière, plus le temps ralentit ; pour un photon, le temps est arrêté (voir « A quoi pense un photon du big-bang qui voyage hors du temps ? ») …

Avec la théorie des cordes, tout est devenu encore plus compliqué : il y aurait 7 dimensions cachées (voir « Les sept dimensions cachées de notre univers ») ; au moment du big-bang, les 4 dimensions de notre univers – les 3 spatiales et la temporelle – se seraient déroulées ; rien ne dit que nos 4 dimensions ne soient pas enroulées avec un rayon de courbure immense…

Troublant et perturbant à penser au quotidien, non ?

Apparemment, aucun lien avec notre vie quotidienne et avec le management des entreprises.

Oui, bien sûr. Quoique…

Depuis la découverte de l'énergie et du moteur à explosion, l'espace physique s'est progressivement comme contracté. Il n'y a pas si longtemps, quitter son village était le début de l'exil, et on mourrait à une encablure de là où on était né. Tout voyage était une aventure ; changer de continent, une exception. Aujourd'hui les développements du transport aérien, des trains à grande vitesse et des infrastructures routières ont tout bouleversé. On ne parle plus en kilomètres mais en temps : Lyon n'est plus à 450 km de Paris, mais à deux heures (voir la carte ci-jointe). Tiens, on retrouve cette ambivalence entre espace et temps…

Depuis 20 ans, et surtout depuis 10 ans, les technologies de l'information sont venues dynamiter l'espace et supprimer les distances : les kilomètres n'existent plus ; je peux parler à mon « voisin numérique » sans même savoir où il est – d'ailleurs la première question posée au téléphone est maintenant : « Tu es où ? » –. L'espace physique s'est comme effondré sur lui-même, comme si nous n'occupions tous plus qu'un seul point, un seul lieu. Nous sommes tous synchrones. Inutile de demander à son correspondant : « Tu es quand ? », car tout se passe en direct. Avant, sur une lettre, il fallait spécifier la date à laquelle elle avait été écrite.

A cet effondrement de la distance, à cette synchronicité de la communication, répond en écho une demande de voir le temps s'accélérer : nous supportons de moins en moins d'attendre ; nous acceptons de moins en moins que ce qui est immédiatement accessible virtuellement ne le soit pas physiquement ; nous confondons agitation et mouvement réel.

Cette évolution, je la constate tous les jours dans les entreprises. Plus elles deviennent globales – c'est-à-dire plus l'espace physique s'effondre et tend à devenir un point –, plus elles ont un rapport « maladif » au temps: tout est urgent ; toute personne qui ne court pas et n'est pas débordée est suspecte (voir « Si agitation rimait avec efficacité, toutes les entreprises seraient performantes ») ; même en réunion, on doit lire ses mails et y répondre ; seul le présent et le court terme comptent…

C'est bien simple, alors que, jusqu'à ces dernières années, une grande partie de mon métier de consultant était de chercher à accélérer les processus et les changements, il est maintenant de chercher à les ralentir et à faire prendre conscience de l'inutilité de cette agitation (voir « Courir en rond sur un stade ne fait pas vraiment avancer un sujet ! ») !

Et ce n'est pas prêt de s'améliorer quand je vois se développer tous les produits financiers qui visent à tout anticiper et à contracter encore davantage l'espace-temps : du prêt simple aux produits d'arbitrage ; des bourses d'actions aux marchés de « futures »… Nous voulons tout, tout de suite.

Finalement le déroulement réel du temps se doit d'être tel qu'il a été prévu et vendu à de multiples reprises : sinon, c'est le crash !

La crise actuelle est un peu comme un trou noir de notre espace-temps économique, comme une déchirure par laquelle s'enfuient nos espérances.

Nous rêvons d'un temps construit à l'avance et qui ne serait que le déroulé de nos anticipations. Nous avons bien réussi à remodeler l'espace physique à coup d'autoroutes, d'aéroports et de fibre optique. Alors pourquoi pas le temps ?

Finalement, Einstein et tous les théoriciens des cordes avaient encore plus raison qu'ils ne l'imaginaient : le temps est une dimension qu'il faut finir de détruire !

Mais est-ce le meilleur des mondes ?


10 juin 2009

SI AGITATION RIMAIT AVEC EFFICACITÉ, TOUTES LES ENTREPRISES SERAIENT PERFORMANTES

Apprendre à développer l'attention

Cette entreprise est une vraie ruche : partout, on sent une activité trépidante. Pas un bureau vide, pas une tête songeuse, personne ne traine devant la machine à café. Dès que l'on marche dans un couloir, on est bousculé par des gens qui courent en tous sens, les bras chargés de dossiers. Dès 8 heures le matin, l'effervescence commence et elle va durer jusqu'à 20 heures.

Et pourtant, elle n'est pas si performante que cela : Elle est moins réactive que ses concurrents, a une compréhension superficielle de sa performance, a des ratios financiers très moyens… Encore une entreprise qui confond activité avec performance, agitation avec progression…

Classique « maladie » que j'ai souvent rencontrée dans mes pérégrinations de consultant, mais qui a tendance à s'aggraver dans cette période de crise et de stress. La peur de mal faire et d'être distancé déclenchent des réflexes issus de nos « cerveaux reptiliens » : la crainte pour la survie n'est pas toujours bonne conseillère.

L'analogie avec le cerveau humain peut là encore être éclairante. Comme cette ruche, notre cerveau saute d'une pensée à l'autre, et s'épuise souvent dans une ébullition inefficace. Comme l'écrit Yongey Mingyour Rinpotché dans le Bonheur de la méditation :

« Au début, vous serez sans doute étonné par la quantité et la diversité des pensées qui traversent votre conscience avec autant de force que l'eau qui tombe d'une falaise à pic. Cette sensation n'est pas un signe d'échec. Au contraire, elle montre que vous avez commencé à reconnaître le nombre de pensées qui traversent normalement votre esprit sans même que vous vous en aperceviez… L'esprit est, par bien des aspects, comparable à l'océan. Sa « couleur » change de jour en jour, d'instant en instant, à mesure qu'il reflète les pensées, les émotions et tout ce qui passe dans son ciel, pour ainsi dire. Mais, à l'instar de l'océan, l'esprit en lui-même ne change jamais. Quelles que soient les pensées qui s'y reflètent, il est toujours pur et clairSi vous vous contentez d'observer ce qui se passe en vous, sans essayer d'arrêter quoi que ce soit, vous finirez par éprouver une sensation extraordinaire de détente et d'espace dans votre esprit : c'est votre esprit naturel, l'arrière-plan naturellement non troublé sur lequel vos pensées vont et viennent.»

Ainsi pour une entreprise, je crois que, de même, il faut d'abord faire prendre conscience de cette effervescence, mais sans jugement, sans a priori : apprendre ou réapprendre à se regarder individuellement et collectivement agir. Puis ensuite comme pour la méditation, chercher quel est l'arrière-plan stable sur lequel va et vient cette agitation permanente. A partir de là, on va pouvoir « se calmer » et trier un peu dans ce que l'on fait.

Et si jamais on a du mal à trouver un arrière-plan stable, alors on est face à un problème plus grave…

3 juin 2009

LA RÉPONSE À LA QUESTION : « QU’EST-CE QUI PENSE QUE CE PLAT A BON OU MAUVAIS GOÛT ? » N’EST PAS AUSSI SIMPLE QU’IL PARAÎT

Promenade issue de « Bonheur de la méditation », livre de Yongey Mingyour Rinpotché, grand maître tibétain

SUR L'ESPRIT ET L'IDENTITE :

« L'esprit est un événement en perpétuelle évolution, plutôt qu'une entité distincte. »

« Ce comportement « global » ou « réparti » peut être comparé à l'accord spontané d'un groupe de musiciens de jazz. Lorsque les musiciens de jazz improvisent, chacun joue peut-être une phrase musicale légèrement différente. Pourtant d'une manière ou d'une autre, ils parviennent à jouer ensemble de façon harmonieuse. »

« L'esprit est, par bien des aspects, comparable à l'océan. Sa « couleur » change de jour en jour, d'instant en instant, à mesure qu'il reflète les pensées, les émotions et tout ce qui passe dans son ciel, pour ainsi dire. Mais, à l'instar de l'océan, l'esprit en lui-même ne change jamais. Quelles que soient les pensées qui s'y reflètent, il est toujours pur et clair. »

« Si vous vous contentez d'observer ce qui se passe en vous, sans essayer d'arrêter quoi que ce soit, vous finirez par éprouver une sensation extraordinaire de détente et d'espace dans votre esprit : c'est votre esprit naturel, l'arrière-plan naturellement non troublé sur lequel vos pensées vont et viennent. »

« Ma main n'est pas mon moi, mais elle est à moi. Bien, mais elle est faite d'une paume et de doigts, elle a une face supérieure et une face inférieure, et chacun de ces éléments peut être décomposé en d'autres éléments comme les ongles, la peau, les os, etc. Lequel de ces éléments peut être appelé « ma main » ? »


ILLUSION OU REALITE ?

« La meilleure façon d'aborder cet aspect de la vacuité me semble de revenir à l'analogie de l'espace tel qu'il était conçu au temps de Bouddha, c'est-à-dire comme une ouverture immense qui n'est pas une chose en soi, mais plutôt un milieu infini, dans références, au sein duquel les galaxies, les étoiles, les planètes, les animaux, les êtres humains, les rivières, les arbres, bref tous les phénomènes surgissent et se meuvent. Sans espace, aucun des phénomènes ne se distinguerait d'un autre. Il n'y aurait pas de place pour eux. Il n'y aurait, en quelque sorte, aucun arrière-plan qui les rendrait visibles… Tout ce qui surgit de cette vacuité – les étoiles, les galaxies, les êtres, les tables, les lampes, les horloges, et même notre perception du temps et de l'espace – est l'expression relative d'un potentiel infini, une apparition momentanée au sein d'un espace et d'un temps sans limites. »

« La voiture du rêve était-elle réelle ?... Néanmoins tant que le rêve dure, vous la percevez comme tout à fait réelle… Tout ce que nous percevons n'est qu'une apparition jaillie du potentiel infini de la vacuité. »

« Tout ce qu'on perçoit est une reconstruction opérée de l'esprit. Autrement dit, il n'y a pas de différence entre ce qui est vu et l'esprit qui le voit. »


SUR LE TEMPS ET LA RESPONSABILITE

« La passé est comparable à une graine brûlée. Une fois réduite en cendres, la graine n'existe plus, ce n'est plus qu'un souvenir, une pensée qui traverse l'esprit. Autrement dit, le passé n'est rien d'autre qu'une idée… Le futur n'est donc, lui aussi, qu'une idée, une pensée… Le présent ? Mais comment le définir ?... On peut essayer de réduire l'expérience du présent à un instant de plus en plus court, mais le temps d'identifier ce dernier, il est déjà passé. »

« Quand nous nous rappelons l'époque où nous étions adolescent et où nous allions en classe, nous pensons naturellement que notre « moi » actuel est celui qui a étudié, grandi, quitté la maison familiale, trouvé du travail, et ainsi de suite. »

« L'idée que l'observation d'un événement suffise à en influencer l'issue peut donner l'impression d'une responsabilité personnelle trop lourde à assumer. Il est beaucoup plus facile de penser que l'on subit son destin, en attribuant à une cause extérieure la responsabilité de ce que l'on éprouve… Il n'est certes pas facile de renoncer à l'habitude de se considérer comme une victime. Mais en assumant l'entière responsabilité de ce qui nous advient, nous pouvons nous ouvrir des possibilités que nous n'avions sans doute jamais imaginées. »


SUR LA COMPASSION :

« La compassion est le sentiment spontané d'être relié à tous les autres êtres. Ce que vous ressentez, je le ressens. Ce que je ressens, vous le ressentez. Il n'y a pas de différence entre nous. »

« Il se rendit alors compte que s'il utilisait juste assez de cuir pour se fabriquer une paire de chaussures, il pourrait marcher sans souffrir sur des centaines de kilomètres. Recouvrir la surface de ses pieds équivalait à couvrir la surface de la Terre, tout entière…. Si vous rendez votre esprit paisible et bienveillant, une même solution vous permettra de résoudre tous les problèmes de votre vie. »



26 mai 2009

NON, VOUS NE PERDEZ JAMAIS DU TEMPS !

Partez à la recherche de ce que vous avez fait de votre temps

« Perdre du temps », quelle drôle d'expression ! Comme je l'ai déjà écrit dans un article paru en septembre 2008 : « Le temps est la seule chose que l'on ne peut pas perdre ». On peut perdre un stylo, un portefeuille, un ami… mais le temps, non. Il est toujours là avec moi, pas de risque de le perdre…

Certes Proust est bien parti à sa recherche, mais il visait là le temps passé, le temps révolu, celui dans lequel nous nous noyons comme dans un brouillard. Il est allé fouiller les arcanes de ses souvenirs jusqu'à retrouver ce temps perdu.

Aujourd'hui, quand on parle de temps perdu, on parle de temps présent.

Notre société est malade de « présentisme » : elle ne pense plus que dans l'instantané, dans l'immédiat, dans l'urgence. Mais est-ce encore de la pensée ?

Est-ce au moins de l'action ? Si l'on entend par action, capacité à entreprendre quelque chose, je crois que le plus souvent, ce n'est pas non plus de l'action, mais juste de l'agitation, de l'effervescence, de la dispersion.

On confond mouvement et avancée, déplacement et progression.

Les gens qui courent pensent qu'ils gagnent du temps. Mais pendant qu'ils courent, que font-ils d'autres que courir ? Et ce temps « gagné » que vont-ils en faire ? Car on ne gagne pas de temps, on ne perd pas de temps, on fait une chose ou une autre.

Quand je choisis de me déplacer plus lentement, comme je n'ai pas besoin de consacrer mon attention à mon déplacement, je peux profiter de ce temps pour lire, discuter ou simplement réfléchir. Qui gagne du temps ? Celui qui court ?

Je crois que cette phobie collective liée à la perte du temps, à quelque chose à voir avec cette maladie du « présentisme » : nous ne vivons plus qu'au présent, présent qui nous échappe et que nous avons le sentiment de perdre constamment. Alors plutôt que de nous remettre en cause, nous accusons ce temps qui nous échappe, sans voir que ce n'est pas le temps qui nous échappe, mais ce que nous en faisons.

Ce que nous perdons, ce n'est pas du temps, mais notre vie.

Et si chacun prenait le temps de se poser, et partait à la recherche non pas du temps perdu, mais de ce qu'il a fait du temps qu'il avait…

22 mai 2009

Lâcher prise pour manager

Effet miroir sur mes écrits récents…

Mardi dernier, j'ai fait une conférence autour de « Lâcher prise pour manager ».

L'une des participants en a extrait les 6 points qui lui ont paru essentiel. J'ai pensé utile de partager avec vous ce retour qui peut servir de guide au sein des différents articles parus sur mon blog.

Voilà donc cette liste avec les liens vers les articles correspondants :

1. Faire le vide pour se donner une chance de comprendre

- Savoir se voir à distance

- Ne nous laissons pas berner par la « magie des battements de l'aile d'un papillon »

- Pourquoi l'entreprise doit apprendre à faire le vide

- Je n'ai jamais vu un fleuve qui ne finissait pas aller à la mer

- En Chine, notre culture nous trompe

- Difficile d'accepter que mes doigts « savent mieux » que moi où sont les touches

2. Plus je connais mon métier, moins je comprends mon client

- Comment lire derrière les apparences ?

- Sans effets miroirs, les entreprises ne peuvent pas restées connectées au réel

- Quand on se pose une question qui n'existe pas

- Quand l'entreprise est trompée par sa trop grande expertise

3. Ajuster le niveau de précision aux situations

- On n'a pas besoin du même niveau pour partir en voiture que pour prendre le train

- Situation adresse ou téléphone ?

4. Nous aimons trop les jardins à la française

- Quand désordre rime avec harmonie et efficacité

- L'uniforme produit plus d'appauvrissement que d'efficacité

- Nous aimons trop les jardins à la française

5. Apprendre à se confronter

- Se croire invulnérable tue

- La confrontation, c'est la vie

- Se confronter en interne pour fiabiliser les décisions

- La confrontation n'est pas naturelle

- Savoir comprendre et respecter le point de vue d l'autre

- C'est quand tout se passe bien qu'il faut s'inquiéter

- C'est quand tout le monde est d'accord qu'il faut s'inquiéter

6. Ni tout puissant, ni divin mystique, ni mathématico-maniaque… Soyez juste vous-mêmes

- Piloter, c'est lâcher prise

- Rambo, c'est moi ?

20 mai 2009

COMMENT FAIRE BOUILLIR DE L’EAU ?

Ne pas lire une situation avec les a priori issus de sa propre expérience

« Je vous donne une casserole, de l'eau froide et une plaque électrique en fonctionnement, me dit-il. Comment procédez-vous pour faire bouillir de l'eau ?

- Facile, lui répondis-je. Je mets l'eau dans l'eau dans la casserole et je pose le tout sur la plaque électrique. Peu de temps après, l'eau bouillera.

- Bien. Maintenant, au lieu de vous donner de l'eau froide, je vous donne de l'eau à 50°C. Vous avez toujours une casserole et une plaque. Comment procédez-vous cette fois pour faire bouillir l'eau ?

- Facile aussi. Je jette l'eau chaude pour me ramener au cas précédent ! »

Voilà le bon réflexe du polytechnicien : toujours se ramener à une situation connue …

Évidemment cette histoire est inventée et caricaturale. Si l'on me proposait de l'eau à 50°C, je me rendrai compte qu'il est encore plus facile de la porter à ébullition que de l'eau froide.

Mais posez-vous la question suivante : dans vos activités quotidiennes – professionnelles comme privées –, analysez-vous une nouvelle situation telle qu'elle est, ou cherchez-vous à retrouver en elle ce que vous avez déjà rencontré et vécu ?

Attention à ne pas vous laisser berner par une trop grande expertise : à force de savoir très bien « faire bouillir de l'eau froide », on peut ne pas comprendre les possibilités ouvertes par une « eau chaude ».

Apprenons à faire le vide et à ne mobiliser notre expertise qu'a posteriori.

(Sur ce thème voir aussi :

- « Pourquoi l'entreprise doit apprendre à faire le vide »

- « Comment lire derrière les apparences ? »

- « Quand on se pose une question qui n'existe pas »

- « Quand l'entreprise est trompée par sa trop grande expertise »)

15 mai 2009

RAMBO, C’EST MOI ?

Pas facile de lâcher prise

Il suffit d'ouvrir un journal au hasard, de saisir un livre sur le management ou de suivre un quelconque « Capital » à la télévision pour y entendre promouvoir les « chefs », l'art de décider ou l'importance de la prévision. Sans parler de la politique…

Et pourtant, dans le même temps, tout le monde voit bien que la prévision est un art impossible, que, si quelque chose existe, c'est le fruit du hasard et de l'émergence, que, pour un dirigeant d'une grande entreprise, la plupart de ce qui se passe se passe sans lui et même sans qu'il le sache…

Alors…

Non diriger, ce n'est pas être tout puissant, chercher à tout savoir, tout connaître, tout décider : Zeus est passé de mode.

Non, ce n'est pas non plus être un devin mystique qui va lire dans le marc de café un avenir inconnu : Le vaudou n'est pas une solution.

Non, ce n'est pas enfin être un expert scientifique capable de tout modéliser, prévoir et mettre en équation : La rationalité n'est pas mathématique.

Oui, comme l'a écrit Jim Collins (auteur notamment de « Good to Great »), les dirigeants efficaces – les « Level 5 leader » selon sa terminologie – sont un mélange d'humilité et de volonté. Et pour reprendre une de ses expressions de Jim Collins : Il est dur d'imaginer un « Level 5 leader » disant « Rambo, c'est moi ».

Je complèterais cela en disant simplement : Soyez juste vous-mêmes !

5 mai 2009

« SI DIEU JOUAIT AUX DÉS… IL GAGNERAIT »

Le hasard existe-t-il ?

La plupart du temps, nous confondons hasard et méconnaissance de la totalité des paramètres d'une expérience.

Prenez l'exemple du jeu de dés. Quand je lance les dés et que je les regarde rouler sur la piste du jeu, je suis incapable de prévoir quel sera le résultat. Si les dés sont « parfaits », j'attribue alors la probabilité de 1/6ème à chacun des résultats possibles. J'en conclus que le résultat est dû au hasard.

Mais c'est faux ! Le résultat est complètement défini par mon lancer de dés, par l'interaction entre ces dés et la piste, le tout marginalement influencé par les conditions atmosphériques. Simplement la modélisation de ce système est tellement complexe, que je suis en fait incapable d'anticiper ce résultat : la forme exacte de ma main au moment du lancer, la vitesse et la direction communiquées à chaque dé, la forme exacte de chaque dé et la force d'interaction avec la piste…

Du coup, je constate simplement que, quand je renouvèle souvent l'expérience, comme les conditions initiales changent à chaque fois, finalement les résultats suivent une loi de probabilité. Mais il n'y a pas de hasard à proprement parler… Juste un manque de connaissance de notre part…

C'est ce qui fait dire à Stewart en conclusion de son livre sur les mathématiques du chaos : « Si Dieu jouait aux dés… il gagnerait ! ». Car pour lui, ce ne serait plus un jeu de hasard ! Amusante pirouette non ?



29 avr. 2009

ALÉATOIRE, CHAOS ET SYSTÈMES VIVANTS

Promenade au sein du livre de Stewart « Dieu joue-t-il aux dés ? Les mathématiques du chaos », l'occasion de se poser quelques questions intéressantes…

Peut-on renouveler à l'identique une expérience ?

« Il est possible de répéter l'expérience avec apparemment le même boulet de canon, apparemment au même endroit et apparemment avec la même vitesse initiale, mais on ne peut contrôler individuellement tous les atomes afin de reproduire exactement le même état initial avec une précision infinie. En fait à chaque fois que l'on touche le boulet, quelques atomes sont arrachés à sa surface alors que d'autres sont transférés, ce qui donne des états différents à chaque essai. »

Quelle différence entre des systèmes réellement aléatoires et des systèmes chaotiques ?

« Il sera dit aléatoire si des états apparemment identiques débouchent presque immédiatement sur des résultats différents... L'effet papillon vous interdit des prédictions à long terme mais le déterminisme du chaos rend votre système prévisible à court terme… Le chaos est un mécanisme permettant d'extraire et de mettre au jour l'aléatoire qui réside dans les conditions initiales… Si nous connaissions ces « variables cachées » appartenant au plus grand système, nous arrêterions de croire que le sous-système est aléatoire. Supposons maintenant que nous nous intéressons un système réel que nous pensons aléatoire. Cet état de fait peut être dû à deux raisons : soit nous n'avons pas examiné le système avec assez d'attention, soit celui-ci est irréductiblement aléatoire.

Peut-on prévoir une évolution à long terme ?

« Mais lors même que les lois naturelles n'auraient plus de secrets pour nous, nous ne pourrons connaître la situation initiale qu'approximativement. Si cela nous permet de prévoir la situation ultérieure avec la même approximation, c'est tout ce qu'il nous faut, nous disons que le phénomène a été prévu, qu'il est régi par des lois ; mais il n'en est pas toujours ainsi, il peut arriver que de petites différences dans les conditions initiales en engendrent de très grandes dans les phénomènes finaux ; une petite erreur sur les premières produirait une erreur énorme sur les derniers. La prédiction devient impossible et nous avons le phénomène fortuit... Et c'est pourquoi mon cœur bat et que j'attends tout du hasard (Henri Poincaré, sciences et méthodes). »

Le chaos est-il un mécanisme du vivant ?

« Une des raisons du pouvoir d'attraction qu'exercent ces fables tient à une mauvaise compréhension de ce qu'est la stabilité de la nature. Il est clair qu'un écosystème viable doit être d'une certaine manière stable, sinon il ne pourrait continuer d'exister (c'est la signification même du mot « viable »). Jusqu'à une époque récente, le paradigme de la stabilité était l'équilibre. Par conséquent, il se trouve de nombreuses personnes pour argumenter qu'un écosystème étant une toile complexe d'interactions, la perte d'une partie quelconque de cette toile provoquerait la destruction la stabilité - parce que (« de façon évidente ») cela affecterait l'équilibre. Cette argumentation est fausse sur bien des points… Vous ne pouvez pas déterminer ce qui se passera en vous contentant de regarder la taille de votre perturbation ; cela dépend de la situation de la dynamique par rapport à un éventuel « point de bifurcation », autrement dit de sa sensibilité envers toute modification de ses paramètres... La plupart des gens recherchent des réponses faciles, la plupart des hommes politiques et des groupes de pressions veulent des slogans simples. Les écosystèmes, eux, sont trop complexes pour se plier à cette exigence… Les cerveaux ont besoin du chaos : le chaos est nécessaire aux fonctions cérébrales car le cerveau traite de l'information, ce qui implique une capacité à commuter rapidement d'un état à un autre. Nous avons vu que ce type de flexibilité est caractéristique des systèmes chaotiques, car les systèmes possédant une dynamique plus régulière ne peuvent changer d'état aussi rapidement. Il semblerait donc que le cerveau doit être chaotique pour pouvoir fonctionner correctement. »

10 avr. 2009

DES PROCESSUS RIGIDES ENFERMENT PLUS LE CLIENT QU’ILS NE L’ÉCOUTENT

Pourquoi ne pas parier plus sur l'intelligence et le flou ?

Je reviens sur mon billet d'hier, « HISTOIRE DE HOT LINE ». Non pas parce que la suite s'est mal passée – au contraire, tout s'est effectivement déroulé sans problème ! –, mais parce que ce qui m'est arrivé est banal et symptomatique.

Finalement, une des sources principales du disfonctionnement a été la trop « expertise » de Canal + et Free. Ils ont manifestement analysés en détail les attentes des clients et en ont déduit des séquences types qui permettent « normalement » aux opérateurs d'apporter rapidement et efficacement la solution. En effet, ils ne cherchent pas à « maltraiter » leurs clients et ont compris que la performance du SAV était clé pour la fidélisation.

Simplement, ces constructions de scripts qui enferment les opérateurs dans des schémas rigides interdisent de prendre appui sur l'expertise du client et aussi sont inadaptés à une demande atypique. Certes ces démarches fermées permettent de former rapidement des agents et probablement de recruter des personnes peu qualifiées, mais est-ce vraiment l'optimum économique ?

Introduire du flou dans la démarche permettrait à la fois au client de pouvoir faire part de ses spécificités et à l'agent d'être en mode d'écoute et d'initiative. Le coût immédiat serait plus élevé, mais je ne crois pas que le coût complet le serait.

Vu client, on n'aurait aussi pas l'impression d'être enfermé dans un rouleau compresseur et de faire face à une machine vivante : avoir à donner 4 fois de suite son nom, numéro de téléphone…, « subir » les mêmes séquences au mot près ne mettent pas vraiment dans une attitude très positive !

On retrouve à nouveau ce besoin pour une entreprise de « lâcher prise » pour ne pas se laisser enfermer dans ses propres certitudes et se déconnecter du réel… (voir « POURQUOI L'ENTREPRISE DOIT APPRENDRE À FAIRE LE VIDE », « QUAND ON SE POSE UNE QUESTION QUI N'EXISTE PAS », « QUAND L'ENTREPRISE EST TROMPÉE PAR SA TROP GRANDE EXPERTISE »)

18 mars 2009

POURQUOI L’ENTREPRISE DOIT APPRENDRE À FAIRE LE VIDE

Nous ne voyons pas, nous interprétons ce que nous voyons… ce qui peut être source de déformations !

Nous croyons voir, mais en fait, c'est faux : nous ne percevons pas directement les informations transmises par le nerf optique ; elles n'arrivent à notre système conscient – le seul dont, par définition, nous sommes conscients ! – que traitées par notre cerveau, et ce sans que nous nous en rendions compte, c'est-à-dire inconsciemment.

De quoi se compose ce traitement ?

Tout d'abord d'une recherche d'identification de l'objet ou de la situation observée. Nos processus inconscients vont analyser les informations fournies par nos yeux, les rapprocher de tout ce qui a été stocké dans notre mémoire – ce que nous avons vécu, ce que l'on nous a raconté, ce que nous avons lu, … – et en tirer un diagnostic sur le « sens » de ce qui est vu : s'agit-il d'une table, d'un enfant ou d'un match de football…

Ensuite, toujours à partir de notre expérience passée, des propositions d'action seront élaborées : si c'est un lion qui est train de s'approcher, une action de fuite est proposée spontanément ; si c'est un gâteau, l'envie de manger sera amorcée…

Enfin, en cas de menace immédiate, des mesures de survie seront déclenchées automatiquement, ce sans que nous ayons à prendre une décision consciente : si un objet se dirige rapidement vers notre tête – les baskets pour Georges Bush (voir « Quand le Président des États-Unis tire parti de ses processus inconscients ») –, un mouvement automatique d'évitement est fait.

Il en est de même en entreprise quand elle analyse son marché, sa concurrence et les attentes de ses clients. Elle est incapable d'avoir accès directement aux informations brutes : tout passe par le filtre de la connaissance et de l'histoire de l'entreprise et de ses membres.

Comme pour un individu, c'est une source d'enrichissement et d'efficacité : déclenchement automatique d'actions si nécessaire, mobilisation de l'expérience pour analyser la situation et proposer des actions…

Oui mais à la condition que toute l'expérience accumulée et l'expertise ne viennent pas déformer la vision et faire prendre les mauvaises décisions.

Notamment très souvent l'entreprise peut se tromper sur les attentes des clients (voir « Quand l'entreprise est trompée par sa trop grande expertise » et « Quand on se pose une question qui n'existe pas »)

Le bouddhisme recommande le « lâcher prise » pour vivre le réel tel qu'il est, pour lutter contre les constructions mentales, et se rapprocher de la sensation directe.

Finalement tout ceci revient pour une entreprise a d'abord apprendre à oublier son expérience pour « redécouvrir » une situation telle qu'elle est. L'entreprise aussi doit apprendre à « faire le vide » !

17 mars 2009

DIFFICILE D’ACCEPTER QUE MES DOIGTS « SAVENT MIEUX » QUE MOI OÙ SONT LES TOUCHES

La fluidité et l'efficacité passent par le « lâcher prise »

Si je veux taper « consciemment » un texte, c'est-à-dire en regardant mes doigts et en les dirigeant volontairement sur les bonnes touches, je vais beaucoup moins vite que si je laisse aller mes doigts.

Difficile à accepter cette perte de contrôle, accepter de m'abandonner, accepter de lâcher prise. « Faire confiance à mes doigts » n'est vraiment pas naturel.

Ce d'autant plus que cet apprentissage s'est passé sans que je m'en rende compte. C'est venu tout seul, à force de taper des textes.

Un jour, j'ai constaté que mes doigts savaient où étaient les touches. Bizarre, comme s'ils se mouvaient par eux-mêmes, indépendamment de ma volonté propre : il suffit que je pense à ce que je veux taper et mes doigts se déplacent au bon endroit.

Reste maintenant à l'accepter et abandonner mon contrôle. Difficile…

Même chose quand je skie : le plus efficace est de faire confiance à mes sensations, ne pas chercher à contrôler directement mes mouvements, laisser mes skis jouer d'eux-mêmes avec la piste. Souvent, j'ai l'impression que je me regarde skier, comme un contrôle de deuxième niveau qui vient prévenir en cas d'anomalie. Étrange…

Même chose pour les murs en pierres sèches (voir « La logique cachée des murs en pierres sèches »). Plus je progresse, moins je réfléchis et plus je « jette les pierres spontanément ». J'arrive même à monter le mur en pensant à autre chose…

Finalement, quand j'arrive à lâcher prise – face à mon clavier, sur une piste de ski ou en construisant un mur en pierres sèches –, je me sens comme « fluide », réelle sensation d'efficacité et de plaisir naturel.

Tout ceci est bien loin de toute la logique soi-disant « rationnelle » que l'on m'avait apprise au départ.

Mais, une fois de plus, être rationnel c'est accepter la réalité des processus inconscients et apprendre à en tirer parti.

13 mars 2009

SITUATION ADRESSE OU TÉLÉPHONE ?

Pourquoi vouloir tout organiser suivant la même logique ?

Je marchais depuis un moment à la recherche de ce restaurant. D'après les indications sur le plan, j'aurais dû y être depuis plusieurs minutes. J'avais dû me tromper en route. J'aperçus une personne qui avait l'air du coin.

« La place Lénine, s'il vous plaît, lui demandai-je ? »

« Derrière vous, Monsieur, me répondit-elle. C'est juste là où vous voyez le parking. »

Deux minutes plus tard, j'étais face au restaurant. On m'y attendait depuis une dizaine de minutes. J'expliquais alors mon erreur en commentant : « J'étais parti trop loin, mais j'ai pu m'en rendre compte et revenir sur mes pas. Résultat, ce retard.

C'est ce qui est bien avec une adresse, c'est que, si l'on se trompe, on peut, par ajustements progressifs, trouver la solution.

Impossible de faire la même chose avec un numéro de téléphone : si vous vous trompez ne serait-ce que d'un chiffre, aucun moyen de le savoir. Là, vous êtes condamnés à l'exactitude du premier coup, pas moyen de procéder par ajustements ! »

En m'asseyant, je continuai : « C'est la même chose dans les entreprises : il faut savoir adapter le niveau de précision aux situations, savoir si l'on est face à un problème de type « téléphone » ou « adresse ».

Si c'est une situation « téléphone », il faut investir en amont, prendre son temps, mener des études approfondies, avant d'agir ; les organisations, les systèmes de pilotage doivent être construits en conséquence.

Par contre, si c'est une situation « adresse », inutile de surinvestir en amont : le mieux est de procéder par ajustements progressifs ; là, il faut des feed-back rapides, de la réactivité, de l'apprentissage. »

Cette conversation qui s'est réellement déroulée cette semaine, reprend une de mes recommandations essentielles en matière d'organisation : construire des jardins à l'anglaise et non pas à la française (voir « Nous aimons trop les jardins à la française ») : ne plus imposer a priori la même organisation à tout le monde et à tous les métiers, mais partir des réalités locales et penser l'organisation – c'est-à-dire les structures et les processus – ensuite.

On retrouve là aussi les réflexions sur les systèmes biologiques ou vivants versus des systèmes mécaniques, et le principe d'auto-organisation.

Il ne s'agit pas dans cette approche de tout laisser faire et d'avoir une entreprise déstructurée, mais de concevoir la structure à partir du réel et de la vie.

Je repense à cet exemple qu'on m'a donné dernièrement : Pour décider où il fallait faire passer un chemin piétonnier dans un espace existant, l'architecte a d'abord semé une pelouse. Il a ainsi pu voir directement où spontanément les gens passaient : en effet, la pelouse n'a pas poussé à cet endroit et le chemin s'était dessiné « tout seul ».

Finalement, il s'agit, une fois de plus, de lâcher-prise, de s'appuyer sur les énergies spontanées, et de simplement les orienter sans les contraindre.

10 mars 2009

LÂCHER PRISE POUR PRÉVOIR L’IMPRÉVISIBLE

Échanger, s'informer, acheter, jouer : les 4 mers du 3G

« Voilà les données du problème : nous ne connaissons pas vraiment les performances de cette nouvelle technologie. Côté services, tout est à inventer. Et donc évidemment impossible de faire des tests client puisque nous ne savons pas sur quoi. Ah oui, dernière remarque : comme le lancement de ce nouveau réseau va nous coûter pas mal de milliards de francs, nous avons besoin d'un business-plan solide calculé sur 10 ans. »

Ce n'était pas une plaisanterie, mais bien un cas réel tel qui m'a été posé à la fin des années 90. Il s'agissait d'un opérateur de téléphonie mobile qui s'interrogeait sur le lancement ou non d'un réseau 3G (UMTS).

Comment faire ?

Si on essayait de partir de la technologie ou des services, c'était sans solution. J'ai pris le parti de tout oublier et de prendre du recul pour essayer de repérer « où pouvaient être les mers » (voir « Je n'ai jamais vu un fleuve qui ne finissait pas par aller à la mer »).

Tout d'abord sur quoi allait-on regarder ? Quelle pouvait être la taille de l'écran ? En faisant abstraction de toute technologie, nous sommes arrivés à la conclusion qu'il y avait trois types de situation : soit je suis en train de marcher, soit je suis en déplacement mais assis, soit je suis à mon domicile ou mon bureau. Si je suis en train de marcher, l'écran doit tenir dans ma main ; si je suis en déplacement mais assis, il doit pouvoir tenir dans un cartable ; sinon, il n'y aucune contrainte de taille. Donc 3 formats : la main, A4 (ou à peu près), illimité.

Bon et pour faire quoi ? Là aussi tout oublier, tout ce que l'on sait.

Nous sommes face à une rupture. Plus on veut prendre du recul, plus il faut revenir aux « basiques », c'est-à-dire aux attentes fondamentales.

Nous avons alors identifié quatre familles principales :

  • Échanger : Ceci regroupe tous les actes dont le but est simplement de communiquer et échanger avec une autre personne. Cet échange peut se faire par la voix, du texte, des images ou de la vidéo. Mais dans tous les cas, le but est la mise en relation elle-même et la communication.
  • S'informer : Le but est là de chercher tout type d'information sur un sujet quelconque, ce afin d'enrichir une connaissance.
  • Acheter : La finalité est de réaliser une transaction. Bien sûr ceci peut nécessiter une recherche d'information, voire un échange, mais pas nécessairement. De même que symétriquement, souvent on s'informe ou on échange sans acheter.
  • Jouer : Cette fois, ce que l'on recherche, c'est juste s'amuser, passer un moment. Nous avions inclus dans cette famille tout ce qui est musique et vidéo. C'est aussi une famille indépendante, même si il peut y avoir des croisements – par exemple, pour le jeu en réseau, on va échanger –.

Ensuite, nous avons pu croiser la taille de l'écran avec ces familles d'attente pour voir quand l'apport du 3G pouvait être pertinent. Pour quantifier, nous avons émis des hypothèses sur l'évolution des dépenses à nouveau par famille d'attentes…

Et petit à petit, nous avons pu construire des hypothèses de revenus. Aucune étape n'était certaine, mais, comme nous étions partis d'attentes « réelles », les hypothèses étaient explicites et nous avons mesuré la sensibilité au travers de scenarios…

Nous sommes aujourd'hui 10 ans plus tard et quand j'observe tous les services lancés – y compris ceux de l'iPhone –, ils se reclassent bien dans ces 4 familles.

Comme quoi, les fleuves vont bien se jeter dans les mers ... ou les océans !