17 juin 2009

DIEU N’EST PLUS SEUL

Histoire de caverne (épisode 4)

Tout allait à la perfection : je croulais sous les pierres et ma puissance était infinie.

« Arrête de jouer avec cela, hurlai-je. Thomas, cela fait je ne sais pas combien de fois que je te dis que ce ne sont pas des jouets. Ce ne sont pas de simples pierres, c'est grâce à elles que nous avons plusieurs cavernes et que Papa n'a plus besoin de travailler. »

De rage, Thomas jeta au loin toutes les pierres qu'il avait dans la main.

« Pas moyen de lui faire comprendre quoi que ce soit à ce gamin, pensai-je tout en les ramassant »

« A combien de pierres, reprends-tu les disques ? »

Au son de cette voix familière, je fus tiré de ma bouderie parentale.

« De quoi, parles-tu Hector ?

- Je viens d'avoir 5 disques et je voudrais les changer en pierres, car le devin est têtu et refuse de les prendre pour l'achat d'un nouveau sortilège.

- Qu'est-ce que c'est que ce charabia ? D'abord c'est quoi des disques ?

- Tu n'es pas au courant. C'est la nouvelle mode. Cela vient d'être lancé par Johnny. C'est un peu comme une pierre, mais c'est plat, donc cela tient moins de place. Et puis c'est tout rond, donc c'est plus joli. Il y a un trou au milieu et on peut les attacher ensemble. Il appelle cela un collier de disques. Toutes les femmes en sont folles. Plus personne ne veut de tes pierres.

- Qui c'est ce Johnny ? Jamais entendu parler de lui ?

- Si tu le connais. C'est lui qui, il y a pas mal d'années, a lancé la mode des graines à cuire. Tu avais même été un de ses premiers acheteurs (voir Épisodes 1 et 2). Un mec super inventif. Tu verrais ses disques, c'est géant. Et en plus, il y en a de plein de couleurs. Il a construit tout un système : 1 disque rouge = 5 bleus = 50 jaunes = 500 blancs. Super malin. Parce qu'avec tes pierres, tout le monde se plaignait, cela déformait trop les poches. »

Je suis resté sans voix. Mon univers allait-il s'effondrer ? Il n'y avait plus un Dieu unique – moi – et un certain Johnny voulait lancer le polythéisme. Insupportable.

Comme dans un songe, je m'entendis répondre à Hector : « Combien de disques faut-il pour acheter une peau d'ours ?

- 1 rouge, me répondit-i. C'est comme cela qu'il a défini la parité initiale du disque rouge. Johnny garantit la convertibilité des disques rouges en peaux d'ours. Il appelle cela l'étalon ours. Je ne comprends pas bien ce que cela veut dire, mais cela fait sérieux.

- Donc 1 disque rouge vaut alors 100 pierres, 1 bleu 20, 1 jaune 2, et il faut 5 blancs pour en avoir une.

- OK, voilà donc 1 rouge, 3 bleus et 1 blanc. Cela fait combien de pierres ?

- 160 pierres et je te laisse ton disque blanc. »

Quelques minutes plus tard, je me trouvais seul avec les disques dans les mains. Je les regardais haineusement. Cela n'allait pas se passer comme cela. De rage, je jetais les disques contre la paroi de la caverne.

« Papa, il ne faut pas jeter les disques, ce ne sont pas de simples pierres, me dit Thomas avec un grand sourire »

J'allais le tuer ce gamin….

(à suivre)

16 juin 2009

JE SUIS TOUT-PUISSANT : JE CONTRÔLE LE FUTUR

Histoire de caverne (Episode 3)

Comment aider le fils d'Hector ? C'était vraiment un bon chasseur et, quand je construisais encore moi-même des cavernes, son père était un de mes meilleurs clients.

Je ne pouvais pas le laisser sans solution.

« Si tu veux, je t'achète à l'avance tes peaux d'ours. Mais comme je prends un risque – imagine qu'il t'arrive quelque chose pendant la chasse –, je te les paie 75 pierres, soit donc un total de 375 pierres pour les 5 peaux. A prendre ou à laisser.
- Ok, je prends ! Merci beaucoup, tu me sauves »

Rapidement notre accord fut connu par tout le monde et je fus bientôt assailli de demandes. L'un voulait me vendre des gazelles qu'ils n'avaient pas chassées, un autre des poules encore à l'état de poussins. Un troisième alla encore un cran plus loin :

« Je réalise en ce moment des travaux pour le compte de Jacques, tu sais, celui qui a la caverne avec vue sur le lac (voir Histoire de caverne 2). Il doit me payer à la fin des travaux la somme de 500 pierres. Or, je dois acheter pour faire les peintures murales de la terre ocre spéciale. Elle coûte 20 pierres et je n'en ai plus une d'avance. Tu ne peux pas faire quelque chose pour moi ?
- Si. Je peux te donner tout de suite 20 pierres, mais tu m'en rendras 30 quand Jacques te paiera.
- Tu exagères un peu, mais je n'ai pas d'autres solutions. »

Mon business de pierres explosa. Je me mis à acheter des biens qui n'existaient pas, prêter des pierres pour des travaux qui n'étaient pas encore réalisés.

C’était génial, grâce à moi et à mes pierres, le temps ne comptait plus. L’homme venait de faire un grand pas en avant. Finalement, ces pierres devenaient un peu comme des dieux qui mettaient le futur au présent.

Je me sentais tout puissant, Dieu n'avait qu'à bien se tenir : je contrôlais le futur.

Je pouvais enfin me reposer, les pierres coulaient à flot, je ne craignais plus rien …

(à suivre)

15 juin 2009

POUR 100 PIERRES, J’AI UNE PEAU D’OURS

Histoire de caverne (Episode 2)
Comment allais-je sortir de mon impasse actuelle ? Comment sortir de cette explosion du troc ?

Je ne voyais aucune solution. Je repensais à Jojo qui était en train de prospérer en tant que devin. Il devait avoir le même problème que moi. Et comme il était vraiment malin, il aurait peut-être une idée de solution.

« Il va falloir que tu songes à agrandir ta caverne, lui dis-je en arrivant. Tu as les moyens maintenant. Pourquoi ne pas avoir des pièces dédiées à tes activités de devin ? L'idéal serait de pouvoir réunir tout le monde en même temps.

- Pas bête, ton idée, me répondit-il ! Mais le développement, ce n'est pas mon objectif. Regarde derrière moi le tas de peaux d'ours, de zèbres et autres animaux. Sans parler de la basse-cour qui est pleine. Je ne sais plus quoi en faire. Ma femme me dit que c'est la rançon du succès.

- Justement, c'est de cela dont je voulais te parler. Moi aussi, je ne peux plus continuer comme cela. Surtout que j'ai des sous-traitants à payer.

- Moi, c'est pareil, car je veux ouvrir des franchises qui vont reprendre mon kit de devin. »

Rapidement, nous fîmes le tour du problème. Il nous fallait trouver une solution qui réponde aux caractéristiques suivantes :
- Permettre de payer tout le monde, tant nous que nos sous-traitants ou licenciés,
- Pouvoir quand on le veut, l'échanger contre de la nourriture ou tout autre bien,
- Se stocker facilement, c'est-à-dire avoir un petit volume et ne pas poser de problème de conservation.

Vraiment, Jojo et moi séchions. Aucune idée…

« T'es malade ou quoi, criais-je à un enfant qui partait en courant ! » Je venais de recevoir une pierre sur la tête. Encore un de ces maudis gamins qui s'amusaient… Sans réfléchir, je ramassais la pierre et commençais à jouer avec. Je la posais par terre, à côté de ses petites sœurs – il y avait plein de pierres de cette taille tout autour –.

Je songeais à mon troc parti de la peau d'ours (voir Histoire de caverne 1). Première étape, j'avais dû trouver qui avait une peau de zèbre : après trois échanges via des signaux de fumée, je localisais un offreur et apprenais qu'il était prêt à l'échanger contre un séjour de 2 semaines dans la caverne de 3 pièces avec vue imprenable sur le lac. J'ai trouvé cela bizarre comme idée, mais cela ne servait à rien de discuter. Le propriétaire de la susdite caverne demandait lui 4 sacs de graines – un nouveau produit qui venait d'apparaître sur le marché local et qui permettait de confectionner des galettes –, un seau en bois – eh non, pas d'anachronisme et pas de seau en aluminium… – et 2 quartiers de sangliers séchés. Comme il n'y avait qu'un seul fournisseur de graines, je lui ai échangé ma peau d'ours contre 20 sacs de graine. Ensuite ce fut un jeu d'enfants ou presque d'échanger 10 sacs contre 2 quartiers de sangliers et 5 contre un seau en bois. Enfin, au bout d'une semaine de négociation et environ 50 km parcourus, j'avais ma peau de zèbre et en prime un sac de graines.

Finalement, les sacs de graine avaient été comme une monnaie d'échange puisque tout le monde en voulait. Si j'avais chez moi une réserve de sacs, je pourrais ensuite me procurer ce que je veux. Mais il n'y a pas assez de sacs, et les graines risquaient de s'abîmer à la longue.

Je regardais à nouveau les pierres. Et si, par convention, on disait qu'avec 5 pierres, j'avais un sac de graines. Avec 25 pierres, j'aurais eu un quartier de sanglier ou un seau. Avec 95 pierres, les 2 semaines dans la caverne ou la peau de zèbre. Avec 100 pierres, la peau d'ours. Donc si je me faisais payer en pierres… Au passage, je venais de commencer à inventer le calcul arithmétique, mais je ne m'en rendis pas compte.

J'expliquais mon idée à Jojo qui me répondit :

« Génial ! Simplement, il faut que l'on authentifie les pierres, sinon tout le monde va en fabriquer et elles ne vaudront rien.

- Facile, je vais monter un atelier dans lequel on polira les pierres et on mettra une marque spéciale dessus. »

Je venais de créer la première banque centrale.

Rapidement, mon commerce explosa, les pierres se multiplièrent… et mon activité principale devint la fabrication des pierres.

Un matin, le fils d'Hector vint me voir et me dit : « Je vais partir à la chasse à l'ours. Je suis sûr de ramener au moins 5 peaux d'ours. Cela va valoir 500 pierres. Mais j'ai besoin d'argent tout de suite, car je me marie demain. Je suis désespéré. »

Il fallait trouver une solution…

(à suivre)

12 juin 2009

PAS FACILE DE DÉVELOPPER SON ENTREPRISE AU TEMPS DU TROC

Histoire de caverne (Episode 1)

Hector fit le tour de sa caverne et revint vers moi :

« Vraiment, je suis très content de ton travail : cette nouvelle pièce dans ma caverne est exactement ce que je voulais. Et les peintures rupestres sont vraiment bien. C'est le petit qui va être heureux, depuis le temps qu'il me réclamait une bande dessinée. Combien je te dois encore ?

- On avait convenu, lui répondis-je, que tu me paierais 2 peaux d'ours, 1 gazelle dépecée et chassée dans la semaine, et 3 poulets vivants. Comme tu m'as donné les peaux d'ours en acompte, restent la gazelle et les poulets »

Hector était un homme de parole. Quelques minutes plus tard, j'étais de retour chez moi avec la gazelle et les poulets.

« Bon, maintenant, pensai-je, il va falloir que je trouve une peau de zèbre pour payer Marcel qui m'a fait les peintures rupestres. Cela ne va pas être facile. Je n'aurais jamais dû accepter, mais Marcel a vraiment un coup de pinceau exceptionnel. »

J'embrassais donc rapidement ma femme en lui confiant le paiement de mon travail, pris une peau d'ours et partis à la recherche de la peau de zèbre.

Une semaine plus tard, j'étais de retour avec une peau de zèbre et un sac d'un produit bizarre qui pouvait cuire dans un feu. Cela n'avait été facile, car celui qui avait une peau de zèbre ne voulait pas de ma peau d'ours qui, de toute façon, valait plus qu'une peau de zèbre. Il m'avait fallu procéder à 4 trocs successifs pour enfin avoir la peau voulue. Au passage, j'avais récupéré ce sac avec ces graines à cuire ; j'avais goûté le résultat une fois cuit, c'était plutôt bon.

Cela ne pouvait vraiment plus durer. Au fur et à mesure que mon affaire se développait, je passais de plus en plus de temps à faire du troc. C'était bien joli de prendre des chantiers de construction de cavernes clé en main – c'est-à-dire décorées et meublées –, mais, comme je devais faire appel à des sous-traitants, le paiement était devenu un des aspects les plus complexes.

D'autant plus que les gazelles dépecées, je ne savais plus quoi en faire. On avait beau en manger un maximum et saler le reste, il y avait toujours un stock important. Comme les voisins le savaient, la valeur de troc de la gazelle venait de s'effondrer : le mois dernier, impossible d'avoir en échange la paire de mocassin que voulait ma femme…

Il fallait trouver une solution…

(à suivre)

11 juin 2009

LE TEMPS EST-IL UNE DIMENSION QU’IL FAUT FINIR DE DÉTRUIRE ?

Je veux tout, tout de suite
Depuis Einstein, nous avons appris que la séparation entre l'espace et le temps n'était pas si nette : L'un « communique » avec l'autre ; l'espace-temps se courbe ; plus je me rapproche de la vitesse de lumière, plus le temps ralentit ; pour un photon, le temps est arrêté (voir « A quoi pense un photon du big-bang qui voyage hors du temps ? ») …

Avec la théorie des cordes, tout est devenu encore plus compliqué : il y aurait 7 dimensions cachées (voir « Les sept dimensions cachées de notre univers ») ; au moment du big-bang, les 4 dimensions de notre univers – les 3 spatiales et la temporelle – se seraient déroulées ; rien ne dit que nos 4 dimensions ne soient pas enroulées avec un rayon de courbure immense…

Troublant et perturbant à penser au quotidien, non ?

Apparemment, aucun lien avec notre vie quotidienne et avec le management des entreprises.

Oui, bien sûr. Quoique…

Depuis la découverte de l'énergie et du moteur à explosion, l'espace physique s'est progressivement comme contracté. Il n'y a pas si longtemps, quitter son village était le début de l'exil, et on mourrait à une encablure de là où on était né. Tout voyage était une aventure ; changer de continent, une exception. Aujourd'hui les développements du transport aérien, des trains à grande vitesse et des infrastructures routières ont tout bouleversé. On ne parle plus en kilomètres mais en temps : Lyon n'est plus à 450 km de Paris, mais à deux heures (voir la carte ci-jointe). Tiens, on retrouve cette ambivalence entre espace et temps…

Depuis 20 ans, et surtout depuis 10 ans, les technologies de l'information sont venues dynamiter l'espace et supprimer les distances : les kilomètres n'existent plus ; je peux parler à mon « voisin numérique » sans même savoir où il est – d'ailleurs la première question posée au téléphone est maintenant : « Tu es où ? » –. L'espace physique s'est comme effondré sur lui-même, comme si nous n'occupions tous plus qu'un seul point, un seul lieu. Nous sommes tous synchrones. Inutile de demander à son correspondant : « Tu es quand ? », car tout se passe en direct. Avant, sur une lettre, il fallait spécifier la date à laquelle elle avait été écrite.

A cet effondrement de la distance, à cette synchronicité de la communication, répond en écho une demande de voir le temps s'accélérer : nous supportons de moins en moins d'attendre ; nous acceptons de moins en moins que ce qui est immédiatement accessible virtuellement ne le soit pas physiquement ; nous confondons agitation et mouvement réel.

Cette évolution, je la constate tous les jours dans les entreprises. Plus elles deviennent globales – c'est-à-dire plus l'espace physique s'effondre et tend à devenir un point –, plus elles ont un rapport « maladif » au temps: tout est urgent ; toute personne qui ne court pas et n'est pas débordée est suspecte (voir « Si agitation rimait avec efficacité, toutes les entreprises seraient performantes ») ; même en réunion, on doit lire ses mails et y répondre ; seul le présent et le court terme comptent…

C'est bien simple, alors que, jusqu'à ces dernières années, une grande partie de mon métier de consultant était de chercher à accélérer les processus et les changements, il est maintenant de chercher à les ralentir et à faire prendre conscience de l'inutilité de cette agitation (voir « Courir en rond sur un stade ne fait pas vraiment avancer un sujet ! ») !

Et ce n'est pas prêt de s'améliorer quand je vois se développer tous les produits financiers qui visent à tout anticiper et à contracter encore davantage l'espace-temps : du prêt simple aux produits d'arbitrage ; des bourses d'actions aux marchés de « futures »… Nous voulons tout, tout de suite.

Finalement le déroulement réel du temps se doit d'être tel qu'il a été prévu et vendu à de multiples reprises : sinon, c'est le crash !

La crise actuelle est un peu comme un trou noir de notre espace-temps économique, comme une déchirure par laquelle s'enfuient nos espérances.

Nous rêvons d'un temps construit à l'avance et qui ne serait que le déroulé de nos anticipations. Nous avons bien réussi à remodeler l'espace physique à coup d'autoroutes, d'aéroports et de fibre optique. Alors pourquoi pas le temps ?

Finalement, Einstein et tous les théoriciens des cordes avaient encore plus raison qu'ils ne l'imaginaient : le temps est une dimension qu'il faut finir de détruire !

Mais est-ce le meilleur des mondes ?


10 juin 2009

SI AGITATION RIMAIT AVEC EFFICACITÉ, TOUTES LES ENTREPRISES SERAIENT PERFORMANTES

Apprendre à développer l'attention

Cette entreprise est une vraie ruche : partout, on sent une activité trépidante. Pas un bureau vide, pas une tête songeuse, personne ne traine devant la machine à café. Dès que l'on marche dans un couloir, on est bousculé par des gens qui courent en tous sens, les bras chargés de dossiers. Dès 8 heures le matin, l'effervescence commence et elle va durer jusqu'à 20 heures.

Et pourtant, elle n'est pas si performante que cela : Elle est moins réactive que ses concurrents, a une compréhension superficielle de sa performance, a des ratios financiers très moyens… Encore une entreprise qui confond activité avec performance, agitation avec progression…

Classique « maladie » que j'ai souvent rencontrée dans mes pérégrinations de consultant, mais qui a tendance à s'aggraver dans cette période de crise et de stress. La peur de mal faire et d'être distancé déclenchent des réflexes issus de nos « cerveaux reptiliens » : la crainte pour la survie n'est pas toujours bonne conseillère.

L'analogie avec le cerveau humain peut là encore être éclairante. Comme cette ruche, notre cerveau saute d'une pensée à l'autre, et s'épuise souvent dans une ébullition inefficace. Comme l'écrit Yongey Mingyour Rinpotché dans le Bonheur de la méditation :

« Au début, vous serez sans doute étonné par la quantité et la diversité des pensées qui traversent votre conscience avec autant de force que l'eau qui tombe d'une falaise à pic. Cette sensation n'est pas un signe d'échec. Au contraire, elle montre que vous avez commencé à reconnaître le nombre de pensées qui traversent normalement votre esprit sans même que vous vous en aperceviez… L'esprit est, par bien des aspects, comparable à l'océan. Sa « couleur » change de jour en jour, d'instant en instant, à mesure qu'il reflète les pensées, les émotions et tout ce qui passe dans son ciel, pour ainsi dire. Mais, à l'instar de l'océan, l'esprit en lui-même ne change jamais. Quelles que soient les pensées qui s'y reflètent, il est toujours pur et clairSi vous vous contentez d'observer ce qui se passe en vous, sans essayer d'arrêter quoi que ce soit, vous finirez par éprouver une sensation extraordinaire de détente et d'espace dans votre esprit : c'est votre esprit naturel, l'arrière-plan naturellement non troublé sur lequel vos pensées vont et viennent.»

Ainsi pour une entreprise, je crois que, de même, il faut d'abord faire prendre conscience de cette effervescence, mais sans jugement, sans a priori : apprendre ou réapprendre à se regarder individuellement et collectivement agir. Puis ensuite comme pour la méditation, chercher quel est l'arrière-plan stable sur lequel va et vient cette agitation permanente. A partir de là, on va pouvoir « se calmer » et trier un peu dans ce que l'on fait.

Et si jamais on a du mal à trouver un arrière-plan stable, alors on est face à un problème plus grave…

9 juin 2009

AU SECOURS ! L’AVENIR DE LA TERRE A PESÉ DANS LE RÉSULTAT DES ÉLECTIONS EUROPÉENNES

Vive les manipulateurs de génie

La discussion autour du film « Home » de Yann Arthus-Bertrand (cliquer pour voir le film) est pour le moins paradoxale … ou hypocrite : a-t-il pesé sur le résultat des élections européennes ? Et si oui, est-ce intentionnel ?

A la première question, en l'absence d'études ad-hoc, il est difficile de répondre de façon certaine. Mais il est probable, vu l'impact du film (audience de la diffusion sur France 2) et la qualité des images, que oui. Mais qui peut s'en plaindre ? Est-ce un problème si nous prenons conscience de notre responsabilité collective ? Le film « Home » ne propose pas de solutions manichéennes ni toutes faites. Il en appelle simplement à l'action. Son message final est « A nous d'écrire la suite de notre histoire… ensemble ».

Deuxième question maintenant : est-ce intentionnel ? J'aime bien la réponse de Yann Arthus-Bertrand, faite lundi matin sur Europe 1 : « Oui, bien sûr ! » Quelle drôle de question en effet ! Comment pourrait-on imaginer que l'on ait fait un tel film juste pour le plaisir des images. Ou, si je comprends l'idée, on aurait des gens qui pensent que notre planète est en danger et qui ne veulent pas que cela change. C'est cela la question ? Stupide…

Mais ce qui est derrière est plutôt la question de la manipulation : un complot collectif pour favoriser la liste Europe-Écologie ? Si jamais, c'est le cas, il faut absolument promouvoir celui ou ceux qui sont à l'origine de ce complot. En effet, la sortie de ce film est d'abord le fruit d'un travail de plusieurs années. Ensuite le choix de la date a été pris parce que c'était celle de la journée mondiale de l'environnement. Enfin les compositions des listes et l'élaboration des campagnes de chacun ne sont intervenues que dernièrement. Quel talent d'anticipation pour le manipulateur alors !

Allez, arrêtons ces débats stériles et essayons plutôt d'écrire ensemble la moins mauvaise suite à notre histoire collective…


8 juin 2009

NON, JE NE MARCHERAI JAMAIS : C’EST BEAUCOUP TROP DANGEREUX !

Ne rien faire est souvent dangereux… à terme 

Imaginez-vous un instant redevenu un bébé de 9 mois. Dans votre landau, vous êtes là confortablement allongé : pour vous la vie est belle. Vous pleurez et on vient s'occuper de vous. Vous avez faim et on vient vous donner à manger. Vous vous sentez un peu fatigué et vous dormez… Le rêve, quoi ! Parfois, on vous installe par terre. Vous maitrisez très bien le déplacement sur les fesses, même si vous ne voyez pas bien la nécessité de ce mouvement. Mais, bon, cela a l'air de faire tellement plaisir à votre entourage…

Vous voyez bien que l'on attend quelque chose de vous : vous mettre debout et marcher. Vous avez parfaitement réalisé que ceci était tout sauf une décision anodine. Aussi vous êtes-vous lancé dans une étude approfondie du sujet.

Voilà le résumé de vos conclusions :

1. Durant une phase initiale qui va durer de longues semaines, vous n'allez pas maîtriser votre équilibre et tomber sans arrêt. Or tomber fait mal. Vous le savez, car la seule fois où vous vous êtes risqué à quitter le sol, vous en avez encore un souvenir douloureux.

2. A l'issue de cette phase, vous allez avoir à affronter des interdits multiples venant de vos parents. A quoi cela sert-il de marcher si l'on ne peut pas en profiter pour, par exemple, reconfigurer toute l'installation informatique de Papa ou se lancer dans la confection personnelle d'un gâteau ?

3. Une fois épuisés tous les charmes des interdits domestiques, arrivera la sortie dans le monde extérieur : un monde hostile où il fait froid ou chaud, où traverser une rue est un challenge, où des écoles vous attendent…

Vraiment, votre choix est fait : vous allez rester dans ce landau, ne jamais marcher, et même abandonner ce début de déplacement sur les fesses. Heureux, face à ce boulevard de plaisirs sans fin, le ventre plein et la couche vide, vous sombrez dans les délices d'un sommeil réparateur…

Drôle de choix, non ?

Si vous êtes en train de me lire, c'est que vous n'avez pas fait ce choix-là.

Faisons attention dans nos vies d'adultes, tant dans les entreprises qu'à titre personnel, de ne pas nous tromper dans l'évaluation des risques et de « refuser à sortir du landau ». N'oublions pas les risques liés aux courants en place et ne surestimons pas ceux liés à la découverte du monde !

7 juin 2009

« ILS TENTENT D’ÉTOUFFER NOTRE ART… »


A l'ombre du show-business
Quand Charles Aznavour qui n'a plus rien à prouver, ni de promotion à rechercher, vient chanter sur une chanson de Kery James, on a droit à un vrai moment d'émotion et de reconnaissance.
Plutôt que de donner des leçons, si nous prenions le temps d'aller écouter vraiment ceux qui vivent dans les banlieues…

6 juin 2009

« FAIS-MOI MAL, JOHNNY »

Ne fais pas ce que je dis !

Ce matin, une interview de Magalie Noël sur Europe 1 m'a rappelé son interprétation de la chanson de Boris Vian « Fais, moi mal, Johnny».



Comme dans cette chanson, nous avons tous tendance à demander des choses que nous ne sommes pas prêts à assumer si elles se réalisaient : nous nous élevons contre les 4x4, mais nous achetons de cafetières Nespresso ; nous tombons dans une transe émotionnelle collective pour la catastrophe aérienne du Rio-Paris, mais nous nous laissons mourir quotidiennement des enfants en Afrique.

Finalement nous restons largement le jouet de nos émotions instantanées.

Concernant la disparition du vol Rio-Paris, un journaliste disait ce matin : « Nous, les journalistes, on a l'habitude de prendre l'avion. On a été rattrapé par l'émotion. ». On ne peut pas mieux dire !

5 juin 2009

LE TGV NE CRÉE PAS UN FUTUR ÉCRIT À L’AVANCE

Les technologies sont souvent plus « neutres » qu'on ne le pense



Faisons ensemble un petit retour en arrière imaginaire. Nous sommes quelques semaines avant le lancement de la ligne TGV entre Paris et Lyon.
Ce jour-là, pour mieux comprendre les conséquences économiques de la mise en service de cette infrastructure majeure, deux réunions ont lieu, chacune regroupant un ensemble de responsables lyonnais.
Dans l'une, le premier intervenant, un homme respecté et connu de tous, s'exprime ainsi : « C'est clair, avec Paris bientôt à 2 heures de Lyon, nous devons nous faire aucune illusion : tout va être recentralisé à Paris. En effet, c'est déjà la tendance naturelle en France, alors vous pensez bien que cela va être encore pire : ils vont pouvoir faire l'aller-retour dans la demi-journée ! ». Du coup, suite à cette intervention, tout le groupe part sur cette hypothèse et conclut sur un affaiblissement de Lyon à cause du TGV.
Dans l'autre groupe, tout commence bien différemment. « Quelle chance pour nous que ce TGV, dit celui qui ouvre les débats. Avec Paris à 2 heures de Lyon, pourquoi continuer à habiter Paris ? Nous allons enfin pouvoir avoir facilement à Lyon des sièges nationaux. En effet, je ne fais que rencontrer des parisiens fatigués de leur ville, alors vous pensez bien qu'ils vont sauter sur cette opportunité : ils vont pouvoir faire l'aller-retour dans la demi-journée ! ». Du coup, tout le groupe, comme un seul homme, suit cette position et conclut à un renforcement de Lyon à cause du TGV.
Qui avait tort ? Qui avait raison ? Les deux…. Tout allait dépendre de ce que l'on faisait du TGV…
Je pense qu'il en est ainsi des technologies nouvelles : la plupart d'entre elles n'induisent pas nécessairement le sens de l'évolution future. Elles ouvrent de nouvelles opportunités, déforment la situation initiale, mais ne créent que rarement un futur prédéfini.

Je suis frappé à ce titre par les conséquences de la mise en œuvre des technologies de l'information dans les entreprises : dans certains cas, elles sont l'occasion du renforcement de la centralisation et du pouvoir du siège. Dans d'autres, elles permettent la mise en place d'une réelle décentralisation…

4 juin 2009

HASARD ET ÉMERGENCE, LE « YIN ET YANG » DE L’ÉVOLUTION


Peut-on prévoir ?

Le hasard est tout autour de nous : Soit parce que deux situations ne sont jamais vraiment identiques – nous ne savons pas lancer deux fois de suite les dés de la même façon –, soit parce que les interactions sont multiples et imprévisibles – il y a une infinité de « battements d'ailes de papillon » –, tous les systèmes complexes divergent. Le futur est aléatoire, et tout « arrive par hasard et pour rien ».

Ce qui existe est simplement ce qui a émergé : Il n'y a pas de plan a priori et le développement naît des rencontres accidentelles – le moustique pique parce qu'un appendice prévu pour boire de l'eau a pénétré la peau par accident –. Entre deux solutions possibles, une solution s'est développée plutôt qu'une autre, simplement parce que c'est elle qui s'est développée : tout ce qui est possible peut exister, et ce n'est pas le meilleur qui gagne, mais juste celui qui a gagné…

En conséquence, il est illusoire de vouloir prévoir dans le détail. Il est par contre efficace d'apprendre à « lire » les situations pour identifier les émergences en cours

3 juin 2009

LA RÉPONSE À LA QUESTION : « QU’EST-CE QUI PENSE QUE CE PLAT A BON OU MAUVAIS GOÛT ? » N’EST PAS AUSSI SIMPLE QU’IL PARAÎT

Promenade issue de « Bonheur de la méditation », livre de Yongey Mingyour Rinpotché, grand maître tibétain

SUR L'ESPRIT ET L'IDENTITE :

« L'esprit est un événement en perpétuelle évolution, plutôt qu'une entité distincte. »

« Ce comportement « global » ou « réparti » peut être comparé à l'accord spontané d'un groupe de musiciens de jazz. Lorsque les musiciens de jazz improvisent, chacun joue peut-être une phrase musicale légèrement différente. Pourtant d'une manière ou d'une autre, ils parviennent à jouer ensemble de façon harmonieuse. »

« L'esprit est, par bien des aspects, comparable à l'océan. Sa « couleur » change de jour en jour, d'instant en instant, à mesure qu'il reflète les pensées, les émotions et tout ce qui passe dans son ciel, pour ainsi dire. Mais, à l'instar de l'océan, l'esprit en lui-même ne change jamais. Quelles que soient les pensées qui s'y reflètent, il est toujours pur et clair. »

« Si vous vous contentez d'observer ce qui se passe en vous, sans essayer d'arrêter quoi que ce soit, vous finirez par éprouver une sensation extraordinaire de détente et d'espace dans votre esprit : c'est votre esprit naturel, l'arrière-plan naturellement non troublé sur lequel vos pensées vont et viennent. »

« Ma main n'est pas mon moi, mais elle est à moi. Bien, mais elle est faite d'une paume et de doigts, elle a une face supérieure et une face inférieure, et chacun de ces éléments peut être décomposé en d'autres éléments comme les ongles, la peau, les os, etc. Lequel de ces éléments peut être appelé « ma main » ? »


ILLUSION OU REALITE ?

« La meilleure façon d'aborder cet aspect de la vacuité me semble de revenir à l'analogie de l'espace tel qu'il était conçu au temps de Bouddha, c'est-à-dire comme une ouverture immense qui n'est pas une chose en soi, mais plutôt un milieu infini, dans références, au sein duquel les galaxies, les étoiles, les planètes, les animaux, les êtres humains, les rivières, les arbres, bref tous les phénomènes surgissent et se meuvent. Sans espace, aucun des phénomènes ne se distinguerait d'un autre. Il n'y aurait pas de place pour eux. Il n'y aurait, en quelque sorte, aucun arrière-plan qui les rendrait visibles… Tout ce qui surgit de cette vacuité – les étoiles, les galaxies, les êtres, les tables, les lampes, les horloges, et même notre perception du temps et de l'espace – est l'expression relative d'un potentiel infini, une apparition momentanée au sein d'un espace et d'un temps sans limites. »

« La voiture du rêve était-elle réelle ?... Néanmoins tant que le rêve dure, vous la percevez comme tout à fait réelle… Tout ce que nous percevons n'est qu'une apparition jaillie du potentiel infini de la vacuité. »

« Tout ce qu'on perçoit est une reconstruction opérée de l'esprit. Autrement dit, il n'y a pas de différence entre ce qui est vu et l'esprit qui le voit. »


SUR LE TEMPS ET LA RESPONSABILITE

« La passé est comparable à une graine brûlée. Une fois réduite en cendres, la graine n'existe plus, ce n'est plus qu'un souvenir, une pensée qui traverse l'esprit. Autrement dit, le passé n'est rien d'autre qu'une idée… Le futur n'est donc, lui aussi, qu'une idée, une pensée… Le présent ? Mais comment le définir ?... On peut essayer de réduire l'expérience du présent à un instant de plus en plus court, mais le temps d'identifier ce dernier, il est déjà passé. »

« Quand nous nous rappelons l'époque où nous étions adolescent et où nous allions en classe, nous pensons naturellement que notre « moi » actuel est celui qui a étudié, grandi, quitté la maison familiale, trouvé du travail, et ainsi de suite. »

« L'idée que l'observation d'un événement suffise à en influencer l'issue peut donner l'impression d'une responsabilité personnelle trop lourde à assumer. Il est beaucoup plus facile de penser que l'on subit son destin, en attribuant à une cause extérieure la responsabilité de ce que l'on éprouve… Il n'est certes pas facile de renoncer à l'habitude de se considérer comme une victime. Mais en assumant l'entière responsabilité de ce qui nous advient, nous pouvons nous ouvrir des possibilités que nous n'avions sans doute jamais imaginées. »


SUR LA COMPASSION :

« La compassion est le sentiment spontané d'être relié à tous les autres êtres. Ce que vous ressentez, je le ressens. Ce que je ressens, vous le ressentez. Il n'y a pas de différence entre nous. »

« Il se rendit alors compte que s'il utilisait juste assez de cuir pour se fabriquer une paire de chaussures, il pourrait marcher sans souffrir sur des centaines de kilomètres. Recouvrir la surface de ses pieds équivalait à couvrir la surface de la Terre, tout entière…. Si vous rendez votre esprit paisible et bienveillant, une même solution vous permettra de résoudre tous les problèmes de votre vie. »



2 juin 2009

APPRENONS QUE LE CHANGEMENT EST LA NORME ET ENSEIGNONS QUE L’INDIVIDU EST UNE RÉALITÉ À RESPECTER


I had a dream…

En caricaturant – mais est-ce vraiment une caricature ? –, dans les pays occidentaux, nous avons tendance à :

- Considérer que le changement n'est qu'un moment transitoire et douloureux. Nous sommes convaincus que la norme, c'est la continuité, la stabilité. Nous allons donc tout faire pour maintenir le plus longtemps possible ce qui existe, même si pour cela, il nous faut ériger des lignes Maginot pour endiguer ce changement que nous sentons vouloir naître. Nous sommes persuadés que l'individu est une réalité et que le monde tourne autour de nous.

- Chercher à prévoir le futur, puis ensuite construire un plan pour nous en rapprocher. Du coup, au cours de l'action, nous allons être moins attentifs à ce qui survient et qui n'est pas prévu. Centré sur notre propre plan d'action, nous ignorons ce qui n'entre pas dedans ; ce qui ne nous rapproche pas de notre objectif pensé a priori vient nous distraire. Le réel doit se conformer à ce que nous avions prévu.

En Asie, à l'inverse, – toujours en caricaturant – on a tendance à :

- Considérer que le changement est l'état normal, que la continuité est une illusion, que la vie est faite d'une succession sans fin de morts et de renaissances. On va chercher à dépasser les apparences et à voir le mouvement sous-jacent. La stabilité sera vécue comme un état fragile et comme le fruit de changements cachés. A l'extrême, l'individu n'a pas tant d'importance que cela, puisqu'il n'est lui-même que de passage, une des éléments du changement permanent.

- Se centrer sur les opportunités immédiates procurées par la situation actuelle. Finalement, il n'est pas très utile de passer du temps à prévoir là où l'on va aller ; le but du chemin sera simplement le résultat des actions entreprises. Centré sur l'observation fine des courants immédiats, on n'attache que peu d'importance sur l'endroit où l'on sera dans le futur.

Rêvons un instant : et si on arrivait à hybrider les deux approches ?

Apprenons en Occident que le changement est l'état normal (notre corps lui-même est constamment en train de se renouveler et notre sentiment d'exister repose sur cette transformation continue) et qu'il est illusoire de prévoir précisément là où l'on va aller (nous ne connaîtrons jamais suffisamment précisément la situation actuelle et toutes les interactions à venir pour prévoir au-delà du court terme).

Mais symétriquement soyons les promoteurs du respect de l'individu (un individu n'est pas qu'une composante « interchangeable » et fluctuante de la société globale, il est une richesse intrinsèque et irremplaçable) et de la définition d'un projet comme cible permettant de choisir parmi les opportunités immédiates (toutes les opportunités ne se valent pas et, s'il est illusoire de prévoir précisément, il est possible de « se penser au futur »).

Ce « rêve éveillé » s'applique aussi bien au management des entreprises qu'à celui de la société en général…

29 mai 2009

UN DIRIGEANT DOIT-IL S'INTERROGER SUR SES AUTOMATISMES ?

Jean-Marc Daniel, professeur d'économie à ESCP Europe et chargé de cours à l'Ecole des mines de Paris, parle de mon livre Neuromanagement




POUR ALLER SUR LE BLOG DE JEAN-MARC DANIEL

28 mai 2009

ÊTRE IRRATIONNEL, C’EST NIER L’IMPORTANCE DES PROCESSUS CACHÉS ET INCONSCIENTS

La décision peut-elle être mise en équation ?

Les linéaires des librairies sont encombrés de livres sur le management et la prise de décision – j'y ai contribué moi-même ! -, les écoles de commerce et autres MBA fleurissent un peu partout à travers le monde, les Directions Générales sont peuplées d'experts ayant parcouru le monde et aguerris à l'analyse multicritère… Bref, tout est en place pour que l'élaboration et la prise de décision soient le résultat d'un processus « scientifique » et « rationnel »… Oui, si on veut, mais….

Pendant des années, l'entreprise Treca, une des leaders dans le domaine du matelas, s'est refusée à entrer dans le marché des matelas en latex. Pour elle, sorti du ressort, pas de salut. Certes, elle était en position de force sur ce segment, mais celui du latex se développait, et sa Direction refusait même d'en discuter. Bizarre, non ? Oui si l'on s'en tient à l'approche « rationnelle » habituelle, mais, si l'on prend le temps de connaître l'histoire de l'entreprise et le sens de son nom, on se donne une chance de comprendre ce qui se passe. Que veut dire Treca ? C'est un raccourci pour Tréfilerie Câblerie : l'entreprise était née autour de son activité de tréfilerie. Le ressort n'était pas seulement un « objet anonyme » qui était là pour assurer le confort des matelas, c'était la raison d'être de l'entreprise, la justification de son nom. S'autoriser à étudier le marché du latex s'était risquer d'abandonner un jour le ressort, prendre le risque de « tuer son père »… Pas facile. Tout ceci était en arrière-plan, dissimulé dans l'inconscient collectif…

Au milieu des années 80, j'ai été chargé de mission à la DATAR (Délégation à l'Aménagement du Territoire et à l'Action Régionale). Je faisais partie de la petite équipe dite « industrielle », celle dont la mission était de contribuer à une meilleure répartition géographique des emplois en France. Nous avions comme leviers d'action les primes à l'aménagement du territoire et l'existence d'une autorisation pour toute extension ou création en région parisienne. Au-delà des critères logiques et connus, nous avions identifié un caché et pourtant finalement « rationnel ». Quel était-il ? La localisation de la résidence secondaire du ou des décideurs… Que se passait-il ? En fait l'analyse « rationnelle » des localisations possibles conduisait la plupart du temps à plusieurs options possibles. Le choix entre elles allait dépendre de la grille de choix et de la pondération entre les différents éléments d'analyse. Or cette grille et cette pondération étaient très largement subjectives et ne pouvaient être déduites d'aucun manuel de management. A ce moment-là, le ou les dirigeants concernés repensaient qu'eux-mêmes, auraient à aller dans cette usine, et que, si elle n'était pas trop loin de leur maison de campagne, ce serait quand même pratique… Évidemment, vous ne trouverez ce critère dans aucun document officiel, mais c'est une réalité…

A son arrivée à la tête de cette grande entreprise, ce dirigeant expérimenté avait eu pour la première fois de sa carrière à faire face à un nouveau secteur d'activités. Pas facile de comprendre la logique de ce secteur : les enjeux technologiques étaient complexes, le jeu concurrentiel mouvant, le rythme des innovations très particulier… En fait, il avait été un peu perdu. Bien sûr, il avait cherché à apprendre le plus vite possible toutes ces nouvelles règles du jeu, mais il gardait une nostalgie du secteur qu'il venait de quitter. Un peu comme s'il regrettait une terre natale… Mais heureusement, son entreprise était prospère et avait à choisir un nouveau domaine d'activités. Rapidement, une évidence s'imposa à lui : le secteur qu'il avait quitté, celui qu'il connaissait si bien, était le bon. Une étude stratégique après, la décision était prise : son entreprise allait s'y développer. Cette décision étonna bon nombre d'analystes, car le lien entre ce nouveau domaine et les activités historiques de l'entreprise n'était pas évident. Mais la signature apposée au bas de l'étude stratégique était tellement convaincante…

L'histoire de l'entreprise, les attentes cachées des décideurs, l'histoire personnelle du dirigeant sont autant de facteurs essentiels dans un processus de décision.

Certains pourraient y voir un problème, une tendance contre laquelle il faut lutter.

Personnellement, je ne crois pas, car cela montre que nous ne sommes pas face à des mécaniques anonymes et inhumaines. Penser que l'on peut tout mettre en équation, ce n'est pas être réellement rationnel : nier la réalité de ces processus, c'est être irrationnel.

Être rationnel, c'est faire face à la réalité des processus cachés et inconscients… et apprendre à en tirer parti.

27 mai 2009

LA HAUTEUR DU MONT BLANC DÉPEND-ELLE DE LA MANIÈRE DONT ON LE GRAVIT ?

Florilège issu de « Recherches philosophiques » de Ludwig Wittgenstein

C'est ainsi, par exemple, que les enfants donnent un nom à leurs poupées et qu'ensuite ils parlent d'elles et s'adressent à elles. À cet égard, pense à quel point il est étrange d'employer un nom de personne pour interpeller la personne qui porte ce nom.

Lorsque M. Un Tel meurt, on dit que le porteur du nom meurt, mais non que la signification du nom meurt. Et parler ainsi serait absurde, car si le nom cessait d'avoir une signification, il n'y aurait aucun sens à dire : «M. Un Tel est mort. »

« Le rouge existe » car, s'il n'y avait pas de rouge, on ne pourrait pas du tout parler de lui.

Suppose qu'au lieu de dire à quelqu'un : « Apporte-moi le balai ! », tu lui dises : « Apporte-moi le manche du balai avec la brosse qui y est fixée ! ». La réponse n'est-elle pas : « C'est le balai que tu veux ? Pourquoi donc t'exprimes-tu si bizarrement ? » Comprendra-t-il mieux la phrase sous la forme plus analysée ?

Le jeu n'est pas délimité sous tous rapports, par des règles ; mais il n'existe pas non plus de règles déterminant à quelle hauteur, par exemple, on est autorisé à lancer la balle de tennis ou avec quelle force ; pourtant le tennis est lui aussi un jeu, et il a lui aussi des règles.

L'idée est en quelque sorte posée sur notre nez comme des lunettes à travers lesquelles nous verrions ce que nous regardons. Il ne nous vient même pas l'esprit de les enlever.

Celui qui promet, de jour en jour : « Demain je viendrai te voir » dit-il tous les jours la même chose ? Ou chaque jour quelque chose d'autre ?

« Je me rappelle parfaitement que, quelques temps avant ma naissance, je croyais que... »… Est pourvue de sens la phrase que l'on peut non seulement dire, mais aussi penser.

Le rêve se produit-il vraiment pendant le sommeil, ou est-il un phénomène imputable à la mémoire de l'homme réveillé ?

On peut se méfier de ses propres sens, non de sa propre croyance... La conviction, on la ressent en soi, on ne la tire pas de ses propres paroles, ou du ton sur lequel elles sont prononcées.

Le triangle peut être vu comme un trou de forme triangulaire, un objet, un dessin géométrique, comme reposant sur sa base ou suspendu par son sommeil, comme une montagne, un coin, une flèche ou un signe indicateur, comme un objet renversé qui aurait dû (par exemple) reposer sur son côté le plus court, comme la moitié d'un parallélogramme, et comme d'autres choses encore.

La cécité à l'aspect est apparentée au manque d' « oreille musicale ».

La vache mâche du fourrage, et sa bouse sert ensuite d'engrais à la rose, donc la rose a des dents dans la gueule de l'animal. Il ne serait pas absurde de le dire, car on ne sait pas de prime abord où chercher les dents de la rose.

Il serait étrange de dire : « La hauteur du mont Blanc dépend de la manière dont on le gravit. »

26 mai 2009

NON, VOUS NE PERDEZ JAMAIS DU TEMPS !

Partez à la recherche de ce que vous avez fait de votre temps

« Perdre du temps », quelle drôle d'expression ! Comme je l'ai déjà écrit dans un article paru en septembre 2008 : « Le temps est la seule chose que l'on ne peut pas perdre ». On peut perdre un stylo, un portefeuille, un ami… mais le temps, non. Il est toujours là avec moi, pas de risque de le perdre…

Certes Proust est bien parti à sa recherche, mais il visait là le temps passé, le temps révolu, celui dans lequel nous nous noyons comme dans un brouillard. Il est allé fouiller les arcanes de ses souvenirs jusqu'à retrouver ce temps perdu.

Aujourd'hui, quand on parle de temps perdu, on parle de temps présent.

Notre société est malade de « présentisme » : elle ne pense plus que dans l'instantané, dans l'immédiat, dans l'urgence. Mais est-ce encore de la pensée ?

Est-ce au moins de l'action ? Si l'on entend par action, capacité à entreprendre quelque chose, je crois que le plus souvent, ce n'est pas non plus de l'action, mais juste de l'agitation, de l'effervescence, de la dispersion.

On confond mouvement et avancée, déplacement et progression.

Les gens qui courent pensent qu'ils gagnent du temps. Mais pendant qu'ils courent, que font-ils d'autres que courir ? Et ce temps « gagné » que vont-ils en faire ? Car on ne gagne pas de temps, on ne perd pas de temps, on fait une chose ou une autre.

Quand je choisis de me déplacer plus lentement, comme je n'ai pas besoin de consacrer mon attention à mon déplacement, je peux profiter de ce temps pour lire, discuter ou simplement réfléchir. Qui gagne du temps ? Celui qui court ?

Je crois que cette phobie collective liée à la perte du temps, à quelque chose à voir avec cette maladie du « présentisme » : nous ne vivons plus qu'au présent, présent qui nous échappe et que nous avons le sentiment de perdre constamment. Alors plutôt que de nous remettre en cause, nous accusons ce temps qui nous échappe, sans voir que ce n'est pas le temps qui nous échappe, mais ce que nous en faisons.

Ce que nous perdons, ce n'est pas du temps, mais notre vie.

Et si chacun prenait le temps de se poser, et partait à la recherche non pas du temps perdu, mais de ce qu'il a fait du temps qu'il avait…

25 mai 2009

MÉKONG ET PROUST, HISTOIRE D’UNE RENCONTRE IMPROBABLE

Savoir se laisser perdre pour se donner la chance de la découverte

Le Mékong coule à la vitesse des mots de Proust. Résonance magique entre ce lieu immobile et le temps suspendu. Voilà deux heures que je suis assis sur cette terrasse, seul à déguster cet instant privilégié. Les pages se tournent aussi lentement que l'eau se déplace. Parfois une barque vient glisser lentement. Parfois la duchesse de Guermantes se laisse aller à une confidence. Parfois un paysan vient retourner un lambeau de terre. Parfois un événement inattendu survient au détour d'une réception mondaine.

Synchronicité étrange entre le parisianisme de « A la recherche du temps perdu » et la beauté brute de ce paysage asiatique.

A une heure de là, c'est le « triangle d'or » avec sa noria de cars et de touristes. C'est ce triangle que j'ai quitté – ou plutôt fui – dans la matinée : j'ai laissé la voiture choisir pour moi. Ne pas réfléchir, sentir les lieux, tourner à gauche pour être au plus près du Mékong, regarder distraitement les paysans couper le blé à la main, maudire un peu l'état de la route.

Apercevoir enfin ce lieu étonnant : quelques huttes de bois suspendues au bord du fleuve, une terrasse…

Heureusement que je me suis laissé perdre dans la campagne nord-thaïlandaise. Heureusement que je me suis écarté des rendez-vous programmés. Heureusement que je n'ai lu aucun guide, demandé aucun conseil.

Ce lieu n'existe encore pour personne. Il n'est référencé nulle part. Comme un espace entre parenthèses. Un espace perdu. Un espace dessiné pour recevoir la prose proustienne.

C'était en août 2007. Les photos ci-jointes vous en donnent une idée …

Savoir lâcher prise pour découvrir. Savoir faire le vide pour se donner la chance de faire des rencontres. Savoir n'écouter personne pour écouter la vie.

Savoir « partir à la recherche du temps perdu » pour se trouver et faire le plein d'idées et d'émotions…

22 mai 2009

Lâcher prise pour manager

Effet miroir sur mes écrits récents…

Mardi dernier, j'ai fait une conférence autour de « Lâcher prise pour manager ».

L'une des participants en a extrait les 6 points qui lui ont paru essentiel. J'ai pensé utile de partager avec vous ce retour qui peut servir de guide au sein des différents articles parus sur mon blog.

Voilà donc cette liste avec les liens vers les articles correspondants :

1. Faire le vide pour se donner une chance de comprendre

- Savoir se voir à distance

- Ne nous laissons pas berner par la « magie des battements de l'aile d'un papillon »

- Pourquoi l'entreprise doit apprendre à faire le vide

- Je n'ai jamais vu un fleuve qui ne finissait pas aller à la mer

- En Chine, notre culture nous trompe

- Difficile d'accepter que mes doigts « savent mieux » que moi où sont les touches

2. Plus je connais mon métier, moins je comprends mon client

- Comment lire derrière les apparences ?

- Sans effets miroirs, les entreprises ne peuvent pas restées connectées au réel

- Quand on se pose une question qui n'existe pas

- Quand l'entreprise est trompée par sa trop grande expertise

3. Ajuster le niveau de précision aux situations

- On n'a pas besoin du même niveau pour partir en voiture que pour prendre le train

- Situation adresse ou téléphone ?

4. Nous aimons trop les jardins à la française

- Quand désordre rime avec harmonie et efficacité

- L'uniforme produit plus d'appauvrissement que d'efficacité

- Nous aimons trop les jardins à la française

5. Apprendre à se confronter

- Se croire invulnérable tue

- La confrontation, c'est la vie

- Se confronter en interne pour fiabiliser les décisions

- La confrontation n'est pas naturelle

- Savoir comprendre et respecter le point de vue d l'autre

- C'est quand tout se passe bien qu'il faut s'inquiéter

- C'est quand tout le monde est d'accord qu'il faut s'inquiéter

6. Ni tout puissant, ni divin mystique, ni mathématico-maniaque… Soyez juste vous-mêmes

- Piloter, c'est lâcher prise

- Rambo, c'est moi ?