9 oct. 2009

NOUS AIMONS TROP LES LIVRES DE RECETTES DE CUISINE


Nous parlons de l'incertitude, mais nous ne l'intégrons que rarement dans nos actes

Imaginez que je pose la question suivante dans un sondage : « L'incertitude est-elle certaine ? ».

A coup sûr (je suis conscient du côté paradoxal d'affirmer que l'on est sûr d'une réponse à une question qui dit que l'incertitude est certaine. Si je suis logique avec ma propre question, je devrais admettre que la résultat est incertain…), un nombre très significatif répondrait « oui, évidemment ! ». Je suis même prêt à parier que, si l'échantillon est composé de dirigeants, le oui deviendra quasi-unanime : ils ont « payé » pour savoir que l'incertitude est certaine !

Maintenant si j'observe nos actes quotidiens, et singulièrement ceux des dirigeants, qu'est-ce que je vois : le refus de l'incertitude, la volonté de prévoir et encadrer, la demande de business plans détaillés, le contrôle a priori, la suppression des marges de manœuvre et des dépenses non affectées…

Nous parlons de l'incertitude, mais ce que nous aimons toujours ce sont les recettes de cuisine : quoi de plus sécurisant que de voir tout écrit, tout décrit, tout prévu. Sur un livre de cuisine, on a la photographie du résultat, la liste des ingrédients à réunir, la description de tout le mode opératoire. Et ce qui distingue un bon livre d'un autre, c'est le fait qu'il est effectivement possible et facile de suivre les indications, et que le résultat final sera bien conforme à la photographie.

Voilà le monde dont nous rêvons : un monde où tout pourrait être prévu et organisé comme dans un livre de cuisine. Ah si seulement, il y avait des recettes toutes faites pour la vie de tous les jours... Car, décidément, nous avons peur des grands espaces, du vide, de la liberté absolue.

Il faut que nous comprenions que nous ne pouvons pas comprendre ce qui va se passer… et n'en tirer aucune compréhension supplémentaire : acceptons cela, lâchons-prise et agissons en conséquence.

2 commentaires:

Unknown a dit…

Bonjour Monsieur Blanche,

J'ai lu avec attention votre message. Vous abordez souvent ce thème de l'incertitude qui est certaine. Je partage votre point de vue.
Et j'apprécie de vous lire.

Vous écrivez : "Il faut que nous comprenions que nous ne pouvons pas comprendre ce qui va se passer… et n'en tirer aucune compréhension supplémentaire : acceptons cela, lâchons-prise et agissons en conséquence."

J'aimerai que vous me donniez des éléments de réponse au 2 questions ci-dessous :
Comment agir en conséquence de choses que nous ne comprenons pas ?

Et quelle action peut-on mener ?

En vous remerciant d'avance de votre réponse.
Très cordialement,
Philippe

Robert Branche a dit…

Redoutables questions ! Elles sont exactement au coeur du "lâcher-prise".
Nous avons tendance à tout vouloir comprendre, et à agir à partir de cette compréhension. Or ceci n'est la plupart du temps qu'une illusion, car notre compréhension n'est au mieux qu'incomplète, et au pire fausse.
Or nous pouvons "sentir" les courants ou les directions de choses que nous ne comprenons pas.
La compréhension fait appel à notre capacité à construire des interprétations conscientes. Le fait de sentir est une opération beaucoup plus complexe qui mélange conscient et inconscient, analyse et émotion.
Ainsi vous pouvez vous diriger dans le flux d'un torrent ou d'une rivière sans être capable de comprendre et de modéliser les mouvements de l'eau. De la même façon, un joueur de tennis ne "comprend" pas comment son adversaire joue, mais il est capable de "lire" les trajectoires et d'anticiper. Idem pour un pianiste virtuose : il ne sait pas comment il hjoue...