Delhi ou Paris ?
Petit à petit, je m'enfonce au milieu de la foule. Régulièrement il faut jouer des coudes pour avancer ou accéder à une devanture. Je suis envahi par un océan de couleurs, d'odeurs et de bruits. Au bout de quelques minutes, je ne sais plus très bien où je me trouve, ni dans quelle direction se trouve le Nord.
De rayon en rayon, j'avance. A la logique du monde extérieur, s'est substitué ce flot humain dans lequel je glisse, essayant parfois bien inutilement de me diriger. Une sorte d'hystérie collective s'est emparée de ceux qui étaient auparavant des individus et ne sont plus que des consommateurs englués dans la folie de l'achat.
Je me souviens de ce curry entraperçu, il y a quelques minutes : l'ocre et le parfum sont encore en moi. Je suis maintenant au milieu des jeans et des tee-shirts. Encore quelques minutes de navigation, je basculerai dans un autre univers fait d'encens ou de bois, de soie ou de fruits. Pourquoi chercher à prévoir ? Le charme du lieu est dans l'aléa des rencontres et des découvertes…
Je me souviens du cachemire entraperçu, il y a quelques minutes : sa douceur et sa couleur flottent en moi. Je suis maintenant au milieu des chemises et des cravates. Encore quelques minutes d'errance, je me retrouverai dans un monde de parfums ou de crèmes, de montres ou de bracelets. Inutile de prévoir. Le charme de la quête est dans l'imprévu des découvertes…
Voilà une heure que j'avance, perdu, dans le marché d'Old Delhi. Des yeux charmeurs se posent sur moi et me retiennent. Une tasse de thé offerte au fond d'une échoppe improbable, quelques mots échangés, des numéros de téléphone, et il m'indique comment sortir du dédale et retrouver ma route.
Voilà une heure que j'essaie en vain de trouver la bonne affaire aux 3J des Galeries Lafayette. Personne ne se regarde, illusoire de penser que quiconque pourrait s'intéresser à l'autre. Chacun est le rival de son voisin, celui qui pourrait acheter la dernière pièce restante.
Dans les marchés du vieux Delhi comme dans les 3J des Galeries Lafayette de Paris, il y a une foule compacte et acheteuse. Mais la plus civilisée des deux n'est pas forcément celle qui a le plus fort pouvoir d'achat. Une des foules exprime l'effervescence de la vie et du mélange. L'autre, la compétition et l'égoïsme. Télescopage virtuel à distance…
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