16 mars 2011

NOTRE MÉMOIRE EST NÉCESSAIREMENT INEXACTE

On ne peut pas accéder à l’information initiale
Donc pour stocker un souvenir, nous l’avons démonté en petits morceaux.
Quand nous nous souvenons de quelque chose, nous rappelons les morceaux de puzzle qui constituent le souvenir. Comme ce rappel est imparfait, certaines pièces vont manquer et d’autres vont arriver déformées. Nous allons alors boucher les trous et redécouper certaines des pièces pour qu’elles puissent s’assembler entre elles.
Si une heure plus tard, le lendemain ou dans un mois, nous rappelons à nouveau ce souvenir, il nous reviendra avec les déformations faites la dernière fois : si nous avions comblé des trous, les pièces additionnelles reviendront avec les pièces initiales éventuellement redécoupées. Mais à nouveau, il manquera des pièces et de nouvelles déformations apparaîtront… Si nous le rappelons souvent, au bout d’un moment, nous ne ferons plus de nouvelles modifications : nous aurons « simplifié » la réalité et fluidifier le mode de rappel.
Ainsi, à chaque fois que je me souviens, je reconstitue et je recrée. Notre mémoire a de l’imagination !
Mais la situation vécue a-t-elle toujours été stockée initialement avec exactitude ?
Pas vraiment, car que veut dire « exactitude » ? Au mieux, cela correspond à la perception que nous avions de la situation. Au pire, tout est déformé par une émotion trop violente associée à la situation.
Imaginons par exemple qu’un bébé ait dû attendre son biberon pendant suffisamment longtemps pour que cela ait constitué une expérience émotionnelle très traumatisante. Supposons qu’à ce moment-là la couleur rouge ait été présente fortement dans son environnement immédiat, alors que d’habitude il ne la rencontrait pas. Quelle information va-t-elle archivée ? L’association du rouge avec la mise en cause de sa survie. Cette situation vécue va laisser une trace indélébile avec laquelle il devra vivre toute sa vie : chaque fois qu’il verra la couleur rouge, il ressentira une émotion négative très violente.
Comment savoir quel est le décalage éventuel entre notre souvenir et ce qui s’est passé, comment être conscient de la déformation ? Par nous-mêmes, c’est impossible, car, par construction, nous n’aurons accès à nos souvenirs qu’après cette déformation, et jamais à l’original. Ainsi, lorsque nous avons oublié quelque chose, l’information est peut-être toujours présente quelque part dans le réseau de nos neurones, mais nous en avons perdu la clé d’accès.
Pas vraiment rassurant tout cela, non ?
D’autant plus que la mémoire, c’est ce qui structure notre identité consciente :
  • Sans mémoire, nous serions comme ces nouveau-nés qui ne peuvent pas comprendre le monde qui les entoure.
  • Sans mémoire, nous ne saurions pas que celui que nous étions hier, il y a une semaine ou un mois, était bien nous.

Alors, on fait comment ?
(à suivre)

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