Moins on change, mieux on se porte
Depuis le début des années quatre-vingt dix, j’ai accompagné plusieurs
opérateurs de télécommunications, ainsi que ponctuellement quelques autres acteurs
intervenant dans le secteur des télécommunications.
Je me suis trouvé observateur
privilégié de l’effervescence de ce secteur qui a été soumis à une triple
instabilité :
-
Instabilité réglementaire : en 1990, les acteurs étaient en Europe,
et dans la plupart des pays du monde, des entreprises publiques, voire des
administrations, agissant uniquement dans leur champ géographique propre. Puis
petit à petit, le jeu s’est ouvert, des organismes de régulation ont été mis en
place, la concurrence s’est développée, et des acteurs internationaux sont
apparus.
-
Instabilité technologique : aucun secteur, je crois, n’a été soumis à
une telle succession de ruptures technologiques, amenant à chaque fois des
remises en cause profonde : passage de l’analogique au numérique,
émergence de la téléphonie mobile et du standard GSM, développement de l’internet,
téléphonie sur internet, passage du GSM à l’UMTS, Wifi,… Ces ruptures sont parfois venus sans être anticipées :
par exemple, personne ne prévoyait fin des années 90 l’arrivée du Wifi.
-
Instabilité concurrentielle : ce double mouvement de dérégulation et de
rupture technologique a été l’occasion d’une modification régulière au sein des
acteurs en place. Les frontières sont mouvantes, et, sous la pression de la
croissance d’internet, la limite entre informatique et télécommunications est
devenue plus que poreuse. Le monde des équipementiers s’est modifié avec les
déboires d’acteurs historiques comme Alcatel ou Nortel, et la succession des
leaders dans la téléphonie mobile – Motorola, puis Nokia, et maintenant Apple,
Samsung et HTC –. Internet a connu lui aussi des étoiles filantes comme
Netscape ou AOL (1), et ses stars actuelles, Google et Facebook, n’existaient
pas il y a douze ans pour l’une, et cinq ans pour l’autre.
Dans cette agitation permanente, comment les
opérateurs de télécommunications ont-ils pu survivre, voire se développer ? Paradoxalement, en restant centré sur leur métier d’origine, à savoir :
- opérer un réseau de télécommunications, c’est-à-dire des tuyaux, en garantissant la meilleure performance de la transmission, ainsi que sa fiabilité,
- développer la relation client, commerciale et technique, au travers d’agences physiques et de services après-vente,
- mettre en place des systèmes d’information permettant le suivi du trafic et la facturation des clients
Au fur
et à mesure du développement des télécommunications, se maintenir à un niveau d’excellence
dans ces trois composantes a supposé des efforts importants : les ruptures
techniques et la complexité des données à transmettre, la croissance et l’évolution
des exigences des clients croissantes, la sophistication des tarifications.
Chaque
fois qu’un opérateur a tenté de se diversifier, il a détruit de la valeur. Les
tentatives d’entrée, par exemple, dans le monde des contenus, ont été à chaque
fois coûteuses.
Prochaine étape : le
développement du paiement via le téléphone mobile. Je parie que, là encore, ceux qui gagneront seront ceux qui
« se contenteront » de fournir la meilleure solution technique
(incluant la facturation), sans chercher à vouloir devenir une banque.
Ainsi donc, ceux
qui ont le mieux réussi sont ceux qui ne se sont pas laissé distraire par l’effervescence
ambiante, et sont restés focalisés sur la « mer » qu’il visait, c'est-à-dire qui ont le moins changé de stratégie, et qui se sont centrés sur
l’excellence de sa mise en œuvre.
Belle
illustration des propos de mon dernier livre.
Mais il
est vrai que cette stabilité et cette cohérence gagnantes dans la durée, ne sont pas toujours ce qui est reconnu par la bourse…
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