4 oct. 2011

DANS L’EFFERVESCENCE DES TÉLÉCOMMUNICATIONS, ON RÉUSSIT EN NE SE LAISSANT PAS DISTRAIRE

Moins on change, mieux on se porte
Depuis le début des années quatre-vingt dix, j’ai accompagné plusieurs opérateurs de télécommunications, ainsi que ponctuellement quelques autres acteurs intervenant dans le secteur des télécommunications.
Je me suis trouvé observateur privilégié de l’effervescence de ce secteur qui a été soumis à une triple instabilité :
-          Instabilité réglementaire : en 1990, les acteurs étaient en Europe, et dans la plupart des pays du monde, des entreprises publiques, voire des administrations, agissant uniquement dans leur champ géographique propre. Puis petit à petit, le jeu s’est ouvert, des organismes de régulation ont été mis en place, la concurrence s’est développée, et des acteurs internationaux sont apparus.
-          Instabilité technologique : aucun secteur, je crois, n’a été soumis à une telle succession de ruptures technologiques, amenant à chaque fois des remises en cause profonde : passage de l’analogique au numérique, émergence de la téléphonie mobile et du standard GSM, développement de l’internet, téléphonie sur internet, passage du GSM à l’UMTS, Wifi,…  Ces ruptures sont parfois venus sans être anticipées : par exemple, personne ne prévoyait fin des années 90 l’arrivée du Wifi.
-          Instabilité concurrentielle : ce double mouvement de dérégulation et de rupture technologique a été l’occasion d’une modification régulière au sein des acteurs en place. Les frontières sont mouvantes, et, sous la pression de la croissance d’internet, la limite entre informatique et télécommunications est devenue plus que poreuse. Le monde des équipementiers s’est modifié avec les déboires d’acteurs historiques comme Alcatel ou Nortel, et la succession des leaders dans la téléphonie mobile – Motorola, puis Nokia, et maintenant Apple, Samsung et HTC –. Internet a connu lui aussi des étoiles filantes comme Netscape ou AOL (1), et ses stars actuelles, Google et Facebook, n’existaient pas il y a douze ans pour l’une, et cinq ans pour l’autre.
Dans cette agitation permanente, comment les opérateurs de télécommunications ont-ils pu survivre, voire se développer ? Paradoxalement, en restant centré sur leur métier d’origine, à savoir :
  • opérer un réseau de télécommunications, c’est-à-dire des tuyaux, en garantissant la meilleure performance de la transmission, ainsi que sa fiabilité,
  • développer la relation client, commerciale et technique, au travers d’agences physiques et de services après-vente,
  • mettre en place des systèmes d’information permettant le suivi du trafic et la facturation des clients
Au fur et à mesure du développement des télécommunications, se maintenir à un niveau d’excellence dans ces trois composantes a supposé des efforts importants : les ruptures techniques et la complexité des données à transmettre, la croissance et l’évolution des exigences des clients croissantes, la sophistication des tarifications.
Chaque fois qu’un opérateur a tenté de se diversifier, il a détruit de la valeur. Les tentatives d’entrée, par exemple, dans le monde des contenus, ont été à chaque fois coûteuses.

Prochaine étape : le développement du paiement via le téléphone mobile. Je parie que,  là encore, ceux qui gagneront seront ceux qui « se contenteront » de fournir la meilleure solution technique (incluant la facturation), sans chercher à vouloir devenir une banque.
Ainsi donc, ceux qui ont le mieux réussi sont ceux qui ne se sont pas laissé distraire par l’effervescence ambiante, et sont restés focalisés sur la « mer » qu’il visait, c'est-à-dire qui ont le moins changé de stratégie, et qui se sont centrés sur l’excellence de sa mise en œuvre.
Belle illustration des propos de mon dernier livre.
Mais il est vrai que cette stabilité et cette cohérence gagnantes dans la durée, ne sont pas toujours ce qui est reconnu par la bourse…

(1) Netscape a été le premier leader de l’internet, avec l’invention du navigateur grand public, avant d’être balayé par Microsoft. AOL, grâce à son portail et sa base de clients,  a atteint une telle valorisation boursière qu’elle a pu absorber Time Warner, dans une fusion largement à son bénéfice.


 

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