17 janv. 2012

« REGARDEZ, NOTRE TGV A DÉRAILLÉ ! »

Comment savoir ce qui se passe vraiment ?
Voilà une heure et demie que nous avions quitté Paris. Besoin de savoir où nous nous trouvions, car nous étions partis en retard. Quelques secondes plus tard, grâce à mon iPhone et à Google Maps, j’avais la réponse : nous nous trouvions encore au Nord de Macon.
En regardant, mon écran, je ne pus m’empêcher de laisser échapper à voix basse, mais suffisamment haute pour que mon voisin pût m’entendre : « Tiens, nous venons de dérailler ! »
A son regard, je vis qu’il me prenait pour un fou. Aussi me tournant vers lui, je continuai, cette fois, à voix haute :
« Eh bien oui, selon mon iPhone, le TGV vient de dérailler. Le GPS est trop fiable. La technologie ne peut pas se tromper. Qui a raison lui ou nous ? »
Il me regarda alors, en pensant que vraiment, j’étais un fou. Je poursuivis, en tournant vers lui mon iPhone :
« Regardez mon écran. Voyez ce point, c’est notre train, et le trait le rail. Depuis un moment, le point n’est plus sur le rail. Donc nous avons déraillé. »
Je marquai une pause pour laisser un peu plus le malaise s'emparer de lui.
« Il est vrai que nous sommes dans le train, et que nous pouvons constater que le TGV n’a pas déraillé. Donc le GPS ou la carte de Google Maps doivent se tromper. Si notre train n’était plus sur les rails, nous nous en serions rendus compte. Mais maintenant imaginez que vous êtes au siège de la SNCF, que vous suivez grâce à ce logiciel le bon déroulement des voyages en TGV, et que vous vous fiez là-dessus pour déclencher les alertes. Vous êtes devant un tableau de commandes, vous n’êtes pas dans le train, vous avez seulement cette application. Pour vous, c’est sûr, le train a déraillé. Donc vous déclenchez l’alerte, vous envoyez gendarmes, secours, hélicoptères, et tutti quanti ! »
Il me regarda en souriant et nous avons continué à parler de la fragilité des tableaux de bord et des outils de pilotage.
Car, ainsi va la vie, nous croyons avoir accès au réel, alors qu’en fait, nous n’avons accès qu’à une représentation du réel, et nous n’arrêtons pas d’envoyer des hélicoptères pour des TGV qui n’ont pas vraiment déraillé.
A propos, sommes-nous si sûrs que le PIB mesure vraiment ce qui se passe dans un pays ? Et les taux de croissance et d'inflation ? Et les prévisions sur ces mêmes indicateurs ? Sommes-nous en train de dérailler ? ....

5 commentaires:

Le Blog de Paule Orsoni a dit…

Voilà encore,Robert,toute la différence entre la carte et le territoire,entre virtuel et réel,entre discours tenu et" réalité"économique et...Dieu que je partage ta question finale!!!!!Nous vivons dans un décalage permanent,que dis-je ,dans un grand écart qui nous permet de rivaliser avec les danseurs -étoile de l'Opéra ,les plus talentueux!!!Mais comme disait J Brel..."jusqu'à la déchirure" qui nous attend!
Cela dit restons joyeux et maintenons le grand éclat de rire...

Robert Branche a dit…

Oui nous confondons la carte et le territoire. Je reviens demain sur le lien entre analyses économiques et territoire réel ... ou pas !

Le Blog de Paule Orsoni a dit…

Eh bien je lirai avec attention!

Eliane Jacquot a dit…

Oui, vous y revenez, parce que vous exprimez là l'essentiel de ce qui se passe sous nos yeux.

GS a dit…

Trois expressions me viennent à l'esprit, toutes en anglais, elles existent certainement en français également.

The meal is not the menu

This is *not* a cigar

Your perception is your reality.

Si nous sommes tous persuadés que nous avons déraillé, le conducteur arrêtera le train, nous demandera de descendre, appellera les hélicoptères etc etc le grand bazar...

Ce sera plus facile de remonter et redémarrer que si nous avions effectivement déraillé pour de vrai... dans la mesure ou nous en serons persuadé... de nouveau la perception et la réalité.