15 févr. 2013

HISTOIRE DE TRAVESTISSEMENT

A Pékin (5)
Cinquième et dernière libre évocation de Pékin : une nuit en juillet 2005
La nuit est tombée depuis longtemps, pourtant l’air est toujours aussi moite et chaud. Difficile de respirer parmi les rues étroites dans lesquelles je circule à pied. Encore une heure à attendre avant que le spectacle ne commence. Un spectacle de travesti dans un petit bar perdu dans les méandres de la mégapole.
Alors j’avance lentement, au hasard des ouvertures et des rencontres. Pas mal de monde malgré l’heure tardive, mais bien peu par rapport à la foule de la journée. Douceur de l’ambiance, feutrée par le manque de lumière et la lourdeur de l’atmosphère. Peu de bruits, juste les bruissements des conversations et des cliquetis des baguettes.
Je m’assieds un moment pour manger avec eux et boire une bière. Impossible de se parler, car personne ne connaît l’anglais, et mon chinois est quasiment inexistant. Mais qu’importe, nous communiquons par des sourires et des regards…

Petit à petit, il se transforme. Tout à l’heure, il sera toujours lui-même, mais avec l’apparence d’une autre. Magie du travestissement et du jeu des apparences. Il pourra alors laisser place à sa fantaisie pour le plaisir des spectateurs réunis.
Petit à petit, j’oublie où je suis et ce que je vois : c’est la Chine qui est en train de se travestir. N’est-elle pas en train de perdre son âme en se lançant tête perdue dans une mondialisation qui n’a jamais été son histoire, ni sa culture ?
Comment, elle qui a toujours vécu coupée du reste du monde, protégée par des successions d’enceintes, le mur de la Grande muraille, le mur de la Cité Interdite, va-t-elle résister au flux de tous ces étudiants qui, après avoir séjourné plusieurs années en Occident, reviennent dans leur mère patrie ? Flux continu qui fait monter la puissance de l’hybridation.
Beaucoup en Europe ont peur du métissage du monde, mais nous nous sommes construits de métissages successifs. Notre histoire est faite de mouvements, de mélanges et de fusions. La Chine non.
Alors oui, la Chine, à l’instar de Hai en cette nuit pékinoise, se prépare à se transformer et à renaître nouvelle et différente. Que deviendra-t-elle ? Impossible à prévoir… 

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