Avant mon retour en France, une dernière étape : la Grande Muraille. Envie de me confronter à la seule création humaine visible depuis l’espace. Une trace indélébile, aux antipodes de l’évanescence des tatouages aqueux.
Les empereurs ont uriné de la pierre pour marquer les limites de leur territoire. Définitivement. Matérialisant à jamais la bordure de leur empire, ils ont circonscrit le Pays du Milieu. La Chine a existé parce que tatouée. Sans cercle, sans bordure, pas de centre.
La première fonction de la Grande Muraille n’est pas de protéger la Chine, mais de la définir : elle commence là où l’on rencontre la Muraille, et finit si l’on s’en extrait. Comme la membrane d’une cellule. Mais une membrane voulue étanche et impénétrable. Une cellule coupée du dehors. (…)
Autour de moi, les cimes sont couronnées par un serpent de pierres qui court sur leurs crêtes. Hérissé de miradors, il domine le vide ambiant. Apparemment endormi, sentinelle depuis deux millénaires, caméléon habillé dans les tons des montagnes, il se fond dans le paysage. Un regard rapide ne prêterait pas attention à lui. Tapi, il guette de telles erreurs. Je ne les ferai pas. (…)
Je poursuis ma montée. Arrivé à un point d’où la vision est à trois cent soixante degrés, je m’arrête, saoulé par la force de la bise et la pureté de l’air.
Me reviennent les mots de Dominique A tirés de sa chanson Le Courage des Oiseaux :
« On imagine pourtant très bien voir un jour les raisons d'aimer perdues quelque part dans le temps. Mille tristesses découlent de l'instant. Alors, qui sait ce qui nous passe en tête ? Peut-être finissons-nous par nous lasser ? Si seulement nous avions le courage des oiseaux qui chantent dans le vent glacé ! »
Oui, si seulement, j’avais le courage des oiseaux qui chantent dans le vent glacé.
(Extrait de mon livre Par hasard et pour rien)
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