Se souvenir c’est rappeler les morceaux d’un puzzle, tenter de les réassembler. Ce rappel sera imparfait, certaines pièces manqueront, d’autres arriveront déformées, aussi nous boucherons les trous et redécouperons certaines des pièces pour qu’elles puissent s’assembler entre elles.
Si une heure plus tard, le lendemain ou dans un mois, nous rappelons à nouveau ce souvenir, il nous reviendra avec les déformations faites la dernière fois : si nous avions comblé des trous, les pièces additionnelles reviendront avec les pièces initiales éventuellement redécoupées. Et à nouveau, il manquera des pièces et de nouvelles déformations apparaîtront.
Si le rappel du même souvenir est fréquent, au bout d’un certain nombre d’itérations, nous ne ferons plus de nouvelles modifications : nous aurons simplifié la réalité et fluidifier le mode de rappel, et nous serons définitivement certains de la véracité de ce dont nous nous souvenons.
Mais la situation vécue a-t-elle toujours été stockée initialement avec exactitude ?
Pas vraiment, car, au mieux, ce qui a été stocké n’est pas un absolu, mais la perception que nous avions de la situation. Au pire, tout est déformé par une émotion trop violente associée à la situation.
Imaginons que bébé, j’ai dû attendre mon biberon pendant suffisamment longtemps pour que cela ait constitué une expérience émotionnelle très traumatisante. Supposons qu’à ce moment-là, tous les murs de la pièce aient été rouges, alors que je n’avais jamais été jusqu’alors confronté à cette couleur.
Quelle information sera archivée ? L’association du rouge avec la mise en cause de ma survie.
Cette situation vécue laissera une trace indélébile avec laquelle je devrai vivre toute ma vie : chaque fois que je reverrai la couleur rouge, je ressentirai une émotion négative très violente.
Des madeleines de Proust sans le plaisir de retrouver la tante Léonie…
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