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2 mai 2012

NOUS SOMMES DES DOIGTS POUR LES FOURMIS

Le monde animal bouge, collabore… et communique (5) : Réagir à ce que l’on ne comprend pas
Dans Les Fourmis, le célèbre livre de Bernard Werber, nous vivons le monde au travers des yeux des fourmis, et apprenons que, pour elles, nous sommes des doigts. C’est en effet grâce à ces extrémités de nos mains que les fourmis nous connaissent le plus souvent. Mais comment à partir d’une information aussi incomplète, pourraient-elles se faire une idée, ne serait-ce qu’approchante, de qui nous sommes ? Impossible. C’est d’ailleurs la réponse qu’apporte Bernard Werber dans son livre.
Mettons-nous maintenant dans la peau, – si je puis dire… –, d’un des microorganismes qui nous habitent. Comment pourrait-il bien nous appeler ? Quelle expérience a-t-il de la cohabitation avec ce corps qui l’englobe ? S’il est conscient de quelque chose, – si tant est que le terme de conscience est un sens dans ce cas… –, cela ne peut être que des cellules qui l’environnent, ses alter-ego en quelque sorte.
Or, si jamais ces fourmis ou ces microorganismes nous importunent, nous allons chercher à les neutraliser, voire les détruire, à coup d’insecticides ou d’antibiotiques.
Voilà alors leur vie qui va s’arrêter brutalement, et pour une raison qui, au sens strict du mot, les dépasse : comment une fourmi qui, au mieux, a repéré les principales propriétés des « doigts » pourrait en inférer les dangers d’un insecticide. La quantité d’informations qu’elle détient, et sa capacité cognitive de traitement, même collectivement au niveau de la fourmilière, sont très certainement insuffisantes. Que dire alors du « pauvre » virus qui se trouve confronter à un antibiotique…
Et pourtant, on voit se développer des insectes résistants aux insecticides, et des virus résistants aux antibiotiques. Est-ce à dire que des races de surdoués auraient réussi à décrypter nos attaques, à les analyser et à trouver la parade ?
Non bien sûr ! C’est, une fois de plus, une des propriétés de l’évolution, et de la dérive naturelle telle que développée par Francesco Varela : à force de bricoler, et de se modifier aléatoirement, les solutions émergent et se répandent.
Pourquoi de tels développements sur l’incapacité des fourmis et des microorganismes à théoriser ce qui leur arrive, et sur l’émergence, pourtant, aléatoire de solution ? Parce que je crois que ceci s’applique aussi à nous, humains : nous comprenons beaucoup moins que nous le croyons ce qui nous arrive, nous définissons les choses par ce que nous en voyons ou percevons, et nous trouvons beaucoup plus souvent que nous ne l’imaginons les solutions par hasard.
J’aurai l’occasion de revenir plus tard sur ces points, mais, pour l’instant, je n’en ai pas fini avec les animaux…
(à suivre)

26 avr. 2012

QUE COMPREND-ON DE CE À QUOI ON PARTICIPE ?

Le monde animal bouge, collabore… et communique (4) : Sans microorganismes, pas de À la recherche du temps perdu !
Étonnant contraste entre la petitesse de la fourmi et la puissance de tout ce que collectivement elles peuvent réaliser. Dans mon article « La fourmi est petite, mais la fourmilière est grande », je présentais plusieurs de leurs prouesses les plus spectaculaires : la capacité de construire des ponts vivants pour franchir un obstacle, la fabrication d’un radeau étanche protégeant la reine et permettant de survivre aux inondations, l’invention de l’agriculture ou de l’élevage, trouver le plus court chemin entre deux points, optimiser la circulation… J’y évoquais aussi les performances des abeilles qui ne sont pas en reste en matière de prouesses collectives.
Le monde animal est ainsi peuplé d’espèces qui, faibles individuellement, sont fortes grâce à des propriétés qui émergent collectivement, c’est-à-dire des propriétés qui n’existent pas au niveau d’un individu, mais qui ne se manifestent qu’au niveau du groupe : une fourmi seule ne pourrait ni trouver le plus court chemin, ni résister à une inondation, ni faire de l’élevage de puceron ; une abeille seule serait de même incapable de trouver les meilleures fleurs…
Fascinante puissance du groupe.
Mais au fait, est-ce que chaque individu est conscient de ces propriétés émergentes ? Ou formulé autrement, une fourmi ou une abeille comprennent-elles ce qu’elles font et pourquoi elles le font ? Quand une fourmi s’associe à ses voisines pour créer un radeau et permettre à la fourmilière de devenir insubmersible, sait-elle ce qu’elle fait et pourquoi elle le fait ? Ou quand une autre de ses congénères se livre à la culture de champignons, est-elle consciente de participer à créer une nourriture indispensable à la survie future ? Et quand d’autres viennent au secours de nymphes pour faire partir des prédateurs, ont-elles en tête le nectar que cette même nymphe pourra donner en retour ?
Difficile de répondre à une telle question, non ?
Probablement un peu, sinon comment imaginer que chacune pourrait se prêter efficacement à sa tâche. Mais probablement pas complètement, car on ne voit pas bien comment la complexité de l’ensemble irait se loger dans la petitesse d’une seule. Une forme d’intelligence distribuée, en réseau : j’agis avec juste les informations nécessaires à mon action, mais sans savoir les buts finaux de mon action, buts qui me dépassent.
Sautons à un tout autre aspect de ce monde animal, et de ses emboîtements, à celui de ces multitudes d’organismes vivants qui habitent chacun de nous. Ils sont des millions de milliards à se promener sur nous et en nous. Infinité de la vie, de ses cohabitations et de ses articulations.
Chacun de ces microorganismes vit à son rythme, suit sa propre logique, subit les influences de ce qui l’entoure et contribue sans le savoir à la dynamique d’ensemble. Parmi ce troupeau invisible, certains nous sont nuisibles, d’autres au contraire sont nécessaires au bon fonctionnement de notre corps, contribuant à sa survie.
Repensons alors à la scène fameuse de Marcel Proust trempant sa madeleine et se retrouvant brutalement replongé dans son enfance à Combray chez sa tante Léonie. L’écriture de cette scène n’a été possible que grâce à l’existence de ces microorganismes qui habitaient le corps de Marcel Proust. D’une certaine façon, on se trouve à nouveau devant une propriété émergence : pas de microorganismes, pas de À la recherche du temps perdu.
Mais cette fois l’émergence est lointaine, et non pas de proximité comme avec les fourmis et les abeilles de tout à l’heure. Et plus de doute à avoir : ces microorganismes ne peuvent pas même imaginer ce à quoi ils contribuent. Soyons rassurés, leurs descendants ne vont pas venir demander leur part des droits d’auteurs !
(à suivre)

24 avr. 2012

HARO SUR LES MOUSTIQUES !

Le monde animal bouge, collabore… et communique (3)
Il était immobile, plaqué sur le plafond de la chambre à regarder, de façon obsessionnelle, ma veine qui palpitait. Persuadé que je dormais, n’en pouvant plus d’attendre, il se décida à plonger.
C’est ainsi que commença un des mes plus violents combats nocturnes : la lutte infernale et sans cesse renouvelée contre le moustique. Pendant de longues minutes, tout vola dans la pièce : je lançai tour à tour mes baskets, une serviette de bain qui passait par là, un pantalon, mes mains… et pour finir, un tee-shirt qui, sans raison particulière, atteint, lui, son but. Le moustique finit ainsi, venant accompagner les tâches gagnées dans la journée.
Épuisé par cette lutte, je m’assis sur mon lit et me posai alors cette question simple : pourquoi ce moustique voulait-il me piquer, et plus généralement, pourquoi les moustiques veulent-ils piquer les humains ?
Est-ce pour nous empêcher de dormir ? Pour assouvir une vengeance lointaine et oubliée, une forme de vendetta ?
Ou est-ce le fruit d’une analyse comparative scientifiquement menée, un test qui aurait démontré aux moustiques que, dans la grande bataille de la survie, le sang humain était la meilleure nourriture ?
Je rêvais d’une assemblée de moustiques, un conseil supérieur de leur espèce, qui aurait supervisé cette étude. Des milliers et des milliers de tests, une infinité de peaux piquées, des myriades d’éprouvettes remplies des prélèvements, des générations de moustiques mises à l’épreuve, un grand plan de formation pour améliorer le piqué et la vitesse de succion… Tout cela pour aboutir logiquement, rationnellement et efficacement à cette guerre des moustiques contre le repos des humains.
Évidemment cela ne s’est pas passé comme cela.
Comment les moustiques en sont-ils donc arrivés à devenir ces vampires nocturnes ? Comme toujours par hasard…
Tout avait effectivement commencé, il y a longtemps, très longtemps même : le lointain ancêtre du moustique était un insecte qui, comme bon nombre d’autres, avait développé un appendice effilé pour absorber un liquide, une sorte de paille si vous voulez. Pratique pour survivre et boire rapidement.
Un jour, l’un d’eux est parti en promenade, et s’est posé sur la peau d’un animal à sang chaud. Or cette peau, pour assurer la régulation de température et les échanges avec l’extérieur, était poreuse. Notre moustique préhistorique, perdant l’équilibre, a logé son appendice très effilé dans l’orifice. Une fois à l’intérieur, il a trouvé un liquide riche et nourrissant : du sang. Il a trouvé cela tellement bon qu’il en est devenu complètement accro, et qu’il a fait partager l’aubaine à ses congénères.
Et voilà…
(à suivre)

23 avr. 2012

À GAUCHE OU À DROITE ?

Le monde animal bouge, collabore… et communique (2)
La gazelle était là, tranquille. Fatiguée par une longue journée passée à sillonner la savane, repue de toutes les herbes glanées de-ci de-là, elle pensait goûter d’un repos bien mérité au bord de sa poche d’eau favorite. Mais ce ne fut pas le cas. Elle sentit très vite le danger. D’abord un craquement dans le lointain, puis cette odeur qu’elle avait, depuis son enfance, appris à reconnaître. Elle se figea, sachant un lion tapi derrière le buisson qui jouxtait les arbres.
Elle savait qu’elle n’avait qu’une chance pour lui échapper : la fuite et la course. Heureusement, forte de son dernier chrono – elle venait de réaliser une pointe à 104 km/h, nouveau record des gazelles de la savane locale –, elle était sûre de pouvoir échapper à n’importe quel lion.
Bien, mais il s’agissait de ne pas trébucher, ni de se retrouver prise en tenaille entre plusieurs lions. Et surtout pas un guépard, son ennemi juré, le seul à pouvoir la rattraper.
Alors devait-elle partir à gauche ou à droite ?
Elle n’eut pas le temps de finir sa réflexion, car le lion jaillit brutalement. Sans réfléchir, elle partit vers la droite, et, telle une fusée, disparut dans les herbes de la savane. Le lion eut beau faire de son mieux, il ne la rattrapa pas. Pas grave se dit-il, je me ferai la suivante…
Ainsi va le monde animal. Rien n’est certain, rien n’est gagné d’avance. Quand un lion surgit, la gazelle s’en va… mais impossible de savoir si elle partira à gauche ou à droite, et pas moyen de prévoir de façon certaine l’issue du combat…
(à suivre)

19 avr. 2012

SI PETITE FOURMI !

Le monde animal bouge, collabore… et communique (1)
A proprement parler, nous regardons de haut les fourmis. Il faut dire, ou écrire en l’occurrence, qu’elles sont si petites par rapport à nous. Même pas la taille d’un de nos doigts, le plus souvent plus petites qu’un de nos ongles. Donc de leur cerveau, inutile d’en attendre grand-chose, il est si petit que nous l’imaginons insignifiant. A peine la place pour un tout petit réseau neuronal.
Avec un chien ou un chat, on peut avoir un semblant de communication. Avec un cheval, un singe ou un dauphin, aussi. Mais avec une fourmi ? Impossible de la regarder les yeux dans les yeux ; inutile de lui lancer une balle, elle ne la ramènera pas ; même à votre retour de vacances après une longue absence, n’espérez pas être accueilli par des sauts de fourmis ou des cris de joie.
Par contre, laissez tomber un peu de nourriture par terre et vous allez les voir accourir. Ou plutôt, vous allez d’abord en voir une, puis dix, puis cent, puis vous ne pourrez plus les compter.
Pourtant ces fourmis que nous méprisons, dès qu’elles sont en groupe, elles font des prouesses et elles ont largement conquis le monde. Impossible de marcher en un quelconque endroit du globe sans tomber sur une de leurs colonies.
Le record en terme de taille semble être détenu par la Formica yessensis, une espèce de fourmi des bois, qui a construit une colonie de 45 000 nids sur 1 250 hectares à Hokkaidō (Japon), abritant plus d’un million de reines et 306 millions d’ouvrières.
Bref à cause du monde animal, notre univers littéralement fourmille de vie qui va dans tous les sens. Avec la matière inerte, on avait l’entropie et le chaos, avec le végétal l’auto-organisation et la dérive naturelle. Le voilà avec le monde animal prit comme de folie : danserait-il la Saint-Guy au rythme du mouvement brownien de toutes ces espèces qui s’y sont répandues ?
(à suivre)