10 févr. 2017

À BÉNARÈS, AU PAYS DES DIEUX ET DES HOMMES

La lumière pour les Dieux, la fange pour les hommes
Bénarès est une hydre à deux têtes, Jekyll et Hyde, deux mondes parallèles, juxtaposés et entremêlés, un côté lumineux, un côté obscur.
Au bord du Gange, le pays des Dieux et de la lumière. Le soleil y balaie la moindre marche, le moindre recoin. Aucun arbre, aucun abri pour s’en protéger, juste des berges en pierres nues et sans artifices. Aucune sculpture. Aucune ombre. Rien pour se cacher. Caïn assujetti pour toujours au regard des Dieux. Aucune chance de se soustraire ni au fleuve, ni au ciel. Être au bord du Gange, c’est être écorché vif et mis à nu. Vulnérable et soumis à la puissance des éléments. L’eau et le feu.
Fait de calme et d’énergie, source de vie, le fleuve coule lentement et majestueusement. Il se nourrit des boues et des algues qui soulignent son avancée. A la fois, dernier véhicule pour les morts et bain pour les vivants, il est le cœur et le poumon. Un Dieu fluide au service duquel tout est organisé. Les rives, les échappées des ghâts, les façades des maisons, tout est décor, tout est offrande, tout est supplication. Même le soleil se courbe à l’horizon.
Les berges sont respectueuses et silencieuses. Pas de cris, pas de voitures, pas de courses. Des hommes, des femmes et des enfants y marchent, prient, chantent, méditent, ou, plus prosaïquement, s’y lavent ou lavent. Aucun formalisme, aucun cloisonnement. Un divin inclusif. Rien, ni personne n’est rejeté. Le vivant est un. Les buffles, les vaches et les chiens le savent, et se mêlent naturellement au lent ballet de l’existence.
Tel est l’univers des Dieux, celui de l’ouverture. C’est là qu’ils accueillent, enseignent et consolent.
A l’autre extrémité du monde, tout là-haut, loin, se trouve la rue. Elle serpente sur la cime, singeant sinistrement le cours du fleuve. Ici, ce n’est plus de l’eau qui coule, mais des excréments. Ici, ce n’est plus la lumière qui domine, mais le noir éternel. Ici, ce n’est plus le pays des Dieux, mais celui des hommes. 
Coincée entre les maisons qui la cernent, étroite et sournoise, la rue se faufile en arrière-plan. Elle a peur d'elle-même. Elle est encapuchonnée de toiles multiples qui la protègent de son ennemi, le jour. Le vivant y est vil, souillé et souillant, accroupi et rampant.
Y règnent le sale, la cacophonie et les heurts. Des déchets de toutes sortes conchient le sol. La pluie, loin de les nettoyer, les transforme en un cloaque de boue écœurant et répugnant. Les bruits qui retentissent et s’entrechoquent, ne sont qu’accumulations de cris, de violences et de souffrances. Pour avancer et se créer leur chemin, des motos, monstres d’acier anonymes, fendent la foule sans délicatesse, taillant à vif dans la jungle humaine et inhospitalière.
A même le sol, baignant dans l’ordure, des mendiants amputés tendent servilement la main. D’autres rampent, se servant de la boue comme d’un fluide facilitant leur reptation. Plus loin, la mélodie d’une flûte arrive difficilement à faire onduler un serpent à sonnettes, dont le maître ne charme aucun passant. Dans l’obscurité d’une échoppe, un nuage de guêpes exécute une danse macabre sur des gâteaux en décomposition. Les miasmes de la vie collent à la peau, glu nauséabonde qui infiltre tout. L’humanité y est un tas informe.
Michel Serres avait-il en tête cet univers quand il a écrit dans "le Contrat Naturel" : « À l'imitation de certains animaux qui composent leur niche pour qu'elle demeure à eux, beaucoup d'hommes marquent et salissent, en les conchiant, les objets qui leur appartiennent pour qu'ils le deviennent. Cette origine stercoraire ou excrémentielle du droit de propriété me paraît une source culturelle de ce qu'on appelle, pollution, qui, loin de résulter, comme un accident, d'actes involontaires, révèle des intentions profondes et une motivation première. »
Tel est l'univers des hommes, celui de la fange. C’est là qu'ils vivent, travaillent et blasphèment.
Régulièrement, ponctuant l’égout vivant, des boyaux latéraux surgissent. Ils sont les voies qui coulent vers la lumière. Commençant par des passages étroits, ils s’élargissent au fur et à mesure de leur descente, et finissent en ghâts majestueux. Entonnoirs inversés entre la noirceur des hommes et la beauté des Dieux, ils sont des appels à la conversion et à la foi. 
A Bénarès, pour rejoindre la vertu, il suffit de lâcher prise, de se laisser glisser et de se soumettre à l’attraction des Dieux. Il n’est nul besoin ni de lutter, ni de faire des efforts. Les Dieux y sont bons et compréhensifs. Le salut n’y est pas atteint par la douleur, mais par la douceur et la facilité. Ils parient sur l’intelligence des hommes et l’acceptation de leur faiblesse. Le Gange, hôte conciliant et infatigable, attend patiemment tous ceux qui viendront s’y plonger.
Une fois le fleuve mère atteint, si jamais la nostalgie assaillit l’humain, s’il craint de s’être trop approché des Dieux, si vivre sous leur regard constant lui pèse, si la fange quittée lui manque, si la chaleur animale lui fait défaut, alors il lui faudra escalader péniblement le ghât, marche après marche, pour se hisser ensuite dans le boyau, mètre après mètre. La lumière baissera petit à petit, jusqu’à s’éteindre. Les bruits du monde l’envahiront progressivement. Les odeurs l’abreuveront. 
Il sera libéré de l’emprise des Dieux et pourra marcher sans être vu. Oui, mais à quel prix ? A celui d’accepter la plaie et la douleur des hommes.

A Bénarès, on apprend qu’il faut choisir. Les Dieux ou les hommes. La lumière ou la fange. Le divin ou le réel. La pureté ou le mensonge. Le paradis ou la vie.

8 févr. 2017

MOONLIGHT OU LA DIFFICULTÉ DE SE COMPRENDRE ET DE S’ACCEPTER

What did you expect ?
Un enfant court pour échapper à des poursuivants, visiblement déterminés à lui faire passer un mauvais quart d’heure. Rapide et adroit, il arrive à se réfugier dans un appartement abandonné.
Juan, un dealer, qui a observé la poursuite, vient le déloger. Pour cela, il arrache un contreplaqué qui murait une des fenêtres. D’une geste leste, il enjambe l’embrasure. L’enfant, blotti contre un mur, reste muet.
En quelques plans, tout est dit.
Chiron – c’est l’enfant – sera une proie tout au long de son enfance, et croira s’en sortir en renaissant en une réincarnation de Juan, celui qui lui a rouvert une fenêtre.
Mais, comme lui dira tout à la fin du film, Kevin, son seul ami, lorsqu’il le retrouvera si différent : « It was not what I expect ». Sa seule repartie sera alors : « What did you expect ? »… jusqu’à s’abandonner dans ses bras.
Oui la vie n’est pas ce que l’on attend, et il n’est pas facile soi-même de comprendre qui on est et de l’accepter…

Moonlight est un grand film à ne pas manquer.

15 janv. 2017

POUR UNE VRAIE DÉMOCRATIE : PERMETTRE À CHAQUE CITOYEN DE CHOISIR CE QU'IL ACHÈTE

Radio Notre Dame le 10 janvier : Nicolas Chabanne et Robert Branche interviewés par Philippe Delaroche
La démocratie citoyenne a deux jambes, l'une politique, l'autre économique.

Zoom sur la dimension économique : comment permettre à chaque citoyen de peser par les choix d'achat qu'il fait !

4 janv. 2017

GAËL FAYE : « C’EST QUOI LA TÉLÉ… »

Faites le silence autour de vous et en vous, et prenez le temps d'écouter, digérer et faire vôtres ces mots qui ne sont pas que des mots...


"LE MILLE-FEUILLE N'EST PAS LE PROBLÈME MAIS LA SOLUTION !"

Interview de Robert BRANCHE par Bruno Bronchain

SUR SUD RADIO, LE PROGRAMME COLLABORATIF DES CITOYENS

"Si vous pensez que la solution doit venir du haut, que la solution ne doit pas venir des professionnels, qu'il faut trier parmi les Français, ne venez pas participer au programme des Citoyens !"

COMMENT REDONNER LE POUVOIR AUX TERRITOIRES ET AUX CITOYENS

Alexandre Jardin et Robert Branche étaient en live sur M6 pour présenter le mouvement Les Citoyens

Adhérez au mouvement les Citoyens : www.lescitoyens1.fr pour participer à la co-construction du programme

30 déc. 2016

HAPPY NEW YEAR

Nothing is ended
To Rithan
Year is about to end, but life not.
Remember you, next to me on the bench in the airport,
Remember you, walking away from me in the airport,
Remember you, gently crying at our last Skype talk.
Hard to be, ten hours from you,
Hard to be, with just thoughts of you,
Hard to be, without your smell and your touch.
Life was not supposed to go that way.
Don’t give up, our story is not ended,
Don’t give up, even if your time is hard,
Don’t give up, be my white tiger.
Three years ago, I was in your arms,
Three years ago, you were supposed to come,
Three years ago, all had fallen apart.
A new year is about to start, our new life will too!

28 déc. 2016

LE COURAGE DES OISEAUX

Savoir être là, juste là
Il y a quelques années, la chanson « Le courage des oiseaux » de Dominique A m’a inspiré un poème qui reste mon préféré (allez donc écouter à la fin de ce post la version publique de cette merveilleuse chanson et  qui est une de mes préférées).
Il exprime profondément ce que je crois et qui je pense être. 
Mélange de volonté et de passivité, d’orgueil et de soumission. 
Comme les oiseaux, j’ai appris à chanter dans le vent glacé. 

Suis-je aussi courageux ? 
Comment pourrais-je répondre ?
J'essaie au moins…
Voilà donc à nouveau ce poème. Tel quel. Pas un mot à changer, ni une virgule à ajouter.
Être là, juste là - Le courage des oiseaux
Si seulement nous avions le courage des oiseaux qui chantent dans le vent glacé,
Nous pourrions, immobiles et stoïques,
Sans rien attendre, ni espérer,
Résister et nous opposer.
Notre regard, fixé dans le lointain, vers ce futur qui n’arrive pas,
Nous pourrions, tranquillement et posément,
Ne pas faillir, ne pas oublier,
Être là, simplement, intensément présent.
Mais nous ne savons que voler et bouger.
Alors, comme une feuille emportée par le vent,
Nous oublions le pourquoi et le comment,
Nous nous retrouvons là où nous ne voulions pas.
Notre regard fixé vers un futur qui n’est plus que passé,
Nous pleurons nos illusions perdues,
Nous crions après un Dieu absent.



Si seulement nous avions le courage des oiseaux qui chantent dans le vent glacé…

25 déc. 2016

A COHEN QUI RESTERA LE PLUS BEAU DE MES CADEAUX

Cadeau de Noël
MERCI
Tes mots toujours et encore, 
Dans le noir d’un passé repensé,
Cailloux de ma vie et ses heurts.
D’imperméables mouillés pour après-midis de solitude
En « je suis ton mec » aux pieds d’Apollons de passage,
De Suzanne transformées en Jules mais pas moins folles pour autant
En Chelsea hôtels où l’on me fit des exceptions,
De bêtes qui n’ont pas voulu aller dormir
En cartes sans cesse retournées à la recherche de la bonne, 
D’années qui passent sans que j’y prête attention
En « tue moi si tu peux », « aime moi si tu veux »,
De jours courus sur un fil à la poursuite de ma liberté
En étranger que je n’ai jamais cessé d’être.
Tes mots toujours et encore,
Sans lesquels ma vie ne serait mienne,
Sans lesquels rien n’aurait été possible.

Merci à toi qui nous a quitté…