La performance des entreprises ne viendra pas d’un carcan rénové et d’une absence de responsabilité
Trois remarques préalables :
- Le décrochage des entreprises françaises industrielles ne date pas de la mise en place des 35 heures. On constate une lente érosion régulière de la part de l’industrie dans le PIB, ce en suivant une courbe parallèle à celle de l’Allemagne (voir la courbe ci-jointe – source Banque Mondiale). Il y a donc bien un problème structurel en France, et les politiques menées depuis plus de 30 ans n’ont rien changé, ni même infléchi la pente. Accuser les 35 heures est donc inexact.
- Il ne faut pas confondre compétitivité des entreprises et coût salarial : analyser la compétitivité des entreprises uniquement à partir du coût salarial est une erreur profonde, car aujourd’hui la performance d’une entreprise repose d’abord sur le niveau d’engagement de ses collaborateurs, leur compréhension et leur adhésion à la vision et à la stratégie, l’adéquation entre leur formation et les tâches à entreprendre, leur capacité à travailler ensemble et à prendre les bonnes initiatives… et très secondairement ensuite sur leur coût direct.
- Au moment de l’accroissement de la complexité des relations économiques, il est de moins en moins possible de décider depuis le centre. La performance des entreprises dépend de plus en plus de leur capacité à se décentraliser, et à savoir tirer parti de ce qu’elles n’avaient pas prévu. Il serait donc paradoxal d’imaginer que l’État pourrait mieux qu’hier décider efficacement et uniformément pour toutes les entreprises.
Aussi pour redonner un dynamisme aux entreprises françaises, il ne s’agit pas d’améliorer le carcan administratif, - par exemple en passant de 35 à 39 heures ou en révisant l’âge de départ à la retraite -, mais de logique, ne plus croire que c’est l’État et ses représentants qui sont les mieux placés pour décider, et arrêter de faire croître le millefeuille des interventions publiques.
Cette nouvelle logique pourrait reposer sur les principes suivants :
- Accepter les spécificités des situations et ne plus décider de façon uniforme pour toutes les entreprises et les secteurs,
- Abandonner un raisonnement qui définit un temps de travail hebdomadaire, un temps de formation (incluant ou non la formation initiale supérieure) et un âge normal de départ à la retraite, et ce de façon séparée,
- Passer à une approche beaucoup plus globale qui relie retraite avec un cumul d’heures effectivement travaillées (incluant ou non la formation) ; permette à chacun d’arbitrer entre travailler globalement plus pour partir plus tôt à la retraite, ou partir à la même date mais avec une retraite plus élevée, … ou travailler peu et partir plus tôt mais avec une retraite faible ; autorise aussi à pouvoir moduler son temps de travail annuel ou mensuel, pour soit augmenter son revenu, soit cumuler plus rapidement des droits à la retraite,
- Procéder à des négociations sur tous ces points au sein des entreprises ou par branche,
- Inclure dans ces négociations la formation professionnelle
Bref considérer chacun comme un adulte responsable, ne pas l’infantiliser en le mettant dans des carcans rigides, et faire confiance aux négociations locales.
L’État aurait pour rôle :
- de faciliter et susciter si nécessaire ces discussions,
- de définir des minima et des garde-fous pour protéger les personnes les plus vulnérables.
Je suis conscient du changement que représenterait une telle approche par rapport à nos habitudes. Mais pouvons-nous continuer à appliquer les recettes qui entretiennent notre déclin ?